BGE 136 IV 82 | |||
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13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Office fédéral de la justice contre A. et B. (recours en matière de droit public) |
1C_105/2010 du 12 avril 2010 | |
Regeste |
Internationale Rechtshilfe in Strafsachen; Art. 63 IRSG. | |
Sachverhalt | |
A. Le 12 août 2009, le Juge d'instruction près le Tribunal de Grande Instance de Nancy a adressé à la Suisse une commission rogatoire dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre A., pour trafic de stupéfiants. Le magistrat expliquait qu'il avait ordonné la mise en liberté de A. moyennant le versement de 1,5 million d'euros de caution. A. avait demandé une réduction de ce montant, expliquant que ses actifs en Suisse se limitaient à 1,8 million d'euros, et étaient nantis en faveur d'une banque. Le Juge d'instruction désirait vérifier ces affirmations et savoir si A. était titulaire d'autres comptes en Suisse ou dans d'autres pays.
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Par ordonnance de clôture du 9 octobre 2009, le Juge d'instruction du canton de Genève a ordonné la transmission à l'autorité requérante d'une liste des comptes bancaires dont A. pourrait être le titulaire ou l'ayant droit économique. Cette décision a fait l'objet de deux recours formés par A. et par la société B. auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
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B. Par arrêt du 5 février 2010, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a admis les recours et annulé l'ordonnance de clôture. La transmission de renseignements dans le cadre d'une procédure de libération sous caution n'était pas prévue par le droit conventionnel. Un tel mode d'entraide n'était a priori pas exclu au regard du droit interne. Il contrevenait toutefois au principe de la proportionnalité: la documentation requise ne permettait pas de déterminer de manière certaine et définitive la situation économique du prévenu; l'autorité étrangère pouvait interroger ce dernier plutôt que d'agir par voie d'entraide.
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C. L'Office fédéral de la justice (OFJ) forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, dont il requiert l'annulation.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours et confirmé la décision de clôture du Juge d'instruction.
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(résumé)
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Extrait des considérants: | |
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3.1 Si le droit conventionnel ne prévoit pas expressément un certain mode de collaboration, cela n'empêche pas la Suisse de l'accorder en vertu des dispositions de son droit interne, soit de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1). La jurisprudence constante permet en effet l'application du droit interne lorsque celui-ci apparaît plus favorable à la coopération que le droit conventionnel (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; ATF 122 II 140 consid. 2 p. 142; ATF 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, ATF 120 Ib 189 consid. 2a p. 191/192; ATF 118 Ib 269 consid. 1a p. 271 et les arrêts cités).
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3.3 La formulation de l'art. 63 al. 1 EIMP et le caractère exemplatif de l'art. 63 al. 3 EIMP font clairement ressortir que la notion de procédure "liée à une cause pénale" doit être comprise dans un sens élargi. La jurisprudence considère ainsi qu'il n'est pas nécessaire qu'une inculpation ou une mise en accusation formelle ait été prononcée; une enquête préliminaire suffit, pour autant qu'elle puisse aboutir au renvoi d'accusés devant un tribunal compétent pour réprimer les infractions à raison desquelles l'entraide est demandée (ATF 123 II 161 consid. 3a p. 165; ATF 118 Ib 457 consid. 4b p. 460; ATF 116 Ib 452 consid. 3a p. 460/461 et les arrêts cités). La collaboration judiciaire de la Suisse a ainsi pu être accordée pour des enquêtes menées par des autorités administratives, dans la mesure où celles-ci constituaient le préalable à la saisine des autorités judiciaires compétentes pour procéder à une mise en accusation (ATF 109 Ib 50 consid. 3 concernant la Securities and Exchange Commission) et pouvaient aboutir au renvoi devant un juge pénal (ATF 121 II 153). L'entraide est aussi accordée pour des procédures préliminaires, lorsque l'Etat requérant déclare d'emblée et clairement qu'il a la volonté d'ouvrir une procédure pénale (ATF 113 Ib 257 consid. 5 p. 271). Les renseignements transmis par la Suisse peuvent également servir à des procédures connexes à la procédure pénale, par exemple une procédure civile destinée à indemniser la victime de l'infraction (ATF 122 II 134 consid. 7 p. 136) ou à confisquer civilement le produit de l'infraction (ATF 132 II 178), une enquête menée par une commission parlementaire (ATF 126 II 316 consid. 4 p. 322), voire une procédure administrative destinée à résoudre une question préjudicielle décisive pour le procès pénal (ATF 128 II 305).
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Il y a donc lieu de considérer la procédure relative à la détention préventive comme une cause de caractère pénal et judiciaire permettant l'octroi de l'entraide au sens de l'art. 63 EIMP.
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4.1 En vertu du principe de la proportionnalité, l'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; ATF 121 II 241 consid. 3a p. 242/243). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtesqui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Cela n'empêche pas d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement luidonner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il estétabli que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies. Ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243).
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4.4 La Cour des plaintes a estimé qu'il était douteux que les informations bancaires requises soient propres à établir de façon certaine la situation économique de l'intéressé. Elle méconnaît ainsi que l'entraide judiciaire est régie par le principe de l'utilité potentielle et que seuls les documents n'ayant manifestement aucune utilité pour l'autorité étrangère ne doivent pas être transmis (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). L'entraide doit en revanche être accordée lorsque les renseignements requis sont susceptibles d'apporter des éclaircissements propres à faire progresser l'enquête en cours. Il n'est pas nécessaire que ces renseignements apportent des réponses exhaustives et définitives aux questions soulevées.
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En l'occurrence, les renseignements bancaires paraissent propres à confirmer ou à infirmer une partie au moins des affirmations du prévenu à propos des avoirs dont il peut disposer. Sous l'angle de la proportionnalité, il est indifférent que l'autorité requérante puisse se procurer d'une autre manière les renseignements qu'elle demande par voie d'entraide. L'autorité suisse requise n'a pas en effet à se prononcer sur la manière dont la cause est instruite à l'étranger. Contrairement à ce que retient la Cour des plaintes, l'autorité étrangère qui désire connaître la situation financière du prévenu pour fixer le montant de sa caution, ne saurait se satisfaire des seules explications du prévenu ou des pièces que celui-ci serait invité à produire, en particulier lorsqu'il se trouve soupçonné d'actes de blanchiment d'argent. Le fait qu'une précédente demande d'entraide ait été retirée par l'autorité requérante n'a pas non plus d'incidence puisque la nouvelle demande est formée dans un contexte distinct et porte sur une documentation réduite.
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La décision de clôture ne porte que sur une liste de comptes dont A. "pourrait être" le titulaire ou l'ayant droit économique. Cette liste, établie sur la base des éléments de l'enquête nationale et des pièces d'exécution des précédentes commissions rogatoires, se limite à l'énoncé des comptes et des établissements concernés, à l'identité des titulaires, ainsi qu'aux dates d'ouverture et le cas échéant de clôture. Il n'est fait aucune mention des montants déposés, et les extraits de comptes n'ont pas été produits. Le principe de la proportionnalité est dès lors respecté, de ce point de vue également. Les intimés n'ont d'ailleurs soulevé aucun grief à ce sujet dans leur recours à la Cour des plaintes.
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