BGE 123 IV 17 | |||
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3. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 20 décembre 1996 dans la cause B. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 251 Ziff. 1 aStGB; Herstellen unechter Urkunden. |
Art. 159 aStGB; ungetreue Geschäftsführung; Schädigung fremder Vermögensinteressen. |
Der Geschäftsstellenleiter einer Gesellschaft, der in deren Namen und aus Geldgier unwiderrufliche, abstrakte Garantieerklärungen unterschreibt, die nicht bestehen, begeht qualifizierte ungetreue Geschäftsführung (E. 3; Bestätigung der Rechtsprechung). | |
Sachverhalt | |
A.- En 1991, B., chef d'agence de la société Z., ainsi que plusieurs comparses, dont certains étaient également employés de la société Z., ont été contactés par T. qui leur a expliqué qu'il avait des clients à la recherche d'un financement et qu'il avait conçu un produit financier en vue de collecter des fonds.
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Comme les bailleurs de fonds éventuels souhaitaient des garanties, plusieurs séries de lettres au contenu mensonger ont été créées en 1991 au nom de la société Z.
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Bien que les protagonistes aient su que des lettres circulaient et que certains possesseurs tentaient de les négocier, de nouvelles lettres de garantie irrévocables et abstraites portant sur plusieurs millions de US dollars ont été établies, en septembre 1991, au nom et sur le papier à l'en-tête de la société Z. Elles portaient la signature de B., ainsi que d'un autre employé de la société Z.
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Ayant appris l'existence des lettres de garantie, la société Z. a déposé plainte le 15 octobre 1991.
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Il a été constaté que les accusés avaient agi par appât du gain, espérant toucher de substantielles commissions.
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Il a également été relevé que les signataires des lettres de garantie n'étaient pas inscrits au registre du commerce, à l'exception de R., et qu'ils n'étaient pas formellement habilités à engager la société Z.
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B.- Par jugement du 20 novembre 1995, le Tribunal correctionnel du district de Nyon a notamment condamné B., pour gestion déloyale qualifiée et faux dans les titres, à la peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, mettant à sa charge une partie des frais de la procédure.
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Par arrêt du 1er février 1996, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté avec suite de frais les recours déposés par B.
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C.- Contre cet arrêt, B. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral.
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Considérant en droit: | |
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a) L'art. 251 ch. 1 CP réprime la fabrication ou l'usage d'un faux, tandis que l'art. 110 ch. 5 CP définit le titre. Les modifications de ces dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 1995, sont sans incidence en l'espèce (cf. FF 1991 II 1050 ss), de sorte qu'il faut appliquer l'ancien droit (cf. art. 2 CP).
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b) Le faux dans les titres vise non seulement la création d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également l'établissement d'un titre mensonger (faux intellectuel; cf. ATF 121 IV 131 consid. 2b et les références citées). Il y a création d'un titre faux lorsqu'une personne fabrique un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise l'établissement d'un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 122 IV 332 consid. 2b et c, ATF 122 IV 25 consid. 2a, ATF 120 IV 122 consid. 4c; concernant cette distinction, cf. MARTIN SCHUBARTH, Zur Auslegung der Urkundendelikte, RPS 113/1995 p. 387 ss).
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Il peut y avoir création d'un titre faux, que l'auteur apparent soit une personne physique ou une personne morale (cf. BERNARD CORBOZ, Le faux dans les titres, RJB 131/1995 p. 534 ss, 554). Comme la volonté de la personne morale s'exprime par ses organes, il faut considérer que, lorsque des individus (notamment des employés) non habilités à engager une société établissent et signent un document donnant l'apparence qu'il émane de la personne morale, ils créent un faux (cf. en droit allemand KARL LACKNER, Strafgesetzbuch, 21e éd. Munich 1995, Art. 267 no 19 et les arrêts cités).
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En l'espèce, le recourant a signé, avec l'un de ses comparses, plusieurs lettres, au nom et sur papier à l'en-tête de la société Z., confirmant l'existence de garanties de la part de cette compagnie pour des montants de plusieurs millions de US dollars. Ces lettres faisaient ainsi croire que l'engagement émanait bien de Z. Or, il a été constaté en fait, d'une manière qui lie la Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF), que les signataires de ces documents étaient certes des employés de Z., mais qu'ils n'avaient pas la compétence d'engager leur employeur en ce domaine. Le recourant a donc contribué à la création de faux documents.
