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24. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Société d'assurances X. et B. contre A. (recours en réforme) |
4C.194/2002 du 19 décembre 2002 | |
Regeste |
Haftpflicht des Motorfahrzeughalters; Berechnung des Invaliditätsschadens. |
Modalitäten der Berechnung des direkten Altersrentenschadens nach der neulich geänderten Rechtsprechung des Bundesgerichts (E. 3.3). |
Haushaltschaden; Bestimmung der Zeit, die der Verletzte für Haushaltarbeiten aufgewendet hat (E. 4.2.2.1); Auswirkungen der Invalidität auf die Fähigkeit des Geschädigten, solche Arbeiten zu verrichten (E. 4.2.2.2); der zukünftige Haushaltschaden ist ausschliesslich mit Hilfe der Aktivitätstafeln zu kapitalisieren (Änderung der Rechtsprechung; E. 4.2.2.3). | |
Sachverhalt | |
1 | |
A.a A. est né au Vietnam en 1957. Il est arrivé en Suisse en 1979 et a obtenu l'asile politique. Ne disposant d'aucune formation particulière, il a suivi des cours de français, langue dans laquelle il peut s'exprimer oralement. Il a épousé une compatriote en 1985 à Genève; une fille est née de cette union, le 22 janvier 1989.
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En 1981 ou 1982, A. a été engagé par l'entreprise Y. SA où il a reçu une formation de monteur en transformateurs électriques. Son travail consistait à installer manuellement de lourds composants en fer dans de grands transformateurs. En 1989, le salaire mensuel brut moyen versé à cet employé était de 4'546 fr., compte tenu des allocations familiales, des indemnités pour travail en équipe et de la rémunération d'heures de travail supplémentaires.
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A., dont l'épouse travaillait à temps complet, participait activement aux tâches du ménage (nettoyage, cuisine, lessive, courses et garde de l'enfant) en fonction de ses disponibilités découlant de son horaire de travail variable.
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A. a subi diverses lésions importantes, en particulier un polytraumatisme avec traumatisme crânio-cérébral, une commotion cérébrale, une contusion hépatique et de multiples fractures dont le tiers moyen de l'humérus gauche, l'anneau pelvien, le fémur gauche et la tête du péroné gauche. Ces lésions ont nécessité de nombreuses interventions chirurgicales et le patient n'a pu rentrer chez lui que le 24 novembre 1989.
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A la date du jugement de première instance, soit onze ans après la survenance de l'accident, A. présentait un raccourcissement du fémur gauche de 1 à 1,5 cm, dont la fracture avait consolidé avec un cal vicieux en rotation externe de 30 à 35o, entraînant une nette claudication sur le côté gauche. Par ailleurs, un mauvais fonctionnement de l'articulation de l'épaule gauche subsiste, qui entraîne une limitation modérée des mouvements de cette dernière. Les blessures et les nombreuses interventions chirurgicales subies ont laissé des séquelles cutanées, soit de nombreuses et peu esthétiques cicatrices. Sur le plan neurologique, le traumatisme crânio-cérébral a eu des incidences sur les fonctions cognitives, l'humeur, la capacité de concentration et la résistance à la fatigue de A. qui est devenu constamment triste, voire irritable, et a perdu toute joie de vivre depuis son accident.
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A. arrive à marcher, en boitant, entre une heure et une heure trente, à l'aide d'une canne qu'il tient dans sa main droite. Il éprouve des douleurs permanentes à l'épaule gauche, ainsi que des douleurs au niveau de la fesse gauche, essentiellement lorsqu'il se tient debout et qu'il marche. Par ailleurs, le port de charges d'une certaine importance lui est impossible en raison notamment des lésions subies à l'épaule gauche.
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Ces lésions, troubles et handicaps trouvent tous leur origine dans l'accident du 14 octobre 1989.
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Les experts judiciaires C. et D. ont évalué à 62,7% l'invalidité médico-théorique globale et définitive résultant de ces différentes atteintes à la santé. Pour sa part, le médecin traitant de A. a estimé ce taux à 80%.
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Les experts C. et D. ont estimé à 50% la capacité résiduelle de gain de l'intéressé dans une profession ne nécessitant pas le port de charges ni l'exécution de travaux lourds. En revanche, le médecin traitant, de même que le Dr E., commis en tant qu'expert dans un litige opposant A. à une autre assurance, ont conclu à une incapacité de travail totale, quelle que soit la profession envisagée.
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Après son accident, A. a cessé d'assurer sa part des tâches ménagères, lesquelles ont été accomplies intégralement, depuis lors, par son épouse qui a cessé son activité professionnelle à cette fin. Les experts médicaux ont estimé à 30% le degré d'invalidité médico-théorique de A. relativement à ces tâches, tandis que, dans un rapport du 28 janvier 2000, le Centre d'ergothérapie fonctionnelle, mis en oeuvre par le médecin traitant du lésé, a évalué à 88% le degré d'inaptitude de ce dernier à accomplir des tâches ménagères.
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A.d Depuis son accident survenu en octobre 1989, jusqu'à l'expiration de son contrat de travail en février 1992, A. a reçu de son employeur - par le biais des versements de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), de l'assurance-invalidité (AI) et de la Caisse-maladie de Y. SA - un salaire; il a ainsi touché quelque 128'228 fr. durant cette période.
