BGE 87 IV 66 | |||
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17. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er mai 1961 dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre Z. | |
Regeste |
Notzucht; Art. 187 Abs. 1 StGB. |
Begriff des Zwanges (Erw. 2). |
Frage des Eventualvorsatzes (Erw. 3). | |
Sachverhalt | |
A.- Née le 21 février 1941, X. est une jeune fille fluette et ne paraît pas son âge. En octobre 1959, au cours d'un bal, elle fit la connaissance de Z. qui, de quelques années son aîné, lui inspira de la sympathie. Dans les semaines qui suivirent, elle l'aperçut occasionnellement et, une fois, bavarda avec lui.
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Le 18 décembre 1959, alors qu'elle attendait un tram, Z. passa près d'elle à motocyclette et lui offrit de la transporter, ce qu'elle accepta. A proximité de son domicile, Z. s'arrêta pour y déposer des achats. Non sans réticences, sa passagère consentit à l'accompagner jusqu'à l'intérieur de l'appartement. S'étant assuré qu'ils étaient seuls, Z. l'embrassa, la prit par la taille et l'entraîna de force dans une chambre où il l'assit, puis la coucha sur un divan, en s'aidant du poids de son corps et en appuyant fortement la tête sur une des épaules de la jeune fille. D'une main, il lui maintint le bras gauche derrière le dos et, de l'autre, il baissa son caleçon; il se servit en outre de ses jambes pour paralyser celles de sa victime. Sur quoi, il parvint à accomplir l'acte sexuel.
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X. avait repoussé Z. lorsqu'il l'avait embrassée. Sur le divan, elle essaya de se dégager de son bras libre, mais moins vigoureusement qu'elle ne l'aurait pu. En cherchant constammant à se retirer, elle entrava les efforts de son agresseur. Toutefois, elle ne cria ni ne pleura. Il est vrai qu'elle avait menacé d'appeler au secours, mais elle y renonça après s'être rendu compte que personne ne pouvait l'entendre. L'acte sexuel consommé, elle se laissa conduire par Z. jusqu'à son lieu de travail.
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Par la suite, elle le revit en tout cas à deux reprises et prit place une fois encore sur son véhicule. Lorsqu'elle s'aperçut qu'elle était enceinte, elle narra son aventure à sa mère. La grossesse se termina par une fausse couche.
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B.- Le 8 juillet 1960, le Tribunal de police correctionnelle du district de Lausanne condamna Z. à un an de réclusion, pour viol, en vertu de l'art. 187 al. 1 CP. Le 24 août 1960, la Cour vaudoise de cassation pénale annula cette décision.
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Saisi de la cause, le Tribunal de police correctionnelle du district de Cossonay libéra Z. le 22 novembre 1960. Considérant que le viol n'avait été réalisé ni objectivement ni subjectivement, la cour cantonale de cassation confirma ce jugement le 16 janvier 1961. D'une part, elle estime que Z. n'a recouru ni à la violence ni à la menace grave dont dépend l'application de l'art. 187 al. 1 CP. D'autre part, sur la base des constatations des juges du district, elle ne tient pas pour établi qu'il aurait contraint consciemment X. à subir l'acte sexuel.
