BGE 104 IV 249 | |||
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56. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 novembre 1978 dans la cause S. contre Ministère public du canton du Valais | |
Regeste |
Art. 263 StGB, Verübung einer Tat in selbstverschuldeter Unzurechnungsfähigkeit. | |
Sachverhalt | |
A.- Le 28 mars 1977 vers 19 h, S., revêtu d'un masque et muni d'un pistolet de collection non chargé, sonna à la porte de l'appartement de B. Après qu'un enfant eut répondu et fut parti en courant vers sa mère en le voyant, S. entra dans l'appartement, où se trouvaient dame B. et ses enfants. Toujours masqué et le pistolet dans la main droite, il demanda à dame B. à quelle heure son mari rentrerait; elle répondit qu'elle n'en savait rien. Après être resté un instant, S. regarda les enfants et lui dit: "Je vois que vous êtes avec les enfants, je n'insiste pas." Il rangea le pistolet dans une serviette qu'il avait avec lui, recommanda à dame B. de ne rien dire à personne. Elle lui demanda si elle devait transmettre un message à son mari. Il lui répondit: "Dites-lui qu'il s'occupe de ses affaires." Puis il sortit et s'en alla. Pendant toute la scène, il tenait son pistolet bien en main, dirigé contre les occupants de l'appartement, mais sans les viser. Après être sorti, il a jeté dans une rivière la serviette avec le pistolet et le masque. Il fut arrêté le soir même par la police.
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S. a expliqué que, le jour en question, il n'était pas très bien et qu'il avait absorbé un tube entier de "Seresta", médicament somnifère qui lui restait d'un séjour à l'Hôpital psychiatrique de Malévoz l'été précédent. Il avait bu en outre un fond de bouteille de cognac. Il était complètement désorienté depuis le départ de son épouse et cette situation s'était encore aggravée lorsqu'il avait appris qu'elle avait une liaison avec un tiers. Depuis lors, ne sachant plus ce qu'il voulait, il se promenait la nuit jusqu'à des heures avancées et ne supportait plus de voir la vie des gens heureux, celle des femmes et des enfants notamment. Le soir de l'infraction, il en voulait à tout le monde et à la de ce qu'il y ait des gens heureux. Le "deuxième personnage" qui était en lui aurait été "effectivement prêt à descendre n'importe qui".
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S. était déjà venu quelques jours plus tôt dans l'immeuble et jusqu'à la porte de la famille B. Son comportement avait paru bizarre à des voisins. Le jour même de l'infraction, en fin d'après-midi, il s'était rendu à trois reprises dans l'immeuble, montant la deuxième fois en direction du galetas pour n'en redescendre qu'un quart d'heure plus tard, déclarant à une personne, sur le palier: "Je ne sais pas ce que je fais, je tourne en rond." Selon une expertise psychiatrique, la responsabilité de S. est diminuée dans une mesure importante.
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B.- Le 23 septembre 1977, le Tribunal du IIIe arrondissement du canton du Valais a reconnu S. coupable d'actes commis en état d'irresponsabilité fautive (art. 263 al. 1 CP) et l'a condamné de ce chef à six mois d'emprisonnement sous déduction de la détention préventive subie. L'exécution de la peine a été suspendue (art. 43 ch. 2 CP) et S. a été renvoyé dans un établissement pour toxicomanes (art. 44 ch. 1 et 6 CP). Ce jugement a été confirmé en appel, le 16 février 1978, par le Tribunal cantonal du Valais.
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C.- S. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à l'acquittement.
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Le Ministère public n'a pas présenté d'observations dans le délai qui lui avait été fixé.
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D.- Le recourant demande l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit: | |
1. L'autorité cantonale a considéré que le comportement du recourant à l'égard de dame B. et de ses enfants réalisait les éléments constitutifs des délits de menaces (art. 180 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP). Elle a cependant retenu que le recourant avait commis les actes qui lui sont reprochés en état d'irresponsabilité fautive causée par une intoxication médicamenteuse et elle a fait application de l'art. 263 CP, et non des art. 180 et 186 CP. Pour ce faire, elle s'est écartée de l'expertise psychiatrique, qui concluait seulement à une importante atténuation de la responsabilité.
