BGE 131 III 153 | |||
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20. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause International Business Machines Corporation (IBM) contre Gypsy International Recognition and Compensation Action (GIRCA) (recours en réforme) |
4C.296/2004 du 22 décembre 2004 | |
Regeste |
Art. 129 Abs. 2 IPRG; örtliche Zuständigkeit; doppelrelevante Tatsachen; Vorbereitungshandlungen. |
Anwendung der Theorie der doppelrelevanten Tatsachen bei der Prüfung der subsidiären Anknüpfung an den Handlungsort im Sinne von Art. 129 Abs. 2 IPRG und Auswirkungen dieser Theorie auf die Kognition des Gerichts (E. 4 und 5). |
Blosse Vorbereitungshandlungen bilden keinen genügenden Anknüpfungspunkt für die Zuständigkeit der schweizerischen Gerichte gemäss Art. 129 Abs. 2 IPRG. Definition des Begriffs der Vorbereitungshandlungen unter dem Gesichtspunkt des Zivilrechts (E. 6). | |
Sachverhalt | |
A. La société "International Business Machines Corporation" (ci-après: IBM), qui a son siège aux États-Unis, disposait dès 1936 d'un établissement à Genève, figurant dans les annuaires genevois, sous la notice "International Business Machines Corporation New York, European Headquarters, machines pour statistiques et commerciales, rue du Mont-Blanc 14".
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Selon ses statuts datés du 27 décembre 2000, Gypsy International Recognition and Compensation Action (ci-après: Girca) est une association dont le but est d'entreprendre toute action de toute nature, y compris sur le plan judiciaire, dans les domaines politique, social, économique, culturel ou juridique aux fins notamment d'obtenir toute compensation pour les préjudices individuels, familiaux et communautaires résultant de politiques ou de faits discriminatoires et/ou racistes, en particulier des événements de la période nazie 1933-1945.
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En 2002, cinq tsiganes qui ont séjourné durant la seconde Guerre mondiale dans des camps de concentration et dans des ghettos, où ils ont perdu plusieurs membres de leur famille proche, ont cédé à Girca tous leurs droits à l'encontre du groupe IBM à Genève.
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B. Par une action déposée en vue de conciliation devant les tribunaux genevois le 31 janvier 2002, Girca a réclamé à IBM des dommages-intérêts et la réparation du tort moral en faveur des tsiganes lui ayant cédé leurs droits. L'association entend démontrer et faire constater en justice que des actes commis à Genève entre 1935 et 1945, au sein de l'établissement genevois propriété d'IBM NewYork, auraient été constitutifs de complicité de crimes contre l'humanité commis par les nazis durant le 3e Reich, en Allemagne et dans les territoires occupés. Selon Girca, IBM aurait fourni aux nazis une vaste assistance technologique, lors de la procédure de recensement de population, jusqu'aux décomptes des victimes dans l'enceinte des camps de concentration.
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La demande de Girca se fonde principalement sur un ouvrage écrit par Edwin Black, intitulé, dans sa version française, "IBM et l'Holocauste". L'auteur, qui se présente comme le fils de survivants polonais de l'holocauste, est un ancien reporter au Washington Post, devenu journaliste d'investigation indépendant. Il soutient la thèse selon laquelle, si les nazis sont parvenus à exterminer six millions de juifs durant la seconde Guerre mondiale, c'est en raison d'une organisation remarquable, qui a été rendue possible grâce à des machines à cartes perforées, propriété de l'entreprise américaine IBM, qui gérait ses filiales européennes par l'intermédiaire de son bureau de Genève.
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Le 3 février 2003, les parties ont convenu devant le premier juge de faire tout d'abord porter la cause sur l'exception d'incompétence ratione loci et sur celle de prescription soulevées par IBM, l'instruction au fond étant réservée.
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Par jugement du 28 mai 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève, statuant sur exception, s'est déclaré incompétent à raison du lieu pour connaître de la cause opposant Girca à IBM et a considéré comme irrecevable la demande formée par l'association.
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Le 11 juin 2004, la Cour de justice a admis l'appel formé par Girca à l'encontre de ce jugement. Considérant que c'était à tort que le premier juge avait nié la compétence ratione loci des juridictions genevoises, elle a annulé cette décision et renvoyé la cause au Tribunal de première instance.
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C. Contre l'arrêt du 11 juin 2004, IBM (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée, à ce qu'il soit dit et constaté que les tribunaux genevois ne sont pas compétents à raison du lieu pour connaître de la cause opposant Girca à IBM et qu'en conséquence, la demande formée par Girca soit déclarée irrecevable.
