BGE 124 III 449 | |||
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78. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 29 septembre 1998 dans la cause S. contre B. (recours en réforme) | |
Regeste |
Verjährung periodischer Leistungen (Art. 131 OR). Hinderung und Stillstand der Verjährung (Art. 134 OR). |
Begriff der Unmöglichkeit, die Forderung vor einem schweizerischen Gericht geltend zu machen, im Sinne von Art. 134 Abs. 1 Ziff. 6 OR. Wird die Anwendbarkeit dieser Bestimmung durch die Möglichkeit der Arrestlegung auf Vermögen des Schuldners in der Schweiz ausgeschlossen (E. 4)? | |
Sachverhalt | |
A.- En octobre 1982, les biens de B. déposés auprès de la banque X., à Genève, ont fait l'objet d'une mesure de blocage. S. a été chargé, en décembre de la même année, d'obtenir la levée de cette mesure. Vu le succès des démarches de l'intéressé, B. a signé, en faveur de celui-ci, le 12 janvier 1983, un document établi à Genève, intitulé "Promesse d'engagement", qui énonçait ce qui suit:
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"1. Le soussigné confirme par la présente ses promesses irrévocables de payer à Monsieur S., ou ses héritiers, 15% de tout (sic) les bénéfices annuels calculés sur la valeur totale de tous les biens que Monsieur S. a réussi à récupérer pour mon compte, et à ma demande, au mois de décembre 1982, et qui étaient bloqués par l'organisme financier à Genève.
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2. Le paiement des 15% débutera à partir de l'année 1983 pour une durée illimitée, mais en tout cas pour une période pas moins de 25 ans (période minimale). Mes biens, et ceux de mon épouse, ainsi que ceux de mes Sociétés à l'étranger, et pour lesquels je dois encore récupérer des paiements font partie intégrale de la présente promesse irrévocable.
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3. Mon épouse et mes enfants ont été informés du présent engagement, et doivent le respecter sans aucune restriction, et ce en cas d'incapacité physique et/ou morale.
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4. Cet engagement est une compensation pour les efforts fournis par Monsieur S., qui a été le seul à réussir le sauvetage de ma fortune, et de mes biens."
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En exécution de l'obligation stipulée dans ce document, B. a versé un unique montant de 80'000 fr. à S., le 14 novembre 1983. De 1983 à 1990, ce dernier a travaillé, contre rémunération, pour le compte de sociétés du groupe B. créées et administrées en Suisse. Le 30 juillet 1993, il a formé une requête en reddition de comptes contre un autre mandataire chargé de gérer, à Genève, des sociétés appartenant à B.; cette requête a été rejetée en dernière instance, le 7 décembre 1993, par la Cour de justice du canton de Genève.
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B.- Le 2 mai 1994, S., se fondant sur l'écrit précité, a ouvert action, à Genève, contre B. en vue d'obtenir le paiement de 1'153'000 fr. Le défendeur a admis la compétence ratione loci des tribunaux genevois, bien qu'il fût domicilié à l'étranger. Sur le fond, il a conclu au rejet de la demande en soulevant, notamment, l'exception de prescription. Les parties sont convenues de soumettre le litige au droit suisse.
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Par jugement du 9 mai 1996, le Tribunal de première instance du canton de Genève, constatant que la créance déduite en justice était prescrite, a rejeté la demande.
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Statuant par arrêt du 13 décembre 1996, sur appel du demandeur, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement.
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A l'appelant, qui soutenait, sur la base de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, que la prescription n'avait pas commencé à courir, elle a répondu que tel n'était pas le cas, étant donné, d'une part, qu'il avait démontré, en assignant le défendeur, domicilié à l'étranger, devant les tribunaux genevois, qu'il pouvait faire valoir sa créance en Suisse et, d'autre part, qu'il aurait pu à tout moment interrompre la prescription par un séquestre qu'il aurait ensuite validé.
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C.- Le demandeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut, outre à l'annulation de l'arrêt déféré, principalement au paiement par le défendeur de 1'153'000 fr., intérêts en sus, et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la cour cantonale pour reprise de l'instruction et nouveau jugement.
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Le Tribunal fédéral rejette le recours, dans la mesure où il est recevable, et confirme l'arrêt attaqué.
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Extrait des considérants: | |
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b) En matière de prestations périodiques analogues à une rente viagère, deux délais de prescription entrent en ligne de compte: l'un court pour chacune de ces prestations partielles (cinq ans dès l'exigibilité, en vertu des art. 128 ch. 1 et 130 CO, puisqu'elles constituent aussi des redevances périodiques tombant sous le coup de ces dispositions); l'autre court pour le droit d'en réclamer le service, fondé sur le rapport juridique de base (Forderungsrecht im ganzen, Stammrecht, Grundforderung), lequel droit ne revêt pas de caractère périodique et se prescrit, en conséquence, par dix ans en vertu de l'art. 127 CO (ATF 111 II 501 ss et les auteurs cités; voir aussi: BERTI, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Bâle, n. 4 et 5 ad art. 131 CO; SCHWENZER, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, p. 426, n. 84.20). Quant aux effets de ces deux prescriptions, celle de l'art. 128 ch. 1 CO frappe d'abord successivement les prestations partielles après cinq ans écoulés dès leur exigibilité; celle des art. 131 et 127 CO atteint ensuite non seulement le rapport juridique de base, après dix ans écoulés dès le jour d'exigibilité du premier terme demeuré impayé (art. 131 al. 1 CO), mais également chacun des arrérages non encore prescrits sur la base de l'art. 128 CO (art. 131 al. 2 CO; cf. BERTI, op. cit., n. 5 ad art. 131 CO).