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Dès l'expiration du contrat de travail, Y. SA a cessé de verser un salaire à cet employé. Depuis lors, celui-ci a perçu des rentes de la CNA, de l'AI et de la Caisse de pension de Y. SA.
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Les montants versés à A. depuis la survenance de l'accident dont il a été victime jusqu'à la date retenue pour le calcul du dommage (15 mars 2002) représentent un total de 787'448 fr. S'y ajoute la somme de 40'800 fr. versée par la CNA à titre d'indemnité pour atteinte à l'intégrité corporelle.
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Enfin, X. a versé en date du 14 septembre 1992 la somme de 25'000 fr. à A. à titre d'acompte.
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A.e Depuis l'expiration du contrat de travail qui les liait, Y. SA a cessé de payer un salaire à A. et, par conséquent, de verser la part "employeur" des cotisations à la Caisse de pension de Y. SA, destinées à assurer la retraite du travailleur. Le montant total des cotisations perdues par ce dernier, entre mars 1992 et mars 2002, calculé en fonction d'un taux moyen de 11,15% du salaire brut, s'élève à environ 86'534 fr.
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B.-
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B.a Par demande du 13 juin 1996, A. a assigné X. et B., recherchés solidairement, en paiement d'un montant de 1'222'566 fr. 74 avec intérêts à 5% dès le 14 octobre 1989. Ce montant était réclamé à différents titres (gain manqué, atteinte à l'avenir économique, tort moral et frais d'avocat hors procès). En cours de procès, le demandeur a augmenté ses conclusions et réclamé le paiement de 3'038'635 fr. 21, plus 148'000 fr. à titre d'indemnité de procédure pour ses frais de conseil. Son avocat a sollicité la distraction à son profit, non seulement des dépens de la procédure, mais également de l'indemnité réclamée au titre des frais d'avocat avant procès.
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La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. De son côté, le défendeur B. s'est borné à contester sa responsabilité dans l'accident du 14 octobre 1989, sans prendre de conclusions.
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B.b Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné solidairement les défendeurs à payer au demandeur 724'953 fr. d'indemnités diverses ainsi qu'une indemnité de procédure de 35'000 fr. dont il a ordonné la distraction en faveur de l'avocat du demandeur.
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B.c Statuant le 19 avril 2002, sur appel de la défenderesse et appel incident du demandeur, la Chambre civile de la Cour de justice, après avoir annulé le jugement de première instance, a rendu un arrêt dont le dispositif énonce ce qui suit:
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"La Cour
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1. Condamne X. et B. à payer à A., à titre solidaire, les sommes de:
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a) 34'785 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 juin 1996;
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b) 99'309 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1995;
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c) 342'337 fr. avec intérêts à 5% au 15 mars 2002;
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d) 86'534 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1995;
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e) 172'936 fr. avec intérêts à 5% au 15 mars 2002;
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f) 131'628 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1995;
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g) 157'860 fr. avec intérêts à 5% au 15 mars 2002;
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h) 29'200 fr. avec intérêts à 5% au 15 mars 2002.
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2. Condamne X. et B., à titre solidaire, en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront une indemnité de procédure de 50'000 fr. à titre de participation aux honoraires de conseil du demandeur.
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En ordonne la distraction en faveur de Me .. qui affirme qu'ils lui sont dus.
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4. Déboute les parties de toutes autres conclusions".
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C.- La défenderesse interjette un recours en réforme. Elle y invite le Tribunal fédéral à annuler les chiffres 1b, 1c, 1d, 1e, 2, 3 et 4 du dispositif de l'arrêt cantonal, à confirmer celui-ci pour le surplus, puis, statuant à nouveau, à annuler le jugement du Tribunal de première instance, à débouter le demandeur de toutes ses conclusions, à le condamner aux frais et dépens et à renvoyer le dossier à la Cour de justice pour qu'elle se prononce sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
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Le demandeur conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens. Agissant par la voie du recours joint, il prie le Tribunal fédéral d'annuler les chiffres 1f, 1g, et 2 de l'arrêt attaqué, de condamner solidairement les défendeurs à lui payer 239'040 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1995 au titre du dommage ménager actuel et 323'297 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 mars 2002 en réparation de son dommage ménager futur, de réserver les frais médicaux futurs en relation avec l'accident qui ne seraient pas pris en charge par une assurance et de condamner solidairement les défendeurs à les lui payer, de mettre également à la charge solidaire de ceux-ci les dépens de la procédure cantonale, y compris les frais et honoraires d'avocat à concurrence de 148'000 fr. pour la procédure de première instance et de 35'000 fr. pour la procédure d'appel, d'ordonner la distraction de l'intégralité des frais et dépens en faveur de Me ..., de confirmer pour le surplus l'arrêt attaqué (ch. 1a-1e, 1h et 3 du dispositif de celui-ci), enfin de mettre tous les frais et dépens de la procédure fédérale à la charge de la défenderesse.
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Le défendeur n'a pas interjeté de recours contre l'arrêt cantonal.
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La défenderesse propose le rejet de toutes les conclusions du demandeur.