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Considérant en droit: | |
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On peut se dispenser d'examiner si le terme de violence a le même sens dans toutes les dispositions du Code pénal où il figure. En tout cas, s'agissant de viol selon l'art. 187 al. 1 CP, il faut le définir d'une façon large, comme l'a fait la cour de céans dans un cas de violence contre les autorités (art. 285 CP; arrêt Liechti, du 6 mai 1960, non publié): la violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie. Il n'y a aucune raison d'adopter une définition plus étroite dans l'interprétation de l'art. 187 al. 1 CP. Au contraire, selon le degré de résistance de la victime ou encore en raison de la surprise ou de l'effroi qu'elle ressent, un effort simplement inhabituel de l'auteur peut la contraindre à se soumettre contre son gré. S'il est vrai que le viol réprimé par l'art. 187 al. 1 CP est, en lui-même, beaucoup plus grave que la contrainte visée à l'art. 285 ch. 1 CP, il ne s'ensuit pas qu'en attribuant la même acception au mot violence dans l'un et l'autre texte, on risque d'élargir exagérément la portée du premier. Car, pour tomber sous le coup de l'art. 187 al. 1 CP, il ne suffit pas d'avoir cohabité avec une femme hors mariage, à la suite d'un acte de violence; il faut que la victime se soit trouvée dans un état de contrainte qui résulte de la violence exercée. De plus, si l'art. 285 ch. 1 CP par le de violence ou de menace et l'art. 187 al. 1 CP de violence ou de menace grave, on ne saurait en conclure que, selon ce dernier, la violence aussi doit être grave. Supposé que, par l'art. 187 al. 1 CP, le législateur ait entendu exiger que la violence fût grave, comme la menace, il l'aurait dit expressément. Il n'est du reste pas contradictoire de retenir comme éléments alternatifs du viol la simple violence et la menace grave. En effet, une menace qui n'apparaît pas sérieuse, soit par défaut d'intensité, soit parce qu'elle ne porte pas sur un bien précieux, et qui, partant, ne peut être qualifiée de grave, ne paraît pas de nature à réduire à merci une femme résolue à se défendre. En revanche, ainsi qu'on l'a montré, suivant les circonstances où elle est commise, une simple violence obligera la victime à céder.
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Au demeurant, la jurisprudence n'a jamais fait dépendre l'application de l'art. 187 al. 1 CP d'une brutalité exceptionnelle. Certes, la cour de céans a considéré des procédés bestiaux comme des actes de violence d'après cette disposition (RO 75 IV 117), mais elle n'a pas affirmé pour autant qu'une attitude moins sauvage ne tombait pas sous le coup de la loi. Les auteurs qui ont analysé spécialement la notion de violence n'attribuent du reste pas davantage d'importance à l'intensité des efforts déployés (SCHULTZ, Der strafrechtliche Begriff der Gewalt, RPS, 1952, p. 368; J. COMMENT, Essai sur la notion de violence en droit pénal, RPS, 1952, p. 377).
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Dès lors, la violence se définissant comme une application de la force physique, plus intense que ne l'exige l'accomplissement d'un acte dans les circonstances ordinaires de la vie, l'intimé a usé de violence dans son rapprochement sexuel avec X. Pour entraîner une jeune fille de force, la coucher sur un divan en s'aidant du poids du corps et en appuyant fortement la tête sur son épaule, lui maintenir un bras derrière le dos et l'empêcher de se défendre avec ses jambes, il faut dépenser plus de vigueur que dans un rapprochement librement consenti. L'intimé a donc usé de violence selon l'art. 187 al. 1 CP quand bien même il n'a ni frappé sa victime, ni soutenu contre elle une lutte caractérisée.
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Sur le premier élément de la contrainte, le juge du fait a constaté souverainement que X. voulait se refuser à Z. Sur le second, la cour cantonale semble admettre elle-même que les actes de force accomplis par l'auteur ont brisé la résistance de la victime; elle a seulement nié - mais à tort, comme on l'a montré - que ces actes fussent constitutifs de violence. Au surplus, dès le moment où Z. a porté la main sur elle, X. n'a rien fait pour favoriser le dessein de son adversaire; elle s'est au contraire défendue. Rien ne permet dès lors de croire que la violence exercée par l'intimé ne soit pas la cause qui l'a fait parvenir à ses fins.
