BGE 127 IV 110 | |||
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17. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 9 mai 2001 dans la cause A. contre Procureur général du canton de Genève (recours de droit public et pourvoi en nullité) | |
Regeste |
Art. 165 aStGB und Art. 729b Abs. 2 OR: leichtsinniger Konkurs, Pflicht der Revisionsstelle zur Benachrichtigung des Richters. | |
Sachverhalt | |
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B.- Par arrêt du 23 octobre 2000, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise (ci-après: la Chambre pénale) a rejeté le recours formé par A. contre ce prononcé, en retenant en substance ce qui suit:
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B. SA était, de 1991 à fin 1994, l'organe de révision de C. SA. Celle-ci avait pour but de fournir des conseils et des consultations dans le domaine de l'informatique.
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Les comptes de C. SA, arrêtés au 31 mai 1993, montraient un déficit de 293'468 fr. 74. A l'assemblée générale du 30 novembre 1993, A. a présenté son rapport de révision, établi le 31 août 1993. Ce document indiquait que le bilan intermédiaire dressé aux valeurs de liquidation révélait également un surendettement, de sorte que le juge devrait être avisé conformément à l'art. 725 al. 2 CO. Il précisait que "cependant, à titre d'information, le conseil d'administration vous proposera dans les plus brefs délais un plan d'assainissement qui devrait permettre de diminuer drastiquement l'endettement de votre société, raison pour laquelle ce même conseil d'administration renonce provisoirement à informer le juge de la situation financière actuelle."
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Ce plan d'assainissement était exposé dans un "rapport de gestion pour l'année 1992-93". Celui-ci indiquait que "devant toutes les difficultés financières énoncées ci-dessus (...) et le bilan montrant d'une manière éclatante que C. SA est en faillite", C. SA et la société E. SA, représentée par son administrateur unique A., avaient conclu une convention, applicable dès le 1er juin 1993. Selon celle-ci, E. SA reprenait les actifs de C. SA estimés à 623'403 fr. 75 ainsi que ses dettes arrêtées à 475'409 fr. 55, moyennant une soulte de 150'000 fr. N'étaient pas concernées les dettes envers la prévoyance professionnelle, l'assurance-vieillesse et survivants et l'impôt à la source, soit au total 380'197 fr. 10. Enfin, E. SA reprenait le personnel et les contrats de maintenance contre des mensualités de 12'000 fr., dont 50'000 fr. d'avance, cet accord étant tacitement renouvelable de mois en mois sauf résiliation par l'une des parties.
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L'assemblée générale a accepté le plan d'assainissement. Le 20 décembre 1994, elle a été informée que la survie de la société était désormais impossible, E. SA ayant cessé de verser les mensualités. Le 8 mai 1995, C. SA a été déclarée en faillite; l'Office des faillites a inventorié un actif de 164 fr. 30 et un passif de 920'273 fr. 41.
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La Chambre pénale a retenu en conclusion que A. avait fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions, constitutive d'une infraction à l'art. 165 aCP, en renonçant à exiger du conseil d'administration qu'il prenne les mesures commandées par l'art. 725 CO en cas de surendettement et en adhérant au plan d'assainissement, alors que celui-ci ne permettait pas de remédier à l'état de surendettement et avait lésé certains créanciers.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public et par celle du pourvoi en nullité, A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 23 octobre 2000 de la Chambre pénale. Dans son pourvoi en nullité, il se plaint en particulier de la violation de l'art. 165 aCP.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public et le pourvoi en nullité, le second en tant que recevable.
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Extrait des considérants: | |
(pourvoi en nullité)
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Ce grief est irrecevable dans la mesure où il se fonde sur un droit constitutionnel ou qu'il s'écarte de l'état de fait retenu par l'autorité cantonale.
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Au demeurant, il a été constaté dans le recours de droit public que l'insolvabilité de la société avait empiré du 31 mai 1993 au 20 décembre 1994, notamment, et que le comportement du recourant constituait l'une des causes naturelles de cette dégradation.
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Il reste à examiner de plus près les questions de droit soulevées, au moins implicitement, par le recourant, à savoir si le comportement incriminé constitue une grave négligence dans l'exercice de la profession de réviseur et s'il se situe dans un rapport de causalité adéquate avec l'aggravation de l'insolvabilité.
