BGE 101 IV 113 | |||
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30. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 11 juillet 1975 dans la cause Procureur général du canton de Genève contre dame F. | |
Regeste |
Art. 29 StGB. Die Antragsfrist beginnt, sobald dem Antragsberechtigten Täter und Tat, d.h. deren Tatbestandselemente (nur die objektiven oder auch die subjektiven Elemente? Frage offen gelassen) bekannt sind (Erw. 1b). | |
Sachverhalt | |
A.- F., de nationalité française, est décédé intestat à son domicile en France le 12 janvier 1961. Il a laissé pour seuls héritiers légaux: son épouse et cinq enfants, dont deux étaient encore mineurs. Outre sa fortune en France, le défunt possédait en Suisse des biens non déclarés au fisc français: 1) le capital-actions d'une société immobilière ayant son siège à Genève, propriétaire d'un immeuble en ville ainsi que d'un chalet, 2) un dossier de titres déposés à l'UBS Genève, d'une valeur de 251'380 fr.
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Le 31 janvier 1961, dame F. fit transférer à son nom la totalité des titres et fonds figurant à l'UBS sous un compte au nom de son mari et pour lequel elle avait été instituée mandataire avec stipulation que ses droits de mandataire ne seraient pas éteints par le décès du déposant. Le nouveau compte, au nom de dame F., a continué à porter le même numéro que l'ancien.
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Ultérieurement, elle obtint de chacun de ses enfants la signature d'une déclaration de même teneur ayant trait, sous ch. 1 au partage des titres trouvés au domicile du défunt en France, et disposant sous ch. 2 que le montant des sommes, titres de toute nature formant le dépôt en compte joint de leur père en Suisse, représentait dans l'esprit de celui-ci la part qu'il réservait à son épouse et que "par suite et comme conséquence logique", aucune disposition testamentaire n'avait été prise en faveur de celle-ci. Puis, après l'exposé sous ch. 1 et 2, la déclaration conclut: "En conséquence de ce qui précède, le soussigné s'oblige à respecter et à entériner par tous les moyens: 1) le partage des valeurs ainsi ci-dessus effectué; 2) le legs particulier fait à Madame F., des biens domiciliés en Suisse". Ces déclarations ont été signées avec la mention manuscrite "lu et approuvé", à Paris, le 15 mai 1962 par les enfants C. et H., le 20 mai 1962 par B., le 22 octobre 1962, par A. (devenu majeur le 5 octobre 1962), et le 25 mai 1964 par N. (devenue majeure le 24 avril 1964).
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Dès l'année 1965 et, semble-t-il, à la suite des mariages de C. et N., les relations entre dame F. et ses filles, auxquelles s'est joint plus tard le fils H., se sont gâtées. Ces enfants accusaient leur mère de leur avoir celé l'importance des biens laissés par leur père en Suisse. Ils ont affirmé avoir signé les déclarations précitées par lesquelles ils reconnaissaient les droits allégués par leur mère dans la croyance erronée que le seul bien possédé par leur père en Suisse était le chalet et dans l'ignorance de l'existence et de l'immeuble sis à Genève et d'un dossier de titres.
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Lorsque dame F. a vu selon ses termes "que les choses tournaient mal", elle a fait vendre les titres détenus dans le coffre de l'UBS et déposer dans une autre banque, dont elle n'a pas révélé le nom, les titres acquis en remploi. Elle a agi de même pour les actions de la société immobilière propriétaire des immeubles.
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B.- Les filles de dame F., agissant par lettres datées de Genève le 2 octobre 1968, ont déposé auprès du Procureur général de Genève une plainte pénale pour escroquerie, abus de confiance et gestion déloyale contre leur mère, auteur principal, et contre leurs frères A. et B., complices ou coateurs. Leur frère H. a joint sa plainte aux leurs le 21 janvier 1969.
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Ces plaintes font valoir que dame F. a demandé à ses enfants de signer les déclarations citées plus haut en précisant qu'elle devait garder les biens en Suisse afin qu'elle puisse continuer à y passer ses vacances avec tous ses enfants comme auparavant, qu'à sa mort à elle les biens reviendraient de toute façon aux cinq enfants; les plaignants soutiennent qu'ils avaient à l'époque entière confiance en leur mère et qu'ils étaient persuadés que "les biens en Suisse" se limitaient au chalet.
