BGE 86 IV 72 | |||
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20. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 janvier 1960 dans la cause Ferszt contre Servien et François. | |
Regeste |
Art. 173 ff. und 335 Ziff. 1 Abs. 2 StGB. | |
Sachverhalt | |
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A.- La Banque romande SA a ouvert contre Ferszt une action en libération de dette. Le défendeur s'estima atteint dans son honneur par certaines allégations d'un mémoire de la demanderesse. Se fondant sur les art. 173 ss CP, il porta plainte pour diffamation et calomnies contre Servien, président du conseil d'administration, et François, administrateur délégué.
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Le 14 mai 1959, le Tribunal de police de Genève, devant lequel la plainte avait été portée directement de par l'art. 6 PP gen., déclara la requête irrecevable. Sur recours de Ferszt, la Cour de justice de Genève renvoya la cause au juge de première instance, lequel libéra Servien et François, le 8 octobre 1959. Saisie à nouveau par le plaignant, la Cour de justice se déclara incompétente, le 7 novembre 1959, et renvoya le recourant à mieux agir. Cet arrêt est, en bref, motivé comme il suit:
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Les atteintes à l'honneur dont se plaint Ferszt ont été commises au cours d'un procès civil. Contrairement à ce que le Tribunal de police a admis dans son premier jugement, du 14 mai 1959, l'application des art. 173 ss. CP est exclue dans un tel cas; seules peuvent être invoquées les dispositions de la loi genevoise de procédure civile qui sanctionnent par des dommages-intérêts et l'amende les allégations ou dénégations mensongères, les imputations calomnieuses ou tout autre moyen de mauvaise foi employés par un plaideur pour fonder sa demande ou sa défense (art. 486 ch. 3 PC gen.). Cette solution est justifiée par l'art. 335 ch. 1 al. 2 CP.
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B.- Le plaignant s'est pourvu en nullité contre cet arrêt. Il demande à la Cour de cassation pénale de renvoyer la cause aux tribunaux cantonaux pour qu'ils se prononcent à nouveau en vertu des dispositions du Code pénal, notamment des art. 173 ss.
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Extrait des motifs: | |
L'art. 335 ch. 1 al. 2 CP réserve aux cantons le pouvoir d'édicter des peines pour les contraventions aux prescriptions cantonales de procédure. Ces prescriptions régissent en particulier le comportement des plaideurs et, en menaçant de sanctions ceux qui portent atteinte à l'honneur de leurs adversaires ou de tiers, ne perdent pas leur caractère de règles de procédure. La partie qui diffame, calomnie ou injurie envenime les débats en même temps qu'elle manque de respect au tribunal. Elle trouble donc l'ordre de la procédure.
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Il ne s'ensuit pas cependant que les atteintes à l'honneur commises dans un procès échappent à l'emprise des art. 173 ss. Car si elles entravent l'administration de la justice, elles lèsent en outre les intérêts personnels de celui qu'elles visent. Or, si les lois de procédure ont pour but d'assurer le fonctionnement de l'appareil judiciaire, elles ne sont pas destinées à protéger l'honneur des particuliers. Cette tâche-là n'appartient qu'au législateur fédéral, qui a réglé complètement la matière par les art. 173 ss. CP, ne laissant plus aucune place au droit cantonal (RO 71 IV 106, consid. 3; 81 IV 126, 165). Ainsi et contrairement à l'opinion de la Cour de justice, la compétence des cantons pour sanctionner les infractions aux règles de la procédure n'exclut pas l'application du droit commun aux atteintes à l'honneur dont un plaideur se rend coupable. Le Tribunal fédéral l'a implicitement admis à plusieurs reprises (RO 69 IV 116; 71 IV 188; 82 IV 11). Au surplus, si l'on étendait à d'autres domaines l'argumentation de la Cour de justice, les lésions corporelles commises lors d'une audience, du simple fait qu'elles troublent l'administration de la justice, pourraient relever exclusivement du droit cantonal, ce qui ne serait manifestement pas admissible.
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Il est vrai que, d'une part, les Chambres fédérales ont supprimé, dans le projet de Code pénal présenté par le Conseil fédéral, l'art. 352 al. 3, qui interdisait aux cantons d'édicter d'autre peine privative de liberté que celle des arrêts en cas d'infraction aux règles d'administration et de procédure (Bull. stén., tirage à part, CN, p. 553, 554 et 567; CE, p. 238), que, d'autre part, l'opinion dominante en doctrine reconnaît au législateur cantonal le droit d'ériger ces infractions en délits (CORNU, Du partage de la législation entre la Confédération et les cantons en matière de droit pénal, 1943, p. 37; HAFTER, RDS 1940, p. 14 a et 289 a; même auteur, Schweizerisches Strafrecht, 2e éd., Allgemeiner Teil, p. 36, note 1; KUHN, RDS 1940, p. 303 a s.; PANCHAUD, RDS 1940, p. 104 a, Journal des Tribunaux 1943, IV 125; PYTHON, ibid., 1945 IV 144 s.; THORMANN, Revue pénale suisse, t. 61, p. 22 ss.; THORMANN/v. OVERBECK, Comm. ad art. 335 CP, note 5). Supposé que les cantons possèdent un tel droit et en aient effectivement fait usage, il ne s'ensuivrait pas encore qu'ils aient celui de réprimer les atteintes à l'honneur en même temps que le trouble apporté à la bonne marche de la procédure. Aucune des lois cantonales, du reste, ne prévoit de sanction plus grave qu'une détention de courte durée. On ne saurait dès lors prêter aux législateurs cantonaux l'intention de punir les atteintes à l'honneur comme telles. Elles demeurent punissables alors même que le droit cantonal les sanctionnerait en tant qu'actes troublant la bonne marche de la procédure.
