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33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. Co. contre Z. Limited (recours en matière civile) |
4A_84/2015 du 18 février 2016 | |
Regeste |
Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Schiedsvereinbarung; Zuständigkeit des Schiedsgerichts (Art. 178 und 190 Abs. 2 lit. b IPRG). | |
Sachverhalt | |
1 | |
A.a X. Co. (ci-après: X.) est une société de droit iranien active dans la production de différents types de produits en acier.
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Z. Limited (ci-après: Z.) est une société chypriote spécialisée dans le courtage, l'achat, la vente, le transport et la distribution du fer et de l'acier, notamment.
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A.b Au printemps 2012, les deux sociétés, qui n'avaient entretenu aucun rapport jusque-là, ont engagé des négociations en vue de la vente par la société chypriote à la société iranienne de produits en acier.
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Le 16 mai 2012, les parties ont signé le Sales Contract For Payment by Draft (ci-après: le contrat de vente) dont l'objet était la vente par Z. à X. de 5'000 tonnes métriques de produits en acier au prix de 2'618'000 euros. Selon ce contrat, X. acceptait de payer d'avance, à titre de garantie, dix pour cent du prix de vente, soit 261'800 euros, somme qui a été acquittée aussitôt.
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A.c Le 16 mai 2012, soit le jour même de la signature du contrat de vente, Mme A., de Z., a adressé à M. B., de X., un courrier électronique, intitulé FRAME CONTRACT, auquel était joint un contrat-cadre, établi sous l'en-tête de Z., qui comprenait diverses clauses relatives aux modalités d'exécution des ventes de produits en acier dans le cadre d'une relation commerciale à long terme alors envisagée par les parties. Dans son courriel, elle précisait que le contrat-cadre devait être "duly signed from your side".
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A son art. 13, le contrat-cadre contenait une clause compromissoire énonçant ce qui suit (sic):
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"Any dispute, controversy or claim arising out of or in relation to this Contract, including the validity, invalidity, breach or termination thereof shall be settled by amicable negotiations and friendly discussions between both parties. In case no settlement can be reached, such dispute shall be resolved by arbitration in accordance with the Swiss Rules of International Arbitration of the Swiss Chambers of Commerce in force when the Notice of Arbitration is submitted in accordance with these Rules.
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The numbers of arbitrators shall be one or three. The seat of the arbitration shall be Lugano. The arbitral proceedings shall be conducted in English.
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[termes en italique mis en évidence par le Tribunal fédéral]
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Son courriel étant demeuré sans réponse, Mme A. a relancé M. B. en date du 30 août 2012 en l'invitant à lui retourner le plus tôt possible le contrat-cadre signé.
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Sur quoi, le 2 septembre 2012, M. C., de X., lui a adressé une version du contrat-cadre comprenant diverses modifications proposées par le département juridique de la société iranienne ainsi que des commentaires. S'agissant plus particulièrement de la clause compromissoire, les termes mis en évidence ci-dessus dans les deux premiers paragraphes de la version initiale de celle-ci étaient remplacés, respectivement, par ICC France et Paris, tandis que l'adverbe Why? était ajouté, entre parenthèses, à la fin du troisième paragraphe.
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Le 4 septembre 2012, Mme A. a répondu à M. C. en lui transmettant une nouvelle version du contrat-cadre. Elle lui a fait savoir que Z. ne pouvait accepter le changement de siège de l'arbitrage, lequel devait rester à Lugano. La clause compromissoire, figurant désormais à l'art. 14 de cette version révisée, comportait le même texte que la clause originelle, sauf à dire qu'il n'y était plus fait référence, à la fin du troisième paragraphe, à la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises. Le courriel en question se terminait ainsi: "Awaiting your acceptance and a copy of the signed contract".
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En date du 8 septembre 2012, M. B. a adressé à M. D., de Z., un courriel auquel il a joint une quatrième version du contrat-cadre, qualifiée par lui de counter proposal, qui contenait un certain nombre de modifications faites par X., mais qui laissait inchangée la clause compromissoire figurant à son art. 14.
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Par courriel du 10 septembre 2012, Mme A. a expliqué à M. B. que Z. avait encore modifié le contrat-cadre, tout en acceptant certaines des modifications proposées par X. Elle déclarait espérer que la version annexée à son courriel puisse être acceptée comme version finale et rester dans l'attente d'une copie signée par la société iranienne. Cette cinquième version du contrat-cadre laissait la clause compromissoire intacte.
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En définitive, le contrat-cadre n'a pas été signé et Z., qui n'avait pas reçu le prix des marchandises formant l'objet du contrat de vente, n'a jamais expédié celles-ci à X.