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En l'espèce, la cour cantonale n'a pas appliqué correctement ces règles de droit. En effet, les prestations partielles annuelles incombant au défendeur ont été atteintes par la prescription pour les termes demeurés impayés avant le 2 mai 1989, soit cinq ans avant l'ouverture de l'action en paiement par le demandeur; ceci résulte de l'application de l'art. 128 ch. 1 CO. D'autre part, comme le premier terme demeuré impayé fut celui du début 1984, le droit de réclamer le service de ces prestations périodiques s'est trouvé prescrit au début 1994, en application des art. 127 et 131 al. 1 CO, et non pas déjà au début 1989, contrairement à l'opinion des juges précédents. La prescription frappant le rapport juridique de base a touché du même coup, en vertu de l'art. 131 al. 2 CO, les arrérages (termes demeurés impayés après le 2 mai 1989). Toutefois, en tant qu'il constate que la créance litigieuse est totalement prescrite, sous réserve d'une éventuelle suspension de la prescription (cf. consid. 4 ci-après), l'arrêt entrepris n'en est pas moins conforme au droit fédéral, sinon dans ses motifs, du moins dans son résultat.
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a) Aux termes de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant qu'il est impossible de faire valoir la créance devant un tribunal suisse. Selon la jurisprudence, cette disposition ne s'applique que si le créancier est empêché par des circonstances objectives, indépendantes de sa situation personnelle, d'intenter une action en Suisse (ATF 90 II 428 consid. 6 à 9). Par son interprétation restrictive de la disposition précitée, le Tribunal fédéral a ainsi fortement relativisé la portée du principe rendu par l'adage "contra non valentem agere non currit praescriptio" et voulant que la prescription soit suspendue lorsque le créancier est entravé, pour quelque raison que ce soit, dans la poursuite de son droit (ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 810 et 813, n. 257). S'il convient de se montrer strict relativement à la nature des circonstances pertinentes pour l'application de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, une certaine souplesse est, en revanche, de mise lorsqu'il s'agit de décider si la circonstance objective relevée dans un cas concret entre ou non dans les prévisions de cette disposition. A cet égard, la possibilité objective pour le créancier de se créer un for en Suisse ne constituera pas toujours un obstacle à l'empêchement ou à la suspension de la prescription. Ce ne sera notamment pas le cas chaque fois que l'on ne pourra raisonnablement exiger du créancier qu'il agisse en Suisse, et ce pour des motifs indépendants de sa situation personnelle. A titre d'exemple, on citera le cas du créancier qui en est réduit à tabler sur l'acceptation tacite de la compétence des tribunaux suisses par le défendeur domicilié à l'étranger. En pareille hypothèse, la possibilité pour l'intéressé de faire valoir sa créance devant un tribunal suisse existe certes objectivement (cf. l'art. 6 de la loi fédérale sur le droit international privé [LDIP; RS 291]), mais elle revêt un caractère purement aléatoire dans la mesure où sa réalisation dépend du bon vouloir du défendeur. Exclure, dans ces conditions, le droit du créancier d'invoquer le bénéfice de l'art. 134 ch. 1 al. 6 CO ne serait pas raisonnable. En définitive, c'est au juge qu'il appartient de déterminer si l'impossibilité objective, au sens de cette disposition et de la jurisprudence qui en éclaire la portée, existe ou non dans le cas qui lui est soumis.
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b) Examinés à la lumière de ces principes, les deux motifs avancés par la cour cantonale pour refuser d'appliquer l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO en l'espèce appellent les remarques suivantes:
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aa) Les juges précédents ont considéré que, dans la mesure où, de sa propre initiative, le demandeur avait introduit son action en paiement en Suisse, sans que le défendeur, pourtant domicilié à l'étranger, n'élevât un déclinatoire, il avait démontré que la création d'un for dans ce pays ne lui était pas impossible. Aussi lui eût-il incombé d'établir pour quelle raison il s'était trouvé dans l'impossibilité d'agir en Suisse plus tôt qu'il ne l'avait fait. N'ayant pas apporté semblable preuve, le demandeur soutenait, dès lors, en pure perte que la prescription de sa créance n'avait pas commencé à courir, en vertu de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO.
