BGE 121 IV 86 | |||
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16. Extrait de l'arrêt de la cour de cassation pénale du 23 mars 1995 dans la cause M. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 195 StGB; Förderung der Prostitution. | |
Sachverhalt | |
A.- Entre 1990 et 1992, M. a engagé plusieurs jeunes femmes en qualité de masseuses, pour pratiquer, à E., G. ou B., des massages érotiques se terminant par une masturbation du client; dans certains cas, la masseuse travaillait le torse nu et se livrait à une fellation. La moitié ou les deux tiers de la somme versée par le client revenait à M.; il fut retenu qu'elle retira de cette activité un bénéfice s'élevant au moins à 116'000 fr. Trois de ces masseuses n'avaient pas d'autorisation de séjour ou de travail en Suisse, ce que M. savait.
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B.- Par jugement du 16 décembre 1993, le Tribunal de police de Genève a condamné M., pour avoir commis les infractions prévues par les art. 198 al. 1 aCP, 23 al. 4 LSEE (RS 142.20) et 137 ch. 1 aCP, à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et 2'000 fr. d'amende, prononçant par ailleurs diverses confiscations et mettant les frais de la procédure à la charge de la condamnée.
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Statuant sur appel le 5 septembre 1994, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise a confirmé le jugement attaqué, sauf en ce qui concerne la confiscation de trois comptes bancaires pour lesquels elle a considéré qu'il n'était pas établi qu'ils aient été alimentés par l'activité délictueuse de M.
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C.- Contre cet arrêt, M. s'est pourvue en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral. Elle soutient que la cour cantonale a méconnu la notion de "prostitution" figurant dans le nouvel art. 195 CP, ce qui l'a conduite à violer l'art. 2 al. 2 CP en refusant d'appliquer cette disposition qui constituait en réalité la lex mitior; elle estime d'autre part que la confiscation des fonds qu'elle a déposés auprès d'une banque à M. viole l'art. 58 CP. Elle conclut à l'annulation totale ou partielle de l'arrêt attaqué, avec suite de frais et dépens, ainsi qu'à son acquittement.
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Considérant en droit: | |
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La recourante soutient que la masturbation des clients, à laquelle procédaient les masseuses, n'entre pas dans la notion de "prostitution" introduite par le nouvel art. 195 CP, de sorte que l'application du nouveau droit doit conduire à son acquittement.
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Il est vrai que le nouvel art. 195 CP, à la différence de l'ancien art. 198 CP, emploie le terme de "prostitution", que l'on trouvait déjà, dans l'ancien droit, aux art. 201 al. 1 et 207 CP. Le message du Conseil fédéral à l'appui du nouveau droit précise ce qu'il faut entendre par "prostitution" en disant que celle-ci "peut être tant hétéro- qu'homosexuelle et consiste à livrer son corps, occasionnellement ou par métier, aux plaisirs sexuels d'autrui pour de l'argent ou d'autres avantages matériels. Point n'est besoin qu'il y ait véritablement acte sexuel" (FF 1985 II 1099). Il n'est donc pas décisif qu'il y ait acte sexuel proprement dit ou non, que la relation soit hétérosexuelle ou homosexuelle, que la personne qui se livre à la prostitution reçoive de l'argent ou d'autres avantages matériels, qu'elle exerce cette activité occasionnellement ou par métier. Cette conception est manifestement très large et va peut-être, s'agissant des actes occasionnels, au-delà du sens habituellement donné au terme employé. La notion de prostitution doit donc être comprise de manière large (dans ce sens: STRATENWERTH, Bes.Teil I, 5e éd., p. 171 no 6).
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Par une interprétation littérale du passage cité (FF 1985 II 1099), la recourante s'efforce de montrer que la masturbation des clients dans un salon de massage n'entre pas dans la notion de prostitution. En analysant ainsi mot à mot le message du Conseil fédéral, elle perd de vue que celui-ci n'a pas force de loi. Seul le texte régulièrement adopté par les Chambres fédérales doit être interprété et appliqué; dans la mesure où il correspond au projet du Conseil fédéral, les explications contenues dans le message constituent tout au plus un élément à prendre en considération dans l'interprétation (voir ATF 118 IV 262 consid. 2b).