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Girca (la demanderesse) propose le rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
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Extrait des considérants: | |
Erwägung 2 | |
2.1 La cour cantonale a considéré que c'était à tort que le premier juge avait nié la compétence ratione loci des autorités judiciaires genevoises. Limitant l'examen des faits invoqués à la vraisemblance, les juges ont statué sur leur compétence en application de la LDIP (RS 291). Après avoir nié que celle-ci puisse reposer sur le domicile, la résidence habituelle ou l'établissement en Suisse de la défenderesse, ils ont envisagé le for du lieu de l'acte ou du résultat. Ils ont retenu en substance qu'une complicité d'IBM par une assistance matérielle et intellectuelle aux actes criminels des nazis durant la seconde Guerre mondiale, par le biais de son établissement genevois, n'apparaissait pas exclue. Un important faisceau d'indices indiquait que l'établissement genevois pouvait se rendre compte qu'il apportait son concours à des actes qui allaient bien au-delà d'actes préparatoires délictueux. Par conséquent, les faits reprochés au siège européen d'IBM à Genève ont été jugés suffisants, à ce stade de la procédure, pour fonder la compétence des tribunaux genevois.
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Comme l'a retenu à juste titre la cour cantonale, la compétence des autorités judiciaires suisses, en l'occurrence genevoises, pour traiter de la présente cause est exclusivement régie par la LDIP (cf. art. 1 al. 1 let. a LDIP), dès lors qu'aucune convention internationale n'est applicable (art. 1 al. 2 LDIP; ATF 128 III 343 consid. 2b p. 345). En effet, les États-Unis, pays dans lequel la défenderesse a son siège, ne sont pas partie à la Convention de Lugano, ni ne sont liés à la Suisse par un autre traité international fixant la compétence à raison du lieu.
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Le présent recours porte exclusivement sur l'existence d'un for à Genève. Même si les faits sur lesquels se fondent les prétentions émises par Girca se sont déroulés entre 1935 et 1945 environ, la compétence des autorités judiciaires genevoises doit être examinée en application du droit actuel, puisque l'action a été introduite après l'entrée en vigueur de la LDIP, le 1er janvier 1989 (VOLKEN, Commentaire zurichois, n. 12 ad art. 199 LDIP; JAMETTI/GREINER/ GEISER, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 197 LDIP).
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4. Selon l'arrêt attaqué, Girca a déposé action en qualité de cessionnaire des droits de cinq tsiganes, en vue de demander des dommages-intérêts et une indemnité pour tort moral, sur la base des art. 41 ss CO. La question de la compétence internationale des tribunaux suisses pour connaître d'une action fondée, comme en l'espèce, sur un acte illicite s'examine à la lumière de l'art. 129 LDIP.
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L'alinéa 1 de cette disposition admet la compétence des tribunaux suisses du domicile ou, à défaut, de ceux de la résidence habituelle ou de l'établissement du défendeur. La cour cantonale n'a pas retenu sa compétence sur cette base. Comme ce point n'a pas été remis en cause, il ne sera pas revu dans la présente procédure (art. 55 al. 1 let. c OJ).
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Les juges se sont en revanche fondés sur le rattachement de nature subsidiaire (VOLKEN, op. cit., n. 19 ad art. 129 LDIP) prévu à l'art. 129 al. 2 LDIP, selon lequel, lorsque le défendeur n'a ni domicile ou résidence habituelle, ni établissement en Suisse, l'action peut être intentée devant le tribunal suisse du lieu de l'acte ou du résultat. Le litige porte exclusivement sur l'application de cette disposition.