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Ayant reconnu l'irresponsabilité totale du recourant et constaté qu'il s'était mis fautivement dans cet état, l'autorité cantonale a considéré que ses actes tombaient sous le coup de l'art. 263 CP. Elle a estimé en effet que les conditions d'application de l'art. 12 CP (actio libera in causa) n'étaient pas réalisées, rien ne permettant de dire en l'espèce qu'au moment où il disposait encore totalement ou partiellement de sa faculté d'appréciation, le recourant ait prévu et voulu son comportement fautif ou qu'il ait pu le prévoir au prix de la prudence que l'on pouvait attendre de lui. Elle a donc fait application de l'art. 263 CP, et non pas des art. 180 et 186 CP réprimant les menaces et la violation de domicile.
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Se référant à la doctrine (LOGOZ et THORMANN/VON OVERBECK), la cour cantonale a estimé que le fait que les infractions de menaces et de violation de domicile ne sont punissables que sur plainte était sans incidence, et que l'art. 263 CP était applicable même si l'acte commis en état d'irresponsabilité fautive ne se poursuivait que sur plainte.
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b) Le recourant critique cette argumentation. A titre principal, il reproche à l'autorité cantonale de s'être écartée des conclusions de l'expert et d'avoir considéré en conséquence que les art. 180 et 186 CP n'étaient pas applicables. Subsidiairement, il fait valoir que le bon sens et la raison ne sauraient s'accommoder de ce que, dans le cas d'infractions poursuivies sur plainte seulement, l'auteur soit puni lorsqu'il s'est mis, fautivement certes, mais involontairement en état d'irresponsabilité, alors qu'il échappe à toute sanction lorsqu'il a provoqué l'altération de sa conscience dans le dessein de commettre l'infraction. Selon lui en conséquence, il serait plus satisfaisant de considérer que l'art. 263 CP ne saurait trouver application, lorsque l'acte réprimé comme crime ou délit n'est poursuivi que sur plainte, qu'à la condition que celle-ci ait été déposée.
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Savoir si l'autorité cantonale pouvait considérer que le recourant était en état d'irresponsabilité totale relève pour une bonne part de l'appréciation, domaine dans lequel le pouvoir d'examen de la Cour de cassation pénale est limité. C'est pourquoi il convient d'examiner en premier le moyen subsidiaire du recourant, qui pose une pure question d'interprétation et d'application de la loi, pouvant le cas échéant rendre superflu l'examen du premier moyen.
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Etant donné que l'état d'irresponsabilité dans lequel s'est trouvé le recourant a été causé par une intoxication due à sa faute, et qu'il a commis des actes réprimés comme délits, à savoir ceux visés aux art. 180 et 186 CP, le recourant remplit bien les conditions d'application de l'art. 263 al. 1 CP, si l'on s'en tient à la lettre de cette disposition. Cependant, comme les actes objectivement commis par le recourant sont des délits qui ne sont poursuivis que sur plainte, et qu'en l'espèce aucune plainte n'a été déposée par les lésés, il convient d'examiner et de dire si, dans une telle situation, l'application de l'art. 263 CP est subordonnée ou non au dépôt d'une plainte.
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La majorité de la doctrine est d'avis que, dans l'application de l'art. 263 CP, la poursuite pénale a lieu d'office, même si l'acte commis en état d'irresponsabilité est un délit qui ne se poursuit que sur plainte (THORMANN/VON OVERBECK, n. 5 ad art. 263; HAFTER, Bes. Teil, II, p. 483; LOGOZ, partie spéciale, ch. 5 b ad art. 263; RETRZILKA, Zürcher Erläuterungen, p. 364- 365; STIERLI, Die Verübung einer Tat in selbstverschuldeter Unzurechnungsfähigkeit, thèse Berne 1943, p. 45; KRILL, Zur Frage der Strafbarkeit der in selbstverschuldeter Unzurechnungsfähigkeit verübten Tat, thèse Berne 1944, p. 85). Ces auteurs toutefois se bornent à émettre cette opinion sans réellement la motiver ni la discuter. Seul STIERLI précise simplement que l'infraction de l'art. 263 CP est un délit sui generis et que la disposition légale ne prévoit pas de plainte. Cette manière de voir a été suivie par certains tribunaux cantonaux (Berne, RJB 82 (1946), p. 310; Schaffhouse, BJP 1948, n. 170).
