BGE 119 IV 309 | |||
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58. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 novembre 1993 dans la cause W. c. Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 187 und 189 StGB; sexuelle Handlungen mit Kindern und sexuelle Nötigung. |
Voraussetzungen der Anwendung von Art. 189 Abs. 1 StGB (E. 7b). |
Art. 43 StGB; Massnahmen an geistig Abnormen. |
Umstände, unter denen der Richter den Vollzug selbst einer langen Freiheitsstrafe zwecks ambulanter Behandlung aufschieben kann (E. 8b). | |
Sachverhalt | |
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W. a été reconnu coupable de quatre infractions à l'art. 187 ch. 1 CP (certains cas étant prescrits) et de six infractions à l'art. 189 al. 1 CP, les mêmes actes étant qualifiés à la fois d'actes d'ordre sexuel avec un enfant au sens de l'art. 187 ch. 1 CP et de contrainte sexuelle au sens de l'art. 189 al. 1 CP. Partant, il a été condamné à six ans de réclusion. Un traitement psychothérapeutique a été ordonné sans que l'exécution de la peine privative de liberté soit suspendue.
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Le pourvoi en nullité formé par W. contre cette décision pour violation des art. 189 et 43 CP a été rejeté dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des considérants: | |
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a) L'art. 187 CP protège le développement sexuel de la jeunesse et réprime tout acte de nature sexuelle à l'égard d'un jeune de moins de 16 ans. Sur la base des faits retenus par l'autorité cantonale (qui lient la Cour de cassation du Tribunal fédéral), il n'est pas douteux que le recourant a, dans quatre cas, réalisé tous les éléments constitutifs de l'infraction prévue et punie par l'art. 187 ch. 1 CP, et c'est à juste titre qu'il en a été reconnu coupable.
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Comme les mêmes circonstances de fait ont également été retenues pour fonder une condamnation sur la base de l'art. 189 al. 1 CP, le recourant soutient que l'art. 187 ch. 1 CP et l'art. 189 al. 1 CP ne peuvent pas être appliqués en concours.
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Cette opinion est infondée. En effet, si l'art. 187 ch. 1 CP tend à protéger le développement sexuel de la jeunesse, l'art. 189 al. 1 CP protège un autre bien juridique, à savoir la liberté sexuelle, indépendamment de l'âge. Il n'y a pas de raison que la liberté des jeunes en matière sexuelle soit moins protégée que celle des adultes. L'art. 187 ch. 1 CP réprime les actes d'ordre sexuel commis à l'égard d'un jeune de moins de 16 ans, que celui-ci soit consentant ou non; la jeunesse est protégée de manière absolue en raison de l'âge; l'art. 189 al. 1 CP réprime un acte de contrainte en matière sexuelle, quel que soit l'âge de la victime. S'il y a contrainte à l'égard d'un jeune de moins de 16 ans, il y a à la fois atteinte à la protection de la jeunesse et atteinte à la protection de la liberté en matière sexuelle; s'agissant de deux intérêts distincts, les deux dispositions pénales peuvent être appliquées concurremment (FF 1985 II 1082 et 1092; REHBERG, Das revidierte Sexualstrafrecht, PJA 1/1993 p. 21; STRATENWERTH, Bes. Teil I, 4e éd., p. 145 no 23).
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b) Le recourant conteste que l'art. 189 al. 1 CP soit applicable dans les cas retenus.
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Cette disposition vise à réprimer de manière générale la contrainte en matière sexuelle; le viol (art. 190 CP) constitue une lex specialis pour le cas où la victime est une femme et qu'il lui est imposé l'acte sexuel proprement dit; l'art. 189 CP suppose les mêmes moyens et la même situation de contrainte que dans le cas du viol et s'applique notamment en cas de viol homosexuel (cf. FF 1985 II 1091; STRATENWERTH, op.cit., p. 160 nos 22 et 24; REHBERG, op.cit., p. 21 s.). Il faut donc que la victime ne soit pas consentante et que l'auteur le sache ou qu'il accepte cette éventualité (STRATENWERTH, op.cit., p. 157 no 13); l'auteur doit mettre la victime hors d'état de résister par un moyen efficace, mais il n'est pas nécessaire qu'il use de violences physiques ou qu'il profère des menaces graves (FF 1985 II 1091). La notion de "pression psychique" ajoutée par le Conseil national tend à englober notamment le cas où la victime est mise, par surprise, hors d'état de résister (BO 1990 CN 2302, rapporteur Cotti). La portée exacte de cette adjonction a été discutée en doctrine, mais il n'est pas nécessaire de trancher cette question en l'espèce (STRATENWERTH, op.cit., p. 154 ss nos 7 à 9).
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S'il est vrai que la motivation de la Cour de cassation cantonale est un peu trop succincte sur cette question, cela ne permet pas de déduire que la décision attaquée viole le droit fédéral. La Cour de cassation cantonale a évoqué des traces de violence et elle a souligné qu'il y avait eu atteinte à la liberté. Elle n'a donc pas considéré, contrairement à ce que soutient le recourant, qu'un simple rapport de dépendance suffisait pour réaliser les conditions de l'art. 189 CP.
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La Cour de cassation cantonale a manifestement adopté l'état de fait de la Cour d'assises, qui évoquait précisément, dans chaque cas, les éléments permettant de conclure que le jeune homme avait été mis hors d'état de résister (différence d'âge et de force physique, autorité du moniteur, rapport de confiance et d'amitié que le recourant savait créer, impression donnée au jeune homme que la réputation du recourant le rendait intouchable; dans certains cas: isolement, recommandations de la famille). De tels éléments sont suffisants pour se convaincre qu'un jeune homme de 13 ans environ était hors d'état de s'opposer et de résister. Le recourant plaçait ses victimes dans une situation telle qu'il n'avait nul besoin de recourir à des menaces ou à la violence pour qu'elles soient hors d'état de résister. Un des cas est particulièrement caractéristique. Selon les faits retenus, le recourant a saisi avec force le jeune homme, celui-ci s'est mis à crier un peu, mais il lui a répondu "ta gueule". On voit donc que le jeune homme, par des gémissements et des pleurs, a exprimé son désaccord, que le recourant l'a entendu et qu'il a manifesté, par sa réponse, sa détermination de passer outre. Cela rejoint les constatations de l'expert selon lesquelles, dans ces circonstances, le recourant utilise les enfants comme des objets sexuels. L'autorité cantonale n'a dès lors pas violé le droit fédéral en admettant que le recourant avait contraint ses victimes à subir les actes qui lui sont reprochés. On ne peut d'ailleurs pas sérieusement penser que des jeunes gens d'environ 13 ans, compte tenu des lésions et des perturbations subies, aient pu consentir à de tels actes; cela ne pouvait pas échapper au recourant et son état d'esprit, tel qu'il résulte des constatations de l'expert et du cas de sodomie, montre à tout le moins qu'il acceptait l'éventualité d'agir contre la volonté des jeunes gens qui se trouvaient hors d'état de résister. Au demeurant, la question de savoir ce que l'auteur savait, voulait, acceptait ou refusait relève des constatations de fait qui lient la Cour de céans (ATF 117 IV 285 consid. 2a). En l'espèce, l'autorité cantonale n'est pas partie d'une fausse conception de l'infraction et n'a pas violé le droit fédéral en admettant, dans chaque cas, que le recourant avait contraint les jeunes gens.
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Lorsque le recourant, à la fin de son argumentation, soutient qu'il pensait, dans un cas, "agir pour le plaisir de l'autre", il s'écarte de l'état de fait retenu par l'autorité cantonale, ce qui n'est pas admissible dans le cadre d'un pourvoi en nullité (ATF 115 IV 38 consid. 3a, ATF 106 IV 338 consid. 1).
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8. a) Selon l'art. 43 ch. 1 CP, lorsque l'état mental d'un délinquant ayant commis, en rapport avec cet état, un acte punissable de réclusion ou d'emprisonnement en vertu du code pénal, exige un traitement médical ou des soins spéciaux, à l'effet d'éliminer ou d'atténuer le danger de voir l'accusé commettre d'autres actes punissables, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire, si le condamné n'est pas dangereux pour autrui.
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En l'espèce, l'expert psychiatre a posé un diagnostic de pédophilie et a admis l'existence d'un lien entre cet état mental et les infractions commises. Il a considéré que le recourant, s'il n'exerçait plus la même activité, n'était pas dangereux pour la sécurité publique et qu'il n'était pas nécessaire de l'interner. Il a préconisé un traitement ambulatoire qui lui paraît de nature à diminuer les risques de récidive.
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Il est vrai que l'expert a considéré que le traitement aurait plus de chances de succès s'il était voulu par l'intéressé et ne lui était pas imposé. Le recourant a cependant déclaré qu'il n'avait encore rien entrepris et la Cour d'assises a constaté qu'il n'était guère motivé pour entreprendre un tel traitement. Dans ces circonstances, quand bien même cela diminue les chances de succès, elle a décidé de le lui imposer en application de l'art. 43 ch. 1 al. 1 CP, dont toutes les conditions sont réunies. Cette décision ne viole en rien le droit fédéral.
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Dans son argumentation, le recourant se trompe sur la notion de traitement ambulatoire. Un traitement est ambulatoire s'il n'est pas nécessaire que l'intéressé soit hospitalisé pour qu'il lui soit administré. Si l'intéressé est dangereux pour autrui, l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP prévoit la possibilité d'un internement, c'est-à-dire d'un placement dans un établissement offrant une sécurité suffisante, notamment contre le risque d'évasion. Si un traitement est nécessaire et qu'il ne puisse être administré qu'en milieu hospitalier, l'art. 43 ch. 1 al. 1 CP prévoit le placement dans un hôpital, c'est-à-dire l'admission dans un établissement de soins. En revanche, le traitement ambulatoire peut en principe être administré n'importe où. L'expert a d'ailleurs précisé en l'espèce que le traitement pouvait commencer en prison. Il n'était donc pas contraire au droit fédéral de prévoir simultanément l'exécution de la peine privative de liberté et le commencement du traitement.
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b) L'art. 43 ch. 2 al. 2 CP précise cependant, en cas de traitement ambulatoire, que le juge peut suspendre l'exécution de la peine si celle-ci n'est pas compatible avec le traitement.
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La suspension n'est donc possible que si l'exécution de la peine n'est pas compatible avec le traitement ambulatoire; la jurisprudence a précisé qu'il fallait que l'exécution de la peine empêche l'accomplissement du traitement ou amoindrisse notablement ses chances de succès (ATF 116 IV 101 consid. 1a et les arrêts cités). Il n'est toutefois pas nécessaire, pour qu'une suspension soit possible, que le traitement pendant l'exécution soit totalement impossible ou dépourvu de chances de succès (ATF 116 IV 101 consid. 1a et l'arrêt cité).
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Le Tribunal fédéral a déduit du texte légal et des travaux préparatoires qu'en règle générale la peine devait être exécutée immédiatement et qu'il fallait procéder au traitement ambulatoire simultanément; malgré certaines critiques dans la doctrine, cette jurisprudence a été maintenue (ATF 116 IV 101 consid. 1a, ATF 105 IV 87 consid. 2).
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Même si le juge parvient à la conclusion que le traitement ambulatoire ne peut pas être appliqué en cours de détention ou que ses chances de succès en seraient notablement amoindries, l'art. 43 ch. 2 al. 2 CP ne lui fait pas l'obligation de suspendre l'exécution de la peine; la suspension de l'exécution n'est qu'une faculté laissée au juge; le législateur a ainsi conféré un large pouvoir d'appréciation au juge et la Cour de cassation ne peut intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation; le juge doit prendre sa décision en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce, en particulier des chances de succès du traitement, des effets que l'on peut escompter de l'exécution de la peine, ainsi que du besoin ressenti par le corps social de réprimer les infractions (ATF 116 IV 101 consid. 1a et les arrêts cités).
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Contrairement à ce qu'a pensé la Cour de cassation cantonale, le fait que la peine qui devrait être suspendue est de longue durée n'exclut pas que son exécution soit suspendue; dans un tel cas cependant, on ne fera usage de cette faculté qu'avec davantage de retenue, en exigeant que l'intéressé soit gravement perturbé, que les chances de succès du traitement soient particulièrement élevées et que le risque de compromettre le traitement par une exécution simultanée de la peine soit très important. Cette erreur de la Cour de cassation cantonale ne signifie cependant pas que son arrêt viole le droit fédéral. En effet, il apparaît d'emblée que les conditions particulièrement sévères exigées pour la suspension d'une peine de longue durée ne sont pas remplies en l'espèce. D'une part, l'expert a lui-même déclaré que le traitement pouvait commencer en prison, ce qui montre qu'il n'est pas gravement incompatible avec la détention. D'autre part, l'expert a souligné qu'il était très important que l'intéressé soit motivé pour ce traitement, alors que la Cour d'assises a constaté que le recourant manifestait peu d'empressement à ce sujet, ce qui montre que les chances de succès ne sont pas particulièrement élevées. On ne se trouve donc pas dans des circonstances justifiant la suspension de la peine, de sorte que l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en la refusant.
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