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5.1 Lorsque l'examen de la compétence du tribunal se recoupe avec celui du bien-fondé de la demande, prévaut alors la théorie de la double pertinence. Selon celle-ci, l'existence des faits justifiant à la fois la compétence et les prétentions au fond, s'ils sont contestés, seront présumés réalisés pour l'examen de la compétence et ils ne devront être prouvés qu'au moment où le juge statuera sur le fond de la demande (cf. ATF 122 III 249 consid. 3b/bb p. 252 et les références citées). En d'autres termes, il suffit, pour admettre la compétence du tribunal, que les faits qui constituent à la fois la condition de cette compétence et le fondement nécessaire de la prétention soumise à l'examen du tribunal soient allégués avec une certaine vraisemblance (cf. ATF 128 III 50 consid. 2b/bb p. 56). Les objections de la partie défenderesse ne seront examinées qu'au moment de juger l'affaire sur le fond (ATF 129 III 80 consid. 2.2 in fine; ATF 122 III 249 consid. 3b/bb p. 252). Cette règle tend à protéger la partie défenderesse, puisqu'elle lui permet d'opposer l'exception de chose jugée à une action qui serait introduite ultérieurement à un autre for (ATF 124 III 382 consid. 3; ATF 122 III 252 consid. 3b/bb p. 252; cf. KNOEPFLER, Réflexions sur la théorie des faits doublement pertinents, PJA 1998 p. 787 ss, 790 s., qui doute du but protecteur). Le principe de la double pertinence n'entre toutefois pas en ligne de compte lorsque la compétence d'un tribunal arbitral est contestée, car il est exclu de contraindre une partie à souffrir qu'un tel tribunal se prononce sur des droits et obligations litigieux, s'ils ne sont pas couverts par une convention d'arbitrage valable (ATF 128 III 50 consid. 2b/bb p. 56 s.; ATF 121 III 495 consid. 6d p. 503). De même, la double pertinence ne s'applique pas à la question de l'immunité de juridiction invoquée par un État (ATF 124 III 382 consid. 3b p. 387).
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En l'espèce, le for de l'art. 129 al. 2 LDIP prévoit comme rattachement avec la Suisse le lieu de l'acte illicite ou du résultat, soit des critères qui non seulement permettent de déterminer la compétence, mais qui relèvent également du fondement matériel de l'action, soit des faits doublement pertinents. Comme l'autorité saisie n'est pas un tribunal arbitral et qu'il ne s'agit pas de se prononcer sur l'immunité d'un État, la théorie de la double pertinence est applicable. La cour cantonale ne s'y est du reste pas trompée, dès lors qu'elle a pris soin de préciser, à plusieurs reprises, qu'elle ne se prononçait que sur la compétence, ce qui la conduisait à examiner l'existence d'activités illicites de la part de la défenderesse depuis son établissement genevois exclusivement sous l'angle de la vraisemblance, compte tenu des allégués de la demande, en l'état de la procédure et sans anticiper sur l'instruction des faits de la cause.
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Dans ces circonstances, on ne voit manifestement pas en quoi les juges auraient violé le principe de l'indépendance des décisions sur la compétence internationale. La défenderesse ne peut être suivie lorsqu'elle reproche à la cour cantonale de s'être interrogée sur le bien-fondé de l'action lors de l'examen de la compétence. En effet, dès que, pour déterminer le for au sens de l'art. 129 al. 2 LDIP, il faut se prononcer sur des faits doublement pertinents, il est par définition impossible de séparer les questions de fond de celles de compétence, puisqu'elles se recoupent. La cour cantonale, examinant l'existence d'un point de rattachement au lieu de l'acte, ne pouvait donc faire autrement que de se pencher sur des éléments relevant du fond de l'action. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'arrêt attaqué ne préjuge en rien de l'issue matérielle de l'action. Il est au contraire rédigé en des termes prudents, la cour cantonale prenant garde de souligner qu'elle n'entendait pas anticiper l'instruction de la cause, mais uniquement se prononcer sur la compétence, en début de procédure. Enfin, le respect du principe de double pertinence imposait aux juges de ne statuer que sous l'angle de la vraisemblance au stade de la compétence, de sorte que la défenderesse ne saurait leur reprocher de n'avoir procédé qu'à un examen prima facie.
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Il est vrai que Girca agit en qualité de cessionnaire des droits des cinq tsiganes et qu'elle ne peut prétendre à être indemnisée qu'en raison du préjudice subi par ceux-ci et non pour toutes les exactions nazies durant la seconde Guerre mondiale. Il n'en demeure pas moins qu'il suffit que la commission d'actes illicites par l'établissement genevois d'IBM, de nature à léser les cinq tsiganes à l'origine de l'action, paraisse vraisemblable (cf. supra consid. 5.1). A ce propos, la cour cantonale a admis qu'il n'était pas insoutenable de retenir qu'IBM, par le biais de son centre de Genève, avait accordé une assistance technique aux nazis. Même si les intentions d'Hitler à l'égard des "asociaux" dont faisaient partie les tsiganes ne semblaient être apparues qu'en 1938, IBM devait connaître les besoins de ses clients nazis dans les détails, de sorte qu'à ce stade de la procédure, l'hypothèse de sa complicité aux actes criminels des nazis ne pouvait être écartée. Quoi qu'en dise la défenderesse, l'arrêt attaqué ne se contente pas d'une approche historique générale, mais fait le lien entre les activités d'IBM et les crimes dont ont fait l'objet les tsiganes. Un tel examen est ainsi suffisant, dès lors qu'il s'agit seulement de se prononcer sur la compétence des autorités judiciaires en application de l'art. 129 al. 2 LDIP, sur la base de faits doublement pertinents.
