BGE 121 III 467 | |||
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90. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 décembre 1995 dans la cause I. S.A. contre C. et Caisse de chômage X. (recours en réforme) | |
Regeste |
Arbeitsvertrag; fristlose Kündigung (Art. 337 OR). | |
Sachverhalt | |
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Le 6 mai 1993, l'administration d'I. S.A. a informé C. que la direction de la société serait assumée à partir du 17 mai par un tiers, et que son salaire serait réduit à 7'000 fr., treize fois l'an. C. ayant refusé cette décision, I. S.A., par pli recommandé du 26 mai 1993, l'a licencié avec effet immédiat, en invoquant une dénonciation d'une Commission paritaire, des prélèvements effectués par le travailleur dans la caisse de la société pour des besoins personnels, une protection accordée à un concurrent, l'inobservation d'instructions et une mauvaise administration journalière d'I. S.A.
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C. a contesté ces motifs; il a travaillé jusqu'au 4 juin 1993 et perçu son salaire, qui était alors mensuellement de 8'150 fr. brut, jusqu'au 30 juin 1993. Le 7 juin 1993, il s'est annoncé à l'assurance-chômage.
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C. a ouvert action contre I. S.A. et lui a réclamé la somme de 76'950 fr., montant porté ultérieurement à 89'650 fr., à titre de salaire pour la période contractuelle de congé, d'indemnité égale à six mois de salaire pour congé abusif et de remboursement de frais.
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I. S.A. s'est opposée à l'action. La Caisse de chômage X. a demandé à pouvoir être subrogée aux droits du demandeur à concurrence des prestations qu'elle lui avait versées.
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Par jugement du 22 novembre 1993, le Tribunal des prud'hommes a condamné la défenderesse à payer au demandeur, à titre de salaire, 40'750 fr. en capital, sous déduction des charges sociales, dont 15'630 fr. 60 à rétrocéder à la Caisse de chômage X., ainsi que 24'530 fr. en capital représentant une indemnité pour licenciement abrupt de 24'450 fr. égale à trois mois de salaire et un remboursement de frais, par 80 fr.
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Sur appel principal de la défenderesse et appel incident du demandeur, la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt du 4 avril 1995, préalablement, a débouté la défenderesse de sa demande d'apport d'une procédure pénale ouverte dans le canton de Vaud contre le demandeur, et, principalement, a confirmé le jugement déféré.
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I. S.A. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que la juridiction fédérale, statuant à nouveau, procède à l'apport de la procédure pénale vaudoise et déboute entièrement le demandeur; subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour que celle-ci complète son instruction, notamment par l'apport de ladite procédure pénale, et statue à nouveau.
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Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Extrait des considérants: | |
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b) La Chambre d'appel a considéré que les motifs avancés par la défenderesse n'étaient pas fondés, notamment celui relatif aux prélèvements, portant sur un total de 9'000 fr., opérés par le demandeur dans la caisse de la société qui l'employait, prélèvements qui au reste avaient été tous remboursés par le demandeur.
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Les magistrats cantonaux ont retenu que les prélèvements ne se rapportaient en réalité qu'à une somme de 3'500 fr. que le demandeur a retirée pour des besoins familiaux, quand bien même il avait reçu pour instruction de ne pas opérer de prélèvements personnels. Ce fait, compte tenu de l'ensemble des circonstances, à savoir la bonne foi de l'intéressé, les motifs du prélèvement et le remboursement effectué, ne constituait pas un juste motif de licenciement immédiat, d'autant plus que les supérieurs respectifs du demandeur, qui contrôlaient périodiquement la "petite caisse", n'avaient pas à l'époque formulé d'observations.
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A propos des prélèvements effectués par le demandeur dans la caisse de la défenderesse, la recourante se contente d'alléguer que l'autorité cantonale a minimisé la gravité du comportement de son employé et se réfère à des témoignages non repris dans l'arrêt attaqué, et cela sans même tenter de démontrer en quoi les juges cantonaux auraient violé sur ce point l'art. 337 CO. Cette critique, non développée, est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre qu'il a été définitivement jugé que les motifs indiqués dans la lettre de licenciement n'étaient pas propres à justifier la résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs.
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b) Sous l'empire de l'ancien droit, le Tribunal fédéral avait admis que l'art. 352 aCO (qui correspondait à la teneur de l'actuel art. 337 CO) n'interdisait pas au juge de prendre en considération des circonstances qui existaient à l'époque de la déclaration de résiliation, mais qui n'étaient pas connues de l'auteur de celle-ci, et cela surtout si les motifs découverts après coup relevaient de la personne ou de l'attitude du partenaire (ATF 92 II 184 consid. 4c et d p. 188).
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Toujours à la lumière de la même disposition, le Tribunal fédéral a jugé ultérieurement qu'un nouveau motif, qui n'existait pas lors de la résiliation, pouvait être invoqué postérieurement à la notification de la résiliation pour autant cependant qu'il était en étroite corrélation avec le motif déjà invoqué ou s'il formait un tout avec ce dernier; la juridiction fédérale a précisé qu'un motif important qui surviendrait postérieurement, mais qui ne serait pas en corrélation avec un motif précédent, ne pourrait pas guérir ("heilen") une résiliation donnée antérieurement sans justes motifs (ATF non publié du 26 juin 1990 dans la cause E. AG, consid. 1d/bb, cité dans l'ATF du 15 juillet 1992 dans la cause C. publié in: SJ 1993 p. 368). Dans ce dernier arrêt du 15 juillet 1992, au consid. 2c/aa, le Tribunal fédéral a encore ajouté ce qui suit: "Il n'apparaît pas que la question doive être résolue différemment avec l'entrée en vigueur du nouveau droit du travail même si, il est vrai, ce dernier prévoit la motivation du congé par l'employeur (voir STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, n. 19 ad art. 337 CO)."
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Au sujet du nouvel article 337 CO, le Tribunal fédéral a relevé, à l' ATF 119 II 162 consid. 1 p. 164, que le Conseil fédéral écrivait dans son message du 9 mai 1984 que la possibilité d'invoquer a posteriori des motifs qui n'étaient pas connus au moment de la résiliation était déjà exclue par le droit alors en vigueur; la juridiction fédérale de réforme n'a toutefois pas dit si elle abandonnait sa jurisprudence antérieure pour se ranger à l'avis émis dans le Message précité du Conseil fédéral, mais, au contraire, a laissé la question ouverte.
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Plus récemment, dans l'ATF du 22 février 1994 dans la cause SEGH, consid. 5a, publié in: SJ 1995 p. 802, le Tribunal fédéral a cité un passage du même message (FF 1984 II 634) à teneur duquel les motifs qui surviennent après la résiliation immédiate "ne peuvent avoir rendu impossible déjà antérieurement la continuation des rapports de travail et ils ne peuvent par conséquent représenter un juste motif de résiliation immédiate". S'appuyant sur ce passage, il a réfuté un argument de la recourante, qui désirait faire valoir comme juste motif de résiliation le comportement violent de l'employé survenu postérieurement à la résiliation immédiate de son contrat.
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c) La doctrine est divisée sur le point de savoir s'il est possible d'invoquer après coup, pour justifier un congé abrupt, un nouveau motif de licenciement.
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BRUNNER/BÜHLER/WAEBER (Commentaire du contrat de travail, n. 13 ad art. 337 CO) suivent le Message du Conseil fédéral, déclarant qu'il est exclu de faire valoir, lors du procès, des faits qui n'étaient pas connus au moment de la résiliation immédiate et qui ne pouvaient dès lors jouer aucun rôle dans la prise de décision. PEDERGNANA (Ueberblick über die neuen Kündigungsbestimmungen im Arbeitsvertragsrecht in: recht, 1989, p. 33 ss, spéc. p. 44/45) prend résolument la même position en faisant valoir que des motifs découverts après la résiliation ne peuvent avoir rendu insupportable la continuation du rapport de travail, et estime que telle est la volonté du législateur puisque, lors des débats parlementaires, le passage en cause du Message du Conseil fédéral n'a pas été contesté. Selon DENIS HUMBERT (Der neue Kündigungsschutz im Arbeitsrecht, thèse Zurich 1991, p. 56), l'obligation de motiver le congé immédiat perd toute sa valeur si l'intéressé ne peut pas partir de l'idée que la motivation de la résiliation contient tous les motifs qui justifient cette dernière. VISCHER (Der Arbeitsvertrag, 2e éd., p. 181) se rallie au Message du Conseil fédéral en précisant que l'obligation de motiver ne peut avoir, à son avis, qu'un sens, à savoir celui de permettre à l'intéressé de se fier aux raisons indiquées dans la motivation.