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B.
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B.a Le 9 août 2013, Z., se basant sur l'art. 14 de la dernière version du contrat-cadre, a adressé une notification d'arbitrage à la Cour de la Chambre de commerce et d'industrie du Tessin aux fins d'obtenir réparation de son prétendu dommage.
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Dans sa réponse du 12 octobre 2013, X. a soulevé une exception d'incompétence.
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Le 27 janvier 2014, la Cour a désigné un avocat genevois en qualité d'arbitre unique (ci-après: l'arbitre). Celui-ci a indiqué aux parties qu'il rendrait une sentence sur compétence.
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B.b Par sentence sur compétence (Award on Jurisdiction) du 2 janvier 2015, l'arbitre a écarté l'exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour connaître du différend opposant les parties. Les motifs qui l'ont conduit à admettre sa compétence peuvent être résumés comme il suit:
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L'art. 178 al. 3 LDIP rappelle le principe cardinal de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal. La nullité et même l'inexistence de celui-ci n'affectent donc pas nécessairement la clause compromissoire. En pareille hypothèse, il convient, bien plutôt, de rechercher si les parties ont manifesté valablement, réciproquement et de manière concordante leur volonté en ce qui concerne ladite clause, un accord sur ce point étant susceptible de se former même avant la conclusion du contrat principal, voire indépendamment de celle-ci. Tel pourra être le cas, selon certains auteurs, lorsque, dans le cadre de l'échange successif de plusieurs projets amendés du contrat principal, la clause compromissoire subit diverses modifications à la demande des parties, puis demeure inchangée, dans sa version finale modifiée, à l'occasion d'un ou de plusieurs échanges subséquents de projets du contrat principal. C'est précisément ce qui s'est passé en l'espèce.
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Il reste à examiner la validité de la convention d'arbitrage quant au fond. Conformément à l'art. 178 al. 2 LDIP, cet examen se fera au regard du droit suisse, les parties n'ayant pas choisi un autre droit pour résoudre cette question. En l'occurrence, la clause figurant à l'art. 14 du contrat-cadre contient tous les essentialia negotii d'une convention d'arbitrage. La correspondance et les projets échangés par les parties fournissent une preuve claire de leur volonté mutuelle d'écarter le recours à la justice étatique au profit de l'arbitrage, c'est-à-dire en faveur de la méthode de règlement des conflits usuelle dans le commerce international dont les deux parties sont des opérateurs expérimentés. De fait, le département juridique de la recourante a soigneusement examiné le contenu de l'art. 14 du contrat-cadre en suggérant d'y apporter des modifications, puis en s'accommodant du rejet de celles-ci par l'intimée, si bien que l'accord des parties relativement à l'arbitrage est devenu parfait, au sens de l'art. 1er CO, à la date du 8 septembre 2012, sans égard au sort réservé au contrat principal. Du reste, le comportement subséquent des parties ne remet pas en cause cette conclusion. D'où il suit que la clause compromissoire figurant à l'art. 14 du contrat-cadre est valable quant au fond en ce qu'elle exprime la volonté réelle et commune des parties de soumettre leurs éventuels différends à un arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration of the Swiss Chambers of Commerce (SRIA; ci-après: RSAI, acronyme du Règlement suisse d'arbitrage international du 1er juin 2012), avec siège à Lugano.
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Comme la recourante n'a pas fait valoir que ce différend ne tomberait pas sous le coup de la clause compromissoire, rien ne s'oppose, dès lors, à ce que l'arbitre admette sa compétence ratione materiae et poursuive l'instruction de la cause avant de statuer sur le bien-fondé des prétentions élevées par l'intimée.
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C. Le 2 février 2015, X. (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif. Se plaignant d'une violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, elle y invite le Tribunal fédéral à annuler la sentence du 2 janvier 2015 et à constater l'incompétence de l'arbitre.
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Z. (ci-après: l'intimée) et l'arbitre concluent au rejet du recours.
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(résumé)
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Cependant, le Tribunal fédéral ne revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2; ATF 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités).