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Par ailleurs, il n'est pas nécessaire d'examiner, dans le cadre de la décision sur la compétence, si l'état de fait est propre à engager la responsabilité de la personne recherchée (cf. ATF 125 III 346 consid. 4c/aa p. 351). Comme l'a relevé pertinemment la demanderesse, la cour cantonale n'avait donc pas à se prononcer, à ce stade de la procédure, sur toutes les conditions d'application de l'art. 41 CO, notamment sur l'existence d'un lien de causalité adéquate entre le comportement d'IBM et le préjudice subi par les cinq tsiganes concernés.
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Le for du lieu de l'acte prévu par l'art. 129 al. 2 LDIP pour fonder la compétence internationale des autorités judiciaires suisses n'est cependant pas inédit. La Convention de Lugano (CL; RS 0.275.11) connaît également un point de rattachement similaire (ATF 125 III 346 consid. 4a), de sorte que l'on peut s'en inspirer, pour déterminer la portée à donner à cette notion lors de l'application de l'art. 129 al. 2 LDIP (cf. BUCHER/BONOMI, op. cit., n. 1053; WYSS, Der Gerichtsstand der unerlaubten Handlung, thèse Berne 1997, p. 132).
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Selon le Tribunal fédéral, le for du lieu de l'acte au sens de l'art. 5 ch. 3 CL vise le lieu dans lequel l'activité illicite a été réalisée, le lieu de survenance de l'événement à l'origine du dommage, le lieu du fait générateur. En cas d'actes partiels répartis dans différents endroits, la compétence à raison du lieu est multipliée, dans le sens où chaque tribunal dans le ressort duquel un acte a été commis est compétent à raison du lieu de manière concurrente. Suivant la doctrine, notamment allemande, la Cour de céans a toutefois précisé que de simples actes préparatoires ne suffisaient pas à fonder un for au lieu de commission de l'acte (ATF 125 III 346 consid. 4c/aa p. 350 et les références citées; cf. plus récemment: GEIMER/SCHÜTZE, Europäisches Zivilverfahrensrecht, 2e éd., Munich 2004, p. 203 n. 250; SCHACK, Internationales Zivilverfahrensrecht, 3e éd., Munich 2002, p. 134 n. 300). Autrement dit, sous réserve de simples actes préparatoires, tout lieu dans lequel est survenu un événement causal pour le résultat dommageable peut être considéré comme un lieu de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 4C.98/2003 du 15 juin 2003, consid. 2.2), et créer autant de fors au choix du demandeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C.343/1999 du 3 février 2002, consid. 2b; ATF 125 III 346 consid. 4a et 4c/aa).
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Comme l'acte illicite permettant de fonder un for au sens de l'art. 129 al. 2 LDIP doit être défini selon le droit suisse (BUCHER/BONOMI, op. cit., n. 1036; VOGEL/SPÜHLER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 7e éd., Berne 2001, n. 45v; OTHENIN-GIRARD, Droit international privé/Les actes illicites, FJS 710 p. 3), il en va a fortiori de même des simples actes préparatoires (cf. UMBRICHT, Commentaire bâlois, n. 16 ad art. 129 LDIP).
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La difficulté vient du fait que, comme le relève pertinemment la défenderesse, la notion d'actes préparatoires doit être envisagée sous l'angle du droit civil, dans le contexte d'une action fondée sur un acte illicite, alors qu'elle est avant tout utilisée en droit pénal et n'intéresse pas les civilistes suisses (WYSS, op. cit., p. 110 s.).