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Le Tribunal fédéral a admis partiellement tant le recours principal que le recours joint. Il a en conséquence réformé le chiffre 1 du dispositif de l'arrêt attaqué, en tant qu'il concerne la défenderesse, en ce sens, d'une part, que ses lettres b) et d) ont été supprimées et, d'autre part, que la défenderesse a été condamnée à payer au demandeur: 34'785 fr. (let. a), 170'317 fr. (let. c), 1'985 fr. (let. e), 333'251 fr. (let. f), 361'743 fr. (let. g) et 29'200 fr. (let. h), chacun de ces montants portant intérêts au taux de 5% l'an à compter des dates retenues par la Cour de justice. Le dossier a été renvoyé à cette ![]() | 43 |
Extrait des considérants: | |
Erwägung 2 | |
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Pour déterminer les conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail, il faut estimer le gain que le lésé aurait obtenu de son activité professionnelle s'il n'avait pas subi d'accident. Les augmentations (ATF 116 II 295 consid. 3a/aa) ou les diminutions (ATF 100 II 352 consid. 6) futures probables du salaire du lésé durant la période considérée doivent être prises en compte par le juge. Encore faut-il qu'il dispose pour cela d'un minimum de données concrètes (arrêt 4C.278/1999 du 13 juillet 2000, consid. 3c/cc). Il incombe au demandeur, respectivement à la partie défenderesse, de rendre vraisemblables les circonstances de fait dont le juge pourra inférer la probabilité des augmentations ou diminutions alléguées du salaire du lésé. Savoir si le lésé pouvait compter avec une augmentation effective de son revenu (ou s'il devait s'attendre à une diminution de celui-ci) est un élément de la fixation du dommage et donc une question de fait (ATF 117 II 609 consid. 12b/aa; BREHM, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, Berne 2002, n. 43). Les tribunaux se montrent généralement prudents s'agissant d'admettre l'existence de telles variations salariales. Il y a en effet trop d'inconnues et d'impondérables pour permettre une estimation suffisante (sur cette question, cf., parmi d'autres, BREHM, op. cit., n. 29 ss; SCHAETZLE/WEBER, Manuel de capitalisation, Zurich 2001, n. 3.447 ss et n. 4.4 ss). Point n'est besoin, pour les motifs indiqués ci-après (cf. consid. 2.3.2.1), de rechercher plus avant si une attitude prudente reste toujours de mise en ce domaine ou s'il ne conviendrait pas ![]() | 45 |
Dans son arrêt 4C.197/2001 du 12 février 2002, consid. 4b, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence relative au dommage de rente (Rentenschaden; ledit arrêt est commenté par MARC SCHAETZLE, in HAVE [Haftung und Versicherung]/REAS [Responsabilité et assurance] 3/2002 p. 205 ss sous le titre "Rentenschaden-Praxisänderung"). Alors que, précédemment, il avait posé, par mesure de simplification, que le dommage de rente devait être calculé en capitalisant les cotisations formatrices de rentes versées par l'employeur aux assurances sociales (ATF 113 II 345 consid. 1b/aa), avant de relativiser sa position (arrêt 4C.343/1994 du 16 décembre 1997, consid. 9; arrêt 4C.35/1999 du 27 mai 1999, consid. 2) et de laisser entrevoir un prochain changement de jurisprudence (ATF 126 III 41 consid. 3), il a décidé, dans l'arrêt susmentionné, que, désormais, pour déterminer le dommage de rente direct, il convenait de comparer les rentes d'invalidité et de vieillesse versées par les assurances sociales (AVS, LAA, LPP) avec les prestations de vieillesse que le lésé aurait touchées sans l'accident, le préjudice consécutif à la réduction d'une rente correspondant donc à la différence entre les prestations de vieillesse hypothétiques et les prestations d'invalidité et de vieillesse déterminantes. Dans l'arrêt en question, le Tribunal fédéral a néanmoins calculé la perte de gain subie par le lésé sur la base du salaire brut, conformément à une jurisprudence constante (cf., par ex., ATF 116 II 295 consid. 4a), ce qui a été critiqué par le commentateur de cette décision (SCHAETZLE, op. cit., p. 206). De fait, comme le relèvent avec pertinence SCHAETZLE/WEBER (op. cit., n. 2.194, 2.200 et 3.440), si le dommage de rente de vieillesse doit être indemnisé concrètement - ce qui sera le cas à l'avenir, sur le vu de la nouvelle jurisprudence fédérale en la matière -, il y a lieu alors de prendre le revenu net comme base de calcul pour évaluer le dommage de perte de gain jusqu'à l'âge présumé de la retraite. Aussi bien, seule cette solution est dans la logique du système: dès lors que le dommage direct de rente est intégralement indemnisé, le lésé ne peut prétendre qu'à la réparation totale de son dommage durant la phase active, c'est-à-dire du jour de son accident à celui où il aurait cessé d'exercer une activité lucrative; or, avec la compensation du salaire net, il obtient la réparation intégrale de son dommage pour ![]() | 46 |
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A cet égard, force est d'observer d'emblée, avec le demandeur, que les allégations de la défenderesse touchant le problème de la surassurance - qu'il s'agisse des dispositions du règlement de la Caisse de pension citées à la page 19 de l'acte de recours ou des chiffres sus-indiqués, censés ressortir d'une pièce versée au dossier cantonal - ne correspondent à aucune constatation de la Cour de justice. Il faut encore préciser que la défenderesse ne reproche pas à cette autorité d'avoir omis de procéder, sur ce point, aux constatations nécessaires à la suite d'une inadvertance et qu'elle ne requiert pas ![]() | 49 |
Dans ces conditions, le moyen tiré de la surassurance est irrecevable, étant donné qu'il repose exclusivement sur des éléments de fait nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
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2.3.2.1 Pour la période comprise entre la date de l'accident et celle de l'arrêt cantonal, la Cour de justice a tenu pour établi, en substance, que le demandeur, sans son accident, aurait continué à exercer son activité professionnelle de monteur en transformateurs auprès de Y. SA, qu'il n'aurait pas été visé par les restructurations intervenues au sein de cette entreprise et que son salaire moyen global, y compris les allocations familiales, les indemnités pour travail en équipe et la rémunération des heures supplémentaires, aurait connu une augmentation moyenne annuelle de 4%, passant de 4'546 fr. par mois en 1989 à 7'858 fr. en 2002, étant précisé que le salaire mensuel brut de base d'un ouvrier qualifié chez Y. SA se situait dans une fourchette de 4'500 fr. à 5'500 fr. en 2000. Ainsi, selon les juges précédents, durant la période considérée, le demandeur aurait pu percevoir une rémunération brute totale se montant à 911'757 fr.
