BGE 140 II 473 | |||
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42. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre SEDRAC et Commission foncière rurale (recours en matière de droit public) |
2C_1036/2013 du 5 novembre 2014 | |
Regeste |
Art. 65 Abs. 1 lit. b BGBB; Erwerb landwirtschaftlicher Grundstücke als Realersatz durch die öffentliche Hand; Begriff des "nach Plänen des Raumplanungsrechts vorgesehenen Werkes". |
Die Umzonung eines Grundstücks aus einer Landwirtschafts- in eine Aktivitätszone von kantonaler Bedeutung erfüllt diese Vorgaben nicht. Die betroffene öffentlich-rechtliche Körperschaft kann deshalb die gewünschten landwirtschaftlichen Grundstücke nicht erwerben, um sie gegen jene in der vorgesehenen Aktivitätszone von kantonaler Bedeutung einzutauschen (E. 3.5 und 4). | |
Sachverhalt | |
La Société d'équipement de la région d'Ajoie et du Clos du Doubs (ci-après: la SEDRAC) est une association de droit public, dont peuvent être membres la République et canton du Jura, ainsi que les communes du district de Porrentruy. Son objectif consiste dans l'achat, l'équipement et la mise à disposition d'immeubles industriels propres à assurer un développement économique harmonieux dans le district de Porrentruy.
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Pour pallier la pénurie de terrains équipés et bien situés, cette association a décidé de développer une nouvelle zone d'activités d'intérêt cantonal à C. Les propriétaires des terrains concernés sont a priori d'accord de céder les surfaces nécessaires, mais demandent d'autres terres en compensation. Une promesse de vente a ainsi été signée avec Z., propriétaire de l'immeuble feuillet n° y du ban de D., d'une surface de 133'744 m2. Cette parcelle est en zone agricole et prise à ferme par X., agriculteur. La SEDRAC entend acquérir ce terrain dans le but de l'échanger avec les terres agricoles qui passeraient en zone à bâtir dans le cadre de la réalisation de la nouvelle zone d'activités d'intérêt cantonal.
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Par décision du 6 juillet 2012, la Commission foncière rurale du canton du Jura (ci-après: la Commission foncière) a notamment constaté que la SEDRAC, à certaines conditions, pourrait être autorisée à acquérir l'immeuble en question pour l'échanger contre ceux situés dans la future zone d'activités d'intérêt cantonal.
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Le 26 février 2013, statuant sur opposition de X., la Commission foncière a partiellement modifié sa décision en ce sens qu'elle a constaté que la SEDRAC ne pourrait être autorisée à acquérir l'immeuble en question: selon l'art. 65 al. 1 let. b de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR ou la loi sur le droit foncier rural;RS 211.412.11), l'acquisition par la collectivité publique ou par ses établissements est autorisée quand elle sert au remploi en cas d'édification d'un ouvrage; or, le "dézonage" de terrains agricoles en zone à bâtir ne constituait pas un ouvrage.
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Par arrêt du 30 septembre 2013, le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a admis le recours de la SEDRAC. Il a jugé que celle-ci souhaitait équiper une future zone industrielle, ce qui devait être considéré comme un ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire au sens de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours de X. et annulé l'arrêt attaqué. Il a constaté que la SEDRAC ne pourra pas être autorisée à acquérir l'immeuble feuillet n° y du ban de D. celui-ci ne pouvant servir de remploi.
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(résumé)
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Extrait des considérants: | |
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Pour sa part, le recourant prétend que les juges précédents ont donné à la notion d'ouvrage de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR une définition et en ont fait une application que le législateur n'a pas voulues: le "dézonage" de terrains agricoles en zone à bâtir ne devrait pas être considéré comme un "ouvrage" au sens de cette disposition.
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2.1 La décision de constatation (art. 84 let. b LDFR), qui est à distinguer de la décision d'autorisation (art. 61 LDFR), permet à celui qui y a un intérêt légitime de, notamment, "faire constater par l'autorité compétente en matière d'autorisation si l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole peut être autorisée".
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L'art. 65 al. 1 LDFR, qui traite des acquisitions par les pouvoirs publics, prévoit:
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"L'acquisition par la collectivité ou par ses établissements est autorisée quand:
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a. elle est nécessaire à l'exécution d'une tâche publique prévue conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire;
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b. elle sert au remploi en cas d'édification d'un ouvrage prévu conformément aux plans du droit de l'aménagement du territoire et que la législation fédérale ou cantonale prescrit ou permet la prestation d'objets en remploi."
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L'art. 65 al. 1 LDFR distingue ainsi deux hypothèses: d'une part, l'acquisition avec affectation directe à une tâche d'intérêt public (al. 1 let. a); d'autre part, l'achat dans le but du remploi (al. 1 let. b).
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Erwägung 3 | |
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Ainsi, si l'interprétation littérale ne permet pas à elle seule de définir si le déclassement d'une zone agricole pour en faire une zone d'activités d'intérêt cantonal constitue un ouvrage au sens de l'art. 65 LDFR, elle irait plutôt dans le sens d'une réponse négative.
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Erwägung 3.2 | |
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Le texte adopté prévoyait:
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"L'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole est refusée lorsque:
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...
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c. l'acquéreur dispose déjà juridiquement ou économiquement de plus d'immeubles agricoles qu'il n'en faut pour offrir à une famille paysanne des moyens d'existence particulièrement bons;
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..."
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Le conseiller national Peter Hess a alors proposé d'ajouter à cette disposition un alinéa 2, dont la teneur était la suivante (BO 1991 CN 865):
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"Le motif du refus prévu à la lettre c ne s'applique pas à la collectivité ni à ses établissements ou institutions d'utilité publique lorsque l'acquisition sert au remploi pour des immeubles libérés en vue de la construction."
