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45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 12 mai 2000 dans la cause P. Grumser S.A. contre Pierre Grumser (recours en réforme) | |
Regeste |
Auflösung einer Aktiengesellschaft aus wichtigen Gründen (Art. 736 Ziff. 4 OR). |
Subsidiarität der Auflösungsklage und Ermessensbefugnis des Bundesgerichts (E. 2). | |
Sachverhalt | |
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Le 4 décembre 1979, la société Grumser S.A., ayant pour actionnaires Marianne Gallusser-Grumser, Jacques Grumser et le demandeur, a été inscrite au registre du commerce; du 1er janvier 1980 au 31 juillet 1991, elle a exploité la bijouterie-horlogerie du numéro 11 de la rue Saint-François. Par la suite, c'est la défenderesse qui a repris l'exploitation de ce commerce. André Grumser est décédé en 1991. Marianne Gallusser-Grumser est alors devenue administratrice unique de la défenderesse, puis présidente de son conseil d'administration en 1994.
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B.- Le 19 avril 1996, le demandeur, qui détenait 22% des actions de la société contre 78% à sa soeur, a ouvert action contre la défenderesse, concluant à la dissolution et à la liquidation de celle-ci. Il alléguait, en substance, que le défaut de rentabilité de l'entreprise, dû selon lui à une mauvaise gestion, conduirait tôt ou tard à un surendettement et, finalement, à la faillite.
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La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
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Par jugement du 6 juillet 1999, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a prononcé la dissolution de la défenderesse, nommé un liquidateur et mis les frais de liquidation à la charge de la société dissoute.
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C.- Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse conclut à l'annulation du jugement cantonal et au rejet de l'action en dissolution.
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Le demandeur propose le rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme le jugement attaqué.
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Extrait des considérants: | |
1. La défenderesse invoque principalement une violation de l'art. 736 ch. 4 CO. Selon elle, la dissolution d'une société anonyme, en application de cette disposition, n'entrerait en ligne de compte ![]() | 9 |
a) Aux termes de l'art. 736 ch. 4 CO, la société anonyme est dissoute par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 pour cent au moins du capital-actions requièrent la dissolution pour de justes motifs. En lieu et place, le juge peut adopter une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable pour les intéressés. La disposition citée vise à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Mesure exceptionnelle, la dissolution suppose que l'on ne puisse plus objectivement et raisonnablement imposer le maintien de la société aux actionnaires minoritaires, même en tenant compte des intérêts d'autres catégories de personnes telles que les travailleurs de l'entreprise, et que le demandeur n'ait pas la possibilité d'obtenir le résultat escompté par d'autres moyens moins rigoureux comme l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale ou l'action en responsabilité (ATF 109 II 140 consid. 4 p. 142 s.; ATF 105 II 114 consid. 6 p. 124 ss et les références). S'il est vrai que l'abus persistant de la position dominante de l'actionnaire majoritaire constitue un motif typique de dissolution, le champ d'application de l'art. 736 ch. 4 CO ne se limite pas à la protection des actionnaires minoritaires contre le comportement déloyal de l'actionnaire majoritaire (FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schweizerisches Aktienrecht, n. 60 et 82 ad § 55; PHILIPP HABEGGER, Die Auflösung der Aktiengesellschaft aus wichtigen Gründen, thèse Zurich 1996, p. 71 s.; WILFRIED BERTSCH, Die Auflösung der Aktiengesellschaft aus wichtigen Gründen, thèse Zurich 1947, p. 118 et 129 ss). Une interprétation aussi restrictive ne saurait se fonder sur le texte de l'art. 736 ch. 4 CO qui subordonne la dissolution judiciaire à l'existence de justes motifs sans préciser ce que recouvre cette ![]() | 10 |