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c) L'article 251 aCP suppose que les documents faussement créés soient des titres. Selon la loi, précisée par la jurisprudence, sont réputés titres tous écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 ch. 5 al. 1 aCP; ATF 101 IV 278 consid. 2b p. 279 confirmé notamment aux ATF 121 IV 131 consid. 2a, ATF 120 IV 25 consid. 3a).
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Les garanties de la société Z. ont été établies sous forme de lettres, donc d'écrits. Encore faut-il, pour être qualifiées de titres, que ces lettres soient destinées et propres à prouver le fait faux. Comme il s'agit de la création de faux documents, la conception restrictive de la jurisprudence en matière de faux intellectuel (ATF 122 IV 332 consid. 2b, ATF 122 IV 25 consid. 2a et la référence citée) n'est pas applicable. La question n'est ainsi pas de savoir, contrairement à ce que soutient le recourant, si les lettres sont destinées et propres à prouver la véracité de leur contenu (cf. ATF 121 IV 131 consid. 2c p. 134, ATF 120 IV 199 consid. 3b), mais seulement de déterminer si ces écrits sont destinés et propres à prouver le fait qui est faux, soit en l'espèce qu'il s'agit d'engagements émanant de Z. (cf. ATF 121 IV 131 consid. 2c p. 134).
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Les lettres en cause, qui ont été établies sur papier à l'en-tête de Z., font mention de garanties émises au nom de celle-ci et sont signées par deux employés de la compagnie, comme cela se pratique en principe pour ce genre d'engagements. Il apparaît donc que ces lettres sont bien destinées et propres à prouver à leur futur destinataire l'existence de garanties de la part de la Z. Il s'agit donc bien de titres.
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En cosignant ces lettres de garantie, le recourant a commis objectivement un faux dans les titres.
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d) D'un point de vue subjectif, le recourant, en participant à la fabrication des fausses lettres, a excédé les limites de son pouvoir de représentation, ce qu'il reconnaît du reste lui-même. Il savait donc que les documents ne pouvaient engager valablement Z., bien qu'ils aient été destinés et propres à le faire croire aux bailleurs de fonds éventuels (cf. ATF 101 IV 52 consid. 3a p. 59); comme le recourant espérait ainsi conclure des affaires, alors que Z. n'avait pas émis les garanties escomptées par les destinataires, il avait pour but de toucher, par cette manoeuvre illicite, des commissions; il avait ainsi le dessein de se procurer un avantage qui doit être qualifié d'illicite en raison du moyen employé (cf. ATF 121 IV 216 consid. 2 p. 220).
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Sa condamnation pour faux dans les titres au sens de l'art. 251 aCP ne viole donc pas le droit fédéral.
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e) Lorsqu'il y a création d'un titre faux, l'acte est punissable sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de son éventuel contenu mensonger (cf. ATF 118 IV 254 consid. 4). Partant, il n'y a pas lieu d'examiner si les documents en cause offrent des garanties accrues de véracité quant à leur contenu. Le fait que la cour cantonale ait raisonné exclusivement à la lumière du faux intellectuel dans les titres est sans pertinence dans le cas d'espèce, dès lors que le pourvoi en nullité n'est pas ouvert pour se plaindre seulement de la motivation de la décision attaquée (ATF 122 IV 145 consid. 2, ATF 119 IV 145 consid. 2c p. 152, ATF 118 IV 233 consid. 2c p. 239) et que l'autorité cantonale est arrivée à la conclusion qu'il y avait bien faux dans les titres.
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a) Comme on ne voit pas en quoi le nouveau texte légal, entré en vigueur le 1er janvier 1995, pourrait être plus favorable à l'accusé (cf. FF 1991 II 1017 ss), il faut appliquer l'ancien art. 159 CP (cf. art. 2 CP).
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Les éléments de cette infraction ont été analysés de manière détaillée à l' ATF 120 IV 190 consid. 2b auquel il suffit de se référer.
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b) Le recourant conteste avoir eu la position de gérant. Selon la jurisprudence citée, seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance suffisante et qui jouit d'un pouvoir de disposition autonome sur les biens qui lui sont remis; ce pouvoir peut se manifester non seulement par la passation d'actes juridiques, mais également par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels; il faut cependant que le gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 120 IV 190 consid. 2b et les arrêts cités).