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Une telle conclusion ne peut être tirée de ce refus. Il apparaît, en effet, que les débats aux chambres n'ont pas porté sur la notion d'ouvrage (l'alinéa 2 proposé ne contenait d'ailleurs même pas le terme "ouvrage" mais mentionnait celui de "construction" ["Grundstücke" dans la version allemande]), telle qu'elle doit être ici définie et on ne peut donc rien en déduire d'utile pour le présent cas. La lecture des débats démontre que si les parlementaires ont refusé la proposition Hess c'était par volonté de ne pas octroyer des privilèges à l'Etat qui auraient permis à celui-ci d'acquérir librement des terrains: lorsque la collectivité publique agissait à l'instar d'un propriétaire privé et non pas dans un but d'intérêt public, elle ne devait pas être traitée autrement qu'un particulier et n'avait pas à être favorisée. Les parlementaires voulaient éviter que la collectivité publique ne fasse l'acquisition de terrains situés en zone agricole pour les thésauriser (BO 1991 CN 865-867). Il s'agissait d'empêcher que la collectivité publique, arguant de la possibilité d'éventuels remplois, effectue des acquisitions importantes, voire se lance dans des achats qui feraient grimper les prix (BEAT STALDER, Die verfassungs- und verwaltungsrechtliche Behandlung unerwünschter Handänderungen im bäuerlichen Bodenrecht, 1993, p. 184). Ne se présente pas ici un tel cas de figure. On ne peut donc rien déduire pour la présente affaire du rejet de la proposition Hess, tout en gardant à l'esprit que les parlementaires ont eu une approche restrictive de l'acquisition de terrains par la collectivité publique, y compris dans le cadre du remploi.
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En conclusion, l'interprétation historique ne se révèle pas concluante.
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En effet, la loi sur le droit foncier rural préserve le fermier en ceci que, lors de l'aliénation d'un immeuble ou d'une entreprise agricole, celui-ci bénéficie, à certaines conditions, d'un droit de préemption légal (art. 47 LDFR). Or, lorsque des parcelles sont acquises en remploi, le fermier perd ce droit (art. 216c al. 2 CO; FF 1988 III 1017 ad art. 216c CO). Ainsi, si l'on devait interpréter extensivement la notion d'ouvrage au sens de l'art. 65 LDFR, on réduirait les cas où le fermier peut faire valoir son droit de préemption et l'on irait à l'encontre d'un des buts de la loi.
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L'analyse téléologique n'est donc pas déterminante mais elle va dans le sens d'une interprétation restrictive de la notion en cause.
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La notion d'ouvrage est ainsi proche de celle de "construction" qui est elle présente dans la loi sur l'aménagement du territoire. Le Tribunal fédéral en a donné une définition dans le cadre de l'art. 22 al. 1 LAT; il a retenu que sont considérés comme des constructions ou installations tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 113 Ib 314consid. 2b p. 315; 123 II 256 consid. 3 p. 259). Cette définition s'applique aussi bien aux ouvrages publics qu'aux ouvrages privés (ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 489 p. 214).
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On peut ainsi déduire de ce qui précède que le législateur vise, à l'art. 65 al. 1 let. b LDFR, des ouvrages concrets édifiés dans l'intérêt public, tels que des routes, des voies de chemins de fer, des conduites, des installations de production d'énergie et autres projets ayant des effets significatifs sur l'organisation du territoire (STALDER/BANDLI, op. cit., n° 9 ad art. 65 LDFR p. 886).
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Toujours selon la doctrine, dans la mesure où sont en jeu des infrastructures de l'Etat, le renvoi aux plans du droit de l'aménagement du territoire désigne les plans sectoriels au sens de l'art. 13 LAT, tels notamment les plans de la circulation, d'infrastructure aérienne ou de transmission par câbles. A l'échelon cantonal, ce renvoi concerne des ouvrages qui sont la plupart du temps prévus dans les plans directeurs cantonaux au sens de l'art. 8 LAT (YVES DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural, 1999, n. 556 ss p. 214; STALDER/BANDLI, op. cit., nos 7 et 9 ad art. 65 LDFR p. 884 ss; BEAT STALDER, op. cit., p. 184).
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On peut encore mentionner qu'en matière d'aménagement du territoire sont notamment admis dans les zones réservées aux constructions publiques les immeubles administratifs, les constructions scolaires, sportives et hospitalières, les constructions ecclésiales, les cimetières, les places de parc (ALEXANDER RUCH, in Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Aemisegger/Moor/Ruch/Tschannen [éd.], 2010, n° 79 ad art. 22 LAT p. 40; ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, op. cit., n. 526 ss p. 238). Ainsi, la construction de tels ouvrages ne tombe en principe pas sous le coup de l'art. 65 LDFR, puisqu'ils ne peuvent être réalisés que sur une parcelle constructible ou bénéficiant d'une dérogation hors zone (art. 24 LAT).
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Erwägung 3.5 | |
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3.5.2 En conclusion, une zone d'activités d'intérêt cantonal n'est pas un ouvrage au sens de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR et sa création ne servirait qu'indirectement et qu'éventuellement l'intérêt public; partant, une telle zone ne remplit pas les conditions de l'art. 65 al. 1 let. b LDFR.
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Le recours doit ainsi déjà être admis sous cet angle. Par conséquent, la question, soulevée par les parties, de la relation entre la zone d'activités d'intérêt cantonal et le plan directeur, ainsi que celle de savoir si une mesure de planification est un projet concret, peuvent rester ouvertes.
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La SEDRAC, association de droit public dont les membres sont la République et canton du Jura et les communes du district de Porrentruy, dont l'intérêt pécuniaire n'est qu'indirectement en cause, n'a pas à supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). En revanche, elle versera une indemnité de dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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