b) Sur la base du rapport de l'expert judiciaire, la Cour civile retient que la défenderesse a été mal gérée dès 1991, soit à partir du moment où ladite société a repris de Grumser S.A. l'exploitation du commerce de bijouterie. En effet, le chiffre d'affaires a baissé de quelque 40% depuis 1991, par rapport à la décennie précédente, et la défenderesse a enregistré chaque année des pertes d'exploitation. Ces pertes cumulées démontrent, selon la cour cantonale, que le commerce de bijouterie exploité par la défenderesse n'est plus rentable. Sans doute n'est-il pas possible d'évaluer précisément la baisse du chiffre d'affaires due à la conjoncture; en revanche, il est certain que le conseil d'administration de la défenderesse n'a pas anticipé la crise conjoncturelle et n'a pas adapté les structures de la société à la situation économique. Les frais de personnel sont trop élevés et toutes les mesures propres à réduire les charges d'exploitation n'ont pas été prises. Sans un changement dans la gestion de l'entreprise, les réserves et le capital de celle-ci seront ainsi rapidement engloutis. Or, la défenderesse n'a pas démontré, ni même allégué, qu'elle avait modifié sa gestion ou qu'elle entendait le faire; elle n'a pas non plus pris des mesures d'assainissement en vue d'améliorer ses résultats. Au contraire, il ressort de la procédure provisionnelle que son actionnaire majoritaire et présidente du conseil d'administration avait décidé de racheter l'immeuble de la rue Saint-François, propriété de la défenderesse, en en payant le prix par compensation avec ses créances et reprise de la dette hypothécaire. Or, une telle transaction, revenant à priver la société de son principal actif, n'eût fait que précipiter la déconfiture de la défenderesse si elle avait abouti. Les premiers juges y voient dès lors un signe supplémentaire de l'absence de volonté, de la part de l'organe dirigeant de la défenderesse, de prendre des mesures destinées à redresser la situation précaire de celle-ci. Dans ces conditions, il n'est plus possible, à leur avis, de considérer que la défenderesse développe encore une activité compatible avec son but, qui est de faire du profit. Tout porte à croire, ![]() | 11 |
c) Contrairement à l'opinion de la défenderesse, les circonstances prises en considération par la cour cantonale ne sont pas d'emblée impropres à fonder un juste motif au sens de l'art. 736 ch. 4 CO. Comme on l'a déjà souligné plus haut (consid. 1a), pour que la protection des actionnaires minoritaires assurée par la disposition citée soit efficace, il ne faut pas limiter le champ d'application de cette dernière à la seule hypothèse de l'abus de la position dominante de l'actionnaire majoritaire (FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, op. cit., n. 82 ad § 55). Le critère décisif réside bien plutôt dans le point de savoir si le maintien de la société peut être imposé, objectivement et raisonnablement, aux actionnaires minoritaires. Tel ne sera pas le cas, suivant les circonstances, lorsque le but de la société - qu'il s'agisse de l'activité commerciale en tant que telle ou de la réalisation de bénéfices - ne peut plus être atteint (HABEGGER, op. cit., p. 95; BERTSCH, op. cit., p. 132; CHRISTOPH LÜSCHER, Die Auflösung von Handelsgesellschaften aus wichtigen Gründen, thèse Bâle 1992, p. 175). Il pourra en aller de même dans le cas d'une mauvaise gestion durable, entraînant progressivement la ruine de la société (HABEGGER, op. cit., p. 99 s.; BERTSCH, op. cit., p. 140 s.; LÜSCHER, op. cit., p. 128). Dans ces deux hypothèses, en effet, les intérêts économiques dignes de protection des actionnaires minoritaires sont mis en péril. Savoir si, de ce fait, il convient de dissoudre la société ou s'il est possible de prendre des mesures moins drastiques est une question qui doit être résolue en fonction des circonstances du cas concret et sur la base d'une pesée d'intérêts. A cet égard, il importe de prendre également en considération les incidences d'une dissolution sur la situation des tiers, en particulier les actionnaires qui n'ont pas procédé et les employés de la société.
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La Cour civile n'a ainsi nullement violé le droit fédéral en considérant que l'absence de rentabilité durable et la mauvaise gestion persistante de la défenderesse étaient des circonstances susceptibles de justifier, en principe, la dissolution de la société en application de l'art. 736 ch. 4 CO. On ne voit pas, en revanche, ce que la défenderesse entend déduire, dans ce contexte, de l'absence de relations personnelles étroites entre son actionnaire majoritaire et le demandeur.
