BGE 144 II 376 | |||
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32. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. contre Aéroport International de Genève (recours en matière de droit public) |
2C_854/2016 du 31 juillet 2018 | |
Regeste |
Entzug des Flughafenausweises; Verfügungsbefugnis des Flughafens Genf. | |
Sachverhalt | |
A. Par acte du 17 mars 2016 qualifié de décision, l'Aéroport International de Genève (ci-après: l'Aéroport) a retiré la carte d'identité aéroportuaire (également appelée CIA) de A., employé d'une société de service indépendante de l'Aéroport. Cette carte permettait à l'intéressé d'accéder aux zones sécurisées situées sur le site. L'Aéroport a motivé ce retrait en expliquant que, dans le cadre d'un contrôle, les services de police genevois avaient indiqué posséder des renseignements défavorables au sujet de A. Ceux-ci entraient en conflit avec les critères du Programme national de sûreté de l'aviation civile (aussi appelé NASP) qui prévalaient pour l'octroi de la carte d'identité aéroportuaire. Une voie de recours auprès du Tribunal administratif fédéral était mentionnée au terme de cet acte.
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B. Statuant sur recours de A., le Tribunal administratif fédéral, par arrêt du 21 juillet 2016, a déclaré celui-ci irrecevable. Il a considéré en substance que l'Aéroport n'était pas habilité à rendre des décisions et que partant, comme il n'existait pas de décision attaquable, le Tribunal administratif fédéral était incompétent pour traiter du recours.
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C. A l'encontre de l'arrêt du 21 juillet 2016, A. forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, à la constatation de la compétence du Tribunal administratif fédéral et au renvoi de la cause à cette autorité, afin qu'elle rende une décision dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, il requiert la constatation de la nullité de la décision de l'Aéroport du 17 mars 2016 et, plus subsidiairement encore, l'annulation de cette décision et la restitution de sa carte d'identité aéroportuaire. Si, par impossible, le Tribunal fédéral devait confirmer l'irrecevabilité du recours auprès du Tribunal administratif fédéral, le recourant demande à ce que l'autorité compétente de première instance soit déterminée et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal administratif fédéral de lui renvoyer la cause. A titre préalable, il requiert l'assistance judiciaire.
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Dans sa réponse, l'Aéroport s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours au Tribunal fédéral et à l'instance compétente pour connaître du recours contre sa décision du 17 mars 2016, tout en demandant à ce que A. soit débouté de toutes autres ou contraires conclusions. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'instance compétente pour une instruction au fond.
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Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: le Département fédéral) a renvoyé aux observations de l'Office fédéral de l'aviation civile (ci-après: l'Office fédéral). Ce dernier a déclaré renoncer à présenter des conclusions, tout en soulignant qu'à son avis, l'arrêt du Tribunal administratif fédéral ne souffrait d'aucune discussion.
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L'Aéroport a formé des observations au sujet de la prise de position de l'Office fédéral pour confirmer les fondements de sa compétence décisionnelle.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il entre en matière sur le recours.
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Extrait des considérants: | |
Erwägung 6 | |
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Erwägung 7 | |
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Selon la jurisprudence, la compétence de rendre des décisions au sens de l'art. 5 PA (RS 172.021) est un privilège - et un monopole - de souveraineté de la puissance publique. Pour que des personnes juridiques extérieures à l'administration puissent être habilitées à le faire, une base légale formelle est nécessaire (ATF 138 II 134 consid. 5.1 p. 158). Toutefois, la délégation de tâches publiques à un organisme extérieur à l'administration peut implicitement comprendre le pouvoir décisionnel nécessaire à leur accomplissement, pour autant qu'une loi spéciale ne l'exclue pas et que l'exercice d'un tel pouvoir de décision soit indispensable à l'organisme concerné pour réaliser lesdites tâches. Le plus souvent, la question de savoir si la délégation d'une tâche publique englobe celle d'un pouvoir décisionnel ne trouve pas de réponse évidente dans le texte légal et il faut déterminer par voie d'interprétation l'existence et, le cas échéant, l'étendue et le champ d'application précis d'un tel pouvoir (cf. ATF 137 II 409 consid. 6.2 p. 412 et les références citées, en particulier à l'arrêt 2C_715/2008 du 15 avril 2009 consid. 3.2).
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Le canton de Genève a confié la gestion et l'exploitation de l'aéroport, dans les limites de la concession fédérale, à un établissement de droit public autonome et doté de la personnalité juridique (cf. art. 1 de la loi cantonale genevoise du 10 juin 1993 sur l'Aéroport international de Genève [LAIG; rs/GE H 3 25]). L'Aéroport, en tant qu'établissement de droit public, est donc habilité à exercer les prérogatives de puissance publique dont il a besoin pour réaliser les tâches qui lui sont confiées (ATF 129 II 331 consid. 2.3.1), en particulier par le droit fédéral.