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La jurisprudence s'est contentée de poser le principe selon lequel de "simples actes préparatoires" ne peuvent constituer un point de rattachement suffisant pour fonder la compétence des autorités judiciaires suisses, mais sans indiquer précisément ce qu'elle entendait par ces termes. Le Tribunal fédéral a seulement relevé que le fait de dicter des lettres ou des notes en un lieu, alors que celles-ci avaient été signées et envoyées depuis un autre endroit, ne suffisait pas à créer un for (ATF 125 III 346 consid. 4c/bb p. 351 s.). Quant aux rares auteurs ayant, en Suisse, abordé cette question, ils ne contestent pas que les actes préparatoires ne permettent pas de fonder un for en Suisse, sans pour autant définir cette notion (cf. BRANDENBERG BANDL, Direkte Zuständigkeit der Schweiz im internationalen Schuldrecht, thèse St-Gall 1991, p. 312 note 904; UMBRICHT, op. cit., n. 16 ad art. 129 LDIP; WYSS, op. cit., p. 110 s.). Il ressort toutefois de l' ATF 125 III 346 et des considérations doctrinales que, pour créer un for, les actes en cause doivent revêtir une intensité minimale (cf. WYSS, op. cit., p. 111; DUTOIT, Commentaire de la LDIP, 3e éd., Bâle 2001, n. 10 ad art 129 LDIP). On peut en conclure que si seuls des actes insignifiants se sont déroulés en Suisse, de sorte qu'un for en ce lieu apparaît comme purement fortuit par rapport à d'autres actes déterminants survenus ailleurs, on se trouve en présence de simples actes préparatoires. En revanche, un acte a toujours l'intensité suffisante pour permettre de fonder un for en application de l'art. 129 al. 2 LDIP lorsqu'il peut être considéré, en regard du droit suisse, comme illicite (en ce sens, UMBRICHT, op. cit., n. 16 ad art. 129 LDIP). Ainsi, dès qu'un comportement apparaît punissable pénalement et que la prescription violée a pour but de protéger le lésé dans les droits atteints par l'acte incriminé, il entre dans la catégorie des actes illicites (ATF 102 II 85 consid. 5), ce qui exclut qu'il puisse être qualifié de simple acte préparatoire au sens du droit civil (WYSS, op. cit., p. 111 note 404).
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6.4 Selon les faits retenus par la cour cantonale, qui s'est à juste titre limitée à la vraisemblance en fonction des allégués de la demanderesse (cf. supra 5.1), IBM possédait à Genève, entre 1935 et 1945, un établissement non inscrit au registre du commerce dont elle se servait comme de son quartier général européen "European Headquarters". A ce stade de la procédure, il a été considéré comme vraisemblable que, durant cette période, IBM avait fourni une assistance technique à ses clients nazis dont elle devait connaître les besoins dans les détails pour élaborer la procédure optimale d'utilisation des machines qui leur étaient louées. Du reste, les intentions d'Hitler à l'encontre des juifs étaient annoncées dès 1933 et leur étendue aux asociaux, dont faisaient partie les tsiganes, à partir de 1938. Il a également été retenu que les pays d'Europe relevaient de la compétence de l'établissement genevois d'IBM, qui gérait le parc des machines et exerçait des activités d'envergure, notamment de programmation sur le plan européen. Enfin, il n'était pas possible de minimiser le rôle tenu par l'établissement genevois d'IBM en relation avec les flux financiers passant par Genève pour le rapatriement aux États-Unis du produit de ses filiales européennes.
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Dans ces circonstances, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant, sous l'angle de la vraisemblance et sans préjuger du bien-fondé de l'action en responsabilité, que la défenderesse, par l'entremise de son établissement genevois, pourrait avoir commis des actes de complicité de génocide au sens de l'art. 264 CP. En effet, les actes décrits par la cour cantonale, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), révèlent une intensité qui dépasse à l'évidence de simples actes préparatoires, dès lors qu'ils entrent à première vue dans la définition de la complicité au sens de l'art. 25 CP (cf. sur cette notion: ATF 129 IV 124 consid. 3.2; ATF 121 IV 109 consid. 3a). Sous l'angle de la vraisemblance, il n'apparaît donc pas exclu qu'IBM ait exercé à Genève des activités illicites au sens de l'art. 129 al. 2 LDIP, de sorte que l'on ne peut reprocher à la cour cantonale d'avoir reconnu la compétence des autorités judiciaires genevoises sur la base de cette disposition.
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Enfin, on peut ajouter que, pour tenter de démontrer que les activités de son établissement genevois entre 1935 et 1945 ne constituaient que de simples actes préparatoires, la défenderesse fait grief à la cour cantonale de s'être fondée sur des faits sans pertinence, présentant sa propre version des événements. Une telle argumentation, qui revient à critiquer l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, n'est pas admissible dans un recours en réforme (ATF 130 III 145 consid. 3.2 p. 160; ATF 129 III 618 consid. 3 in fine). Il ne saurait donc être tenu compte des critiques présentées dans ce contexte.
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