BGE 126 IV 221 | |||
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35. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 14 décembre 2000 dans la cause X. contre Procureur général du canton de Berne (pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 183 Ziff. 2 StGB; Entführung. | |
Sachverhalt | |
Par jugement du 1er octobre 1999, le Tribunal d'arrondissement judiciaire I de Courtelary-Moutier-La Neuveville a reconnu X. coupable de dommages à la propriété, violation de domicile, menaces, contrainte, infraction grave à la LCR, viol, actes d'ordre sexuel avec des enfants, insoumission à une décision de l'autorité, mutinerie de détenus, mise en danger de la vie d'autrui, séquestration, vol d'usage, violences ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires, lésions corporelles simples. Le Tribunal l'a condamné à une peine de cinq ans et demi de réclusion.
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Par arrêt du 7 mars 2000, la IIIème Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a libéré X. de l'infraction d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de l'infraction de menace pour les faits du 15 juin 1998. Elle l'a par contre reconnu coupable d'enlèvement commis le 10 octobre 1997 au préjudice de son fils et l'a condamné à une peine de quatre ans et demi de réclusion et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de six ans.
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Cet arrêt retient notamment les faits suivants:
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X., ressortissant espagnol, a épousé Y. le 22 décembre 1995. Début 1996, les époux se sont rendus en Espagne dans l'intention de s'y installer. Leur fils Z. est né le 17 décembre 1996. X. souffrait d'alcoolisme et son épouse se sentait très isolée. En mai 1997, Y. a séjourné quelques mois en France puis a repris la vie commune avec son époux en juillet 1997, à T. Les relations entre les époux se sont rapidement dégradées.
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Le 10 octobre 1997, le recourant s'est rendu au domicile de ses beaux-parents à T., où la mère d'Y. se trouvait seule avec Z. Il s'est introduit dans la maison et a menacé sa belle-mère de tous les tuer; il lui a arraché Z. des bras et s'est enfui en courant. Il est ensuite parti avec l'enfant pour l'Espagne. Le recourant a appelé son épouse depuis ce pays, ce qui a permis de localiser l'enfant à C., domicile des parents du recourant. Y. a entrepris des démarches sur le plan international; après trois semaines environ, elle a appris que l'enfant avait été placé en orphelinat. L'enfant est resté dix jours dans cet établissement. Les parties ont signé une convention judiciaire qui a permis le retour de l'enfant en Suisse le 6 novembre 1997. Y. a déposé une plainte pour enlèvement et séquestration de mineurs. Elle l'a retirée le 15 avril 1998.
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X. a formé un pourvoi en nullité contre l'arrêt du 7 mars 2000.
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Considérant en droit: | |
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a) Selon cette disposition, celui qui, en usant de violence, de ruse ou de menace, aura enlevé une personne, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. Selon le ch. 2, encourra la même peine celui qui aura enlevé une personne incapable de discernement ou de résistance ou âgée de moins de seize ans.
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b) L'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité parentale (art. 296 al. 1 CC). Les détenteurs de celle-ci ont le droit de garde sur l'enfant; ils déterminent par conséquent si celui-ci vivra dans leur foyer ou chez des tiers (HEGNAUER, Droit suisse de la filiation, Berne 1998, no 26.06). La liberté de l'enfant concernant son lieu de résidence est donc soumise aux restrictions découlant de l'autorité parentale. Sur le plan pénal, cela signifie que les détenteurs de l'autorité parentale et du droit de garde ne peuvent pas commettre d'enlèvement de leur enfant, au sens de l'art. 183 ch. 2 CP, puisque le bien protégé par cette disposition n'est pas lésé (cf. STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, 5e édition, Berne 1995, § 5 no 40).
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La situation est différente lorsque le droit de garde a été attribué de manière exclusive à l'un des parents. Tel peut être le cas dans le cadre de mesures provisoires dans la procédure de divorce (art. 137 CC) ou de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 176 al. 3 CC). Dans ce cas, le droit de l'autre parent de déterminer le lieu de séjour de l'enfant s'éteint (MEIER/STETTLER, Droit civil VI/2, Les effets de la filiation (art. 270 à 327 CC), Fribourg 1998, no 347 et 349; HEGNAUER, op. cit., no 26.10). Si ce parent déplace unilatéralement le lieu de séjour de son enfant, il est susceptible de commettre un enlèvement au sens de l'art. 183 ch. 2 CP.
