BGE 143 IV 380 | |||
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48. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale) |
6B_986/2016 du 20 septembre 2017 | |
Regeste |
Art. 107 et 139 al. 2 StPO; Anspruch auf rechtliches Gehör, gerichtsnotorische Tatsachen im Internet. | |
Sachverhalt | |
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Par jugement du 7 mars 2016, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que X. s'était rendu coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 1 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 25 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., et à une amende de 150 fr., a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé à X. un délai d'épreuve de deux ans, a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de cinq jours et a mis les frais de justice, par 1'225 francs, à la charge de X.
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Saisie d'un appel de X., la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par jugement du 27 mai 2016. Elle a considéré en substance que pour les destinataires moyens que sont les centaines de personnes susceptibles d'avoir lu le statut Facebook litigieux, tant le mot "muzz" que l'événement historique de la "kristallnacht" faisaient référence à la communauté religieuse musulmane dans son ensemble. Le fait de proposer d'aller "brûler du 'muzz'" révélait clairement une incitation à la haine ou à la discrimination d'un groupe religieux, soit en l'espèce les musulmans. En ajoutant quelques heures plus tard que son "P226" et son "calibre 12" (fusil à pompe) allaient bientôt arriver, X. n'avait fait que confirmer l'agressivité des propos et la violence des actes suggérés. Les éléments constitutifs de l'art. 261bis al. 1 CP étaient donc réalisés.
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X. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son acquittement du chef de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 1 CP, subsidiairement au renvoi de la cause à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Extrait des considérants: | |
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Dans un premier moyen, le recourant invoque la violation de son droit d'être entendu. Il reproche à la cour cantonale d'avoir cherché seule la signification du mot "muzz" sur Internet, de l'avoir ajoutée aux faits de la cause sans interpeller les parties ni leur permettre de se déterminer sur cette définition, puis d'avoir fondé sur cette base son raisonnement conduisant à le condamner pour l'infraction de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 1 CP.
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1.1.1 Les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver, sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ("allgemeine notorische Tatsachen") ou seulement du juge ("amtskundige oder gerichtskundige Tatsachen").
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Le Tribunal fédéral a retenu que pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (ATF 135 III 88 consid. 4.1 p. 89 s.; ATF 134 III 224 consid. 5.2 p. 233), à l'instar par exemple des indications figurant au registre du commerce accessibles sur Internet (ATF 138 II 557 consid. 6.2 p. 564; arrêt 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.4.2). Il ressort cependant également de la jurisprudence que les innombrables renseignements figurant sur Internet ne peuvent pas être considérés comme notoires (ATF 138 I 1 consid. 2.4 p. 5, in SJ 2012 I p. 351; dans ce sens également: ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3 p. 539). Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que certaines informations accessibles sur Internet constituaient des faits notoires, tandis que d'autres n'en remplissaient pas les critères, comme l'illustrent les exemples qui suivent.
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1.1.2 Il a été considéré que le taux de conversion des monnaies est un fait notoire, qui ne doit être ni allégué ni prouvé. Le Tribunal fédéral a retenu qu'il pouvait en effet être contrôlé sur Internet, par des publications officielles et dans la presse écrite; il était donc accessible à chacun. Internet permettait en outre d'accéder rapidement au taux de conversion en vigueur à une date donnée; il n'était dès lors pas nécessaire d'obtenir une confirmation bancaire ou une copie de la presse parue à la date recherchée (ATF 135 III 88 consid. 4.1 p. 90 et les références citées). En revanche, les taux LIBOR ("London interbank offered rate"), T4M (taux moyen mensuel du marché monétaire) et Euribor ("Euro interbank offered rate") ne constituent pas des faits notoires selon le Tribunal fédéral, qui a relevé qu'il s'agissait de taux variables adaptés périodiquement en fonction du marché (ATF 143 III 404 consid. 5.3.3 p. 411, qui confirme la jurisprudence). Le taux LIBOR ne faisait ainsi pas partie des données connues de tous et cette information n'était pas non plus immédiatement accessible en consultant un document dont chacun dispose, comme le calendrier ou un dictionnaire courant (ATF 134 III 224 consid. 5.2 p. 233; ATF 143 III 404 consid. 5.3.3 p. 411). En doctrine, l'on s'est étonné de la différence de qualification entre le taux de conversion des monnaies d'une part, et le taux LIBOR d'autre part (BÉNÉDICT/TRECCANI, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 21 ad art. 139 CPP).
