BGE 142 IV 49 | |||
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10. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale) |
6B_565/2015 du 10 février 2016 | |
Regeste |
Art. 61 und 59 Abs. 3 StGB; Unterbringung in einer Einrichtung für junge Erwachsene, Behandlung von psychischen Störungen in einer geschlossenen Einrichtung. | |
Sachverhalt | |
A. Par jugement du 16 septembre 2014, le Tribunal criminel de l'arrondissement de l'Est vaudois a reconnu X. coupable de mise en danger de la vie d'autrui, vol, tentative de vol, menaces, incendie intentionnel et tentative d'instigation à faux témoignage en justice. Le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté de six ans et une mesure d'internement au sens de l'art. 64 CP a été ordonnée.
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Statuant le 20 février 2015 sur appel et appel joint du prévenu, respectivement du ministère public, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a réformé le jugement précité, ordonnant en lieu et place de la mesure d'internement une mesure institutionnelle en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP. Le jugement attaqué a été confirmé pour le surplus.
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Il est notamment reproché à X. d'avoir régulièrement bouté le feu à divers objets et immeubles pendant près d'un an et demi. En particulier, le prévenu est accusé d'avoir mis le feu, au moyen d'un briquet, à des cartons usagés déposés dans une benne grillagée, le 4 juillet 2012 vers 3h30 à Villeneuve; le feu s'était ensuite propagé à l'intérieur, détruisant en totalité la menuiserie dont A. était locataire, et partiellement à l'entreprise de charpente voisine de B., propriétaire des deux bâtiments.
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B. Agissant par la voie du recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, X. conclut à la réforme du jugement de la Cour d'appel du 20 février 2015, en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation d'incendie intentionnel à raison des faits relatés sous ch. 2.13 dudit jugement, condamné à une peine privative de liberté n'excédant pas cinq ans et soumis à une mesure de placement dans un établissement pour jeunes adultes au sens de l'art. 61 CP. Il conteste également la répartition des frais du jugement attaqué et requiert l'assistance judiciaire.
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Extrait des considérants: | |
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La nouvelle mesure applicable aux jeunes adultes entend maintenir pour l'essentiel le principe de l'éducation au travail prévu par l'ancien art. 100bis CP, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006. Dans ce contexte, la jurisprudence développée sous l'empire de l'ancien droit est toujours d'actualité (cf. QUELOZ/BÜTIKOFER REPOND, in Commentaire romand, Code pénal, vol. I, 2009, n° 15 ad art. 61 CP; MARIANNE HEER, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. I, 3e éd. 2013, n° 2 ad art. 61 CP). La mesure prévue à l'art. 61 CP est ordonnée principalement en raison de l'état personnel du jeune adulte délinquant et de sa capacité à recevoir un soutien socio-pédagogique et thérapeutique pouvant influencer favorablement le développement de sa personnalité (Message du 21 septembre 1998, FF 1999 1887 ch. 213.423). Un tel placement doit par conséquent être réservé aux jeunes adultes qui peuvent encore être largement influencés dans leur développement et qui apparaissent accessibles à cette éducation. Moins l'intéressé semble encore malléable, moins cette mesure peutentrer en considération. En outre, les carences du développement pertinentes sous l'angle pénal doivent pouvoir être comblées par l'éducation, en tout cas dans la mesure où ce moyen permet de prévenir une future délinquance (ATF 125 IV 237 consid. 6b p. 240; 123 IV 113 consid. 4c p. 122; ATF 118 IV 351 consid. 2b et d p. 354 ss). Le placement implique une disposition minimale à coopérer, le jeune adulte devant présenter un minimum de motivation (cf. ATF 123 IV 113 consid. 4c/dd p. 123 s.).
