BGE 134 III 615 | |||
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96. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Tempus Concept SA en liquidation concordataire contre PricewaterhouseCoopers SA (recours en matière civile) |
5A_559/2007 du 16 avril 2008 | |
Regeste |
Art. 288 SchKG; Anfechtung von ausgeführten Leistungen, die auf einem Dienstleistungsvertrag beruhen. | |
Sachverhalt | |
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Depuis décembre 2002, PricewaterhouseCoopers SA (ci-après: PWC), qui avait succédé à STG Coopers et Lybrand SA, était son organe de révision.
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Selon le rapport de révision de PWC du 6 février 2004, l'exercice 2003 de Tempus s'est soldé par une perte de plus de 3,4 millions et les fonds propres étaient négatifs pour près de 1,8 millions de francs; l'organe de révision attirait l'attention sur l'obligation découlant de l'art. 725 al. 2 CO, dès lors qu'il existait des raisons sérieuses d'admettre que le surendettement serait corroboré par un bilan intermédiaire établi aux valeurs de liquidation.
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Le 1er juin 2004, Tempus a adressé au juge l'avis de surendettement. Aucune décision n'a été prise sur sa requête d'ajournement de la faillite présentée le 22 juin 2004, puisque, à sa requête, elle a obtenu le 21 juillet 2004 un sursis concordataire de six mois. Le concordat par abandon d'actif qu'elle a proposé a été homologué le 24 janvier 2005.
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B. Pour son activité d'organe de révision durant le premier trimestre 2004, PWC a facturé un montant de 26'039 fr. 20 (deux factures) et pour son activité de conseiller, notamment pour la préparation d'un business plan et d'états financiers prévisionnels, un montant de 41'139 fr. 25 (trois factures), à savoir un total de 67'178 fr. 45. Elle a encaissé 24'581 fr. 20 le 5 avril 2004 et 42'597 fr. 25 le 13 mai suivant.
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Le 16 février 2005, les liquidateurs de Tempus, qui avaient assumé les fonctions de commissaires au sursis, ont invité PWC à lui rembourser ces sommes; ils ont fait valoir que les paiements étaient révocables en vertu de l'art. 288 LP, car PWC, en sa qualité d'organe de révision, ne pouvait ignorer la situation de surendettement de la débitrice. PWC a refusé de s'exécuter.
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C. Le 7 juillet 2005, Tempus en liquidation a ouvert une action révocatoire contre PWC, concluant à la révocation des paiements litigieux et à la restitution des sommes de 24'581 fr. 20 plus intérêts à 5 % dès le 5 avril 2004 et de 42'597 fr. 25 avec intérêts à 5 % dès le 13 mai 2004.
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Par jugement du 28 août 2007, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté la demande.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile de la demanderesse.
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Extrait des considérants: | |
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Selon l'art. 288 LP, en relation avec l'art. 331 al. 2 LP, sont révocables tous actes faits par le débiteur dans les cinq ans qui précèdent l'octroi du sursis concordataire dans l'intention reconnaissable par l'autre partie de porter préjudice à ses créanciers ou de favoriser certains créanciers au détriment des autres. Cette disposition suppose ainsi la réalisation de trois conditions: l'existence d'un préjudice causé au créancier (demandeur), l'intention du débiteur de causer ce préjudice (intention dolosive) et la possibilité pour le bénéficiaire de l'acte de reconnaître cette intention (caractère reconnaissable de l'intention dolosive) (ATF 30 II 160 consid. 4 p. 163; 85 III 185 consid. 2a p. 190).
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Quoi qu'en dise l'intimée, il y a lieu d'entrer en matière (art. 42 al. 2 et 106 al. 1 LTF) et d'examiner si le paiement des honoraires de l'organe de révision pour ses activités de réviseur et de conseiller cause ou non un préjudice aux créanciers.
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Toutefois, le défendeur à l'action révocatoire peut renverser cette présomption et établir que l'acte n'a pas entraîné un tel préjudice dans le cas particulier, parce que le demandeur aurait subi une perte même si l'acte révocable n'avait pas été accompli. Le droit d'intenter une action révocatoire n'est en effet accordé qu'au créancier qui, dans la procédure d'exécution forcée, se trouve plus mal placé qu'il ne le serait si l'acte attaquable ne s'était pas produit. L'action révocatoire ne vise pas à punir le défendeur, mais à rétablir la situation dans laquelle se trouverait, sans l'acte incriminé, le patrimoine du débiteur lors de la saisie ou la faillite, et en tant qu'il aurait servi à désintéresser le créancier demandeur. Il est donc logique de ne pas admettre l'action dans l'hypothèse où le demandeur aurait essuyé une perte même si le débiteur s'était comporté correctement. L'action paulienne suppose une atteinte aux droits d'exécution du créancier demandeur à l'encontre de son débiteur, qui est la conséquence de l'acte attaqué; il appartient donc au défendeur de prouver que cet acte ne pouvait entraîner un préjudice de cette nature dans le cas d'espèce. Si cette preuve est rapportée, l'action doit alors être rejetée (ATF 99 III 27 consid. 3 p. 33; ATF 85 III 185 consid. 2a p. 189/190).