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La LA contient en revanche de nombreuses clauses de délégation en faveur du Conseil fédéral. Parmi celles-ci, l'art. 12 al. 1 LA prévoit que: "le Conseil fédéral édicte des prescriptions de police, notamment pour garantir la sécurité de l'aviation, pour prévenir des attentats (...)". Il est aussi indiqué, à l'art. 63 LA, que le Conseil fédéral détermine, dans l'ordonnance d'exécution ou des règlements spéciaux, les droits et obligations du personnel aéronautique, dans les limites des accords internationaux et de la législation fédérale. Enfin, l'art. 109 LA prévoit que le Conseil fédéral est autorisé à prendre, jusqu'au règlement par la loi, les mesures que commandent: a. l'exécution des accords internationaux relatifs à l'aviation qui ont été approuvés par les Chambres fédérales; b. l'application à la circulation aérienne en Suisse des règles contenues dans ces accords; c. l'admission de nouveautés techniques dans le domaine de l'aviation.
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8.3 Sur le plan international, l'annexe I au règlement d'exécution (UE) 2015/1998 de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en oeuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile est consacrée à la sûreté dans les aéroports (JO L 299/3 du 14 novembre 2015; ci-après: l'annexe au règlement 2015/1998). Il découle de cette annexe que, parmi les personnes qui sont autorisées à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé figurent les personnes titulaires d'une carte d'identification aéroportuaire valable (art. 1.2.2.2 let. c). Le ch. 1.2.3 de l'annexe I au règlement précité prévoit que toute carte d'identification de membre d'équipage d'un membre d'équipage employé par un transporteur aérien de l'Union et toute carte d'identification aéroportuaire ne peuvent être délivrées qu'à une personne ayant un besoin opérationnel et ayant passé avec succès une vérification de ses antécédents conformément au point 11.1.3 (ch. 1.2.3.1). Les cartes d'identification de membres d'équipage et les cartes d'identification aéroportuaires doivent être délivrées pour une période ne dépassant pas cinq années (ch. 1.2.3.2). La carte d'identification d'une personne ayant échoué à une vérification de ses antécédents doit être immédiatement retirée (ch. 1.2.3.3). Les dispositions du règlement 2015/1998 sont contraignantes pour la Suisse (cf. ch. 4 annexe de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien; RS 0.748.127.192.68; ci-après: l'Accord sur le transport aérien; cf. aussi infra consid. 9.4.1).
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Le Conseil fédéral a également adopté l'ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation (OSAv; RS 748.01). L'art. 122a OSAv prévoit que:
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"Tout exploitant d'un aérodrome suisse ouvert au trafic aérien commercial international définit dans un programme de sûreté les mesures qu'il entend prendre, suivant la gravité de la menace, afin de prévenir tout acte dirigé contre la sûreté de l'aviation civile (al. 1).
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Le programme de sûreté est soumis à l'approbation de l'OFAC (al. 2).
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Le Département ordonne les mesures de sûreté, après consultation notamment de l'exploitant de l'aéroport (cf. al. 4)".
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L'OSAv détermine en outre les dispositions applicables et indique, à son article 122c al. 1, que:
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"Pour autant qu'aucune disposition particulière ne soit prévue dans la présente section concernant les mesures de sûreté ainsi que dans les prescriptions d'exécution, sont applicables:
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a) les dispositions directement applicables de l'annexe 17 à la convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale qui lient la Suisse; et
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b) les dispositions du droit de la Communauté européenne applicables pour la Suisse".
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L'alinéa 3 de l'art. 122c OSAv prévoit enfin que l'OFAC édicte les prescriptions nécessaires, en particulier le programme national de sûreté de l'aviation civile.
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8.5 En application notamment des art. 122a al. 4 et 122c al. 1 OSAv, le Département a édicté, le 20 juillet 2009, une ordonnance sur les mesures de sûreté dans l'aviation (OMSA; RS 748.122). Cette ordonnance tend à concrétiser les prescriptions de sûreté exigées par le droit européen (STÖLZLE/HOFSTETTER/WESSELY, Der Einfluss der Auslegung supranationaler Regulierungen auf die Wettbewerbsfähigkeit der Schweizer Luftfracht, in Auswirkungen supranationaler Regulierung in der Luftfahrt, Müller/Wittmer [éd.], 2008, p. 138 ss, 150 s.). L'art. 4 al. 1 OMSA prévoit que les mesures destinées à garantir la sûreté des aéroports en vertu de l'annexe I du règlement (CE) n° 300/2008 et de l'annexe au règlement d'exécution (UE) 2015/1998 sont du ressort de l'exploitant d'aéroport. Selon son alinéa 3, l'exploitant d'aéroport assure l'habilitation de sûreté de l'ensemble du personnel qui exerce une activité dans la zone de sûreté à accès réglementé.