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Erwägung 3.2 | |
3.2.1 En vertu de l'art. 178 al. 3 LDIP, la validité d'une convention d'arbitrage ne peut pas être contestée pour le motif que le contrat principal ne serait pas valable. Cette disposition, qui codifie le principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal (en anglais: separability ou severability) - lequel principe a été consacré de longue date par la jurisprudence (ATF 59 I 177; voir ![]() | 34 |
Il découle du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage que la simple allégation de l'inexistence du contrat principal ne suffit pas à faire disparaître la compétence de l'arbitre. Cependant, si celui-ci constate que le contrat principal est inexistant et que la cause de cette inexistence affecte aussi la convention d'arbitrage, il devra se déclarer incompétent (FOUCHARD/GAILLARD/GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, 1996, n. 411 p. 226). Un auteur français voit dans l'absence de consentement de l'une des parties l'hypothèse la plus incontestable de non-séparation (PIERRE MAYER, Les limites de la séparabilité de la clause compromissoire, Revue de l'arbitrage 1998 p. 359 ss, 364 n. 8; dans le même sens, BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 683, 4e tiret, et note de pied 39). Selon lui, si le comportement du destinataire de l'offre de contracter n'équivaut ![]() ![]() | 35 |
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Quoi qu'il en soit, ce qui est déterminant, en l'espèce, c'est le fait que l'arbitre a raisonné en partant de la prémisse selon laquelle le contrat-cadre litigieux pourrait ne pas avoir été conclu. Aussi est-ce sur la base de ce présupposé qu'il conviendra d'examiner ci-après, en application du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage et sur le vu des enseignements de la doctrine précitée, si, comme l'a retenu l'arbitre, les parties ont conclu une convention d'arbitrage qui les lie, nonobstant l'inexistence éventuelle du contrat-cadre.
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Il y a lieu, dès lors, de rechercher si les conditions de forme et de fond auxquelles l'art. 178 al. 1 et 2 LDIP subordonne la validité d'une convention d'arbitrage sont réalisées en l'espèce.
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Erwägung 3.3 | |
3.3.1 La convention d'arbitrage est un accord par lequel deux ou plusieurs parties déterminées ou déterminables s'entendent pour confier à un tribunal arbitral ou à un arbitre unique, en lieu et place du tribunal étatique qui serait compétent, la mission de rendre une sentence à caractère contraignant sur un ou des litige(s) existant(s) (compromis arbitral) ou futur(s) (clause compromissoire) résultant d'un rapport de droit déterminé (arrêt 4A_676/2014 du 3 juin 2015 consid. 3.2.2). Il importe que la volonté des parties d'exclure la juridiction étatique normalement compétente au profit de la juridiction privée que constitue un tribunal arbitral y apparaisse. Quant au tribunal ![]() | 39 |
Du point de vue formel, la convention d'arbitrage est valable si elle est passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte (art. 178 al. 1 LDIP). La forme particulière prescrite par cette disposition est une condition de validité de la convention d'arbitrage. Elle vise à éviter toute incertitude au sujet du choix des parties d'opter pour ce type de justice à caractère privé et toute renonciation faite à la légère au juge naturel et aux moyens de recours qui existent dans une procédure judiciaire étatique (PIERRE-YVES TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, nos 25 et 26 ad art. 178 LDIP).
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Le texte doit contenir les éléments essentiels de la convention d'arbitrage que sont l'identité des parties, la volonté de celles-ci de recourir à l'arbitrage et l'objet sur lequel devra porter la procédure arbitrale (ATF 138 III 29 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.58).
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L'art. 178 al. 1 LDIP se contente d'une forme écrite simplifiée. Contrairement à l'art. 13 CO applicable aux contrats pour lesquels la loi impose la forme écrite, il n'exige pas que la convention d'arbitrage soit signée. Ainsi, une clause d'arbitrage passée par courrier électronique (courriel, e-mail) est valable en la forme (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.67; TSCHANZ, op. cit., n° 28 ad art. 178 LDIP; GRÄNICHER, op. cit., nos 13 et 15 ad art. 178 LDIP).
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Comme l'art. 177 al. 1 LDIP relatif à l'arbitrabilité, l'art. 178 al. 1 LDIP pose une règle matérielle de droit international privé. Aussi, lorsque les parties fixent le siège de l'arbitrage en Suisse, la validité formelle de la convention d'arbitrage est-elle impérativement réglée par cette disposition légale. Les parties ne peuvent donc pas la soumettre à un autre droit que le droit suisse (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.60 et 3.61; GRÄNICHER, op. cit., n° 6 ad art. 178 LDIP), et ce même si, usant de la faculté que leur offre l'art. 182 al. 1 LDIP, elles choisissent une loi de procédure étrangère pour régir la procédure arbitrale qui les concerne (BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 420). Pareille interdiction d'élire un droit étranger quant à la forme de la convention d'arbitrage leur est faite, au demeurant, sans qu'il importe que le droit étranger envisagé soit moins strict ou plus sévère que l'art. 178 al. 1 LDIP. Dès lors, se pose, dans le même contexte, ![]() | 43 |
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Erwägung 3.3.2 | |
3.3.2.1 Que la convention d'arbitrage censée résulter des courriels échangés par les parties entre le 16 mai et le 8 septembre 2012 (cf. let. A.c, ci-dessus) satisfasse à l'exigence de la forme écrite simplifiée au sens de l'art. 178 al. 1 LDIP n'est pas contestable, ni vraiment contesté d'ailleurs. De même n'est-il pas douteux, sur le vu de la dernière mouture de son texte, que la clause compromissoire, valable en la forme, qui a été insérée dans le projet de contrat-cadre, embrasse tous les éléments essentiels caractérisant une convention d'arbitrage.