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Le 12 mai 1970, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu. Celle-ci a été annulée sur recours par la Chambre d'accusation du canton de Genève, qui a invité le magistrat instructeur à inculper dame F. d'escroquerie et à reprendre l'instruction de ce chef seulement.
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Renvoyée devant la Cour correctionnelle de Genève siégeant avec le concours du jury, dame F. a été condamnée le 31 octobre 1974 à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, pour escroquerie.
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Le 9 avril 1975, la Cour de cassation du canton de Genève a annulé l'arrêt de première instance pour incompétence ratione fori et pour tardiveté des plaintes déposées contre la condamnée.
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C.- Le Procureur général de Genève a interjeté un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
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Considérant en droit: | |
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b) L'infraction reprochée à dame F. et retenue contre elle par les juges de première instance étant une escroquerie commise au préjudice de ses enfants, elle ne peut être poursuivie que sur plainte en application des art. 148 al. 3 et 110 ch. 2 CP.
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Selon l'art. 29 CP, le lésé dispose d'un délai de trois mois pour déposer plainte. Ce délai commence à courir le jour où l'auteur et - l'art. 29 ne le dit pas expressément mais cela va de soi - l'acte délictueux sont connus de l'ayant droit (RO 97 I 774 consid. 2; 80 IV 3; 75 IV 20). La connaissance exigée de l'ayant droit doit être sûre et certaine, lui permettant de considérer qu'il aurait de fortes chances de succès en poursuivant l'auteur, sans s'exposer au risque d'être attaqué pour dénonciation calomnieuse ou diffamation; ce que l'ayant droit aurait dû connaître ou de simples soupçons ne suffisent pas (mêmes arrêts, et RO 76 IV 5, 6); toutefois, il n'est pas nécessaire que le plaignant dispose déjà de moyens de preuve (RO 80 IV 4).
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Quant à l'acte dont le plaignant doit avoir connaissance, il s'agit des éléments constitutifs de l'infraction. Dès que l'ayant droit connaît ces éléments et l'auteur, le délai de trois mois commence à courir. S'agit-il des seuls éléments objectifs de l'infraction, comme l'a posé la jurisprudence (RO 79 IV 59; cf. 80 IV 3, 213), ou de tous les éléments constitutifs tant objectifs que subjectifs, comme le soutient une partie de la doctrine (SCHULTZ, Strafrecht, Allg. Teil I, 2e éd., p. 158; REHBERG, in RPS 85 (1969), p. 266-267; cf. aussi implicitement in RO 75 IV 20)? La question peut rester indécise puisqu'en l'espèce ni le Procureur général ni les plaignants ne prétendent ou n'ont prétendu qu'il y aurait eu connaissance d'éléments subjectifs de l'infraction postérieurement à celle des éléments objectifs déterminants.
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c) Les éléments constitutifs de l'escroquerie, au sens de l'art. 148 CP, sont, sur le plan objectif, la tromperie astucieuse (par affirmations, ou par dissimulation de faits vrais, ou par exploitation d'une erreur), l'erreur de la personne trompée, le fait que cette erreur détermine la personne trompée à des actes de disposition de son patrimoine ou de celui d'un tiers (Vermögensverfügung), la lésion dommageable du patrimoine (Vermögensschaden, acte préjudiciable au patrimoine), et un lien de causalité entre tous ces éléments, ainsi que, sur le plan subjectif, le dessein d'enrichissement illégitime et l'intention (cf. notamment ARDINAY, in RPS 86 (1970) p. 228 ss; GRAVEN, L'escroquerie en droit pénal suisse, p. 13 ss; LOGOz, partie spéciale, I, p. 150 ss; SCHWANDER, Commentaire, 2e éd., n. 562 ss; STRATENWERTH, Bes. Teil, I, p. 210 ss).