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Quant à la période subséquente, la cour cantonale a retenu que le demandeur aurait continué à travailler comme salarié jusqu'à l'âge de la retraite, mais pas au-delà de cette limite. Elle a jugé qu'il fallait partir du salaire que le lésé aurait obtenu, sans atteinte à l'intégrité corporelle, à la date de l'arrêt et qu'il n'y avait pas lieu d'envisager les possibles augmentations relatives de salaire découlant ![]() | 53 |
Dans son mémoire de réponse et de recours joint, le demandeur fait grief à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte des augmentations réelles de son salaire entre 1989 et 1993 et de n'avoir pas porté à son crédit l'augmentation moyenne minimale de 4% intervenue depuis lors en raison de l'ancienneté, du coût de la vie et du mérite. Il procède ensuite à un calcul rectificatif dont il résulte que le total des salaires annuels bruts perdus depuis l'accident jusqu'au jour de l'arrêt se monterait à 967'283 fr. 77 avec un salaire mensuel brut de 8'326 fr. 75 en 2002. Les juges précédents se voient encore reprocher par le demandeur d'avoir oublié toutes les augmentations de salaire dont il aurait bénéficié depuis mars 2002 jusqu'à sa retraite s'il avait pu continuer à travailler dans l'entreprise précitée, soit 480'315 fr., montant qui viendrait s'ajouter aux 1'329'958 fr. 23 provenant de la capitalisation du dommage de perte de gain. Sur tous ces points, le demandeur invoque, pêle-mêle, l'inadvertance et l'arbitraire dans la constatation des faits, de même que la violation de l'art. 42 al. 2 CO et des principes posés dans l' ATF 125 III 312, publié in SJ 2000 I p. 39.
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L'argumentation ainsi résumée, qui n'est d'ailleurs guère compréhensible, ne saurait être retenue. En effet, sous le couvert du grief d'inadvertance manifeste (sur cette notion, cf. ATF 115 II 399 consid. 2a; ATF 109 II 159 consid. 2b), le demandeur se borne en réalité à critiquer la manière dont la cour cantonale a apprécié les preuves pertinentes - il utilise du reste le qualificatif d'"arbitraire" à ce propos - et à soumettre au Tribunal fédéral son propre décompte, en se référant à des pièces déterminées du dossier cantonal ainsi qu'à son mémoire après enquêtes daté du 25 février 2000. Il voudrait donc que la juridiction fédérale de réforme fît office de cour d'appel, ce qui n'est évidemment pas son rôle. Comme on l'a indiqué plus haut, dire si le lésé pouvait compter avec une augmentation effective de son revenu est une question de fait et la réponse qui lui est apportée ne peut pas être critiquée dans un recours en réforme, sauf exceptions non réalisées en l'espèce. Pour le surplus, le demandeur ne démontre pas en quoi la Cour de justice aurait violé l'art. 42 al. 2 CO et l'on ne voit pas où il veut en venir en citant l'arrêt publié in SJ 2000 I p. 39. Enfin, la simple référence, faite par lui, aux thèses ![]() | 55 |
Cela étant, le Tribunal fédéral fondera ses calculs sur les chiffres mentionnés dans l'arrêt attaqué.
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2.3.2.2 S'il n'avait pas été accidenté, le demandeur aurait touché une rémunération brute totale de 911'757 fr. du jour de l'accident à celui de l'arrêt attaqué. Pour savoir quelle eût été sa rémunération nette, il convient de déduire du salaire brut global l'ensemble des contributions aux assurances sociales - 4,2% pour l'AVS, 0,7% pour l'AI, 0,15% pour l'APG et 1,5% pour l'AC (cf. SCHAETZLE/WEBER, op. cit., n. 3.443) -, soit le 6,55% dudit salaire, ce qui donne un montant de 59'720 fr. La déduction doit également porter sur les contributions du travailleur à la prévoyance professionnelle, qui sont fixées d'après les statuts ou le règlement de la Caisse de pension. Pour ce poste, la défenderesse propose une déduction de 11,15% en ![]() | 57 |
1989 : salaire annuel = 54'552 fr. (4'546 fr. x 12); déduction de coordination = 18'000 fr. (1/3 de 54'552 fr. mais limitée à la rente AVS maximale de 18'000 fr.); salaire assuré = 36'552 fr.; taux de cotisation (âge de l'assuré: 32 ans) = 5.50%; déduction (36'552 fr. x 5.50%) = 2'010 fr.; déduction pour 2 mois = 335 fr. (Les calculs effectués selon les mêmes modalités pour les années subséquentes, qui ne sont pas reproduits ici, entraînent les déductions suivantes: pour 1990, 2'134 fr.; pour 1991, 2'462 fr.; pour 1992, 2'570 fr.; pour 1993, 2'739 fr.; pour 1994, 2'967 fr.; pour 1995, 3'195 fr.; pour 1996, 3'461 fr.; pour 1997, 3'729 fr.; pour 1998, 4'057 fr.; pour 1999, 4'360 fr.; pour 2000, 4'730 fr.; pour pour 2001, 5'079 fr.; pour 2002 [2,5 mois], 1'138 fr.)