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Lorsqu'aucune décision n'a été rendue en matière d'autorité parentale et de droit de garde, les deux parents exercent ces prérogatives. Par conséquent, chacun d'eux est légitimé à déterminer le lieu de résidence de l'enfant; il en découle que si l'un des parents décide sans l'accord de l'autre de déplacer l'enfant, la liberté de celui-ci n'est pas lésée. La jurisprudence actuelle prévoit une exception à ce principe en ce sens que le déplacement de l'enfant devient punissable dès que cela n'est plus compatible avec son bien et son intérêt (ATF 118 IV 61 consid. 3c p. 65). Cette exception mérite un réexamen. En effet, elle signifie qu'un déplacement du lieu de résidence d'un enfant par un parent autorisé à le faire ou par les deux parents, devient punissable en fonction de la manière dont celui-ci est traité. Or le bien de l'enfant n'est pas un critère pertinent en matière d'enlèvement. Au demeurant, il est très délicat de déterminer, suivant les cas, si le déplacement de l'enfant est conforme à son intérêt ou si tel n'est pas le cas. Il s'ensuit, en modification de la jurisprudence susmentionnée, que seul le déplacement d'un enfant par un parent qui n'a pas le droit de garde peut être réprimé par l'art. 183 ch. 2 CP. Un déplacement effectué par un parent qui détient l'autorité parentale et le droit de garde ne tombe pas sous le coup de cette disposition, même si ce déplacement ne sert pas le bien de l'enfant.
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c) Cette modification de jurisprudence ne signifie toutefois pas que le comportement du parent qui déplace unilatéralement le lieu de séjour de son enfant échappe à toute norme pénale.
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aa) Si le parent avec lequel vivait l'enfant dépose une plainte pénale, l'auteur du déplacement unilatéral est susceptible d'être condamné pour enlèvement de mineur. En effet, le délit prévu à l'art. 220 CP protège le détenteur de l'autorité parentale dans son droit de déterminer le lieu de résidence du mineur qui dépend de lui (ATF 125 IV 14 consid. 2a; 118 IV 61 consid. 2a p. 63). Cette infraction peut être commise par l'un des deux parents, s'il n'exerce pas ou pas seul l'autorité parentale (cf. ATF 95 IV 68). Elle se poursuit sur plainte. A noter que la question de savoir si cette infraction devait être poursuivie d'office a donné lieu à des débats au Conseil national; la majorité des parlementaires a voté pour la poursuite sur plainte, afin de ne pas imposer une procédure d'office aux époux (BO 1989 CN 702 s.).
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bb) Par ailleurs, si le développement physique ou psychique de l'enfant est menacé par le déplacement unilatéral qui lui est imposé, le parent responsable de cet état s'expose à la sanction prévue par l'art. 219 CP. Cette disposition réprime la violation du devoir d'assistance ou d'éducation. Enfin, si la santé physique ou psychique de l'enfant est atteinte lors de ce déplacement, les dispositions sur l'intégrité corporelle sont également susceptibles de s'appliquer (art. 122 s. CP).
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Le recourant a été reconnu coupable d'enlèvement au sens de l'art. 183 ch. 2 CP pour avoir emmené son fils en Espagne alors qu'il vivait auprès de sa mère en Suisse. Celle-ci a dans un premier temps déposé une plainte pour enlèvement de mineur au sens de l'art. 220 CP, puis après le retour de l'enfant en Suisse, l'a retirée. Une procédure pénale pour enlèvement au sens de l'art. 183 CP a été ouverte d'office.
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Au moment des faits, le recourant était codétenteur de l'autorité parentale avec son épouse. Aucune décision judiciaire n'ayant attribué le droit de garde sur l'enfant à la mère, le recourant disposait donc du droit de déterminer le lieu de séjour de son fils. Il en résulte qu'en emmenant Z. en Espagne sans l'accord de son épouse, le recourant n'a pas lésé le bien juridique protégé par l'art. 183 ch. 2 CP, à savoir la liberté de son enfant, puisqu'en vertu du droit civil, il était légitimé à déterminer son lieu de séjour et que l'enfant, mineur, était soumis à cette décision. Il ne peut donc être reconnu coupable d'enlèvement au sens de cette disposition et le pourvoi sera admis.
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