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Par ailleurs, les auteurs dangereux n'ont pas leur place dans un établissement pour jeunes adultes. D'abord, la dangerosité parle en défaveur de l'efficacité de la mesure. En outre, de tels délinquants peuvent mettre en cause la sécurité de ces établissements, qui ont une mission limitée à l'éducation et qui n'ont pas à assumer en première ligne des problèmes de sécurité. Enfin, les auteurs dangereux risquent d'exercer une influence négative sur les autres jeunes. La dangerosité doit être déterminée par un pronostic, notamment en fonction du type de délit et de la manière dont il a été commis. Des actes de violence passibles d'une peine élevée constituent en tout cas un indice de dangerosité. Toutefois, ce qui est décisif, c'est la dangerosité de l'auteur, mais non celle de l'acte (arrêt 6B_475/2009 du 26 août 2009 consid. 1.1.2.1 et les références).
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En résumé, le placement dans un établissement pour jeunes adultes est fondé sur des considérations tirées du droit pénal des mineurs et ne visent donc que les auteurs qui peuvent encore être classés, d'après leur structure de personnalité et leur manière d'agir, dans le large cercle de la délinquance adolescente. Dans ce cadre, les critères essentiels permettant de prononcer ce placement sont les carences dans le développement caractériel, l'éducabilité, la prévention de la délinquance et l'absence de dangerosité. Nonobstant sa formulation potestative, si les conditions de l'art. 61 CP sont remplies, le juge est tenu d'ordonner ce placement (arrêt 6B_475/2009 précité consid. 1.1.2.3; cf. ATF 125 IV 237 consid. 6b p. 241).
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Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n'est pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 p. 198 s.). Inversement, si les conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 p. 199).
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2.2 En l'espèce, plusieurs expertises ont été versées au dossier. L'expertise de la Fondation C. du 18 novembre 2011 relève que le recourant a eu une enfance difficile dans un milieu familial instable, très carencé, avec peu de limites claires, et a présenté des troubles sévères du comportement dès son jeune âge. Il avait subi des violences physiques et verbales de la part de son père, lequel avait été condamné pour ces faits. Selon les experts, le recourant souffre d'un trouble de la personnalité grave de type dyssocial, immature et narcissique, présent de longue date, et d'un retard mental léger. Les examens psychologiques avaient laissé entrevoir une structure de personnalité de type psychotique. Le trouble psychotique amenait l'intéressé à adopter des comportements qui allaient à l'encontre des règles sociales communément reconnues, voire à transgresser sans remord ces règles. Le risque de récidive était très élevé; de nouveaux incendies étaient possibles, tout comme d'autres actes hétéro-agressifs concernant tant des biens matériels que des personnes. Les experts estiment que des sanctions concrètes validant l'existence de limites claires dans la réalité entre licite et illicite semblent être un moyen compréhensible et intégrable par les personnes souffrant de tels troubles pour intégrer progressivement l'existence de ces limites. Toutefois, le fait d'avoir un retard mental compromettait fortement l'intégration de tels principes.
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Dans le cadre de la présente cause, un complément de l'expertise de la Fondation C. a été demandé. Dans leur rapport du 8 janvier 2013, les experts précisent que le recourant n'a pu s'inscrire de lui-même dans un traitement, puisqu'il ne se reconnaissait aucun trouble psychiatrique. Il disait connaître les lois mais ne pas se sentir concerné et les enfreindre sans remords. S'agissant de la possibilité d'un traitement, les experts expliquent que les tentatives de traitement de l'intéressé avaient toutes été vouées à un abandon plus ou moins rapide, ce dernier ne se considérant pas lui-même comme malade et refusant d'emblée toute médication. Il n'y avait pas eu non plus de constat d'amélioration du trouble de la personnalité au cours des traitements entrepris, le recourant restant dans l'incapacité à éprouver de la culpabilité ou à tirer un enseignement des expériences passées, ayant au mieux changé de mode délictueux. Le risque de récidive restait très élevé. Les experts estiment qu'un placement dans un établissement pénitentiaire pour jeunes adultes pourrait être indiqué, même si le discours de l'intéressé n'allait pas dans le sens d'une participation active à un tel placement.