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Comme on l'a déjà indiqué plus haut, l'objectivation de la notion d'impossibilité d'agir, déterminante pour l'application de cette disposition, ne permet pas d'imposer indirectement à un créancier l'obligation d'actionner son débiteur en Suisse, en l'absence de tout for légal dans ce pays et à défaut d'une élection de for, dans l'espoir que le défendeur admettra expressément la compétence ratione loci du tribunal saisi ou, du moins, procédera au fond sans faire de réserve. En d'autres termes, lorsque le demandeur en est réduit à miser sur une éventuelle acceptation de la compétence des tribunaux suisses par le défendeur, son inaction ne saurait, en principe, l'empêcher de se prévaloir de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO. En opposant au demandeur le fait qu'il n'avait pas démontré s'être trouvé dans l'impossibilité d'agir plus tôt en Suisse contre le défendeur, la Cour de justice a donc attribué à la notion d'impossibilité objective un sens qu'elle n'a pas.
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Au demeurant, contrairement à l'opinion des juges cantonaux sur ce point, le fait que le défendeur ait accepté la compétence des tribunaux genevois lorsque le demandeur l'a assigné devant ceux-ci ne permet nullement d'en tirer la conclusion - tirée, faute de reposer sur des circonstances concrètes, de l'expérience de la vie, et donc à traiter dans le présent recours comme une question de droit - qu'il eût adopté la même attitude s'il avait été actionné plus tôt au même for. Il faut, en effet, bien voir que l'intéressé avait de bonnes raisons de se soumettre à la juridiction de ces tribunaux-là et de faire élection du droit suisse, dès lors que, selon lui, la créance du demandeur était prescrite au regard de ce droit. En soulevant l'exception de prescription à l'occasion de la procédure ouverte contre lui à Genève, le défendeur pouvait ainsi obtenir la constatation judiciaire de l'extinction de la créance du demandeur à son égard. Il n'est pas certain, et même peu conforme à l'expérience de la vie, qu'il eût agi de manière identique s'il avait été actionné plus tôt, avant que la prescription ne fût acquise. L'hypothèse inverse, retenue par la Cour de justice, ne résiste pas à l'examen.
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bb) Pour exclure l'application de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO dans la présente espèce, les juges précédents ont encore avancé un autre motif, à savoir la possibilité qu'aurait eue le demandeur de faire séquestrer les biens du défendeur sis à Genève et d'ouvrir ensuite une action en validation de séquestre devant les tribunaux de ce canton.
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Il ressort de l'arrêt attaqué, aux constatations duquel la juridiction fédérale de réforme doit se tenir (art. 63 al. 2 OJ), que le demandeur "avait une connaissance certaine de l'existence de biens, propriété [du défendeur] en Suisse, puisqu'il avait fait procéder à la levée de la saisie sur ceux-ci auprès de la banque [X.] en 1983 et qu'il avait sollicité la reddition de comptes des sociétés gérées et administrées à Genève, et ce à tout le moins jusqu'en 1990". La cour cantonale en a déduit que le demandeur pouvait interrompre à tout moment la prescription par le dépôt d'une requête de séquestre qu'il aurait ensuite validée. Cette déduction est correcte: le cas de séquestre était celui prévu à l'art. 271 al. 1 ch. 4 aLP. Au demeurant, tant avant l'entrée en vigueur de la LDIP (ATF 85 II 359 consid. 2), le 1er janvier 1989, que sous l'empire de cette loi (art. 4), le séquestre opéré à Genève y créait un for pour l'action en validation de cette mesure, étant précisé que la Convention de Lugano (RS 0.275.11), qui proscrit le for du lieu du séquestre à son art. 3 al. 2, n'était pas applicable in casu, le défendeur étant domicilié dans un Etat qui n'avait pas encore ratifié ce traité à l'échéance du délai de prescription de la créance litigieuse (sur la fonction du domicile, cf. DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. I, n. 1100 ss).
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En considérant, dans de telles circonstances, que, du début 1984 au début 1994, le demandeur s'était toujours trouvé en situation d'ouvrir action devant un tribunal suisse pour y faire valoir la créance litigieuse, et en admettant, pour ce motif, que la prescription avait couru durant tout ce laps de temps, les juges cantonaux n'ont nullement méconnu la notion d'impossibilité objective d'agir, au sens de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO et de la jurisprudence y relative. Ils ont admis à bon droit qu'il existait objectivement une possibilité pour le créancier de se créer un for en Suisse, moyennant le séquestre des biens de son débiteur déposés à Genève, et ils ont estimé à juste titre que l'on pouvait raisonnablement exiger de l'intéressé qu'il fît usage de cette possibilité, dès lors qu'il connaissait parfaitement l'existence de ces biens (cf. SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I, § 72, p. 159 et note de pied 44, qui se réfère à la maxime" qui potest facere ut possit iam videtur posse"). La solution à adopter serait-elle la même au cas où le créancier n'aurait que des soupçons quant à la présence de biens de son débiteur en Suisse, voire en ignorerait l'existence, ou encore s'il était contraint d'intenter l'action en validation de séquestre à un autre for que celui du lieu du séquestre? Point n'est besoin d'en décider ici, puisqu'aussi bien la spécificité de la cause en litige permet de réserver un examen ultérieur de ces questions.
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