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Il faut donc déduire un montant total de 42'956 fr. du salaire brut au titre des cotisations LPP. Il en résulte une déduction globale de 102'676 fr. (59'720 fr. + 42'956 fr.). S'il n'avait pas été accidenté, le demandeur aurait pu percevoir, jusqu'au jour de l'arrêt cantonal, une rémunération nette totale de 809'081 fr. (911'757 fr. - 102'676 fr.). Sur ce montant, il y a lieu d'imputer, en vertu du principe de la ![]() | 59 |
2.3.2.3 Pour déterminer la perte de gain que le demandeur, totalement incapable de travailler, subira jusqu'au moment où il atteindra l'âge de la retraite (65 ans), il convient de capitaliser le salaire annuel net que le lésé aurait touché à la date du prononcé de l'arrêt cantonal et, eu égard à la subrogation des assureurs sociaux, de déduire du montant ainsi obtenu la valeur capitalisée des rentes LAA, AI et LPP que l'intéressé percevait à la même époque.
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Pour les motifs susmentionnés (cf. consid. 2.3.2.1), on tablera sur le revenu brut que le demandeur aurait pu acquérir à l'époque où l'arrêt attaqué a été rendu, soit 94'296 fr. (i.e. 7'858 fr. x 12). Sur ce montant seront imputées les cotisations AVS, AI, APG et AC (6.55%), par 6'176 fr., ainsi que les cotisations LPP, par 6'665 fr., calculées sur la base du salaire assuré (69'576 fr.; cf. consid. 2.3.2.2 in fine) et en fonction d'un pourcentage de 9,58% correspondant à la moyenne des pourcentages de cotisations prévus dans le barème standard du règlement de la Caisse de pension pour les assurés de la tranche d'âge comprise entre 45 et 65 ans. Il en résulte un salaire net déterminant de 81'455 fr. Ce montant sera capitalisé à l'aide de la table 11 de STAUFFER/SCHAETZLE (Tables de capitalisation, 5e éd.; la table 11 correspond à la table 18 de la précédente édition de cet ouvrage, utilisée par la cour cantonale), ce qui donne - pour un homme âgé de 45 ans au jour de la capitalisation et une durée limitée à 65 ans - un facteur de 13.50 et, partant, une perte de gain future de 1'099'642 fr. Sur ce montant, il faut imputer la totalité des prestations sociales couvrant la même période. Pour ce faire, on partira des chiffres mentionnés aux pages 33 et 34 de l'arrêt attaqué, puis on les multipliera par les facteurs de capitalisation actualisés (table 11 [facteur 13.50] pour les rentes du lésé, table 16a [facteur 13.37] ![]() | 61 |
Le recours de la défenderesse doit ainsi être partiellement admis sur ce point, le montant retenu par la cour cantonale du chef de la perte de gain future (342'337 fr.) étant dès lors ramené à 173'684 fr., sans changement quant au point de départ et au taux des intérêts compensatoires. Sur ce montant, il convient d'imputer encore les 3'367 fr. précités (cf. consid. 2.3.2.2 in fine), de sorte que la somme due par la défenderesse pour ce poste du dommage s'élève en définitive à 170'317 fr.
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A l'encontre de cette argumentation, la défenderesse objecte - à juste titre - que l'art. 10 al. 2 LPP a trait uniquement à l'assurance obligatoire, mais qu'il n'interdit en rien l'assurance facultative postérieurement à la dissolution des rapports de travail (cf. art. 4 et 47 LPP). Ce n'est pas dire qu'elle ait raison de ce seul fait. Aussi bien, à supposer que l'ex-employeur du demandeur ait réellement continué à alimenter l'avoir de vieillesse de l'intéressé par des bonifications de vieillesse - ce qui ne ressort pas des constatations de la cour cantonale -, il est constant que l'assuré, étant donné son invalidité totale, a été libéré de son obligation de cotiser (cf. art. 22.2 du règlement de la Caisse de pension), partant que son avoir de ![]() | 65 |
Au demeurant, l'argumentation développée par la défenderesse se limite à la question du dommage de rente en rapport avec le 2e pilier. Elle n'aborde nullement le problème de la réduction des prestations de l'AVS entraînée par des lacunes dans les cotisations.
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Dans ces conditions, la seule référence à l'art. 10.4, précité, du règlement de la Caisse de pension, ne permet pas d'exclure l'existence du dommage de rente allégué par le demandeur. On ne saurait donc faire l'économie du calcul de ce dommage.