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a) Selon l'art. 725 al. 2 CO, s'il résulte du bilan intermédiaire soumis à la vérification de l'organe de révision que la société est surendettée, le conseil d'administration en avise le juge, à moins qu'une convention de postposition soit conclue dans la mesure de l'insuffisance de l'actif. D'après l'art. 729b al. 2 CO, en cas de surendettement manifeste, l'organe de révision avise le juge si le conseil d'administration omet de le faire.
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Ces dispositions ont pour but d'éviter que l'ouverture de la faillite soit retardée et de protéger les créanciers actuels ou futurs d'une augmentation de leurs pertes, notamment en empêchant que la société contracte de nouvelles dettes ou favorise illicitement certains d'entre eux (ALEXANDER DUBACH, Handlungsalternativen des Verwaltungsrates bei Überschuldung der AG, L'EC 1997 p. 53 ss, spéc. no 4.2 p. 55; GRAZIANO PEDROJA/ROLF WATTER, Commentaire bâlois, 1994, no 6 ad art. 729b CO; Message du Conseil fédéral concernant la révision du droit des sociétés anonymes du 23 février 1983, FF 1983 II 757 ss, spéc. p. 960). Elles sauvegardent également les intérêts collectifs, en s'opposant à ce que des personnes morales surendettées restent dans le circuit économique (ALEXANDER BRUNNER, Handlungsalternativen der Revisionsstelle bei Überschuldung, L'EC 1994 p. 927 ss, spéc. no B.III p. 930; BRUNO KISTLER, Perte de capital et surendettement, L'EC 1993, 1ère partie, p. 103 ss, spéc. no 2.1 p. 104).
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Des perspectives d'assainissement concrètes, réalisables à court terme, peuvent toutefois justifier selon les circonstances de renoncer à aviser immédiatement le juge, à l'exclusion d'expectatives exagérées ou de vagues espoirs (ATF 116 II 533 consid. 5a; DUBACH, op. cit., no 6.10 p. 58; KISTLER, op. cit., 1ère partie, no 2.4.1 p. 106; critique: RICO A. CAMPONOVO, Aufgaben und Stellung der Revisionsstelle im Umfeld von Art. 725 OR, L'EC 1997 p. 765 ss, spéc. no 5.2 p. 768; ERIC HOMBURGER, Commentaire zurichois V/5b, 1997, nos 1256 ss ad art. 725 CO).
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En cas de controverse entre le conseil d'administration et l'organe de révision sur la présence d'un surendettement, l'organe de révision n'est pas habilité à aviser le juge tant que cette divergence se situe dans les limites d'une marge normale d'appréciation (Manuel suisse d'audit 1998, no 3.14237 p. 56 s.; Message, p. 868). Il ne peut et ne doit informer lui-même le juge que si le surendettement est manifeste et si le conseil d'administration reste inactif (art. 729b al. 2 CO; KISTLER, op. cit., 2e partie, p. 209 ss, spéc. nos 2.5 et 3 p. 215; sur l'octroi au conseil d'administration d'un délai approprié à cet effet: Manuel, no 3.14237 p. 56; CAMPONOVO, Die Benachrichtigung des Konkursrichters durch die aktienrechtliche Revisionsstelle, RSDA 1996 p. 211 ss, spéc. no IV.3 p. 216 s.).
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Un surendettement est manifeste au sens de l'art. 729b al. 2 CO lorsqu'il n'est plus douteux que l'actif ne peut couvrir les engagements et qu'aucune postposition suffisante n'est accordée; il en va de même lorsque le surendettement apparaît de manière évidente à toute personne capable de discernement, ou encore lorsque son déni déborderait les limites d'une marge normale d'appréciation (CAMPONOVO, Wann ist die Überschuldung offensichtlich?, L'EC 2000 p. 67 ss, spéc. no 4.1 p. 69 s.; PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 2e éd., Zurich 1996, no 1714a p. 915). Enfin, selon la définition du Conseil fédéral, le surendettement est manifeste lorsqu'il est indéniable en dépit d'une appréciation optimiste de la situation (Message, p. 868). Peu importe à cet égard que le surendettement soit important, si son évidence ressort d'autres circonstances (PEDROJA/WATTER, op. cit., no 5 ad art. 729b CO).