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Le recourant a été soumis à une nouvelle expertise psychiatrique. Dans son rapport du 19 juillet 2013, le Dr D. a posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec des aspects carentiels, narcissiques, immatures et impulsifs, ainsi qu'un retard mental léger. Le risque de récidive était élevé, notamment pour des actes potentiels de violence. Une mesure comprenant un cadre éducatif strict au sein duquel l'intéressé pouvait bénéficier d'un suivi psychothérapeutique voire pharmacologique paraissait indispensable pour réduire ce risque. Selon l'expert, un traitement ambulatoire n'était pas suffisant, au contraire d'une mesure de placement dans un établissement pour jeunes adultes avec un encadrement social et psychothérapeutique sur le long terme. Entendu par le Tribunal de première instance, le Dr D. a confirmé que le recourant avait des tendances dyssociales dans un trouble mixte de la personnalité. La personnalité du recourant était si carencée qu'elle était difficilement modifiable. Il y avait un risque de récidive élevé à très élevé dans un panel d'infractions relativement violentes. L'expert pensait à un placement pour jeunes adultes malgré qu'il présentait tous les facteurs de risques pour une évolution défavorable. Les perspectives à long terme étaient plutôt décourageantes. Les chances que les choses changent positivement étaient faibles.
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2.3 Le recourant oppose les expertises de la Fondation C. et celles du Dr D., voyant une contradiction dans les différents rapports. Il reproche à la cour cantonale de s'être basée sur le rapport de la Fondation, au motif que cette expertise serait dépassée, partiale et orientée. Ces experts se seraient écartés de leur mission en se prononçant sur l'adéquation de la sanction, auraient omis d'instruire les éléments favorables au moment d'actualiser leur rapport et n'auraient pas investigué sur l'évolution du recourant depuis son incarcération. Ces critiques sont infondées, tous les experts étant unanimes pour évoquer des troubles mixtes de la personnalité de type dyssocial, un retard mental léger, un risque élevé, voire très élevé, de récidive et des perspectives d'évolution positive à long terme plutôt décourageantes. On ne voit pas que le rapport de la Fondation C. serait orienté ou moins favorable au recourant que celui du Dr D., les experts aboutissant d'ailleurs aux mêmes conclusions, sans se contredire sur les éléments essentiels. La cour cantonale n'est donc pas tombée dans l'arbitraire, comme le soutient le recourant, en tenant également compte de l'expertise réalisée par la Fondation C. pour décider de la mesure à ordonner.
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2.4 Le recourant dénie en vain sa dangerosité. Celle-ci, comme l'ont constaté tant les premiers juges que la cour cantonale, est intimement liée aux troubles de sa personnalité, qui se caractérisent par des aspects narcissiques, immatures et impulsifs et se concrétisent dans un comportement dyssocial (à savoir notamment indifférence froide envers les sentiments d'autrui, incapacité à maintenir durablement des relations, très faible tolérance à la frustration et abaissement du seuil de décharge de l'agressivité, incapacité à éprouver de la culpabilité). La dangerosité du recourant est mise en exergue de longue date (bilan de Familles solidaires du 13 octobre 2006) et elle s'est concrétisée dans les infractions commises, dont le dénominateur commun était la violence (en particulier s'agissant de la mise en danger de la vie d'autrui et des multiples incendies intentionnels). Pour ce motif déjà, le placement du recourant dans un établissement pour jeunes adultes apparaît inadéquat. D'ailleurs, les experts, qui envisagent certes cette mesure comme possible, émettent des réserves; ils indiquent que le discours du recourant ne va pas dans le sens d'une participation active à un tel placement (expertise Fondation C.) et que l'intéressé présente tous les facteurs de risques pour une évolution défavorable (expertise D.). Le recourant n'a en effet jamais démontré de disposition à coopérer, dans la mesure où il nie ses troubles psychiatriques, et l'on ne voit pas que le développement de sa personnalité puisse encore être influencé par des mesures éducatives. A cet égard, le Dr D. souligne que la personnalité du recourant est si carencée qu'elle est difficilement modifiable. Le critère de la malléabilité exigé par l'art. 61 CP fait dès lors manifestement défaut.
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