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3.3.2.2 La recourante objecte, toutefois, que les parties étaient convenues d'une forme plus stricte que celle de l'art. 178 al. 1 LDIP, autrement dit qu'elles s'étaient entendues pour exclure d'être liées par la convention d'arbitrage tant et aussi longtemps que le contrat-cadre contenant celle-ci ne serait pas lui-même revêtu de leurs deux signatures. A l'en croire, il ressortirait clairement des constatations de fait de l'arbitre "que l'exigence de signature, au sens de l'article 13 CO et par le truchement de l'article 16 al. 2 CO, était considérée par les parties comme une condition essentielle de la validité des obligations contractuelles souscrites par elles, et que cette condition était parfaitement convenue, notamment lorsqu'elles se sont engagées dans l'échange des projets de contrat-cadre". Selon la recourante, l'exigence de la signature convenue par les parties, en tant que ![]() | 46 |
La Cour de céans ne saurait suivre la recourante sur ce terrain-là. A cet égard, comme l'arbitre le souligne lui-même, l'argument tiré d'un accord des parties quant au choix d'une forme plus stricte que celle fixée à l'art. 178 al. 1 LDIP ne lui a pas été présenté au cours de l'arbitrage, "la recourante [s'étant] bornée à insister sur l'exigence de la signature pour la conclusion du [contrat-cadre] en tant quetel, sans indiquer en quoi cette exigence devait prendre le pas sur l'art. 178 (1) en ce qui concerne la convention d'arbitrage de l'art. 14[du contrat-cadre]". Certes, l'avis de l'arbitre sur la question n'est biensûr pas déterminant, puisque l'auteur de la sentence sur compétence a un intérêt à ce que celle-ci ne soit pas annulée. On voit mal, néanmoins, pour quelle raison il aurait passé sous silence pareil argument dans sa sentence, s'il lui avait été effectivement soumis par la recourante. Que cette dernière ne l'ait pas fait ressort d'ailleurs, a contrario, du principal passage de ses écritures sur lequel elle fonde son argumentation. Il s'agit du n. 23 de son mémoire du 12 octobre 2013, intitulé Answer to the Notice of Arbitration, où l'on peut lire ce qui suit:
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"Article 13 of Swiss Code of Obligations (...) provides that a contract required by law to be in writing must be signed by all persons on whom it imposes obligations. In the case at hand, neither the proposed Frame Contract, nor the arbitration agreement is signed."
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Cet extrait révèle, si besoin est, que la question d'une éventuelle forme conventionnelle réservée plus stricte que la forme écrite simplifiée prévue par l'art. 178 al. 1 LDIP n'a même pas effleuré le conseil iranien mandaté par la recourante, lequel est parti - à tort - de l'idée que cette disposition, en tant qu'elle exige que la convention d'arbitrage soit "passée par écrit", entraînerait ipso jure l'application de l'art. 13 CO et commanderait, partant, que la clause arbitrale soit signée par les personnes qu'elle vise.
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Il sied de noter, au demeurant, l'absence symptomatique de toute référence à l'art. 16 CO dans les passages de ses écritures que la recourante cite à l'appui de sa démonstration, en particulier dans ceux qu'elle a reproduits dans son dernier mémoire.
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D'où il suit que la validité formelle de la clause compromissoire insérée dans le projet de contrat-cadre doit être admise.
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(...)
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L'arbitre a examiné la validité matérielle de la clause compromissoire au regard du droit suisse. Aucune des parties ne lui en faisant grief, à juste titre d'ailleurs, les critiques formulées par la recourante dans ce chapitre seront analysées ci-après à la lumière de ce droit.