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Encore doit-on préciser que l'on ne saurait exiger des réviseurs qu'ils procèdent à des investigations en cours d'exercice (ATF 116 IV 26), même si la société s'achemine vers une situation d'insolvabilité (NIKLAUS SCHMID, La responsabilité pénale du réviseur, Zurich 1997, no 141 p. 118). Si le bilan montre un surendettement, sans que celui-ci soit manifeste, l'organe de révision n'est pas tenu d'exercer un contrôle continu sur la comptabilité afin de ne pas manquer le jour où le surendettement devient manifeste (CAMPONOVO, op. cit., 1996, no III.3 p. 215). On ne saurait donc lui reprocher de ne pas être intervenu en cours d'exercice, lorsqu'il ne pouvait connaître le surendettement manifeste (cf. KISTLER, op. cit., 2e partie, no 3b p. 215).
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b/aa) En l'occurrence, il est fort douteux que le recourant ait violé ses devoirs résultant de l'art. 725 al. 2 CO, puisqu'il a vérifié le bilan intermédiaire et attiré l'attention du conseil d'administration - et de l'assemblée générale - sur le surendettement ainsi que sur l'obligation d'aviser le juge. La question peut toutefois rester indécise, dès lors que le recourant n'a de toute façon pas respecté l'art. 729b al. 2 CO.
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D'une part, le recourant savait, le 31 août 1993, que la société souffrait d'un surendettement manifeste depuis le 31 mai 1993. En effet, le bilan révélait que la société présentait un déficit important de 293'468 fr. 74, le "rapport de gestion pour l'année 1992-93" qualifiait d'"éclatante" la situation de faillite, et aucune convention de postposition de créance n'avait été conclue. D'autre part, le recourant ne pouvait ignorer que les mesures acceptées par l'assemblée générale le 30 novembre 1993 ne garantissaient pas un assainissement suffisamment efficace et rapide, dès lors que les revenus se limitaient à des mensualités de 12'000 fr., susceptibles de cesser à tout moment. Enfin, le recourant ne pouvait ignorer que ces mensualités avaient cessé, puisqu'il était l'administrateur unique de la société débitrice. En résumé, le recourant ne pouvait ignorer, en tout cas jusqu'à l'achèvement de son mandat à la fin 1994, que le surendettement manifeste révélé le 31 août 1993 subsistait.
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En tant que réviseur, il devait donc veiller à ce que le juge soit avisé, conformément à l'art. 729b al. 2 CO. Par ailleurs, ce devoir n'a pas pris fin avec l'adoption du plan d'assainissement par l'assemblée générale, mais a perduré tant que le recourant savait que le surendettement restait manifeste et que le juge en demeurait ignorant, à savoir en tout cas jusqu'à l'achèvement de son mandat à la fin 1994.
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Enfin, une telle violation de l'art. 729b al. 2 CO constitue une négligence grave dans l'exercice de la profession au sens de l'art. 165 aCP. Certes, on ne saurait affirmer que toute violation d'une disposition impérative du code des obligations constitue une telle négligence (cf., s'agissant de l'art. 725 CO, KISTLER, op. cit., 3e partie, p. 424 ss, spéc. no 1.4 p. 427 s. et no 4b p. 432; MURIEL EPARD, La banqueroute simple et la déconfiture, thèse Lausanne 1984, no 2.4.1.4 p. 98). En l'espèce toutefois, le recourant a renoncé à avertir le juge en niant de façon irresponsable le risque d'aggravation de la situation, voire en prenant consciemment ce risque sans tenir compte des conséquences pour les créanciers.
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bb) Par ailleurs, il est dans le cours ordinaire des choses qu'un tel comportement conduise à une aggravation de l'insolvabilité d'une société, de sorte que le lien de causalité adéquate est également réalisé (cf., s'agissant du défaut d'aviser le juge conformément à l'art. 725 CO: arrêt de l'Obergericht thurgovien du 29 novembre 1988, Rechenschaftsbericht TG 1988 no 38).
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