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Or, même en analysant le message du Conseil fédéral, on ne parvient pas à la conclusion que la recourante voudrait tirer. En effet, on trouve à la page suivante que l'exploitation des maisons de prostitution reste punissable comme sous l'empire du droit précédent et que plusieurs établissements peuvent être considérés comme des maisons de prostitution, y compris, selon les circonstances, un salon de massage (FF 1985 II 1100). Le message se réfère ici expressément à l' ATF 98 IV 255 où il s'agissait précisément de massages sexuels, prodigués dans un salon de massage, et consistant à masturber le client. On ne saurait donc dire que, selon la volonté résultant du message, l'exploitation de tels salons ne serait plus punissable d'après le nouveau droit ou que la masturbation des clients dans un salon de massage n'entre pas dans la notion de prostitution.
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Si l'on songe à la notion très large qui résulte du message, on ne voit pas qu'il y ait lieu de faire une distinction lorsque l'un des partenaires reste passif. Certes, les actes de nature sexuelle impliquent le plus souvent des gestes réciproques. Il n'est cependant pas exclu que l'un des partenaires choisisse de rester passif, voire même de se faire ligoter, sans que cela ne change la nature du rapport selon le sens ordinaire des mots. Il ressort par exemple de la formulation du nouvel art. 195 al. 1 CP qu'il n'y a pas à faire de distinction suivant qu'une personne a commis ou a subi un acte d'ordre sexuel.
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Si l'on se réfère par comparaison au droit allemand, qui emploie également le terme de prostitution (§ 180a al. 1 StGB), il est admis que le terme englobe aussi bien le fait de commettre des actes de nature sexuelle que celui d'en tolérer sur soi-même (DREHER/TRÖNDLE, Strafgesetzbuch, 46.A., Munich 1993 § 180a N.3). La situation est encore plus claire en droit français où il a été admis, au sujet de l'art. 334 aCP qui se réfère à la notion de prostitution, que cette notion englobe également le fait, par des masseuses, de pratiquer sur leurs clients, même sans rapports sexuels, des attouchements ou des caresses allant jusqu'à l'éjaculation (Code pénal, nouveau code pénal, ancien code pénal, DALLOZ 1994-1995, p. 2110 no 1). On ne saurait donc dire que des actes de ce genre sont exclus de la notion de prostitution, puisque c'est le contraire qui est communément admis.
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Sous l'empire de l'ancien droit, la jurisprudence constante avait admis que la masturbation des clients dans des salons de massage entrait dans la qualification de "débauche" (ATF 98 IV 255 consid. 1, ATF 76 IV 237 consid. 2, 71 IV 95) et il résulte clairement du message du Conseil fédéral que l'on n'entendait pas modifier cette situation en adoptant le mot de prostitution (FF 1985 II 1100).
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Dès lors qu'une personne accepte de façon répétée, moyennant de l'argent ou d'autres avantages matériels, d'accomplir ou de subir des actes impliquant les organes génitaux et tendant à une forme d'assouvissement sexuel, il faut admettre qu'il y a prostitution au sens de l'art. 195 CP. Tel est manifestement le cas en l'espèce.
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b) Pour le surplus, la recourante ne prétend pas que considérer qu'elle a poussé autrui, au sens de l'art. 195 al. 2 CP, à commettre les actes incriminés violerait le droit fédéral, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question et que l'on doit admettre que les faits qui lui sont reprochés remplissent les conditions d'application de la nouvelle disposition.
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c) Selon l'ancien art. 198 al. 1 CP, "celui qui, dans un dessein de lucre, aura favorisé la débauche, sera puni de l'emprisonnement".
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Selon la jurisprudence constante, la masturbation constitue un acte de débauche (ATF 98 IV 255 consid. 1, ATF 76 IV 237 consid. 2, ATF 71 IV 95); la recourante ne le conteste pas et il n'y a pas lieu d'y revenir.
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Elle a agi par appât du gain, en recherchant un enrichissement particulièrement répréhensible sur le plan moral puisqu'il supposait des comportements mettant en cause des valeurs touchant la dignité humaine; la recourante a donc agi dans un dessein de lucre au sens de l'art. 198 al. 1 aCP (cf. ATF 118 IV 57 consid. 1b).
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En conséquence, la recourante a commis l'infraction prévue et punie par l'art. 198 al. 1 aCP, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
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d) Comme cette infraction n'est passible que de l'emprisonnement, tandis que le nouvel art. 195 CP - dont les conditions sont également réalisées - prévoit au maximum la réclusion pour dix ans, il n'est pas douteux que le nouveau droit n'est pas plus favorable à l'accusée, de sorte que la cour cantonale n'a pas violé l'art. 2 al. 2 CP, en la reconnaissant coupable de proxénétisme au sens de l'ancien art. 198 al. 1 CP. Le pourvoi doit donc être rejeté.
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