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9.3 La réglementation concernant les cartes d'identification aéroportuaires trouve son origine dans les textes communautaires. Comme on l'a vu, l'annexe au règlement 2015/1998 prévoit les conditions à la délivrance et au retrait de telles cartes, en exigeant notamment le retrait immédiat en cas d'échec à une vérification concernant son titulaire (cf. supra consid. 8.3).
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Ces règles européennes ont été concrétisées dans l'OMSA. Ainsi, à l'art. 4 al. 1 et 3 OMSA, le Département, sur délégation du Conseil fédéral (cf. art. 122a et 122c OSAv), a précisé que les mesures destinées à garantir la sûreté des aéroports figurant notamment dans l'annexe au règlement 2015/1998 sont du ressort de l'exploitant de l'aéroport, qui doit en particulier assurer l'habilitation de sûreté de l'ensemble du personnel actif dans la zone de sûreté à accès réglementé. Ce faisant, le Département a désigné expressément l'exploitant de l'aéroport comme compétent pour prendre les mesures de sûretés prévues à l'annexe au règlement 2015/1998 auquel il est renvoyé. Contrairement à ce que soutient le Tribunal administratif fédéral, ce renvoi comprend implicitement et nécessairement le pouvoir de rendre des décisions de la part de l'autorité qui est désignée comme compétente à l'art. 4 OMSA, à savoir l'exploitant d'aéroport. Sans pouvoir décisionnel, on conçoit mal que l'Aéroport puisse assurer l'habilitation de sûreté du personnel actif dans la zone à accès réglementé et, en particulier, garantir le retrait immédiat de la carte et de l'accès aux zones de sécurité du personnel ayant subi un échec de vérification, comme imposé par le droit européen. Cette compétence décisionnelle est donc indispensable à la réalisation des prescriptions prévues par l'annexe au règlement 2015/1998.
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Certes, la compétence de l'exploitant d'aéroport en matière d'octroi et de retrait de cartes aéroportuaires n'est expressément mentionnée que dans une ordonnance du Département (art. 4 OMSA). Toutefois, cette disposition précise l'obligation générale conférée par l'art. 36a LA à l'exploitant d'aéroport consistant à mettre à disposition des usagers une exploitation sûre, en lien avec les exigences concrètes imposées par le droit européen. Il se trouve que le législateur fédéral a lui-même expressément renoncé à prendre les mesures d'exécution nécessaires à la concrétisation de l'annexe au règlement 2015/1998 en déléguant cette tâche au Conseil fédéral (cf. art. 109 LA). Que ce dernier ait confié au Département en charge de l'aviation civile de désigner l'autorité compétente pour gérer le personnel et les accès aux zones protégées ne saurait signifier que l'exploitant de l'aéroport, désigné par le Département, ne pourrait, faute de base légale suffisante, disposer d'un pouvoir décisionnel.
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9.5 La position consistant à nier à l'Aéroport une compétence décisionnelle exprimée par l'Office fédéral ne peut être suivie. Cet Office soutient que, sous réserve de quelques rares exceptions, il serait seul habilité à rendre des décisions en matière de droit aérien, tout en faisant une distinction entre les "décisions de fait" que l'Aéroport pourrait prendre et les décisions "de droit", qui seules lui incomberaient. Il considère ainsi que l'Aéroport pourrait délivrer un certificat d'identité aéroportuaire et le retirer, mais sans rendre de décision, renvoyant les personnes souhaitant contester le retrait auprès de l'Office fédéral qui lui seul pourrait alors rendre une décision. Un tel mécanisme procédural n'a aucune assise dans la loi et va à l'encontre de l'art. 4 al. 1 et 3 OMSA. A cela s'ajoute que ce raisonnement, par la distinction qu'il fait entre "décision de fait et de droit" perd de vue que l'art. 5 PA ne contient pas une telle distinction. Or, le certificat d'identité aéroportuaire n'est pas un acte purement déclaratoire. Il permet l'accès de son titulaire à des zones sécurisées de l'Aéroport. Par conséquent, tant sa délivrance que son retrait constituent une décision au sens de l'art. 5 PA.
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9.7 Il en découle que la compétence décisionnelle de l'Aéroport en matière de retrait de cartes d'identité aéroportuaires doit être admise en vertu du droit fédéral. Par conséquent, le Tribunal administratif fédéral ne pouvait refuser d'entrer en matière sur le recours au motif que l'acte de retrait du 17 mars 2016 n'était pas une décision, dès lors qu'elle n'émanait pas d'une autorité compétente ratione materiae.
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