BGE 111 IV 74 | |||
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20. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 février 1985 dans la cause C. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
1. Art. 137 StGB; Diebstahl. Ein Magnetband, welches das Computerbetriebsprogramm einer Bank enthält, kann Objekt eines Diebstahls sein. Der Vermögensvorteil, auf dessen Erlangung die Bereicherungsabsicht gerichtet ist, kann nicht nur im Substanzwert der angeeigneten Sache, sondern auch in ihrem Gebrauchswert liegen (E. 1). |
3. Art. 273 Abs. 3 StGB; Wirtschaftlicher Nachrichtendienst; schwerer Fall. Auch wenn die verratenen Geheimnisse nur den Nachrichtendienst vorbereitende Handlungen ermöglichen, kann eine abstrakte Gefährdung der nationalen Sicherheit im wirtschaftlichen Bereich gegeben sein; der Grad der Gefärdung bestimmt sich objektiv, nach der Bedeutung der verratenen Geheimnisse und dem Ausmass der geschaffenen Gefahr (E. 3 und 4). |
4. Art. 47 Ziff. 1 Abs. 1 BankG, Art. 22 StGB; Gehilfenschaft bei versuchter Verletzung des Bankgeheimnisses. Bei einem Sonderdelikt kann der Extraneus Gehilfe nicht aber Mittäter sein. Gehilfenschaft erfordert zumindest einen vom Täter begangenen Versuch (E. 5). | |
Considérant en droit: | |
1. Le recourant soutient que les bandes magnétiques constituant le logiciel de base de l'ordinateur de l'UBS ne pouvaient être l'objet d'un vol. Il admet qu'une bande magnétique est une chose mobilière corporelle, donc susceptible d'appropriation; cependant l'élément subjectif ferait ici défaut, car les auteurs n'avaient pas en vue la valeur patrimoniale des bandes magnétiques mais voulaient s'assurer la maîtrise du programme informatique, chose incorporelle non susceptible d'être volée. L'intention délictueuse ne visait pas, selon lui, le programme et la bande dans la mesure où ces deux choses sont indépendantes, le programme pouvant être détaché et reproduit sur une autre bande; si le programme avait été lié définitivement à la bande, comme la peinture à sa toile, l'intention délictueuse impliquerait le dessein d'enrichissement car elle viserait obligatoirement l'appropriation de la chose corporelle.
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Cette argumentation n'est pas convaincante. Indépendamment du fait que le dessein d'enrichissement ne fait pas partie de l'intention mais constitue un élément subjectif supplémentaire, le recourant perd de vue que l'avantage patrimonial sur lequel le dessein d'enrichissement porte ne correspond pas forcément à la valeur de la chose soustraite, laquelle peut même être dénuée de toute valeur (ATF 70 IV 66). L'enrichissement peut consister en un avantage patrimonial indirect que le voleur se procure en usant de la chose soustraite. L'avantage patrimonial peut ainsi correspondre à la contre-valeur que l'on reçoit en échange de la chose volée, comme pour les titres de rationnement (ATF 70 IV 67), ou découler de l'emploi que l'on en fait, comme c'est par exemple le cas d'une lettre compromettante volée en vue de chantage (V. SCHWANDER, Das Schweiz, Strafgesetzbuch, 3e éd., Zurich 1964, p. 328 n. 536; G. STRATENWERTH, Schweiz. Strafrecht, partie spéciale I, 3e éd., Berne 1983, p. 183 n. 45). Dans ces deux cas, l'auteur soustrait à l'ayant droit une chose, non pas à cause de sa valeur intrinsèque, mais bien en fonction de sa valeur d'usage, le dessein d'enrichissement illégitime s'étendant à cette dernière valeur.
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En l'espèce, on ne voit pas pourquoi il en irait différemment des bandes magnétiques constituant le logiciel de base de l'ordinateur de l'UBS. Pour le recourant et P., la valeur patrimoniale des bandes ne résidait pas dans leur valeur intrinsèque en tant qu'objet mais bien, indirectement, dans le fait que les remettre aux douanes françaises pouvait et devait leur rapporter une importante somme d'argent. Que les programmes enregistrés sur ces bandes eussent pu être copiés, sur d'autres bandes, et le fait qu'ils n'étaient ainsi pas définitivement liés à leur support, ne change rien à ce qui précède; le recourant et son complice ne pouvaient se procurer l'avantage patrimonial espéré qu'en s'emparant précisément des bandes contenant ces programmes afin de les utiliser par la suite dans le but qu'ils voulaient atteindre (G. STRATENWERTH, op.cit., p. 181 n. 35). Dès lors, les bandes en cause pouvaient fort bien faire l'objet d'un vol.
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Pour les premiers contacts, on peut le soutenir. Mais il est constaté dans la décision attaquée qu'il y a eu plus tard une entente entre P. et les douanes françaises, dont le recourant a été informé; il a alors compris qu'il s'agissait d'une affaire illicite permettant de gagner beaucoup d'argent, et il a fait part de son intérêt. En janvier, C. et P. ont rencontré à Paris un fonctionnaire des douanes; tous deux ont accepté les conditions discutées. De plus, l'autorité cantonale a expressément constaté que les bandes magnétiques avaient été dérobées par P., d'entente avec C. Il est encore précisé que C. n'était pas en mesure de prendre part au vol parce qu'il n'était plus employé de la banque, contrairement à P. Cette répartition des rôles, imposée par des circonstances objectives, a fait l'objet d'une décision à laquelle, selon la cour cantonale, C. "s'est associé à titre principal"; la soustraction des bandes magnétiques était comprise dans cette décision et correspondait à l'intention de C., qui avait un intérêt personnel à ce que le dessein global conçu avec P. se réalise. Ainsi, selon les constatations de la cour cantonale, qui lient le Tribunal fédéral, la participation du recourant se révèle importante au stade de la décision mais aussi à celui d'autres actes nécessaires pour parvenir au but illicite, qui finalement n'a pas été atteint (ATF 106 IV 297, ATF 99 IV 124). Non seulement il a pris part personnellement à la remise des bandes magnétiques aux douaniers français (il est allé lui-même chercher l'une d'entre elles à l'endroit où P. - après le vol - l'avait déposée), mais il a encore, en tant qu'informaticien supérieur à P., tenté à plusieurs reprises, dans un centre informatique en France, d'atteindre le résultat dont dépendait leur rétribution. Dans ces circonstances, on ne voit pas comment le recourant pourrait sérieusement contester qu'il est coauteur du vol.
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La cour cantonale l'ayant à bon droit qualifié de coauteur, la question de la complicité ne se pose pas.
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4. Le recourant ne conteste pas s'être rendu coupable de service de renseignements économiques, mais soutient qu'il ne s'agit pas d'un cas grave au sens de l'art. 273 al. 3 CP. Il rappelle que les bandes magnétiques devaient simplement permettre aux douanes françaises de faire fonctionner un ordinateur du même type que celui de l'UBS, but qui n'a pu être atteint d'une part en raison d'une incompatibilité entre la bande Omega et la bande Syskorr, et d'autre part faute d'une modification du "hardware" que seul le constructeur Sperry Rand pouvait opérer. Le matériel remis aux douaniers français se serait ainsi révélé sans valeur; d'ailleurs, même si l'ordinateur français avait pu être mis en fonction grâce aux programmes d'exploitation volés, cela n'eût pas encore permis d'accéder à des données proprement dites, cela faute d'un programme d'application. Selon le recourant, l'arrêt attaqué admet que la présente affaire ne constitue pas un cas grave; si, plus loin, la cour cantonale finit par retenir le caractère de gravité par le détour de la violation du secret bancaire, elle oublie, d'après le recourant, qu'il a révélé un secret d'affaires aux douaniers français mais n'a nullement violé un secret bancaire.
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a) Prétendre que l'autorité cantonale a elle-même admis à la p. 25 de son arrêt que le cas n'était pas grave est inexact. A cet endroit, la cour cantonale expose seulement que les renseignements divulgués en eux-mêmes n'auraient pas pu mettre sérieusement et concrètement en danger la sécurité nationale dans le domaine économique. Elle poursuit immédiatement: "D'une manière abstraite, sans doute, mais pour autant que soient réalisées des conditions dont les auteurs de la divulgation ne sont pas les maîtres." Cela suffit au regard de l'art. 273 al. 3 CP, car le service de renseignements économiques est un délit de mise en danger abstraite (ATF 98 IV 211).
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b) Le recourant n'emporte pas la conviction lorsqu'il objecte que les bandes en cause n'ont été d'aucune valeur pour les douanes françaises. Il est exact que ces bandes ne comportaient aucun nom de clients de la banque ni d'indications au sujet de leurs comptes. Mais on y avait enregistré des programmes d'exploitation sans lesquels, par l'intermédiaire de programmes d'application, l'exploitation des données recueillies portant sur la clientèle de la banque est tout à fait impossible. Comme l'a constaté la cour cantonale, les bandes magnétiques volées permettaient - par les programmes qu'elles contenaient - des actes préparatoires nécessaires pour l'espionnage des données qui intéressaient les douanes françaises. Les programmes ainsi rendus accessibles aux douaniers français, qui constituaient en eux-mêmes des secrets commerciaux de l'UBS (voir ATF 101 IV 199 consid. 4a; ATF 98 IV 210 consid. a; P. SIDLER, Der Schutz von Computerprogrammen im Urheber- und Wettbewerbsrecht, thèse de Berne 1968, p. 57), comme l'admet le recourant, revêtaient ainsi une grande importance pour l'utilisateur et constituaient, par là même, un objectif d'un grand intérêt pour l'espionnage économique (U. SIEBER, Computerkriminalität, Cologne 1977/1978, p. 11 et 99). Du reste, les efforts des douanes françaises pour disposer de ces programmes, fût-ce au prix d'une rétribution d'un montant élevé, viennent confirmer la valeur qu'elles y attachaient.
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c) La révélation des programmes en cause a sans aucun doute mis en péril les intérêts économiques très importants d'une grande banque suisse. Les relations entre les banques et leurs clients dépendent dans une large mesure de la confiance de ces derniers dans la discrétion dont la banque fera preuve à l'égard des faits touchant à la sphère privée du client. Si disparaît la garantie que de tels faits, révélés ou appris, resteront secrets, disparaît du même coup la confiance à cet égard du client envers la banque, et s'effondre ainsi l'une des conditions essentielles d'une activité bancaire viable. En l'espèce, cet aspect de la confiance a été mis en danger par la révélation de programmes électroniques appartenant à l'UBS, programmes qui pouvaient et devaient ouvrir aux douaniers, en partie du moins, la voie vers des données connues de cette banque. De plus, l'UBS est une grande banque suisse dont le nom est associé de près, sur le plan international, à l'image des banques suisses dans leur ensemble; il s'ensuit qu'en permettant l'accès des douanes françaises aux programmes d'ordinateur, C. a mis en danger non seulement des secrets d'affaires privés de l'UBS mais aussi, dans une large mesure, les intérêts économiques de la Suisse (ATF 108 IV 47 consid. 3). Ainsi, c'est avec raison que l'autorité cantonale l'a condamné en fonction de l'art. 273 al. 3 CP, cela indépendamment de la question du bien-fondé de ses références au secret bancaire.
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5. Le recourant s'en prend encore à sa condamnation pour complicité de tentative de violation du secret bancaire au sens des art. 47 ch. 1 al. 1 LB (RS 952.0) en liaison avec l'art. 22 CP. Il souligne que les bandes magnétiques ne contenaient que des programmes d'exploitation et que, faute de programmes d'application, les douanes françaises n'étaient pas en mesure d'accéder au contenu des bandes de données, qui seules renseignent sur les avoirs et les noms des clients. Le recourant reconnaît à ce sujet que P. et lui-même savaient que la livraison des programmes d'exploitation n'était qu'une phase de l'opération complexe projetée et destinée à réaliser le résultat voulu, soit d'obtenir des renseignements concernant les comptes et les avoirs des ressortissants français à l'UBS. Il estime en revanche qu'il est absolument faux de constater, comme le fait la cour cantonale, que les coauteurs voulaient d'emblée "vendre" aux douanes françaises pour 500'000 FF tous les programmes permettant d'atteindre ce but, c'est-à-dire aussi bien les programmes d'exploitation que d'application, ainsi que les programmes de données; cette affirmation serait en contradiction absolue avec le jugement de première instance. Il est plus que probable, selon lui, que c'était bien là le but visé par les douaniers français, mais il n'aurait jamais été question que les accusés leur livrent autre chose que le logiciel de base (soit les programmes d'exploitation). Par conséquent, l'activité du recourant se serait limitée à la révélation d'un secret d'affaires de l'UBS en permettant aux douanes françaises de connaître le logiciel de base de cette banque. Il n'y aurait pas là de violation du secret bancaire, violation qui aurait impliqué la remise de bandes de données. L'appréciation de la cour cantonale serait non seulement erronée lorsqu'elle admet que le recourant s'était engagé à livrer aussi des programmes d'application et des bandes de données, mais encore lorsqu'elle donne à l'intention des douanes françaises une importance telle que ces dernières apparaissent en quelque sorte comme l'auteur principal, dont le recourant serait le complice. Le recourant soutient à cet égard que les intentions des douanes françaises ne peuvent pas lui être prêtées; seul P. pouvait être l'auteur principal du délit objectivement spécial de l'art. 47 ch. 1 al. 1 LB, P. dont les intentions étaient les mêmes que celles de C., c'est-à-dire qu'il n'avait jamais promis autre chose aux douanes françaises que la livraison des programmes d'exploitation de l'UBS. En l'absence de toute intention, de toute promesse et de tout acte d'exécution, on ne saurait considérer, selon le recourant, qu'il y ait eu tentative de violation du secret bancaire.
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a) Ce que l'auteur savait, voulait ou avait l'intention de faire est, selon la jurisprudence, une question de fait dont la réponse, donnée par l'autorité cantonale, lie le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité et par conséquent ne peut lui être soumise dans le cadre de cette voie de droit (ATF 107 IV 30 consid. 2a, 106 IV 114). Dès lors, le recourant n'est pas recevable à soutenir que P. et lui-même avaient pour intention de livrer aux douanes françaises le logiciel de base seulement, à l'exclusion des autres moyens propres à leur permettre d'accéder aux données concernant les clients de l'UBS. La cour cantonale a constaté expressément que la livraison par les condamnés des programmes d'exploitation (logiciel de base) n'était qu'une phase de l'opération complexe destinée à obtenir des renseignements concernant les comptes et les avoirs des clients français de l'UBS, résultat que les coauteurs connaissaient et acceptaient; l'autorité cantonale a également retenu que cet épisode ne devait pas être isolé de son contexte, car il apparaît clairement que la livraison des programmes d'exploitation n'était qu'un "maillon de la chaîne" qui, avec d'autres opérations qui devaient suivre, auraient dû permettre au fisc français d'obtenir le résultat voulu. Un fonctionnaire des douanes françaises a expliqué clairement à P. qu'il pouvait obtenir une rétribution de 500'000 FF pour la livraison de l'adaptation du "système informatique de l'UBS", ce qui signifiait, selon l'arrêt attaqué, l'adaptation du système, non pas seulement d'une partie du système (logiciel de base); de plus, il était évident que les douanes françaises n'étaient pas prêtes à verser 500'000 FF pour la livraison de programmes dont elles ne pouvaient tirer aucun profit. Selon la décision attaquée, C. et P. connaissaient ce plan lorsqu'ils ont accepté de collaborer. Il s'ensuit que la livraison des bandes magnétiques volées sur lesquelles les programmes d'exploitation avaient été enregistrés constituait sans aucun doute la première phase d'une opération dont le but était, d'après les constatations souveraines de l'autorité cantonale, de permettre l'accès à des données, protégées par le secret bancaire, sur les relations entre l'UBS et sa clientèle française (voir SCHULTZ, Le secret bancaire et le traité d'entraide judiciaire en matière pénale conclu entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, cahier SBS no 11, 1976, p. 7).
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b) Compte tenu de cet état de fait, en sa qualité d'employé de l'UBS, P. a indubitablement commencé l'exécution de l'infraction (ATF 104 IV 181 consid. a). Qu'il n'ait pas poursuivi jusqu'au bout son activité coupable n'est dû qu'à la découverte de l'affaire. S'agissant de P., la cour cantonale a ainsi retenu avec raison le délit manqué.
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Contrairement à P., C ne pouvait être qualifié d'auteur car l'art. 47 ch. 1 al. 1 LB ne prévoit comme tel qu'un membre d'un organe, un employé, un mandataire, un liquidateur ou un commissaire de la banque, qualités qu'il n'avait pas. Comme extraneus d'un délit spécial, il ne pouvait être poursuivi qu'en qualité de complice (SCHWANDER, op.cit., p. 139 n. 276), ce qui n'a pas échappé à la cour cantonale. Le complice étant punissable dès lors que l'auteur a commis au moins un acte punissable comme tentative (O.A. GERMANN, Das Verbrechen im neuen Strafrecht, Zurich 1942, p. 201), ce qui est le cas ici, l'autorité cantonale a condamné avec raison C. du chef de complicité de tentative de violation du secret bancaire.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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