BGE 106 IV 342 | |||
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85. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 3 octobre 1980 dans la cause Ministère public du Jura bernois contre F. (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 112 StGB. Mord. |
2. Die Umstände, die für die besonders verwerfliche Gesinnung oder die Gefährlichkeit sprechen, sind bloss Indizien, die nach moralischen Kriterien zu werten sind (Erw. 2 und 3). |
3. Die Tötung unschuldiger Dritter zur "Bestrafung" des Ehegatten ist selbst bei schwerem Konflikt mit diesem ein besonders charakteristisches Merkmal verwerflicher Gesinnung (Erw. 4c). |
4. Selbstmordabsicht nach der Tat, nicht als Folge verzweifelter Gewissensbisse, sondern im Bestreben, sich gewaltsam eines schwierigen Lebens zu entledigen, ist Ausdruck des Egoismus und mit der Annahme besonders verwerflicher Gesinnung vereinbar (Erw. 4d). | |
Sachverhalt | |
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Le 20 septembre 1977, F. insista par téléphone auprès de sa femme pour qu'elle vienne au domicile conjugal le surlendemain 22 septembre dans l'après-midi afin de discuter de la répartition des meubles. Après avoir hésité, dame F. fit savoir à son mari le 21 septembre dans la soirée qu'elle viendrait au rendez-vous accompagnée de leur fille commune et d'un certain H.
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Au jour dit, ces trois personnes sont entrées dans la maison dont toutes les issues avaient été fermées. Les deux garçons qui vivaient avec leur père avaient été éloignés. Une discussion s'est engagée, mais elle a rapidement tourné court, F. s'étant fâché d'une intervention de sa fille, ayant refusé les excuses de celle-ci et ayant quitté la cuisine où l'on s'était réuni. Il alla chercher son mousqueton qu'il avait préalablement chargé. A son retour, après une brève discussion, il tira sur sa fille puis sur H., disant à sa femme qu'il lui réservait un autre sort. Peu après, il tira une seconde fois, tant sur sa fille que sur H. Chacune des quatre balles provoqua des lésions mortelles. Comme dame F.
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gémissait et voulait fermer les yeux de sa fille, F. l'injuria grossièrement, la somma de se déshabiller, et comme elle ne le pouvait pas en raison de sa paralysie, lui arracha ses vêtements. Après avoir baissé son pantalon, il ordonna à son épouse, sous menace de mort, de lui frotter le sexe, tout d'abord dans la chambre attenante à la cuisine, puis dans ce local même où gisaient les deux cadavres. Par la suite, il fit rougir dans le poêle un tisonnier dont il voulait probablement brûler sa femme aux parties génitales, il fut toutefois distrait par un appel téléphonique et permit en fin de compte à sa femme de se rhabiller.
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Les garçons vivant avec lui étant rentrés à la ferme vers 17 heures, F. les envoya avertir la police, mais lors de l'intervention de celle-ci, il se barricada dans l'habitation, menaçant de faire feu sur la gendarmerie en cas d'intervention. Après maintes discussions, il alla se constituer prisonnier à Soleure, vers 4 heures du matin, emmenant sa femme dans la voiture de H.
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B.- Le 18 mai 1979, la Cour d'assises du Ve arrondissement du canton de Berne reconnaissant F. coupable de meurtre, de contrainte et de menace contre les fonctionnaires, l'a condamné à 16 ans de réclusion sous déduction de la détention préventive.
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C.- Tant le condamné que le Ministère public ont déclaré se pourvoir en nullité. F., qui demande l'assistance judiciaire, conclut à la réduction de la peine, tandis que le Ministère public estime, sans pour cela réclamer l'aggravation de la peine, que la qualification d'assassinat aurait dû être retenue plutôt que celle de meurtre.
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Considérant en droit: | |
I. Pourvoi du Ministère public
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2. Selon la jurisprudence, il faut, pour apprécier si l'auteur est particulièrement pervers ou dangereux, prendre en considération non seulement les circonstances dans lesquelles il a agi mais encore les événements qui ont entouré l'infraction, dans la mesure où ils révèlent le caractère du délinquant, son comportement général ainsi que son état et ses réactions psychiques au moment de l'acte. Peuvent également entrer en ligne de compte le choix d'un moyen particulièrement condamnable (par exemple le poison, le feu) ou le mode d'exécution, impliquant cruauté ou perfidie, ou encore les mobiles de l'auteur (par exemple le plaisir de tuer, la vengeance, l'égoïsme), ses relations avec la victime (rapports amoureux, liens de sang) et son comportement après le crime, l'absence de repentir notamment (ATF 104 IV 152; ATF 101 IV 281 et les références).
