BGE 126 IV 136 | |||
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22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 avril 2000 dans la cause Y. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 219, 189, 190 und 68 Ziff. 1 StGB; Verletzung der Fürsorge- oder Erziehungspflicht, sexuelle Nötigung und Vergewaltigung; unechte Konkurrenz. | |
Sachverhalt | |
Y. et son épouse Z., ressortissants portugais, ont engagé X., citoyenne portugaise née en 1977, pour s'occuper de leurs deux enfants. X. est arrivée le 24 août 1993 à A. où les époux Y. et Z. occupaient un appartement de trois pièces. Elle a été logée dans la chambre des enfants où elle a, dès Noël 1993, partagé un lit avec l'enfant R. Elle devait faire la lessive à la main, le ménage et la cuisine pour toute la famille et s'occuper des deux enfants; elle devait en outre garder les enfants d'autres couples portugais. X. n'avait aucun jour de congé, n'avait pas l'autorisation de sortir seule et était totalement dépourvue d'argent; dès janvier 1994, elle n'a plus eu le droit de regarder la télévision et devait se coucher en même temps que les enfants. Les époux Y. et Z. ne l'ont pas assurée contre la maladie. Ils n'ont effectué aucune démarche pour qu'elle obtienne une autorisation de séjour ou de travail.
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Vers Pâques 1994, Y. a attiré X. dans sa chambre, a poussé une armoire devant la porte pour l'empêcher de s'en aller et, malgré les protestations de la jeune fille, l'a pénétrée. Une semaine plus tard, il l'a obligée à lui faire une fellation dans les toilettes. En mai ou juin 1994, dans la chambre des enfants, il l'a violemment frappée jusqu'à ce qu'elle ne soit plus en état de résister, puis l'a sodomisée. A trois reprises dès le mois d'août 1994, il lui a attaché les mains et l'a contrainte à entretenir des relations sexuelles avec lui; la troisième fois, il l'a violemment frappée au visage et à la gorge puis lui a attaché les mains et lui a tiré les cheveux en arrière avant de la sodomiser.
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Par jugement du 6 novembre 1998, le Tribunal correctionnel du district de B. a reconnu Y. coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de contrainte sexuelle, de viol, de violation du devoir d'assistance ou d'éducation ainsi que d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). Il l'a notamment condamné à la peine de trois ans de réclusion et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans.
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Par arrêt du 29 mars 1999, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours d'Y., en ce sens qu'elle a assorti l'expulsion du territoire suisse du sursis pendant cinq ans.
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Extrait des considérants: | |
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a) Le Tribunal correctionnel a notamment retenu l'infraction de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP) en relation avec les agressions sexuelles et la violence physique parce que celles-ci avaient péjoré l'état de santé physique et psychique de X. Il a par contre nié que cette infraction soit réalisée en relation avec les conditions de vie imposées à la jeune fille, estimant que le lien de causalité entre celles-ci et une mise en danger de son développement physique et psychique n'était pas établi. Sur ce dernier point, la Cour de céans a déclaré irrecevable un pourvoi de X.
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La cour cantonale a rejeté la critique du recourant selon laquelle l'art. 219 CP serait en concours imparfait avec les infractions d'ordre sexuel retenues contre lui. Elle a considéré que l'art. 219 CP pouvait entrer en concours idéal avec des infractions contre l'intégrité sexuelle commises sur la personne d'un mineur lorsque ces infractions ne prévoyaient aucun régime particulier pour les cas où l'auteur avait le devoir de veiller sur l'enfant abusé. Or les art. 189 et 190 CP retenus contre le recourant ne connaissaient pas un tel régime.
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b) Selon l'art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni de l'emprisonnement (al. 1); s'il a agi par négligence, la peine pourra être l'amende au lieu de l'emprisonnement (al. 2).
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L'art. 219 CP protège le développement physique et psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans (cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire relative aux infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les moeurs et la famille du 26 juin 1985, FF 1985 II 1021 ss, 1072). L'infraction est un délit de mise en danger concrète; il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur; la simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 68 s.).
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c) La question du concours entre l'art. 219 CP et d'autres dispositions du code pénal, seule litigieuse en l'espèce, est controversée en doctrine (ATF 125 IV 64 consid. 1e p. 71; cf. SCHUBARTH, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, vol. 4, Berne 1997, art. 219 CP no 11).
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TRECHSEL et REHBERG se sont prononcés sur la question du concours entre, d'une part, l'art. 219 CP et, d'autre part, les art. 187 ss CP. TRECHSEL est d'avis que l'art. 219 CP est subsidiaire par rapport aux art. 187 ss CP (TRECHSEL, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich 1997, art. 219 no 6). REHBERG pour sa part estime que l'art. 219 CP ne s'applique, en plus des art. 187 ss CP, que lorsque le comportement illicite, de par sa durée ou son intensité, va au-delà de l'atteinte à l'intégrité sexuelle et met ainsi en danger la victime (REHBERG, Strafrecht IV, 2e éd., Zurich 1996, p. 20 i.f.).
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MOREILLON a abordé la question du concours entre l'art. 219 CP et les art. 187 et 188 CP. A son avis, l'art. 219 CP est en principe absorbé. Il pense toutefois que si les actes sexuels sont répétés, on peut admettre un concours entre les art. 188 et 219 CP dans la mesure où la violation porterait atteinte aussi bien à l'intégrité sexuelle que psychique de l'enfant (LAURENT MOREILLON, Quelques réflexions sur la violation du devoir d'assistance ou d'éducation - article 219 nouveau CP -, in RPS 116/1998 p. 431 ss, ch. 21).
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STRATENWERTH et HURTADO POZO quant à eux ne se sont exprimés qu'au sujet du concours entre l'art. 219 CP et les art. 122 ss et 127 ss CP. Les deux admettent que doit être appliquée la disposition prévoyant la peine la plus grave (STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, 4e éd., Berne 1995, § 26 no 45; HURTADO POZO, Droit pénal, partie spéciale II, Zurich 1998, § 20 no 562).
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d) En l'espèce, le recourant était l'employeur de X. Selon le code des obligations, l'employeur doit protéger la personnalité du travailleur; il doit notamment veiller au maintien de la moralité et en particulier à ce que le travailleur ne soit pas harcelé sexuellement (art. 328 al. 1 CO). S'il tolère qu'un tiers abuse sexuellement d'un travailleur mineur ou qu'il en abuse lui-même, il viole son devoir d'assistance. Un tel comportement peut remplir les éléments constitutifs de l'art. 219 CP. L'employeur qui abuse sexuellement d'un employé mineur de plus de seize ans peut aussi tomber sous le coup de l'art. 188 CP. Cette disposition, placée sous le titre marginal "mise en danger du développement des mineurs", punit l'auteur d'un acte d'ordre sexuel commis sur un mineur âgé de plus de seize ans lorsque l'auteur profite de rapports d'éducation, de confiance ou de travail ou de liens de dépendance d'une autre nature.
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Les deux dispositions protègent le développement des mineurs; mais tandis que l'art. 188 CP ne s'applique qu'en cas d'actes d'ordre sexuel, l'art. 219 CP couvre tous les actes et omissions susceptibles de mettre en danger le développement du mineur. L'art. 188 CP constitue ainsi une lex specialis. Si donc les conditions d'application des deux dispositions sont remplies, c'est l'art. 188 CP qui prime. En outre, l'art. 188 CP ne s'applique pas lorsque l'auteur n'a pas profité de sa position dominante pour commettre l'acte d'ordre sexuel. Il s'agit d'une limitation voulue par le législateur qui pensait que sinon, "on limiterait trop le droit qu'ont les jeunes gens de se déterminer dès seize ans en matière sexuelle" (FF 1985 II 1085, cf. ATF 125 IV 129). Le législateur a donc voulu que dans ces cas, l'auteur d'actes d'ordre sexuel commis sur un mineur de plus de seize ans ne soit pas punissable. Cela fait obstacle à le punir en vertu de l'art. 219 CP.
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Si l'acte d'ordre sexuel constitue une contrainte sexuelle au sens de l'art. 189 CP ou un viol au sens de l'art. 190 CP, il est admis que le concours avec l'art. 188 CP est imparfait et que l'art. 188 CP est partant absorbé (JENNY, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, vol. 4, Berne 1997, art. 188 no 20; TRECHSEL, op. cit., art. 188 no 15; REHBERG/SCHMID, Strafrecht III, 7e éd., Zurich 1997, p. 400; STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, 5e éd., Berne 1995, § 7 no 34; avec nuances, CORBOZ, Les principales infractions, Berne 1997, art. 189 no 48). Il s'impose d'admettre la même règle lorsque les art. 189 et 190 CP entrent en concours avec l'art. 219 CP dont les conditions d'application sont moins restrictives que celles de l'art. 188 CP.
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Il s'ensuit que l'art. 219 CP ne s'applique pas aux actes d'ordre sexuel commis par le recourant sur la personne de X. Il y a toutefois lieu de préciser que la position d'employeur qu'occupait le recourant devra être prise en considération au stade de la fixation de la peine, à titre de circonstance personnelle.
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