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Pour STREIFF/VON KAENEL (Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 17 ad art. 335 CO et n. 19 ad art. 337 CO), l'obligation imposée par l'art. 337 al. 1 in fine CO de motiver la résiliation immédiate du contrat si l'intéressé en fait la demande ne doit pas empêcher la partie qui donne le congé d'invoquer d'autres motifs. Aux yeux de ces auteurs, il serait choquant que l'employeur qui aurait licencié sans délai son comptable pour des arrivées tardives répétées et aurait par la suite découvert d'importantes malversations commises par son employé, dût, parce qu'il ne se serait prévalu que desdites arrivées tardives, lesquelles, faute d'avertissement préalable, auraient été jugées impropres à motiver un congé abrupt, verser le salaire jusqu'à la fin du délai de congé ordinaire. Il est cependant nécessaire, poursuivent-ils, que les motifs nouveaux aient déjà existé avant la résiliation immédiate, car ceux qui surviendraient postérieurement au congé abrupt ne pourraient être invoqués qu'à l'appui d'une nouvelle résiliation. Pour sa part, REHBINDER (Berner Kommentar, n. 17 ad art. 337 CO) n'estime pas que l'obligation de motiver le congé doive être complète, du moment que la motivation n'est pas la condition de la validité de la résiliation; le congé extraordinaire dépend de l'existence objective d'un juste motif et non pas d'une motivation subjective (cf. aussi du même auteur, Schweizerisches Arbeitsrecht, 12e éd., p. 132).
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d) Il est de jurisprudence que les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir ruiné la confiance qui est la base essentielle du rapport de travail, voire l'avoir ébranlée à tel point qu'on ne saurait exiger de l'employeur la continuation de celui-ci (ATF 116 II 145 consid. 6a). Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat (ATF 117 II 560 consid. 3). Un tel manquement suppose que le travailleur a violé soit l'une de ses obligations au travail, soit son devoir de fidélité (ATF 117 II 72 consid. 3). Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 117 II 560 consid. 3; ATF 116 II 145 consid. 6a).
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5. a) Il convient tout d'abord de réaffirmer avec force qu'il est exclu d'invoquer comme justes motifs de congé immédiat des circonstances qui sont survenues après la déclaration de résiliation du contrat. Le Tribunal fédéral l'avait dit au consid. 5a de l'arrêt susrappelé du 22 février 1994 dans la cause SEGH (publié in: SJ 1995 p. 802). En revanche, contrairement à l'avis exprimé par le Conseil fédéral dans son Message, lequel a été suivi par une partie importante de la doctrine, il y a lieu d'admettre qu'il est possible, sous certaines conditions restrictives, de se prévaloir après coup d'une circonstance qui existait déjà au moment de la déclaration de licenciement abrupt, mais que l'auteur de celle-ci ne connaissait pas et ne pouvait pas connaître, bien que cela soit contraire au principe qui veut que les faits allégués doivent avoir effectivement entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. De fait, l'obligation de motiver le congé n'impose pas qu'il soit fait abstraction d'un tel motif. Dès l'instant où l'art. 337 CO prescrit au juge chargé de statuer sur la validité des motifs indiqués pour justifier une résiliation immédiate de tenir compte des règles de la bonne foi, ce serait méconnaître ces dispositions que d'ignorer l'existence d'un semblable motif. Toutefois, c'est uniquement à titre exceptionnel que des circonstances antérieures à la résiliation immédiate, alors ignorées de la partie qui a donné le congé, pourront amener un tribunal à considérer, sur la base des motifs déjà allégués, que celle-ci, en s'en prévalant ultérieurement, a rapporté la preuve de la destruction du rapport de confiance entre les parties au contrat.
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b) Au vu des principes susmentionnés, l'argumentation développée par la cour cantonale pour confirmer le jugement de première instance ne convainc pas. L'autorité cantonale s'est en effet bornée à envisager hypothétiquement deux solutions en rapport avec les infractions pénales commises par le demandeur, sans faire reposer les prémisses de son raisonnement sur des faits établis. Dans ces conditions, il se justifie, en vertu de l'art. 64 al. 1 OJ, de retourner la cause aux juges cantonaux pour qu'ils complètent leurs constatations de fait en ordonnant l'apport de la procédure pénale dirigée contre le demandeur, et, cela fait, qu'ils statuent à nouveau.
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S'il apparaît, à la lumière du dossier pénal, que les délits commis par le demandeur sont postérieurs à son licenciement immédiat, lequel serait même à l'origine des abus de confiance, la cour cantonale devra juger que ces infractions ne constituaient pas un juste motif de résiliation, si bien qu'elle pourra reprendre le dispositif de l'arrêt déféré. En effet, les montants alloués par cet arrêt n'ont pas été remis en cause par la défenderesse dans son recours en réforme, en sorte qu'ils ne peuvent plus être l'objet d'une contestation.
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S'il se révèle au contraire que les prélèvements opérés dans la cagnotte sont antérieurs au congé abrupt, il appartiendra aux magistrats cantonaux de décider si ces infractions auraient pu conduire la défenderesse, si elle les avait connues, à admettre que le rapport de confiance entre parties était rompu et à résilier immédiatement le contrat de travail du demandeur.
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