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Le dommage direct de rentes de vieillesse correspond à la différence entre les prestations de vieillesse hypothétiques et les prestations effectivement versées par les assurances sociales. En d'autres termes, il convient de soustraire des rentes de vieillesse probables les prestations des assurances sociales versées durant la même période que les rentes de vieillesse (SCHAETZLE/WEBER, op. cit., n. 4.59).
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L'expérience enseigne que les rentes de vieillesse hypothétiques atteignent, en valeur, selon l'ampleur du revenu soumis à cotisations, un montant qui se situe dans la fourchette de 50 à 80% de la rémunération brute déterminante. En l'occurrence, la défenderesse propose d'appliquer un taux de 65%. Comme le demandeur ne formule aucune critique sur ce point spécifique, il y a lieu de s'en tenir à ce taux. Quant à la rémunération brute déterminante, elle a été fixée plus haut à 94'296 fr. (cf. consid. 2.3.2.3). Il convient donc de porter en compte le montant de 61'292 fr. par an (94'296 fr. x 65%).
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Il faut ensuite additionner les rentes d'invalidité effectivement allouées au demandeur du fait de son accident, respectivement les ![]() | 71 |
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C'est le lieu de rappeler, à titre de remarque liminaire d'ordre général, que l'établissement du préjudice ménager est essentiellement une question de fait et d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'intervient donc que si le juge cantonal a méconnu la notion juridique de cette catégorie de dommage ou d'autres principes de droit qui en régissent le calcul (ATF 127 III 403 consid. 4a p. 405; ATF 117 II 609 consid. 12a) ou si, sans disposer d'éléments concrets, il s'est laissé guider par des considérations contraires à l'expérience de la vie.
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Pour procéder à l'évaluation du temps nécessaire aux activités ménagères, les juges du fait peuvent soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités effectivement réalisées par le soutien dans le ménage. Dans le premier cas, ils appliquent des critères d'expérience, de sorte que leur estimation peut être revue dans le cadre d'un recours en réforme (ATF 118 II 365 consid. 1 p. 366 s. et les références), bien que, s'agissant d'appréciation, le Tribunal fédéral n'intervienne qu'avec retenue. Dans la seconde hypothèse, ils examinent la situation concrète du cas particulier, même s'ils s'aident d'études statistiques pour déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise réalisée dans le ménage en cause. Il s'agit alors de constatations de fait qui ne peuvent être critiquées en instance de réforme. Parmi les critères permettant d'établir concrètement le temps nécessaire aux activités ménagères, la structure du ménage, en particulier le nombre des personnes le composant, apparaît comme essentielle. Peuvent aussi être prises en compte la grandeur du logement, l'éventuelle activité lucrative effectuée par le lésé, la situation professionnelle des membres du ménage ainsi que la proximité de certaines commodités, comme des magasins (pour des exemples d'application de tels critères, cf., parmi d'autres, RIA WIGGENHAUSER-BAUMANN, Der Haushaltschaden im Haftpflichtfall, Die Monetäre Bewertung der Haushaltarbeit, Ossingen 2002, p. 45 ss).
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4.2.2.1 S'agissant du temps consacré par le demandeur aux tâches ménagères, la cour cantonale a retenu, dans ses constatations de fait, que le demandeur, dont l'épouse travaillait à temps complet, participait activement aux tâches du ménage (nettoyage, cuisine, lessive, courses et garde de l'enfant), en fonction de ses disponibilités découlant de son horaire variable, et qu'il assumait la moitié des travaux domestiques. Elle a cependant jugé incertain le nombre d'heures que le demandeur consacrait à cette activité et s'est dès lors basée sur la jurisprudence publiée in SJ 1994 p. 589 ss pour fixer, en accord avec ![]() | 79 |
A l'appui de son recours joint, le demandeur fait grief aux juges précédents d'avoir largement sous-estimé le temps consacré par lui aux tâches ménagères et aux soins prodigués à sa fille, qui n'avait pas encore une année lorsque l'accident s'est produit. Il serait "notoire", à l'en croire, qu'un bébé et un enfant en bas âge nécessitent des soins et la présence d'un adulte au moins 15 heures par jour, y compris le samedi et le dimanche. Toujours selon le demandeur, il serait également "notoire" qu'il devait travailler au moins une trentaine d'heures par semaine pour le ménage et pour les soins donnés à l'enfant du couple jusqu'à ce qu'il aille à l'école. Aussi, en réclamant de ce chef la rémunération de 25 heures de travail par semaine ou 100 heures par mois, le demandeur estime-il avoir fait preuve de modération et s'être conformé aux indications statistiques ressortant des pièces versées au dossier et de la jurisprudence invoquée par la Cour de justice. A partir du moment où l'enfant devait aller à l'école, soit dès l'âge de six ans (1995), le demandeur, se fondant sur l'arrêt précité, évalue à 38,4 heures le temps consacré chaque semaine par le couple à la tenue du ménage et aux soins prodigués à l'enfant en âge de scolarité. Il prétend dès lors à une indemnité équivalant à 76,8 heures de travail par mois (38,4 h. x 4 s. : 2) pour la période comprise entre le 1er septembre 1995 et le 15 mars 2002. En ce qui concerne le dommage ménager futur, le demandeur propose de comptabiliser 48 heures par semaine jusqu'à ce que sa fille et un enfant vietnamien actuellement en placement dans sa famille aient quitté le foyer au terme de leurs études, soit lorsqu'ils auront entre 25 et 30 ans. Par la suite, il prévoit, en se fondant sur l' ATF 108 II 434, que la durée hebdomadaire que le couple consacrera aux tâches ménagères se réduira à 25 heures. Il en déduit une moyenne hebdomadaire de 36,5 heures (48 h. + 25 h. : 2) ou 18,25 heures par conjoint, ce qui donne un total de 949 heures par année (18,25 h. x 52 s.).