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Ces circonstances restent toutefois sujettes à interprétation en ce sens qu'elles n'imposent pas absolument la conclusion que l'auteur est particulièrement pervers ou dangereux et que par conséquent l'art. 112 CP est applicable. Elles ne constituent que des indices, qui peuvent se révéler trompeurs, sur la mentalité de l'auteur. Cette mentalité est une constante de la personnalité sur laquelle le juge doit se prononcer d'après des critères moraux, qu'il appréciera avec plus ou moins de sévérité selon le rôle joué par l'égoïsme et par la pression sociale dans l'acte incriminé. Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt à sacrifier, pour la satisfaction de besoins égoïstes, un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. Il fait preuve d'un manque complet de scrupules et d'une grande froideur affective (ATF 104 IV 152, 154).
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3. En l'espèce, les circonstances qui laissent ordinairement conclure à une perversité particulière sont réunies. L'autorité cantonale retient comme très probable que le condamné a attiré sa femme chez lui sous le prétexte de parler de la répartition des meubles, mais dans l'intention de la tuer et de se suicider ensuite, pour mettre fin par la violence à une situation conflictuelle et à un constat d'échec de sa vie. Il est en tout cas certain qu'il avait organisé un guet-apens, par l'insistance manifestée auprès de sa femme pour qu'elle vienne et par la préparation du lieu de la rencontre en éloignant les deux garçons qui vivaient encore avec lui, en verrouillant toutes les issues de la demeure et en chargeant son mousqueton. Le mode d'exécution implique une cruauté particulière: pour atteindre sa fille à qui son épouse faisait un bouclier de son corps, il a dû écarter et bousculer cette femme handicapée qui le suppliait. Il a tiré posément quatre coups mortels contre la jeune fille, puis contre H., sous les yeux de sa femme. Son double forfait accompli, il a encore violenté sa femme pour obtenir d'elle des attouchements sexuels dans la pièce même où se trouvaient les cadavres et il a commencé à mettre à exécution son intention de la marquer au fer rouge, ce qui implique une cruauté particulière. Les premiers juges ne constatent nullement qu'il ait agi ainsi alors qu'il était en proie à une émotion violente, aveuglé par une force inconsciente irrépressible. La précision et la méthode des coups de feu, le fait qu'il se soit interrompu dans son action à deux reprises pour téléphoner démontrent qu'il était maître de lui. Il a conservé cette maîtrise après les actes dont il doit répondre, disant à ses fils ce qu'il avait fait lors de leur retour, environ deux heures après le crime, leur donnant une importante somme d'argent, puis tenant tête à la gendarmerie, refusant de se laisser arrêter, exigeant de pouvoir aller se rendre à l'autorité soleuroise, plusieurs heures plus tard, supportant par conséquent une longue attente sur les lieux de son forfait, en présence des deux cadavres. Par la suite enfin, il n'a pas manifesté de repentir.
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Ces indices de perversité sont accablants.
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b) L'autorité cantonale relève toutefois que la situation conflictuelle n'était pas due qu'à l'épouse, mais aussi au condamné lui-même qui avait exigé de sa femme trop de travail tout en lui imposant une vie particulièrement instable et dont l'agressivité, la tyrannie, les exigences sexuelles avaient encore augmenté après l'accident et l'amputation de jambe subis en février 1976. Raisonnablement, le condamné ne pouvait imputer à sa femme ni les deux incendies de sa ferme provoqués par une des filles du premier lit, ni l'accusation d'attentat à la pudeur proférée contre lui par deux des filles de sa femme, ni la paralysie psychosomatique qui avait frappé celle-ci, ni son départ auquel il avait consenti car elle n'était plus pour lui qu'une charge, ni la désertion progressive de la maison par tous ses enfants, à l'exception des deux garçons les plus âgés, ni les difficultés qu'il rencontrait avec la maîtresse qu'il s'était choisie après le départ de son épouse, ni la perte de sa jambe. La situation conflictuelle n'était donc imputable à l'épouse que dans la mesure où celle-ci était mauvaise ménagère et où elle avait admis par lassitude l'infidélité que lui reprochait son mari, laquelle n'est d'ailleurs même pas établie. Des éléments aussi minces ne peuvent conduire au désir de tuer sa femme et de se suicider ensuite, sans tenir compte des enfants dont les derniers étaient encore très jeunes (nés en 1964 et 1966), que chez un être particulièrement égoïste et pervers.
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Le désir de vengeance retenu par l'autorité cantonale comme l'un des mobiles possibles de ses actes n'exclut donc nullement la perversité lorsqu'il se fonde sur des griefs objectivement si ténus, et que la vengeance doit consister en ceci que la victime doit périr après avoir vu tuer deux personnes dont sa fille, après avoir été déshabillée violemment, marquée au fer rouge et contrainte à des privautés sexuelles.