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En l'espèce, le recourant était chef d'agence de la société Z. La direction d'une agence implique nécessairement un certain pouvoir de représentation et une certaine autonomie dans la gestion des affaires de l'agence et de son personnel. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en considérant que le recourant n'était pas un simple exécutant, mais un gérant, tenu par une obligation contractuelle de veiller sur les intérêts pécuniaires de son employeur, selon la formule de l'art. 159 al. 1 aCP. Que le recourant ait excédé les limites de son autonomie ou de son pouvoir de représentation - ce qui est généralement le cas en matière de gestion déloyale - n'y change rien; on ne voit pas pourquoi le gérant qui a excédé les limites de son autonomie devrait être mieux traité que celui qui est resté dans ce cadre.
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c) Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 193 et les arrêts cités). En l'espèce, le recourant a signé les lettres de garantie sur papier à l'en-tête de Z. en indiquant sa fonction; il a donc bien agi en tant que chef d'agence, même s'il a excédé les limites de ses pouvoirs. Il a violé son obligation de veiller aux intérêts pécuniaires de son employeur en faisant apparaître, sous la raison sociale, des engagements irrévocables et abstraits qui n'avaient aucune existence.
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d) L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice patrimonial (ATF ATF 120 IV 190 consid 2b p. 193). Cette notion a été étudiée dans le détail à l'ATF ATF 121 IV 104 consid. 2c p. 107 s. auquel il peut être renvoyé. Ainsi, il a été jugé qu'il y a préjudice patrimonial lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine - c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif -, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur d'un point de vue économique (ATF 121 IV 104 consid. 2c p. 107 et les références citées); un préjudice temporaire suffit (ATF 121 IV 104 consid. 2c p. 108 et les arrêts cités). Le patrimoine est diminué sur le plan économique lorsque sa mise en danger doit figurer au bilan, si celui-ci est correctement établi, sous forme d'un ajustement de valeur ou d'une provision (ATF 122 IV 279 consid. 2a et la référence à MARTIN SCHUBARTH, Vermögensschaden durch Vermögensgefährdung, in Festschrift JEAN GAUTHIER, Berne 1996, p. 71 ss, 79). Ainsi, la constitution de garanties, qui représentent un risque et sont de nature à justifier une provision, peut être considérée comme un préjudice patrimonial (cf. ATF 121 IV 104 consid. 2d p. 108).
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En l'espèce, il est évident que la création des fausses garanties exposait la société Z. à prendre des mesures de défense, telle que l'alarme bancaire, et, le cas échéant, à soutenir un procès contre une personne qui agirait sur la base des lettres en circulation. Une garantie constitue une obligation conditionnelle qui accroît le passif d'un point de vue économique; devoir démontrer la fausseté des titres implique des frais. Le comportement du recourant a donc porté atteinte aux intérêts pécuniaires de son employeur, auxquels il avait le devoir de veiller.
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e) Il faut enfin que l'auteur ait agi intentionnellement, mais le dol éventuel suffit, lequel doit cependant être strictement caractérisé (ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 193 et les références citées). En l'espèce, le recourant savait qu'il agissait en tant que chef d'agence - comme le montre la mention au-dessus de sa signature - et qu'il accomplissait, en violation de ses obligations contractuelles, des actes de nature à porter atteinte aux intérêts pécuniaires de son employeur, auxquels il devait veiller. Il a donc agi intentionnellement, au moins sous la forme du dol éventuel.
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f) Il ne ressort nullement des constatations cantonales - qui lient la Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF) - que le recourant aurait eu constamment la volonté et les moyens de couvrir le préjudice subi par son employeur, de sorte que cette question - à supposer qu'elle soit pertinente (cf. ATF 121 IV 104 consid. 2e p. 108) - n'a pas à être examinée ici.
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Il a été constaté que le recourant avait agi par appât du gain, ce qui justifie l'application de l'art. 159 al. 2 aCP; comme il y a dessein d'enrichissement illégitime, le nouveau droit qui permet la réclusion n'est pas plus favorable (art. 158 ch. 1 al. 3 CP).
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La condamnation du recourant pour gestion déloyale qualifiée au sens de l'art. 159 aCP ne viole donc pas le droit fédéral.
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Le pourvoi doit ainsi être rejeté.
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