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Les juges précédents n'ont pas déterminé concrètement le temps hebdomadaire consacré aux tâches ménagères par le demandeur - ils reconnaissent expressément que le point est "incertain" (arrêt attaqué, p. 42) -, mais ils se sont fondés sur des statistiques tirées de l'arrêt 4C.101/1993 du 23 février 1994, consid. 4a, publié in SJ 1994 ![]() | 81 |
Force est de noter d'emblée, à cet égard, l'absence quasi totale de motivation, dans l'arrêt déféré, en ce qui concerne la durée mensuelle du travail retenue pour le demandeur (60 h.). De fait, la Cour de justice n'explique pas en quoi le recours aux quelques statistiques citées dans un arrêt rendu près de 8 ans avant le sien se justifierait en l'occurrence. Elle n'indique pas davantage quelles seraient les similitudes supposées entre les circonstances de fait à la base des statistiques mentionnées dans l'arrêt fédéral et celles du cas examiné par elle, pas plus qu'elle n'expose les raisons qui l'ont conduite à admettre que le temps consacré par le demandeur aux tâches ménagères n'eût pas varié de la date de l'accident à celle de la cessation de toute activité domestique. Cette manière de procéder ne peut pas être approuvée. Même si la détermination concrète des travaux effectivement réalisés par le lésé dans le ménage avant son accident, en fonction des différents critères préconisés par la jurisprudence et la doctrine, ne peut pas être imposée au juge cantonal, le choix de la méthode "abstraite", fondée exclusivement sur des données statistiques, suppose à tout le moins que le juge du fait explique en quoi telle donnée statistique correspond peu ou prou à la situation de fait du cas particulier. A ce défaut, la juridiction fédérale de réforme n'est pas en mesure de vérifier si les règles d'expérience que constituent les statistiques ont été appliquées à bon escient par l'autorité cantonale. De même, il convient de ne pas ignorer le caractère doublement évolutif du travail domestique, tant en ce qui concerne la répartition traditionnelle des tâches ménagères entre l'homme et la femme, qui n'est pas immuable, qu'au regard de la structure du ménage et des modifications prévisibles qu'elle connaîtra, en particulier lors du départ du ou des enfants du foyer familial. Ce dernier aspect du problème a aussi été ignoré par la cour cantonale. Il va sans dire, enfin, que les données statistiques, quelles qu'elles soient, seront d'autant plus fiables qu'elles seront récentes.
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L'enquête suisse sur la population active (ESPA; en allemand: SAKE), effectuée périodiquement par l'Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel, compte tenu de la dynamique temporelle du travail ménager (cf. au sujet de cette enquête, des critiques qu'elle a suscitées et de leur réfutation, l'article convaincant de VOLKER PRIBNOW/ROLF WIDMER/ALFONSO SOUSA-POZA/THOMAS GEISER, ![]() | 83 |
4.2.2.2 Il est constant, et d'ailleurs incontesté, que, jusqu'à la stabilisation médicale de son état de santé, intervenue à fin 1991, le demandeur a été totalement incapable d'effectuer des travaux ménagers. Le problème est de savoir dans quelle mesure l'intéressé est capable, depuis lors, d'assumer une telle charge et de pourvoir à l'entretien de sa fille conjointement avec son épouse.
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La cour cantonale retient, en fait, que le demandeur arrive à marcher en boitant, entre une heure et une heure trente, en s'appuyant sur une canne qu'il tient dans sa main droite; qu'il éprouve en outre des douleurs permanentes à l'épaule gauche, ainsi qu'au niveau de la fesse gauche, essentiellement lorsqu'il se tient debout et qu'il marche; qu'en plus, de fréquentes céphalées affectent la moitié gauche de sa tête, dont le tremblement intermittent et d'intensité variable s'intensifie sous le coup des émotions et peut interférer avec ![]() | 85 |
Le demandeur conteste avec raison cette manière de procéder qui n'est guère conséquente. Il est effectivement pour le moins contradictoire, après avoir assimilé le travail domestique à la profession manuelle exercée par le lésé, de n'admettre qu'un taux d'incapacité de 50% en ce qui concerne la première activité alors que l'on a conclu à l'incapacité totale d'accomplir la seconde. Il y a également contradiction irréductible à comparer la situation du demandeur à celle d'une personne tétraplégique, tout en concluant à une capacité résiduelle de 50% relativement aux tâches ménagères. Au demeurant, on voit mal pour quelle raison les juges précédents se sont fondés sur l'expertise judiciaire, s'agissant de déterminer cette capacité résiduelle, puisqu'ils soulignent eux-mêmes que le rapport d'expertise ne dit rien à ce sujet. Ce faisant, ils ont méconnu la notion juridique du dommage domestique.