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c) Surtout, l'autorité cantonale ne prête pas suffisamment d'attention au fait que ce n'est pas son épouse que le condamné a tuée, mais sa fille et le tiers H. contre lesquels il n'avait aucun grief sérieux. Elle exclut en effet que le condamné ait voulu tuer sa fille parce qu'il lui devait de l'argent, ni H. parce qu'il était homosexuel, mais seulement parce que ces deux personnes accompagnaient et soutenaient sa femme et que leur mort brutale sous les yeux de celle-ci constituait un élément de la "punition" qu'il entendait lui infliger. Il suit nécessairement de là que le condamné a commis son double meurtre, contre des personnes dont il n'avait pas eu à souffrir, seulement parce qu'elles le gênaient, comme un objet qu'on écarte, sans aucune considération pour leur valeur de personne humaine. Il s'agit là de l'un des traits les plus caractéristiques de la perversité. Les premiers juges le reconnaissent du reste.
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d) L'autorité cantonale constate il est vrai que le condamné avait l'intention de se suicider après son forfait. Ce fait étant établi, c'est inutilement au regard de l'art. 277bis al. 1 PPF que le condamné prétend dans son recours en apporter de nouvelles preuves. Il n'y est pas recevable (art. 273 al. 1 lettre b PPF). Mais cette circonstance n'est nullement de nature à révoquer en doute la perversité de l'auteur. Le suicide n'est pas en effet envisagé comme la manifestation d'un remords désespéré en présence du forfait accompli, mais comme l'achèvement d'une volonté de destruction totale, pour se libérer par la violence des problèmes d'une vie difficile que le condamné n'était pas parvenu à résoudre. Cette volonté de destruction totale, non seulement de soi-même, mais encore d'autrui, dont l'objet est d'entraîner dans sa propre destruction une autre personne, contre sa volonté, est la manifestation d'un égoïsme qui est non seulement compatible avec la perversité, mais qui en est souvent l'origine.
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e) L'autorité cantonale refuse d'admettre la perversité de l'auteur sous le prétexte qu'en raison du mutisme et de l'amnésie réelle ou feinte de celui-ci, ils en ignorent les mobiles. Mais les seuls mobiles qu'ils envisagent, vengeance à l'égard de sa femme, volonté d'anéantissement, suppression de deux personnes gênant ses plans initiaux, punition des personnes soutenant sa femme, relèvent tous d'un désir de vengeance, de l'égoïsme et d'une froideur qui permettent de conclure à la perversité. L'incertitude sur les motifs de l'acte ne pourrait permettre de douter de la perversité que si l'on pouvait raisonnablement formuler l'hypothèse d'un motif au moins qui ne relèverait pas de ce trait de caractère. Or l'autorité cantonale n'en imagine pas et elle aurait d'ailleurs été bien embarrassée de le faire sur le vu des faits de la cause.
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L'autorité cantonale ayant violé les art. 111 et 112 CP en retenant le premier à l'exclusion du second, le pourvoi du Ministère public est donc bien fondé.
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II. Pourvoi du condamné
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a) On a vu que les moyens nouveaux destinés à établir l'intention qu'avait l'auteur de se suicider sont irrecevables et ne présentaient d'ailleurs aucune utilité, puisque l'autorité cantonale a admis cette intention.
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b) Le recourant se plaint uniquement de ce que les premiers juges auraient abusé de leur pouvoir d'appréciation en estimant sa culpabilité si lourde qu'elle justifie une peine "proche du maximum". La Cour de cassation s'impose cependant une grande retenue pour contrôler l'usage que l'autorité cantonale a fait du large pouvoir d'appréciation qui lui appartient en vertu de l'art. 63 CP (ATF 78 IV 67; ATF 90 IV 79, 155; ATF 92 IV 119; ATF 95 IV 62), en se fondant par exemple sur des critères dénués de pertinence ou en parvenant à un résultat gravement choquant, inexplicable, en contradiction avec les motifs. Tel n'est pas le cas. L'autorité cantonale s'est montrée sévère pour des motifs convaincants. La gravité exceptionnelle des actes du recourant impliquait d'ailleurs celle de la condamnation.
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c) La gravité de la culpabilité du recourant n'est en rien diminuée par l'intention qu'il avait de se donner finalement la mort. En effet, comme on l'a déjà vu, le suicide envisagé n'était pas une manifestation de remords, ce que le recourant ne prétend d'ailleurs pas, mais une manifestation supplémentaire de sa volonté égoïste d'anéantissement.
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d) Le pourvoi apparaissant comme voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne saurait être accordée.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |