BGE 147 III 65 | |||
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6. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Yang contre Agence Mondiale Antidopage (AMA) et Fédération Internationale de Natation (FINA) (recours en matière civile) |
4A_318/2020 du 22 décembre 2020 | |
Regeste |
Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Unparteilichkeit des Schiedsrichters; Nachforschungspflicht der Parteien. |
Die Parteien sind gehalten, Untersuchungen durchzuführen, insbesondere im Internet, um Elemente zu ermitteln, die ein mögliches Risiko der Parteilichkeit eines Schiedsrichters aufdecken könnten. Die Nachforschungspflicht ist allerdings nicht unbegrenzt. Die Partei, welche die im Internet oder in einem sozialen Netzwerk frei zugängliche Information nicht zur Kenntnis nimmt, verstösst nicht notwendigerweise gegen ihre Nachforschungspflicht. Für die Festlegung des Umfangs dieser Pflicht und für die Beurteilung, ob die Partei, welche den Ausstand des Schiedsrichters begehrt, der genannten Pflicht nachgekommen ist, bleiben die Umstände des konkreten Einzelfalls entscheidend (E. 6.5). | |
Sachverhalt | |
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A.a Sun Yang (ci-après: le nageur ou l'athlète) est un nageur chinois de niveau international ayant remporté plusieurs médailles olympiques et titres de champions du monde dans diverses épreuves de natation.
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L'Agence Mondiale Antidopage (ci-après: l'AMA) est une fondation de droit suisse; son siège est à Lausanne. Elle a notamment pour but de promouvoir, sur le plan international, la lutte contre le dopage dans le sport.
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La Fédération Internationale de Natation (ci-après: FINA), association de droit suisse ayant son siège à Lausanne, est l'instance dirigeante de la natation au niveau mondial.
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A.b Durant la nuit du 4 septembre 2018, l'athlète a fait l'objet d'un contrôle antidopage hors compétition ordonné par la FINA, en tant qu'autorité de contrôle ("testing authority"), dont la mise en oeuvre a été déléguée à International Doping Tests and Management (IDTM), celle-ci agissant en tant qu'autorité de prélèvement des échantillons ("sample collection authority").
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A.c Dénoncé pour violation des règles antidopage en raison des faits survenus lors du contrôle antidopage inopiné du 4 septembre 2018, le nageur a été blanchi, le 3 janvier 2019, par la Commission antidopage de la FINA.
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B.a Le 14 février 2019, l'AMA a adressé au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d'appel, dans laquelle elle a requis la suspension de l'athlète pour une durée de huit ans.
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Le 1er mai 2019, le TAS a informé les parties que la Formation serait présidée par Franco Frattini, juge à Rome.
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B.b La Formation a rendu, le 28 février 2020, une sentence arbitrale par laquelle elle a reconnu l'athlète coupable de violation de l'art. 2.5 du Règlement antidopage de la FINA ("FINA Doping Control Rules", version 2017) et l'a suspendu pour une période de huit ans à compter du prononcé de la sentence. Elle a, en outre, rejeté la requête de l'AMA tendant à l'annulation des résultats obtenus en compétition par le nageur durant la période comprise entre le 4 septembre 2018 et le 28 février 2020.
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C. Le 28 avril 2020, l'athlète a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence rendue le 28 février 2020.
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D. Le 15 juin 2020, le nageur (ci-après: le requérant) a présenté une demande de révision de la sentence rendue le 28 février 2020. Il y a pris des conclusions tendant à l'annulation de celle-ci et à la récusation du président de la Formation arbitrale, Franco Frattini.
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A l'appui de sa demande de révision, fondée sur l'art. 121 let. a LTF, le requérant fait valoir qu'il a appris, à l'occasion de la parution d'un article sur le site internet x.com en date du 15 mai 2020, que l'arbitre Franco Frattini avait publié, sur son compte Twitter, à réitérées reprises en 2018 et 2019, des commentaires inacceptables à l'égard des ressortissants chinois, ce qui est propre, selon lui, à éveiller des doutes légitimes quant à l'impartialité dudit arbitre dans le cadre du présent litige impliquant un athlète chinois.
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Par arrêt du 22 décembre 2020, le Tribunal fédéral a admis la demande de révision, annulé la sentence attaquée et fait droit à la requête de récusation visant l'arbitre Franco Frattini.
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(résumé)
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Extrait des considérants: | |
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6.5 En l'espèce, le requérant déclare avoir découvert l'existence du motif de récusation le 15 mai 2020, au plus tôt, date de la parution de l'article de E. Il sied d'emblée de relever que la publication dudit article par une personne ayant semble-t-il pris fait et cause pour la défense de l'athlète sanctionné, quelque deux mois et demi après la notification de la sentence, mais surtout près d'une année après la mise en ligne du dernier des tweets incriminés, apparaît pour le moins singulière, sinon bienvenue. Cela étant, il n'est pas établi, sur la base des éléments fournis par les parties à la Cour de céans, que le requérant aurait eu connaissance des éléments sur lesquels il fonde sa demande de récusation avant la parution dudit article respectivement avant que la sentence ne soit rendue ou que le délai de recours au Tribunal fédéral n'arrive à échéance. L'AMA (ci-après: la fondation intimée) et le TAS ne prétendent au demeurant pas le contraire, mais font valoir que le requérant aurait pu et dû découvrir le motif de récusation durant la procédure arbitrale en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances.
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Contrairement à ce que soutient la fondation intimée, la question qui se pose à ce stade n'est pas de savoir s'il était possible ou non pour le requérant d'avoir accès aux tweets litigieux durant la procédure arbitrale mais uniquement de déterminer si on peut lui reprocher de n'avoir pas fait preuve de l'attention commandée par les circonstances au moment de rechercher les éléments susceptibles de mettre en cause l'impartialité de l'arbitre. A cet égard, quoi qu'en pense le TAS, il sied de relever que la circonstance selon laquelle le journaliste E. a été en mesure d'accéder aux tweets incriminés, en 2020, n'est, à elle seule, pas décisive.
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La jurisprudence impose aux parties un devoir de curiosité quant à l'existence d'éventuels motifs de récusation susceptibles d'affecter la composition du tribunal arbitral (ATF 136 III 605 consid. 3.4.2 p. 618; arrêts 4A_110/2012 du 9 octobre 2010 consid. 2.2.2; 4A_763/ 2011 du 30 avril 2012 consid. 3.3.2; 4A_234/2008 du 14 août 2008 consid. 2.2.2; 4A_528/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.5.3; 4A_506/2007 du 20 mars 2008 consid. 3.2). Une partie ne peut dès lors se contenter de la déclaration générale d'indépendance faite par chaque arbitre mais doit au contraire procéder à certaines investigations pour s'assurer que l'arbitre offre des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité. Le Tribunal fédéral a ainsi retenu un manque de curiosité inexcusable de la part d'une partie ayant ignoré certaines données, accessibles en tout temps, sur le site internet du TAS (arrêts 4A_234/2008, précité, consid. 2.2.2; 4A_506/2007, précité, consid. 3.2). Il n'a en revanche jamais délimité l'étendue exacte du devoir de curiosité. Il est en effet difficile de cerner les contours de ce devoir qui dépendent des circonstances de chaque cas concret. Quoi qu'il en soit, ce devoir de curiosité n'est pas illimité. Les parties sont certes tenues de procéder à certaines investigations, notamment sur internet (MAVROMATI/REEB, The Code of the Court of Arbitration for Sport, 2015, n° 68 ad art. R34 du Code; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, International Arbitration - Law and Practice in Switzerland, 2015, n. 8.138 ss). Si l'on peut certainement exiger d'elles qu'elles utilisent les principaux moteurs de recherche informatiques et consultent les sources susceptibles de fournir, a priori, des éléments permettant de révéler un éventuel risque de partialité d'un arbitre, par exemple les sites internet des principales institutions d'arbitrage, des parties, de leurs conseils et des études dans lesquelles ceux-ci exercent, ceux des cabinets d'avocat dans lesquels officient certains arbitres, et dans le domaine de l'arbitrage sportif, ceux de la fondation intimée et des institutions sportives concernées, on ne saurait toutefois attendre de leur part qu'elles se livrent à un dépouillement systématique et approfondi de toutes les sources se rapportant à un arbitre déterminé (cf. dans ce sens, KARIM EL CHAZLI, L'impartialité de l'arbitre, Etude de la mise en oeuvre de l'exigence d'impartialité de l'arbitre, 2020, p. 325 et 330 s., qui se réfère à la jurisprudence française). Par ailleurs, s'il est vrai qu'il est possible d'accéder facilement aux données figurant sur des sites internet en libre accès, grâce à un simple clic, cela ne signifie pas pour autant que l'information en question soit toujours aisément identifiable. En effet, comme le relève un auteur, si toutes les informations peuvent être présumées librement accessibles d'un point de vue matériel, celles-ci ne sont pas nécessairement aisément accessibles d'un point de vue intellectuel (EL CHAZLI, op. cit., p. 329). Une partie peut ainsi, suivant les circonstances, avoir besoin d'indices l'alarmant sur l'existence d'un éventuel conflit d'intérêts lui imposant alors d'effectuer des recherches plus poussées, notamment lorsque le motif fondant le risque de partialité est a priori insoupçonnable (EL CHAZLI, op. cit., p. 329). Aussi le seul fait qu'une information soit accessible librement sur internet ne signifie-t-il pas ipso facto que la partie, qui n'en aurait pas eu connaissance nonobstant ses recherches, aurait nécessairement failli à son devoir de curiosité. A cet égard, les circonstances du cas concret demeureront toujours décisives.