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Des avis différents se sont cependant élevés, mais disparates, sinon contradictoires dans leur motivation. Ainsi, STREBEL (Behandlung der Unzurechnungsfähigen, in RPS 62 (1947), p. 234) estime que si l'on considère l'infraction de l'art. 263 CP comme un délit de mise en danger et l'acte commis dans cet état comme la condition objective de la répression (objektive Strafbarkeitsbedingung), il ne saurait y avoir de répression lorsque, en cas d'infraction punie sur plainte, aucune plainte n'a été déposée. SCHAAD (Die objektiven Strafbarkeitsbedingungen, thèse Zurich 1964, p. 79/80) voit au contraire dans l'acte commis en état d'irresponsabilité fautive (die Rauschtat) non pas la condition objective de la répression, mais bien l'un des éléments constitutifs de l'infraction de l'art. 263: l'élément d'illicéité (Unrechtstatbestand). Cette construction, présentée comme la seule qui serait en accord avec le principe dit de la culpabilité (Schuldprinzip), aurait pour conséquence que l'auteur en état d'irresponsabilité fautive qui a commis un acte ne se poursuivant que sur plainte ne saurait être puni sans qu'une plainte ait été déposée. Quant à STRATENWERTH, il ne prend pas position, mais il relève que si l'illicéité de l'infraction de l'art. 263 réside dans le fait de s'être intoxiqué ou enivré, il n'y a pas besoin de plainte, même si l'acte commis en état d'intoxication est un délit ne se poursuivant que sur plainte; en revanche, si l'on considère que l'art. 263 sanctionne en réalité la responsabilité (Haftung) pour l'acte commis en état d'irresponsabilité fautive, en dérogation au principe de culpabilité, une plainte est alors nécessaire lorsque l'acte commis est une infraction ne se poursuivant que sur plainte (STRATENWERTH, Bes. Teil., II, 2e éd., p. 224).
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Dans un arrêt, le Tribunal fédéral a considéré l'acte ainsi commis à la fois comme une condition objective de la répression et comme un élément permettant de caractériser l'ivresse et l'intoxication comme dangereuses, et il a posé que c'est à la faute objectivement caractérisée que la loi attache des conséquences pénales (ATF 83 IV 162). Vue sous cet angle, la responsabilité de l'auteur (ici: Haftung) apparaît liée à la faute qui a conduit à l'ivresse ou à l'intoxication d'une part et à l'acte commis dans cet état d'autre part. De toute manière, que l'on qualifie l'acte commis comme une condition objective de la répression ou comme un élément constitutif caractérisant l'illicéité de l'infraction de l'art. 263 CP, il reste qu'il joue dans l'application de cette disposition un rôle au moins aussi déterminant que l'intoxication fautive elle-même.
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On voit d'emblée que la réponse à la question posée ici dépendra étroitement du point de vue adopté. Or la nature très particulière de l'art. 263 CP ne permet pas d'espérer que l'on trouvera une solution satisfaisante sur le plan théorique. En effet, cette disposition qui a été introduite dans le Code pénal par les Chambres contre l'avis de LOGOZ, rapporteur au Conseil national, qui la jugeait contestable du point de vue juridique (BSt., CN, 1929, p. 452), rompt à première vue avec le principe de la responsabilité fondée sur la faute (Schuldhaftung) qui domine par ailleurs l'ensemble du Code pénal (cf. HEIM, in RSJ 50 (1951), p. 203) et consacre un certain retour à la responsabilité causale, fondée sur le résultat (Erfolgshaftung), ainsi que le reconnaît unanimement la doctrine (cf. SCHWENTER, L'irresponsabilité fautive selon l'art. 263 CP, thèse Lausanne 1971, p. 80/81 et les auteurs cités; STRATENWERTH, Bes. Teil, II, 2e éd., p. 219; SCHULTZ, Die Behandlung der Trunkenheit im Stafrecht, p. 35).
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S'agissant d'une disposition sui generis qui se présente dans le Code pénal comme un corps étranger, il serait vain de se référer à l'économie générale de la loi pour fonder une solution. Il serait cependant choquant de se rallier à un point de vue qui conduirait à des différences heurtant le bon sens dans des hypothèses de fait très semblables. C'est pourquoi, dans la mesure où la portée de l'art. 263 CP n'est pas évidente, on ne saurait statuer sans tenir compte de la sanction prévue par la loi en cas d'actio libera in causa et plus précisément d'actio libera in causa par négligence.
