BGE 130 III 28 | |||
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4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre X. SA (recours en réforme) |
4C.223/2003 du 21 octobre 2003 | |
Regeste |
Fristlose Kündigung; wichtiger Grund; Art. 337 OR; neues rechtliches Vorbringen. |
Verspätete Erklärung der Kündigung als neues rechtliches Vorbringen. Frage in Ermangelung genügender tatsächlicher Feststellungen offengelassen (E. 4.4). | |
Sachverhalt | |
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Dans le courant de l'année 1998, une messagerie électronique a été installée dans les bureaux de W. Deux adresses ont été créées, une adresse professionnelle, ouverte à tous les employés du site, et une adresse privée destinée à B. Ces deux adresses étaient protégées par un nom d'utilisateur et un mot de passe. L'idée de configurer une adresse distincte pour le directeur émanait de A., qui a procédé à son installation.
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Gravement atteint dans sa santé, B. a été incapable de travailler d'octobre à décembre 1999. Durant son absence, il a chargé A. du suivi des affaires de la société et l'a autorisé à consulter et à utiliser l'adresse professionnelle de l'entreprise, ce qui allait de soit, dans la mesure où cette adresse était ouverte à tous. Malgré sa maladie, le directeur a continué de superviser la gestion de la société.
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L'adresse personnelle de B. était utilisée à des fins professionnelles et privées. Elle servait à l'échange d'informations sensibles de B. avec la direction centrale de X. SA et avec des tiers. Les différents messages traitaient notamment des budgets annuels, des salaires des collaborateurs de l'entreprise, y compris celui de A., et de l'exécution de leur travail. B. utilisait également cette messagerie pour informer la direction centrale de l'évolution de son état de santé et pour adresser des courriers de nature privée à d'autres correspondants. A. ne pouvait ignorer le caractère privé de ce compte, dont l'utilisation a été particulièrement intense durant la maladie du directeur.
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En juin 2000, le disque dur de l'ordinateur de B. a subi une panne. En examinant l'ordinateur, le réparateur a découvert que l'adresse personnelle du directeur avait été dupliquée sur l'adresse privée de A., ce qui signifiait que celui-ci recevait une copie de tous les messages envoyés au directeur sur son compte personnel, ce que ce dernier ne pouvait remarquer en accédant à sa propre messagerie. B. a été surpris de cette découverte.
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Grâce à cette déviation, A. s'était aménagé un accès à toute la messagerie électronique du directeur. Aussi bien au bureau qu'à la maison, il pouvait consulter, depuis son ordinateur, sous son propre nom d'utilisateur et mot de passe, les e-mails parvenant à cette adresse. Il n'avait pas besoin de taper le nom d'utilisateur du directeur ni son mot de passe. En principe, les messages envoyés ne peuvent être lus que sur l'installation qui les a créés et envoyés, mais, dans l'hypothèse où le destinataire d'un message envoyé par B. lui répondait sans supprimer le message initial, A. avait également accès aux messages envoyés par le directeur.
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Il n'a pas été établi que A. ait pris connaissance d'e-mails privés ni qu'il ait divulgué une quelconque information sur l'état de santé de B.
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Le 15 juin 2000, X. SA, se référant à un entretien du 13 courant, a confirmé à A. qu'il était licencié avec effet immédiat, en mentionnant le détournement des messages électroniques. Considérant un tel licenciement comme injustifié, A. a offert ses services, ce que X. SA a refusé.
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En automne 2000, A. a introduit une action en justice, réclamant notamment une indemnité pour licenciement injustifié. La Cour civile cantonale l'a débouté, considérant que X. SA était en droit de résilier avec effet immédiat son contrat de travail.
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Contre le jugement cantonal, A. a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral, qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
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Extrait des considérants: | |
3. La cour cantonale a considéré en substance que le seul fait, pour le demandeur, d'avoir dévié sur son adresse privée l'adresse du directeur constituait une atteinte grave aux droits de la personnalité de son supérieur hiérarchique, alors que ni le consentement de la victime, ni la mission confiée ou l'intérêt prépondérant de la défenderesse ne permettait de la justifier. Un tel comportement consti tuait à lui seul un juste motif de licenciement immédiat, car il était de nature à rompre irrémédiablement la confiance de la défenderesse à l'égard de son employé. Dans cette appréciation, il importait peu de savoir si le demandeur s'était abstenu de prendre connaissance des messages privés figurant sur ce compte, s'il avait divulgué des informations confidentielles ou si la défenderesse avait subi un dommage matériel.
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Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (ATF 127 III 351 consid. 4a et les références cités). D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354 et les arrêts cités), mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 117 II 560 consid. 3b p. 562). Le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 127 III 86 consid. 2c p. 89).
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Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354; ATF 116 II 145 consid. 6a p. 150). Le Tribunal fédéral revoit avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 129 III 380 consid. 2 p. 382; ATF 127 III 153 consid. 1a p. 155, ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354).
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Sur le plan pénal, l'art. 143bis CP punit celui qui, sans dessein d'enrichissement, se sera introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part. Tombe sous le coup de cette disposition la personne qui, généralement par défi, parvient à pénétrer dans un système informatique protégé contre tout accès indu. Il suffit qu'il n'y ait plus de barrières informatiques qui puissent sérieusement l'empêcher de prendre connaissance des données (cf. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, n. 5 ss ad art. 143bis CP). Il s'agit d'une violation du domicile informatique d'autrui (MOREILLON, Nouveaux délits informatiques sur Internet, Medialex 2001 p. 21 ss, 22).
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Dans les relations entre particuliers enfin, l'art. 28 CC garantit le droit au respect de la sphère privée, qui comprend les événements que chacun veut partager avec un nombre restreint d'autres personnes (ATF 97 II 97 consid. 3 p. 101). En font partie les informations de nature personnelle transmises au moyen de la messagerie électronique (cf. en ce sens GEISER, Die Beaufsichtigung des Internetbenutzers im Arbeitsrecht, Medialex 2001 p. 201 s.). L'irruption d'un tiers dans cette sphère, notamment pour rassembler des informations, constitue une atteinte à la personnalité (BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd., Bâle 1999, p. 111 s.). Cette atteinte est d'autant plus grave qu'elle concerne la sphère secrète, c'est-à-dire des événements dont l'individu n'entend partager la connaissance qu'avec des personnes auxquelles ces faits ont été spécialement confiés, telles les données sur la santé (ATF 119 II 222 consid. 2b/aa p. 225) ou relevant de la vie professionnelle (BUCHER, op. cit., p. 112). Selon l'art. 28 al. 2 CC, une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.
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4.3 En l'espèce, il ressort des constatations cantonales, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que le demandeur, auquel le suivi des affaires de la société avait été confié pendant la maladie de son directeur, s'était aménagé un accès, depuis son ordinateur personnel, à toute la messagerie électronique de son patron, alors qu'il connaissait le caractère privé de l'adresse du directeur. Grâce à ce système, il pouvait, depuis le bureau ou la maison, entrer dans la messagerie de ce dernier sous ses propres données, sans avoir à taper le nom d'utilisateur ni le mot de passe du directeur. Il a été relevé que celui-ci n'était pas au courant de la déviation, dont il n'a eu connaissance qu'en juin 2000, lors de la réparation de son ordinateur. Il ressort également des faits constatés que ni la mission de gestion confiée au demandeur, ni un intérêt prépondérant de la défenderesse ne justifiaient une telle déviation. Dans ce contexte, même s'il n'a pas été possible de prouver que le demandeur ait pris connaissance des messages de caractère privé ou, a fortiori, qu'il ait divulgué les informations s'y trouvant, le seul fait qu'il se soit aménagé la possibilité d'y avoir librement accès porte déjà atteinte au secret des communications et constitue une violation de la sphère intime du directeur, voire une infraction pénale. La cour cantonale pouvait donc, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, admettre qu'un tel comportement était de nature à entraîner la perte du rapport de confiance constituant le fondement du contrat de travail, ce qui permettait à l'employeur d'y mettre fin avec effet immédiat, sans avertissement préalable.
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Le comportement du demandeur, qui s'est créé la possibilité de consulter des informations de nature personnelle qui ne lui étaient pas destinées, ne saurait être assimilé au simple fait de copier une liste de clients de son employeur, sans exploiter ni communiquer ces données. La jurisprudence cantonale dont le demandeur se prévaut (cf. référence citée in FAVRE/MUNOZ/TOBLER, Le contrat de travail, Lausanne 2001, n° 1.55 ad art. 337 CO p. 215) ne lui est donc d'aucun secours. Au demeurant, le Tribunal fédéral n'est pas lié par des précédents dont il n'a pas eu à connaître (ATF 129 III 225 consid. 5.4 et les arrêts cités).
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Comme le souligne la défenderesse, il s'agit d'un argument nouveau, qui ne relève toutefois pas du fait, mais du droit. Selon la jurisprudence, une argumentation juridique nouvelle est admissible, à condition qu'elle reste dans le cadre de l'état de fait ressortant de la décision attaquée (cf. ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311 s.; ATF 123 III 129 consid. 3b/aa p. 133; ATF 107 II 465 consid. 6a p. 472).
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Le Tribunal fédéral considère que la partie qui résilie un contrat de travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations (ATF 123 III 86 consid. 2a et les arrêts cités). Un délai général de deux à trois jours ouvrables de réflexion est présumé approprié; un délai supplémentaire n'est accordé à celui qui entend résilier le contrat que lorsque les circonstances particulières du cas concret exigent d'admettre une exception à la règle (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4C.345/2001 du 16 mai 2002, consid. 3.2; 4C.382/1998 du 2 mars 1999, consid. 1a et b; cf. ATF 93 II 18).
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L'examen du caractère tardif du licenciement supposerait ainsi, dans le cas d'espèce, de savoir précisément à quelle date la défenderesse a eu connaissance du détournement de la messagerie du directeur opéré par le demandeur. Le jugement attaqué mentionne seulement le début du mois de juin 2000, alors que la résiliation est intervenue le 13 juin suivant. Sur la base de ces seuls éléments, il n'est pas possible de déterminer si le délai de deux à trois jours ouvrables fixé par la jurisprudence a été respecté et, si tel n'était pas le cas, s'il existait des circonstances particulières justifiant un délai plus long, comme l'absence du demandeur pour cause de vacances qu'évoque la défenderesse. A défaut de constatations de fait suffisantes, il ne sera par conséquent pas entré en matière.
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