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5.2.2 En l'espèce, il ressort clairement du passage de la sentence attaquée consacré à l'examen de la validité matérielle de la convention d'arbitrage (n. 146-154), tel qu'il a été résumé plus haut (cf. let. B.b, antépénultième par.), que l'arbitre, ainsi qu'il le confirme lui-même dans sa réponse au recours, a constaté la volonté réelle et commune des parties de recourir à l'arbitrage. Il en appert également que cette volonté-là, exprimée dans la dernière mouture de l'art. 14 du projet de contrat-cadre, portait sur tous les éléments essentiels d'une convention d'arbitrage. Les expressions suivantes, utilisées par l'arbitre dans le passage topique de sa sentence, attestent, du reste, que l'on a bien affaire ici à une interprétation subjective: "... provides clear evidence of their mutual intent and agreement to arbitrate" (n. 148); ![]() | 59 |
Pour établir l'existence de cette volonté réelle et commune des parties de soustraire leurs éventuels différends à la connaissance des tribunaux étatiques compétents au profit d'une juridiction privée, l'arbitre s'est tout d'abord fondé sur le texte même de la dernière version de l'art. 14 du projet de contrat-cadre et y a trouvé tous les éléments essentiels dont dépend la validité d'une convention d'arbitrage. L'examen du comportement des parties au cours des pourparlers contractuels et de l'échange des divers projets de contrat-cadre ayant précédé la venue à chef de ladite convention, le 8 septembre 2012, l'a conforté dans son analyse littérale, en faisant ressortir, notamment, que la recourante n'avait à aucun moment remis en cause le principe même du recours à l'arbitrage pour résoudre les différends pouvant l'opposer à l'intimée. Examinant enfin le comportement adopté par les parties postérieurement à la date précitée, l'arbitre n'y a rien vu de quoi remettre en question le bien-fondé de ses premières conclusions. En revanche, il n'a pas recherché comment les parties pouvaient et devaient comprendre de bonne foi les déclarations de volonté faites dans la clause compromissoire insérée à l'art. 14 du projet de contrat-cadre, ni le sens que la recourante avait pu attribuer de bonne foi au comportement adopté par l'intimée lors des pourparlers contractuels.
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Cela étant, la recourante n'est pas recevable à soutenir, comme elle le fait notamment à la page 4 de sa réplique, qu'aucun des faits constatés par l'arbitre ne permettait à celui-ci d'établir la volonté réelle des parties d'être liées par la clause compromissoire figurant dans les projets de contrat-cadre qu'elles avaient échangés. Aussi bien, en argumentant de la sorte, elle s'en prend au résultat de l'interprétation subjective effectuée par l'arbitre, point qui, on l'a vu, échappe à la connaissance du Tribunal fédéral.
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A suivre la recourante et si on la comprend bien, la clause arbitrale insérée dans le projet de contrat-cadre ne s'appliquerait qu'aux litiges ayant trait à l'inexistence ou à la nullité dudit contrat, voire à la responsabilité précontractuelle des parties. Dès lors, la clause compromissoire formant l'art. 14 du projet de contrat-cadre ne pourrait pas être invoquée par l'intimée puisque cette dernière demande à l'arbitre de trancher le différend lié au contrat de vente du 16 mai 2012, c'est-à-dire à un contrat distinct et bien antérieur aux projets de contrat-cadre. Aussi la compétence de l'arbitre eût-elle nécessité la conclusion d'un compromis arbitral ad hoc, aux dires de la recourante.
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Il n'en est rien. En application de la théorie du groupe de contrats, lorsque plusieurs contrats se trouvent dans une relation de connexité matérielle, tels le contrat-cadre et les différents contrats qui s'y rattachent, mais qu'un seul d'entre eux contient une clause d'arbitrage, il y a lieu de présumer, à défaut d'une règle explicite stipulant le contraire, que les parties ont entendu soumettre également les autres contrats du même groupe à cette clause d'arbitrage (WYSS, op. cit., n. 117-119). Il ne saurait en aller autrement en l'espèce. Le contrat-cadre (frameworkcontract) est un contrat général par lequel les parties déterminent les principales règles et conditions auxquelles seront soumis les contrats d'exécution (NICOLAS KUONEN, La responsabilité précontractuelle, 2007, n. 871). Considéré isolément, il n'aurait pas de raison d'être. En l'espèce, cette interdépendance entre le contrat-cadre et les contrats de vente dont il devait assurer la bonne exécution ressort déjà du texte de son art. 1.1, lequel énonce ce qui suit: "Under the present Contract the Seller undertakes to sell and the Buyer to accept and to pay for steel products of nomenclature and quantity, stipulated in specifications hereto, being an integral part of the present Contract". Elle est au surplus indirectement confirmée par le fait que le contrat de vente conclu le 16 mai 2012, soit le jour même de l'établissement du premier projet de contrat-cadre, ne contient pas de clause compromissoire. Que celle du ![]() | 64 |
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