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Certes, chaque plaideur doit s'attendre aux critiques de son adversaire et, dans la procédure qui met parfois en jeu les intérêts essentiels des parties et les aspects les plus strictement personnels de leur vie, il est exposé à des réactions inopinées et plus ou moins violentes de la partie adverse; ces réactions peuvent être compréhensibles ou même excusables vu, en particulier, le caractère du litige et la hâte avec laquelle le cours de la procédure oblige parfois à prendre position, sans qu'il soit toujours possible de vérifier au préalable et suffisamment toutes ses assertions. Mais il n'en reste pas moins que, dans ces cas même, le plaideur a le droit d'exiger que l'on s'abstienne à son égard des actes que visent les art. 173 ss. CP: accusations émises sans motif justifié et principalement dans l'intention de nuire, allégations inexactes ou que leur auteur n'a pas de raison sérieuse de tenir pour exactes, calomnies, injures. Ces atteintes ne peuvent être sanctionnées et ne le sont efficacement que par le droit commun; on ne saurait en exclure l'application par de prétendues nécessités de la procédure. Les art. 173 ss. CP, du reste, permettent de tenir compte des circonstances spéciales dans lesquelles peut se trouver un plaideur. S'il a agi pour défendre des intérêts légitimes ou sans être animé principalement du dessein de médire, l'auteur d'une diffamation est autorisé à prouver qu'il a dit vrai ou qu'il avait des raisons sérieuses de croire de bonne foi à la vérité de ses allégations. Dans l'examen de la bonne foi, le juge se montrera particulièrement large s'il s'agit d'actes commis au cours d'une procédure; il tiendra compte des raisons qui, plus que dans la vie ordinaire, ont pu soit justifier la créance que l'inculpé a attachée à ses dires, soit l'engager à omettre les vérifications que l'on aurait pu, autrement, exiger de lui.
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La Cour de justice objecte en vain que le juge pénal serait matériellement hors d'état de se prononcer sur la plainte avant la solution du procès civil que la Banque romande a intenté au recourant. En soi, l'objection n'est pas fondée; elle l'est d'autant moins qu'en l'espèce aucune prescription de la loi genevoise, en matière de procédure pénale, ne paraît s'opposer à la suspension de la poursuite pénale jusqu'au terme de l'action civile. Il est vrai que l'art. 8 al. 3 PP gen. consacre l'adage selon lequel "le pénal tient le civil en état", mais c'est uniquement dans le cas de l'action civile en réparation d'un dommage causé par une infraction (art. 7 PP gen.). Cette éventualité n'est pas réalisée en l'occurrence. Il n'est du reste pas rare que les atteintes à l'honneur commises dans un procès civil puissent être jugées avant sa conclusion. Il en est notamment ainsi des injures et des imputations étrangères à la cause.
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Au surplus, il est indifférent que l'art. 490 PC gen. admette "la voie pénale lorsqu'elle a été réservée aux parties" ou lorsque les imputations incriminées concernent des tiers. L'application du droit fédéral ne dépend que des conditions qu'il prévoit lui-même. Aucune disposition de droit cantonal ne saurait la subordonner à une décision du juge, ni distinguer entre les cas où les imputations concernent ou non des tiers par rapport au procès civil où elles ont eu lieu. Le système des art. 486, 488 et 490 PC gen., semblable au système français (art. 43 al. 3, 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881), ne peut donc prévaloir sur les prescriptions des art. 335 ch. 1 al. 2 et 173 ss. CP; l'honneur de toutes les personnes dont il peut être question dans un procès, parties ou tiers, demeure garanti par les dispositions du Code pénal (cf. § 193 StGB allemand).
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Il suit de là que, même si elles ont lieu en justice, les atteintes à l'honneur doivent être jugées en vertu des art. 173 ss. CP. Il en est ainsi à fortiori lorsque, comme en l'espèce, elles sont imputables non pas à l'une des parties en cause (personne morale), mais à un de ses organes. C'est donc à tort que la Cour de justice a refusé de se prononcer au regard de ces dispositions sur les faits visés par la plainte. Il est dès lors nécessaire de lui renvoyer la cause (art. 277 ter al. 1 PPF).
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Enfin, le recourant n'ayant pas fondé sa plainte sur les dispositions de la loi genevoise de procédure civile, relatives aux imputations calomnieuses ou injurieuses, il est inutile d'examiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure le Code pénal fait obstacle à l'application de ces règles légales (cf. RO 69 IV 210; 71 IV 106 s.; 76 IV 282; 81 IV 164 ss., 330 s.).
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