BGE 102 IV 217 | |||
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47. Arrêt de la Chambre d'accusation du 8 novembre 1976, dans la cause Juge d'instruction du canton de Vaud contre Département militaire fédéral. | |
Regeste |
Art. 320, 352, 357 StGB, Art. 27, 28 BtG. Anstände zwischen Bund und Kantonen hinsichtlich Rechtshilfe und Amtsgeheimnis. | |
Sachverhalt | |
A.- L'entreprise Geveral S.A., à Crissier, a exporté en Allemagne des générateurs pour grenades à fusils, dits "ZG e 65" et faisant l'objet du brevet No 356054. La société BEM S.A., titulaire du brevet, ayant eu connaissance de ce fait, a déposé plainte pénale contre Joseph Spicher, de la maison Geveral S.A., pour concurrence déloyale et violation de la loi sur les brevets. L'enquête relative à cette plainte est en cours à Lausanne.
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A fin 1975, BEM S.A. a offert à la maison Bofors, en Suède, le droit d'exploiter le brevet en question. Bofors a décliné l'offre, déclarant avoir "choisi une autre alternative". Par la suite, BEM S.A. a appris qu'un tiers inconnu d'elle aurait sollicité et probablement obtenu de l'administration fédérale l'autorisation de fabriquer et d'exporter les appareils couverts par le brevet. Elle présume que ce tiers est à l'origine du refus opposé par Bofors, et elle considère qu'il ne peut avoir agi qu'en violation des dispositions légales sur les brevets et la concurrence déloyale.
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Par lettre du 15 janvier 1976, BEM S.A. a demandé à l'Office de contrôle du commerce de matériel de guerre de la Direction de l'administration militaire fédérale de lui fournir tous renseignements utiles à ce sujet. Elle s'est heurtée à un refus, qui a été confirmé par lettre du Département militaire fédéral du 9 février 1976.
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Le 1er juin 1976, BEM S.A. a déposé, entre les mains du Procureur général du canton de Vaud, une nouvelle plainte pour violation de la loi sur les brevets; cette plainte, qui était dirigée contre inconnu, était destinée à obtenir, par l'intermédiaire du juge qui en serait saisi, les renseignements permettant d'agir contre une personne déterminée et par conséquent de transmettre le dossier au juge compétent. Le 19 juillet 1976, le juge informateur de l'arrondissement de Lausanne, chargé de l'instruction de la cause, s'est adressé au directeur de l'Administration militaire fédérale, le priant de lui indiquer si une demande pour fabriquer, puis exporter des générateurs électriques "ZG e 65" pour grenade à fusil à l'intention de Bofors AB, en Suède, ou de toute autre maison à l'étranger lui avait été faite "soit par la société Geveral à Crissier, soit par la Fabrique de verres de montres, à Genève, ou encore par une autre entreprise".
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Le 6 août 1976, le Département militaire fédéral a rejeté la demande, déclarant que le fait de renoncer au maintien du secret de fonction dans le domaine de l'application de la loi sur le matériel de guerre aurait pour effet d'entraver dans une forte mesure l'administration dans l'accomplissement de la tâche que lui impose cette loi. Le Département a, ce faisant, rappelé que "toute contestation entre la Confédération et un canton ou entre cantons concernant l'entraide judiciaire est jugée par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 357 CP".
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B.- Par acte du 30 septembre 1976, le juge d'instruction du canton de Vaud a saisi le Tribunal fédéral du litige, concluant à ce que le Département militaire fédéral soit invité à faire savoir au juge informateur de l'arrondissement de Lausanne si une autorisation de fabrication et d'exportation a été accordée à un tiers pour le générateur électrique "ZG e 65" couvert par le brevet No 356054, et, dans l'affirmative, à donner au magistrat requérant l'identité du bénéficiaire de l'autorisation, ainsi que tous documents et renseignements utiles à la preuve d'une violation de la loi sur les brevets ou d'un acte de concurrence déloyale au préjudice de BEM S.A., détenteur dudit brevet.
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Le Département militaire fédéral conclut au rejet de la requête.
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Considérant en droit: | |
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Selon l'art. 352 CP, la Confédération et les cantons, de même que les cantons entre eux, sont tenus de se prêter assistance dans toute cause entraînant application du Code pénal ou d'une autre loi fédérale, étant sous-entendu qu'il doit s'agir, naturellement, d'une cause pénale (d'après le texte allemand: "in Strafsachen"; d'après le texte italien: "nelle cause penali"). Cette disposition conçue en des termes extrêmement larges ne prévoit pas expressément que l'entraide se trouve limitée aux mesures entrant dans les attributions pénales de l'autorité requise ou aux cas analogues. Il s'agit in casu de décider si le Tribunal fédéral peut, dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire, ordonner à la Confédération de consentir à la révélation d'un secret de fonction au sens de l'art. 320 CP.