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L'intimé, cependant, pourrait avoir agi par simple dol éventuel. Il estime, à la vérité, que la question ne se pose pas en matière de viol; qu'en effet, ou bien la femme manifeste clairement son intention de se refuser à son adversaire, lequel agit alors par dol pur et simple, ou bien le refus de la femme n'apparaît pas, auquel cas la contrainte est exclue, même si l'auteur avait décidé, le cas échéant, de briser toute résistance par la force. Cette argumentation est erronée. Elle ne tient pas compte que la violence et la contrainte peuvent exister, même si la femme ne résiste pas jusqu'à la limite de ses forces ou même, dans certains cas, renonce à toute résistance physique (RO 75 IV 115, précité; consid. 1 ci-dessus). Dans une telle éventualité, l'auteur peut avoir des doutes sur le consentement de la victime; s'il tient sérieusement pour possible qu'en réalité elle se refuse et qu'il soit néanmoins prêt, le cas échéant, à la contraindre par la violence, alors il agit par dol éventuel (RO 86 IV 17, consid. 6) et to mbe sous le coup de l'art. 187 al. 1 CP.
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Ainsi, pour que le dol éventuel soit exclu en l'espèce, il faudrait que Z. n'ait pas sérieusement envisagé comme possible que la jeune fille refusât de se donner à lui. Or le juge du fait n'a pas examiné ce point, que l'on ne peut du reste trancher avec une certitude suffisante sur le vu de ses autres constatations. Il a dit, assurément, que l'auteur s'était mépris "sur les intentions de la jeune fille, sur le sérieux de sa résolution", qu'il n'avait pas eu "conscience de briser la volonté de sa victime". Mais ces termes sont peu précis; ils suffisent à exclure le dol pur et simple, non pas le dol éventuel, d'autant moins que l'autorité cantonale n'a pas visé cette forme de l'intention et ne paraît même pas y avoir pensé. Elle semble bien admettre que Z. croyait la jeune fille consentante, mais il ne s'ensuit pas nécessairement que l'inculpé ne conservait point de doutes sérieux à cet égard; sa conviction pouvait exister sans être assurée; la négation du dol éventuel exigerait une constatation plus explicite ou en tout cas plus nette sur ce point. Pareillement, du fait que l'auteur n'a pas eu conscience de briser la volonté de sa victime, on ne saurait conclure qu'il était certain du consentement; même s'il conservait des doutes sérieux sur ce point, il pouvait se dire que la jeune fille était consentante, n'avoir pas conscience de briser sa volonté, tout en acceptant de la contraindre au besoin. En outre, selon l'arrêt attaqué, la faiblesse de la résistance opposée par la jeune fille, l'absence de cris ou de pleurs étaient "de nature", pour un individu comme l'accusé, à le convaincre que sa compagne était prête à lui céder et que sa résistance n'était qu'une manifestation de pudeur. Là aussi, les termes employés n'excluent pas l'existence de doutes dans l'esprit de l'auteur. Du reste, l'attitude même de celui-ci est loin de révéler une véritable conviction; au contraire, s'il n'avait pas douté du consentement de X., on ne voit guère pourquoi il lui aurait notamment maintenu le bras gauche sous le corps en appuyant avec force, de sa tête, sur l'épaule gauche. Enfin, le juge du fait n'a pas constaté que la résistance de la victime n'était qu'un faux-semblant; il n'a même pas prétendu que la jeune fille s'était défendue par pudeur, mais seulement que Z. avait pu le croire; au surplus, la défense qu'inspire la pudeur implique en général un refus et ne saurait être négligée.
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Le dol éventuel ne pouvant être exclu, tout au moins avec une certitude suffisante, sur le vu des faits constatés, il faut renvoyer la cause à l'autorité cantonale. Celle-ci jugera, en fait, premièrement si Z. a tenu sérieusement pour possible, au moment de l'acte, que la jeune fille voulait se refuser à lui, secondement et dans l'affirmative, s'il a consenti à la contraindre au besoin par la violence, ce qui a effectivement eu lieu. Une solution affirmative sur ces deux points entraînerait la condamnation pour viol par dol éventuel; une solution négative sur un seul justifierait la libération.
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Par ces motifs, la Cour de cassation pénale
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