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En l'espèce, au nombre des griefs formulés contre l'intimée par les plaignants par l'acte d'accusation et par le Procureur général recourant, seuls peuvent représenter des éléments constitutifs de l'escroquerie: a) le fait que l'intimée ait caché l'existence en Suisse d'autres biens que le chalet ou qu'elle ait exploité la méconnaissance que ses enfants avaient de ces biens (tromperie ou exploitation de l'erreur); b) le fait que les enfants plaignants croyaient qu'il n'existait en Suisse que le chalet, à l'exception d'autres biens mobiliers ou immobiliers (erreur); c) le fait que cette croyance a entraîné la signature par les plaignants des déclarations par lesquelles ils reconnaissaient en substance que les biens sis en Suisse revenaient à leur mère et constituaient un legs de leur père à celle-ci (détermination à un acte de disposition du patrimoine); d) le fait que cette signature a eu pour effet de causer un dommage au patrimoine des plaignants (Vermögensschaden); et sur le plan subjectif: e) le fait que l'intimée ait agi pour profiter sans droit de ces biens (dessein d'enrichissement illégitime); f) le fait qu'elle ait agi avec conscience et volonté (intention).
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Or l'arrêt attaqué a retenu en fait - et cette constatation lie le Tribunal fédéral (art. 277 bis al. 1 PPF) - que l'une et l'autre fille de dame F., plaignantes, ont appris la nature des biens délaissés en Suisse par leur mère au plus tard dès l'année 1967, si ce n'est dès l'année 1966, et que leur frère coplaignant a eu la même connaissance en tout cas en été 1968. O, à partir du moment où les plaignants ont eu connaissance de la nature des biens laissés par leur père en Suisse, ils avaient connaissance de l'ensemble des éléments constitutifs de l'escroquerie qu'ils reprochent à l'intimée.
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En effet, ils connaissaient à ce moment-là, outre leur prétendue erreur, la tromperie ou l'exploitation de celle-ci, ainsi que le préjudice résultant pour leur patrimoine de la signature des déclarations précitées, ils savaient également que leur mère avait demandé leurs signatures pour devenir propriétaire des biens laissés par leur père et qu'elle connaissait, elle, la nature de ces biens. Ils avaient ainsi connaissance non seulement de l'auteur, mais également de tous les éléments objectifs de l'infraction alléguée. C'est donc à juste titre que les plaintes déposées, le 2 octobre 1968 par les deux plaignantes, et le 21 février 1969 par leur frère, ont été déclarées tardives par l'arrêt attaqué.
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d) C'est en vain que le Procureur recourant fait valoir que le délai de la plainte n'aurait commencé à courir que du moment où les plaignants ont su que leur mère avait transféré à son nom, le 31 janvier 1961, les titres et fonds figurant à l'UBS sous un compte de leur père, et qu'elle avait déposé dans un safe de l'UBS à une date indéterminée les actions de la société immobilière qu'elle aurait retirées du safe d'un tiers inconnu.
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En effet, le transfert du 31 janvier 1961 constitue une appropriation antérieure et étrangère aux éléments constitutifs de l'escroquerie; tout au plus aurait-il pu constituer un abus de confiance ou un acte de gestion déloyale, qui n'ont pas été retenus contre l'intimée, et d'ailleurs prescrits depuis longtemps.
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Quant à la prise de possession des actions de la société immobilière, même si elle est postérieure à la signature des déclarations et même si elle en représente l'une des conséquences, elle ne constitue pas un des éléments constitutifs de l'escroquerie. En effet, la lésion du patrimoine (Vermögensschaden) a été réalisée par la signature des déclarations déjà, et c'est à ce moment-là que l'exécution de l'escroquerie a été achevée (cf. RO 74 IV 153; 100 IV 170). (Le recourant admet d'ailleurs, à un autre propos et avec raison que, par la signature des déclarations, le patrimoine des plaignants a déjà été atteint en ce que leurs prétentions successorales étaient compromises dans la mesure où s'ils essayaient de les déduire en justice, ils se seraient heurtés à l'objection tirée du contenu des déclarations.) Les actes d'appropriation de l'auteur ne font pas partie des éléments constitutifs de l'escroquerie; comme le relève GRAVEN, "le délit n'est pas réalisé, dans notre droit, par les seuls agissements du coupable, il ne l'est que par ceux de la victime elle-même" (op.cit., p. 31) lorsque, déterminée par la tromperie de l'auteur, elle commet l'acte de disposition qui lèse son patrimoine ou celui d'un tiers. Dès lors, ce que l'intimée a fait des biens que lui abandonnaient ses enfants n'étant pas constitutif de l'escroquerie, la connaissance d'un tel fait par les plaignants ne saurait avoir de conséquence sur le point de départ du délai de plainte.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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