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"Le Conseil fédéral fixe les règles d'après lesquelles l'office compétent
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donne ou refuse cette autorisation. L'autorisation ne peut être refusée que
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si les intérêts généraux du pays l'exigent ou si elle devait avoir pour
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effet d'entraver dans une forte mesure l'administration dans
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l'accomplissement de sa tâche." L'art. 28 al. 4 StF ajoute que le Conseil fédéral désigne les offices compétents et règle la procédure.
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Nonobstant les termes de l'art. 28 al. 3 StF, le Conseil fédéral n'a pas établi les règles que, selon la 1re phrase de cette disposition, il était chargé de fixer. En effet, ces règles étaient déjà établies dans la phrase suivante du même al. de sorte qu'il devenait superflu pour le Conseil fédéral de les fixer lui-même (cf. PERRIN, Le secret de fonction en droit fédéral suisse, p. 67). Conformément à l'al. 4 du même article, le Conseil fédéral a cependant arrêté, dans le règlement des fonctionnaires I, du 10 novembre 1959, que les départements sont compétents pour accorder l'autorisation de déposer et que l'art. 28 StF ainsi que les dispositions pertinentes du règlement sont applicables par analogie en ce qui concerne les demandes de communication de pièces (règl. fonc. 1, art. 21).
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C'est en application de ces dispositions, ainsi que de l'art. 320 CP, qui punit la violation du secret de fonction, tout en prévoyant, dans son alinéa 2, que la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure, que le Département militaire fédéral a rejeté la demande du juge informateur. Se référant à l'art. 28 al. 3 StF, il a admis que la communication au juge informateur de renseignements concernant l'auteur d'une infraction à la loi sur les brevets ne porterait certes pas atteinte aux intérêts généraux du pays, mais qu'elle aurait pour effet d'entraver dans une forte mesure l'administration dans l'accomplissement de la tâche que lui impose la loi sur le matériel de guerre.
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Le législateur fédéral a, dans l'art. 28 StF, conféré à l'office fédéral compétent le droit de donner ou de refuser son autorisation au témoignage d'un fonctionnaire, témoignage auquel est assimilée la communication de pièces (art. 21 al. 4 règl. fonc. 1). Il a, dans la même disposition légale, fixé les règles qui doivent servir de base à la décision de cet office. En l'espèce, celui-ci, soit le Département militaire fédéral, a pris une décision négative fondée sur la disposition susmentionnée. Alors que le législateur fédéral a donné à l'autorité administrative fédérale la compétence de rejeter une demande émanant de l'autorité judiciaire, fédérale ou cantonale, en invoquant soit les intérêts généraux du pays, soit même, dans une certaine mesure, ceux de l'administration fédérale, il ne convient pas d'admettre que le canton puisse obtenir en fait l'annulation de cette décision par le biais d'une requête adressée au Tribunal fédéral dans le cadre de l'entraide judiciaire. La disposition du droit fédéral dont il s'agit, si elle s'impose même aux autorités judiciaires fédérales (art. 78 PPF; cf. PERRIN, op.cit., p. 45 ss, not. 49), s'impose dans une mesure pour le moins égale aux autorités cantonales. En faisant dépendre de l'autorisation de l'office fédéral compétent la faculté pour le fonctionnaire fédéral de fournir des renseignements à la justice sur les affaires sur lesquelles il est tenu d'observer le secret, et par analogie la faculté pour l'administration de communiquer des pièces à l'autorité judiciaire, le législateur a institué une règle de compétence dans le cadre de l'application de la législation fédérale; la façon de savoir comment cette compétence a été exercée ne peut faire l'objet d'une contestation entre la Confédération et un canton au sens de l'art. 357 CP, mais doit être résolue dans le cadre du droit fédéral, supérieur à celui des cantons. Par l'adoption des art. 320 CP et 28 StF, le législateur a fixé une règle issue du principe de la séparation des pouvoirs, la justice ne pouvant pénétrer dans les secrets de l'administration qu'avec le consentement de cette dernière (SCHWANDER, Das schweizerische Strafgesetzbuch, 2e éd., p. 400, No 623). Si ce principe s'applique avant tout lorsqu'il s'agit de la juxtaposition de deux pouvoirs dans un même Etat, il doit s'appliquer à fortiori lorsque, dans le cadre de l'application du droit pénal fédéral, la collaboration de l'autorité administrative fédérale est demandée par une autorité judiciaire cantonale. L'art. 28 StF s'impose ainsi à l'autorité judiciaire cantonale (cf. PERRIN, op.cit., p. 65). Dès lors, la Chambre de céans ne peut entrer en matière sur la requête du Juge d'instruction du canton de Vaud.
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De toute façon, on peut constater que, dans sa décision du 6 août 1976, le Département militaire fédéral n'a pas indiqué de voies de droit dans le cadre de la procédure administrative au sens de l'art. 35 PA, mais a mentionné la faculté pour la partie requérante de s'adresser au Tribunal fédéral dans le cadre de l'entraide judiciaire. La Chambre de céans ne pouvant se saisir du litige, il ne devra en résulter aucun préjudice pour le requérant au sens de l'art. 38 PA (cf. JAAC 38, 1974, No 25).
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Par ces motifs, la Chambre d'accusation:
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