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Cela étant, il y a lieu de fixer à 88% le taux d'incapacité du demandeur en ce qui concerne le travail domestique pour la période postérieure au 31 décembre 1991.
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4.2.2.3 Il ne reste plus qu'à calculer, sur ces nouvelles bases, le dommage ménager actuel et futur dont le demandeur peut réclamer réparation à la défenderesse.
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Le dommage ménager concernant la période du 14 octobre 1989 au 31 décembre 1991, durant laquelle le demandeur a été totalement incapable d'effectuer des travaux domestiques, se calcule comme il suit: 108 heures par mois x 25 fr. par heure x 26,5 mois x 100% d'incapacité = 71'550 fr. Pour la période du 1er janvier 1992 au 30 août 1995, date à laquelle la fille du demandeur est entrée à l'école obligatoire, il convient de porter en compte la somme de 104'544 fr. (108 heures par mois x 25 fr. par heure x 44 mois x 88% d'incapacité). Enfin pour la période du 1er septembre 1995 au 15 mars 2002, date (fictive) de l'arrêt cantonal, il y a lieu de rajouter la somme de 157'157 fr. (91 heures par mois x 25 fr. par heure x 78,5 mois x 88% d'incapacité). On obtient dès lors un montant total de 333'251 fr. Ce ![]() | 90 |
Pour calculer le dommage ménager futur, le Tribunal fédéral ne tiendra pas compte de l'allégation, nouvelle, concernant le placement d'un garçon vietnamien dans la famille du demandeur (art. 55 al. 1 let. c OJ). Pour le surplus, il partira de l'hypothèse selon laquelle la fille du demandeur quittera le foyer familial au plus tard à 25 ans, âge coïncidant avec celui qui marque la fin du versement de la rente pour enfants ou orphelins dans les assurances sociales (cf. art. 35 LAI, 25 LAVS et 30 LAA [SR 832.20]). Enfin, au lieu de procéder, comme le demandeur, à un calcul fondé sur la moyenne du temps que celui-ci aurait consacré aux travaux domestiques pendant les deux périodes, de durée inégale, prises en considération - soit avant et après 2014, année où la fille du demandeur atteindra l'âge de 25 ans -, on effectuera les calculs nécessaires conformément aux suggestions de SCHAETZLE/WEBER (op. cit., exemple 7 p. 114 s.), qui tiennent compte du caractère évolutif du dommage ménager futur. En ce qui concerne la capitalisation, la jurisprudence actuelle calcule le dommage domestique en prenant la moyenne arithmétique entre activité et mortalité (ATF 113 II 345 consid. 2b). Ce faisant, elle prolonge la capacité de travail, en y incluant l'espérance de vie (tables de mortalité), parce qu'il est notoire qu'une ménagère travaille généralement jusqu'à un âge plus avancé à la maison qu'une personne exerçant une activité lucrative hors de son foyer. Selon les deux auteurs précités, cette pratique pouvait se justifier tant que la perte de gain était calculée en capitalisant une rente d'activité non temporaire. Elle n'est, en revanche, plus de mise aujourd'hui, étant donné, d'une part, que le dommage de perte de gain est calculé en capitalisant une rente temporaire jusqu'à l'âge présumé de la retraite et, d'autre part, que la notion d'activité, dans la 5e édition des tables STAUFFER/SCHAETZLE, se confond avec celle de capacité de travail, qui prend fin lorsqu'on n'est plus en mesure physiquement de tenir son propre ménage. Au demeurant, les tables d'activité tiennent compte de la probabilité de décès, en plus de la probabilité d'invalidité, raison pour laquelle la probabilité de décès ne doit pas être prise en compte une seconde fois en tant que valeur moyenne entre activité et mortalité. Aussi convient-il de capitaliser le dommage domestique futur à l'aide de la table d'activité non temporaire no 10 (SCHAETZLE/WEBER, op. cit., n. 2.228, 2.500, 3.280 s., 3.522 et 5.60 ss; voir aussi: BREHM, op. cit., n. 571, lequel souligne en outre que l'activité de ménagère est très largement représentée dans les statistiques ![]() | 91 |
a) Valeur annuelle du travail domestique depuis le jour du jugement (15 mars 2002) jusqu'en 2014, moment présumé où la fille du demandeur quittera le foyer familial, soit durant la période comprise entre la 45e et la 57e années du demandeur: 24'024 fr. (91 heures par mois x 25 fr. par heure x 12 mois x 88% d'incapacité).
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Durée: rente d'activité d'une durée déterminée, taux d'intérêt 3,5% (table 12x).
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Table 12x, de 45 à 57 ans (12 ans) = facteur de 9.56.
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Capitalisation: 9.56 x 24'024 fr. = 229'669 fr.
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b) Dommage domestique annuel dès que le demandeur aura atteint 57 ans, le ménage ne comprenant plus alors que deux personnes (cf. tableau 2, reproduit in HAVE/REAS 1/2002 p. 37), et jusqu'à la fin de l'activité: 17'424 fr. (66 heures par mois x 25 fr. par heure x 12 mois x 88%).
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Rente d'activité différée, taux d'intérêt 3,5% (table 14x).
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Table 14x, âge 45 ans, différée de 12 ans = facteur 7.58.
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Capitalisation: 7.58 x 17'424 fr. = 132'074 fr.
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c) Dommage domestique futur total: 361'743 fr. (229'669 fr. + 132'074 fr.).
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