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En revanche, si, en contre-partie d'éléments de son patrimoine aliénés, le débiteur n'acquiert qu'une créance, ou dispose d'une somme d'argent ou d'autres valeurs aux fins d'acquitter une dette, il n'obtient pas en échange de sa prestation une contre-prestation qui exclurait d'emblée tout préjudice pour les créanciers. Si le débiteur se trouve déjà dans une situation financière difficile, le paiement d'une dette, même exigible, cause en règle générale un préjudice aux autres créanciers (ATF 99 III 27 consid. 4 p. 34). Pour que le paiement entraîne un préjudice, il faut qu'il soit prouvé que, s'il n'avait pas eu lieu, les sommes reçues par le bénéficiaire se seraient retrouvées dans la masse et auraient été réparties entre les créanciers (ATF 78 III 83 consid. 1 p. 85).
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L'autorité cantonale s'est ralliée à ce point de vue pour les prestations de service de l'organe de révision. D'autres juridictions cantonales ont adopté la solution contraire. Ainsi, le Tribunal de commerce de Zurich a considéré que, lorsque le débiteur est dans une situation financière tendue, les créanciers doivent être traités de manière égale, seules les créances privilégiées de première classe pouvant être entièrement payées. Si l'échange d'actifs de même valeur n'entraîne pas de préjudice pour les créanciers, il n'en va pas de même pour les contrats de prestations de service, dès lors que le débiteur qui acquitte la créance d'honoraires ne reçoit ordinairement aucune valeur patrimoniale réalisable. Sous réserve des exceptions prévues par l'art. 219 LP, la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite vise à désintéresser de manière égale tous les créanciers. La rétribution de l'organe de révision, lorsque la situation de la société est financièrement serrée, pose certains problèmes. Toujours d'après le tribunal zurichois, il est peut-être insatisfaisant que cet organe ne puisse pas obtenir le règlement de ses honoraires résultant de l'accomplissement de ses obligations légales (art. 728 ss CO) ou risque de devoir les rembourser à l'issue de l'action révocatoire. Toutefois, la fonction d'organe de la société ne constitue pas un motif de reconnaître un privilège dans la poursuite et la faillite, et ce qui vaut pour l'administration doit valoir pour l'organe de révision, dont les créances ne sont pas non plus privilégiées. Le Tribunal de commerce zurichois a laissé indécis le point de savoir s'il fallait légiférer à ce sujet, ou si l'organe de révision pouvait se prémunir contre le risque de perte de ses honoraires; il a considéré qu'il n'avait pas à introduire un privilège de collocation supplémentaire par la voie jurisprudentielle (ZR 104/2005 p. 299 ss). Un arrêt bâlois plus ancien va dans le même sens (BJM 1983 p. 240 ss).
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4.3 Comme le souligne GILLIÉRON, le critère de l'équivalence des prestations n'a pas de portée propre dans le cadre de l'art. 288 LP, dès lors qu'un acte juridique (ou une combinaison d'actes juridiques, simultanés ou successifs) dont les prestations sont équilibrées peut avoir pour conséquence de favoriser certains créanciers au détriment des autres (op. cit., n. 26 ad art. 288 LP). Les prestations de service sont ainsi révocables, non pas parce qu'elles n'auraient pas une valeur qui se retrouverait dans les biens soumis à l'exécution forcée, mais parce que, en les payant, le débiteur favorise ceux qui les ont fournies par rapport aux autres créanciers. Or, la ratio legis de l'art. 288 LP est l'égalité de traitement des créanciers. L'art. 219 al. 4 LP ne prévoit aucun privilège pour les créances de l'organe de révision; la jurisprudence l'a d'ailleurs refusé à celui qui, même au bénéfice d'un contrat de travail - directeur et membre du conseil d'administration - revêt formellement la position d'organe (ATF 118 III 46 consid. 2 et 3 p. 48 ss; arrêt 5C.83/2005 du 18 juillet 2005, consid. 3.2, publié in SJ 2006 I p. 81 ss).
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On ne peut pas non plus tirer de comparaison avec le commissaire du concordat, car celui-ci n'est pas un mandataire au sens du droit des obligations, mais un organe de l'exécution forcée désigné par le juge, dont les honoraires, lorsqu'un concordat par abandon d'actif est homologué, font partie des dettes de la masse (art. 55 OELP [RS 281.35]; 262 al. 1 LP par analogie; ATF 113 III 148 consid. 2 et 3 p. 150 ss).
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Vu ce qui précède, il faut admettre que le paiement des prestations de service de l'organe de révision, même si celles-ci sont de valeur égale au montant versé, cause un préjudice aux autres créanciers, puisque ces derniers doivent se satisfaire d'un dividende, alors que l'organe de révision voit sa créance intégralement honorée. En l'espèce, il s'ensuit que les paiements litigieux opérés par la débitrice ont bien occasionné un préjudice aux autres créanciers, dont les prétentions ne seront pas acquittées en totalité.
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Erwägung 5 | |
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L'intention dolosive du débiteur est établie lorsque celui-ci "a pu et dû prévoir" que son acte aurait pour effet naturel de porter préjudice aux créanciers ou de favoriser certains d'entre eux au détriment des autres; il n'est pas nécessaire qu'il ait agi dans le but de porter atteinte aux droits des créanciers ou d'avantager certains d'entre eux (intention directe; ATF 83 III 82 consid. 3a p. 85); il suffit qu'il ait accepté le préjudice comme conséquence possible de son acte (intention indirecte; ATF 83 III 82 consid. 3a p. 85; 21 I 660 consid. 4 p. 669). L'action révocatoire n'a toutefois pas pour but d'empêcher le débiteur qui se trouve en difficulté de prendre les mesures qui se justifient loyalement pour vaincre une situation serrée, et, lorsque les conditions données au moment où l'acte a été passé permettaient, sur la base d'un examen objectif, d'espérer un redressement, on ne devrait pas conclure d'un échec à une intention dolosive du débiteur (CASTELLA, La connivence du bénéficiaire de l'acte révocable de l'art. 288 LP, in JdT 1956 II p. 67 ss, spéc. p. 79).
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5.3 Quant aux honoraires versés à la défenderesse pour son activité de conseiller, notamment pour l'élaboration d'un business plan et d'états financiers prévisionnels aux fins de permettre la continuation de l'activité de la société (i.e. 41'139 fr. 25), l'autorité cantonale a constaté que la demanderesse n'a ni allégué ni prouvé que ladite activité aurait été d'emblée et entièrement vouée à l'échec, en sorte que tout professionnel raisonnable et diligent aurait refusé de l'entreprendre; elle a aussi retenu que l'intéressée n'a pas établi que la recherche d'un repreneur aurait été une opération vaine, au regard de la situation financière et commerciale de la débitrice, ni qu'élaborer un business plan dans ce but aurait été une opération dépourvue de sens; les déclarations de l'ancien administrateur-président, qui a longtemps cru à la survie de la société, confortent cette démarche; elles n'ont été clairement démenties par aucun élément du dossier. En réalité, toute l'argumentation de la demanderesse repose sur une prétendue situation dominante de la défenderesse qui lui aurait permis de profiter d'avantages qu'elle n'aurait pas obtenus, n'était cette situation dominante particulière. Enfin, la procédure de paiement et d'encaissement des factures contestées paraît avoir suivi un cours tout à fait ordinaire. Si les représentants de la débitrice ont peut-être ressenti une certaine pression, rien au dossier n'indique que la défenderesse serait intervenue activement auprès de la débitrice pour obtenir un traitement de faveur.
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Ce faisant, la cour cantonale a constaté, d'une part, que la recourante n'a pas allégué ni prouvé que la débitrice savait que les mesures prises étaient inutiles à ce stade et que, dans l'intérêt des créanciers, elle n'aurait pas dû loyalement les entreprendre et, d'autre part, qu'aucun élément du dossier ne contredit les déclarations de l'ancien administrateur-président qui croyait à la survie de la société. A cela, la recourante ne fait qu'objecter que, dès lors que la débitrice a payé intégralement les factures de son organe de révision, alors qu'elle était dans une situation précaire, on serait en présence d'un "indice sérieux d'intention frauduleuse". Toutefois, elle n'indique ni où elle aurait allégué, ni par quels moyens elle aurait offert de prouver, les indices d'une intention dolosive de la débitrice; elle ne démontre pas non plus que c'est arbitrairement que la cour cantonale aurait admis les déclarations de l'ancien administrateur-président. Sur la base des faits retenus dans le jugement entrepris, on ne saurait conclure à une intention dolosive de la débitrice. Le recours doit être aussi rejeté sur ce point.
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