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b) Selon la jurisprudence, il y a actio libera in causa par négligence, soit application de l'art. 12 CP, lorsque l'auteur d'une infraction s'est mis en état d'irresponsabilité alors qu'il pouvait prévoir que, dans cet état, il s'exposait à commettre des actes punissables. L'actio libera in causa exclut alors l'application de l'art. 263 CP, puisque cette disposition ne trouve application que si les conditions de l'art. 12 CP ne sont pas réunies, soit qu'avant de s'enivrer le prévenu n'ait pas eu le dessein de commettre une infraction, soit qu'il n'ait pu prévoir alors qu'il risquait d'en commettre (ATF 85 IV 2 3). La jurisprudence a bien précisé que lorsque l'auteur a fautivement provoqué le résultat délictuel, c'est la disposition générale qui s'applique, à l'exclusion de la disposition particulière et subsidiaire de l'art. 263 CP (ATF 93 IV 41 consid. 2).
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Or, en cas d'actio libera in causa, en vertu de l'art. 12 CP, l'auteur tombe directement sous le coup de la disposition spéciale réprimant l'acte qu'il a commis en état d'irresponsabilité fautive, de telle sorte que s'il s'agit d'un délit qui n'est poursuivi que sur plainte, l'auteur ne peut être finalement puni qu'en cas de plainte.
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Au vu de ce qui précède, il convient dès lors de se demander s'il se justifie sérieusement d'envisager de faire une différence quant au principe de la punissabilité de l'auteur ou au sort de l'action pénale selon qu'il y a actio libera in causa intentionnelle ou par négligence, ou acte commis en état d'irresponsabilité fautive au sens de l'art. 263 CP. Etant donné que sur le plan de la faute, qui est l'élément qui domine notre droit pénal, l'actio libera in causa, même commise par négligence, apparaît comme un comportement plus grave que celui qui tombe sous le coup de l'art. 263 CP, on ne saurait accepter facilement une solution qui aurait pour conséquence d'entraîner, selon le cas, la condamnation de celui qui a commis la faute la moins grave, tandis qu'échapperait à toute sanction l'auteur d'une faute plus grave. C'est précisément ce qui se produirait si l'on devait admettre qu'en cas d'application de l'art. 263 CP, la poursuite pénale s'exerce d'office, même si l'acte commis en état d'irresponsabilité est un délit ne se poursuivant que sur plainte. En effet, en l'absence de plainte, l'auteur d'un acte tombant sous le coup de l'art. 263 CP devrait être condamné, tandis qu'en cas d'actio libera in causa, c'est-à-dire s'il remplit les conditions d'application de l'art. 12 CP, il échapperait non seulement à toute sanction mais même à toute poursuite. Une telle solution est d'autant moins acceptable que les bases juridiques et théoriques qui peuvent la fonder ne paraissent guère plus solides ou plus convaincantes que celles qui conduisent à la solution contraire.
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Il n'est d'ailleurs pas certain qu'en dépit de sa place dans la partie spéciale du Code, l'art. 263 CP ait pour fonction de réprimer une infraction particulière. Il paraît se présenter au contraire plutôt comme une disposition générale qui devrait trouver place au voisinage des art. 10 à 12 CP traitant de la responsabilité et de ses conséquences générales. Il constitue en effet, on l'a vu, une exception au principe de l'impunissabilité des actes commis sans faute lorsque l'auteur s'est mis par sa faute en état d'irresponsabilité, en prévoyant une peine inférieure à celle qui réprimerait normalement l'infraction commise fautivement. Il est donc à la fois conforme à l'équité et à la logique de poser que les dispositions générales sur l'irresponsabilité ont le sens suivant: les actes commis en état d'irresponsabilité ne sont pas punissables (art. 10 CP), sauf si l'auteur s'est mis fautivement dans cet état, auquel cas il sera passible d'une peine inférieure à celle ordinairement prévue pour l'acte commis s'il s'agit d'un crime ou d'un délit (art. 263 CP), à moins qu'il ne soit mis dans cet état dans le dessein de commettre l'infraction (art. 12 CP), auquel cas ni les art. 10 et 11 ni l'art. 263 CP ne seront applicables.
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Encore faut-il, dans toutes ces hypothèses, que l'acte ne soit pas seulement réprimé par la loi, mais que son auteur puisse être poursuivi. Il s'ensuit que dans le cas d'un délit poursuivable sur plainte seulement, l'art. 263 CP ne trouvera application, de même qu'une peine ne sera appliquée en vertu de l'art. 12 CP, que si plainte a été déposée.
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c) Comme, en l'espèce, les actes que l'accusé a commis en état d'irresponsabilité fautive sont des délits qui ne se poursuivent que sur plainte et qu'aucune plainte n'a été déposée, il aurait dû être purement et simplement acquitté. Le jugement attaqué doit ainsi être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle prononce un jugement libératoire.
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