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En l'occurrence, nul ne remet en cause que le compte Twitter de l'arbitre incriminé est accessible à tout un chacun. Personne ne conteste en outre qu'un lien vers ledit compte apparaît, dans les premiers résultats, lorsque l'on introduit les prénom et nom dudit arbitre dans le moteur de recherche Google. Force est dès lors d'admettre que le requérant aurait, théoriquement, pu avoir accès aux tweets litigieux lors de la procédure arbitrale. Cela étant, il n'est pas établi que l'utilisation des mots-clés Franco Frattini dans le moteur de recherche précité, durant la procédure arbitrale, aurait permis de faire apparaître les tweets litigieux. Contrairement à ce que soutient le TAS, on ne saurait reprocher au requérant de n'avoir pas effectué de recherches en introduisant aussi le mot "China", car cela reviendrait à admettre que le requérant aurait dû spéculer d'emblée sur un éventuel défaut d'impartialité de l'arbitre en raison du seul critère de la nationalité, et ce alors même qu'aucun élément ne pouvait lui permettre de croire que l'arbitre aurait, par hypothèse, des idées préconçues à l'égard des athlètes ayant la même nationalité que lui.
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Reste à savoir si, comme le soutient la fondation intimée, le requérant aurait pu et dû parcourir les "réseaux sociaux phares" et, en particulier, le compte Twitter de l'arbitre mis en cause. Certes, il n'apparaît pas exclu, prima facie, qu'une partie puisse être tenue, suivant les circonstances, de vérifier, en vertu de son devoir de curiosité, l'existence d'éventuels motifs de récusation, en examinant, dans certaines limites du moins, divers réseaux sociaux. Cela ne va toutefois pas sans poser des problèmes spécifiques, car l'univers des réseaux sociaux est fluctuant et évolue rapidement. En outre, ceux-ci ont tendance à se multiplier depuis ces dernières années. A supposer même que l'on puisse qualifier, une fois pour toutes, certains d'entre eux de "réseaux sociaux phares", encore faudrait-il circonscrire l'étendue du devoir de curiosité dans le temps. A l'heure où certains usent fréquemment voire abusent de certains réseaux sociaux, en publiant notamment d'innombrables messages sur leur compte Twitter, il conviendrait, le cas échéant, de ne pas se montrer trop exigeant à l'égard des parties, sous peine de transformer le devoir de curiosité en une obligation d'effectuer des investigations très étendues, sinon quasi illimitées, nécessitant un temps considérable. Point n'est, toutefois, besoin d'examiner plus avant cette question dès lors que les circonstances de la présente espèce doivent conduire à nier un manque de curiosité inexcusable de la part du requérant.
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En l'espèce, l'arbitre mis en cause a été désigné le 1er mai 2019. Conformément à l'art. R34 du Code de l'arbitrage en matière de sport, les parties disposaient d'un délai de sept jours pour requérir sa récusation. Le requérant affirme avoir procédé à certaines investigations sur internet et consulté la base de données des sentences du TAS pour vérifier les affaires dans lesquelles l'arbitre incriminé avait siégé. Si on peut certes éventuellement admettre que l'intéressé aurait dû consulter, ne serait-ce que brièvement, le compte Twitter de l'arbitre en cause, on ne saurait en revanche considérer, en l'absence de toute autre circonstance l'alarmant sur l'existence d'un risque potentiel de partialité, que l'intéressé aurait failli à son devoir de curiosité, en ne décelant pas la présence de tweets publiés près de dix mois (28 mai 2018 et 3 juillet 2018) avant la nomination de l'arbitre (1er mai 2019), au surplus noyés dans la masse de messages d'un compte Twitter d'un arbitre, semble-t-il très actif sur le réseau social en question. En tout état de cause et à supposer qu'il faille retenir que le requérant aurait pu et dû découvrir les trois premiers tweets litigieux publiés par l'arbitre, tous antérieurs à la nomination de celui-ci, pareille conclusion ne s'imposerait pas en ce qui concerne les autres messages mis en ligne par l'arbitre. En effet, on ne saurait exiger d'une partie qu'elle poursuive ses recherches sur internet tout au long de la procédure arbitrale, ni, a fortiori, qu'elle scrute les messages publiés sur les réseaux sociaux par les arbitres au cours de l'instance arbitrale.
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