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a) La dissolution d'une société anonyme pour de justes motifs, au sens de l'art. 736 ch. 4 CO, est une mesure radicale destinée à sauvegarder les intérêts légitimes des actionnaires minoritaires. Pour cette raison, elle n'entre en ligne de compte que si des mesures plus douces ne suffisent pas à assurer la protection de ceux-ci. Dans ce sens, une telle mesure est qualifiée parfois d'"ultima ratio" et il est aussi question de la subsidiarité de l'action en dissolution. Il ne faut cependant pas en déduire que, dans tous les cas, l'actionnaire minoritaire doit tenter de sauvegarder ses intérêts par d'autres moyens de droit tels que l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale ou l'action en responsabilité (ATF 105 II 114 consid. 6d p. 126 s.; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, op. cit., n. 110 ad § 55; STÄUBLI, Commentaire bâlois, n. 20 ad art. 736 CO; BÜRGI, Commentaire zurichois, n. 43 ad art. 736 CO). Ce qui est déterminant, ici aussi, c'est de savoir si l'on peut raisonnablement imposer à l'actionnaire minoritaire de faire valoir ses droits d'une autre manière. Ainsi, le caractère subsidiaire de l'action en dissolution n'est que l'expression du principe de la proportionnalité (ATF 105 II 114 consid. 6a p. 124; TERCIER, La dissolution de la société anonyme pour justes motifs, in Société anonyme suisse 46/1974 p. 67 ss, 73; STÄUBLI, op. cit., n. 22 ad art. 736 CO). Il appartient donc au juge du fait de procéder à la pesée soigneuse des intérêts opposés des différentes personnes concernées avant de décider si le ou les motifs avancés par le demandeur justifient ou non la dissolution de la société. Par conséquent, l'affirmation péremptoire de la défenderesse, selon laquelle semblable mesure ne saurait être ordonnée, en toute hypothèse, qu'après la mise en oeuvre d'autres moyens de droit, est erronée.
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On ne voit pas, au demeurant, quelles mesures efficaces mais moins radicales le demandeur aurait pu solliciter dans le cas particulier, dès lors que la situation financière de la société continuait de se détériorer. La défenderesse n'indique pas non plus comment le demandeur aurait pu influer sur la gestion d'une société dont la présidente du conseil d'administration détient 78% des actions. Il ressort, d'ailleurs, du jugement attaqué qu'il a posé un certain nombre de questions aux organes de la défenderesse en ce qui concerne la marche des affaires, mais qu'il n'a obtenu que des réponses incomplètes. De surcroît, le demandeur s'est vu refuser la consultation des livres et de la correspondance. Il a donc, à tout le moins, mis en question la gestion de l'entreprise. A cela s'ajoute le fait que, selon les constatations définitives de la cour cantonale, la présidente du conseil d'administration et actionnaire majoritaire n'a ni la volonté ni la possibilité de changer son mode de gestion, si bien qu'il n'apparaît pas que des critiques plus appuyées du demandeur auraient pu changer quoi que ce soit à la situation actuelle.
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La Cour civile observe en outre, avec raison, que des mesures moins rigoureuses, telles que le rachat des actions du demandeur par la défenderesse ou la réduction du capital-actions de la société, sont exclues en l'espèce par les dispositions légales topiques (art. 659 et 732 al. 5 CO). La défenderesse ne critique pas cet argument dans son recours en réforme. Elle ne fait pas non plus valoir que l'actionnaire majoritaire aurait offert au demandeur d'acquérir ses participations ![]() | 18 |
Par ailleurs, la cour cantonale constate, s'agissant des tiers, que, au dire de l'expert, la continuation de l'exploitation de la défenderesse impliquerait une réduction importante des charges salariales, soit vraisemblablement des licenciements ou à tout le moins une diminution du temps de travail. Elle en déduit que l'intérêt du personnel à la poursuite de l'exploitation n'est pas déterminant en l'espèce, ajoutant que la défenderesse n'a guère formulé d'allégations au sujet du nombre de ses employés, de leur salaire et de leurs conditions de travail. Quant aux créanciers sociaux, les premiers juges relèvent que leur intérêt à mettre fin immédiatement à la déroute financière de la défenderesse rejoint celui du demandeur à l'admission de son action. La défenderesse laisse intactes ces considérations relatives à l'incidence de la dissolution sur la situation des tiers.
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Force est de rappeler, enfin, que le juge saisi d'une action en dissolution d'une société anonyme pour de justes motifs doit appliquer les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 105 II 114 consid. 6a p. 124 in fine). Or, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise par l'autorité cantonale. Il n'intervient que lorsque celle-ci s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation ou lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération (cf. ATF 123 III 246 consid. 6a p. 255, 274 consid. 1a/cc, ATF 122 III 262 consid. 2a/bb, ATF 121 III 64 consid. 3c). En l'espèce, il n'apparaît pas, sur le vu de ce qui précède, que les premiers juges aient fondé leur décision de dissoudre la défenderesse sur des circonstances qui ne revêtaient aucune importance à cet égard, ni qu'ils aient omis de prendre en considération des éléments de fait déterminants. Il n'y a dès lors pas matière à intervention du Tribunal fédéral.
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