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1.2 Compte tenu de la facilité d'accès aux informations qu'offre Internet, si l'on devait s'en tenir à ce seul critère, toute information disponible en ligne devrait être considérée comme notoire. Or les exemples qui précèdent démontrent que le Tribunal fédéral a refusé de voir en chaque information trouvée sur Internet un fait devant être considéré comme généralement connu du public. En effet, le choix des sites consultés peut être discutable et influencer le résultat. En outre, les informations trouvées en ligne ne sont pas nécessairement fiables, loin s'en faut. Enfin, compte tenu de la prodigieuse quantité de renseignements disponibles sur Internet, on ne saurait opposer chacun d'eux à quiconque comme étant notoire.
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Considérant ce qui précède, il y a lieu de retenir, en ce qui concerne Internet, que seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex: Office fédéral de la statistique, inscriptions au registre du commerce, cours de change, horaire de train des CFF etc.) peuvent être considérées comme notoires au sens de l'art. 139 al. 2 CPP, car facilement accessibles et provenant de sources non controversées. Dans tous les cas, une certaine prudence s'impose dans la qualification d'un fait comme étant généralement connu du public, dans la mesure où il en découle une exception aux principes régissant l'administration des preuves en procédure pénale (art. 139 ss CPP).
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1.3.2 De toute évidence, la définition du mot "muzz" utilisée par l'autorité précédente ne répond pas aux critères du fait notoire. La source de cette définition, le Wiktionnaire, ne possède aucun caractère officiel. Les définitions proposées étant susceptibles d'être librement modifiées par qui le souhaite, il ne présente pas de garantie de fiabilité particulière - sans que cela ne signifie pour autant qu'il ne saurait être utilisé comme moyen de preuve ordinaire.
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La définition du mot "muzz" ne pouvant ainsi être considérée comme notoire, la cour cantonale devait, partant, donner communication de ses recherches aux parties en leur offrant la possibilité de s'exprimer à leur propos (arrêts 6B_102/2016 du 9 février 2017 consid. 3.1; 6B_103/2015 précité consid. 2). Faute de l'avoir fait, elle a violé le droit d'être entendu du recourant.
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Aux termes de l'art. 261bis al. 1 CP, se rend coupable de discrimination raciale celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Par religion, on vise un groupe de personnes qui se différencient par leurs croyances transcendantales communes (arrêt 6B_1017/2014 du 3 novembre 2015 consid. 2.1.1 et la référence citée). Pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se fonder sur le sens que le destinataire moyen doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 140 IV 67 consid. 2.1.2 p. 69; arrêt 6B_1017/2014 du 3 novembre 2015 consid. 2.1.1).
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1.4.2 En s'appuyant sur la définition du Wiktionnaire, la cour cantonale a retenu que le mot "muzz" se rapportait à l'ensemble des musulmans. Elle a ainsi écarté l'interprétation défendue par le recourant selon laquelle ce mot faisait uniquement référence aux islamistes terroristes, soit un groupe de personnes qui n'est pas protégé par l'art. 261bis CP. Il est vrai que le raisonnement de l'autorité précédentese fondait également sur le fait que la mention d'une "kristallnacht" dans le statut Facebook incriminé ("J'organise une kristallnacht. Qui est partant pour aller bruler du muzz?" [sic]) faisait référence àtoute une communauté religieuse, puisque l'on surnomme "Kristallnacht" l'événement historique lors duquel, sur tout le territoire du Reich, la nuit des 9 et 10 novembre 1938, plusieurs milliers de juifs ont été massacrés ou déportés uniquement sur le critère de leur religion (cf. arrêt 6B_627/2015 du 4 novembre 2015 consid. 2.2). Toutefois, la seule référence à cet événement, employée ici par analogie ("une kristallnacht"), sans que le sens du mot "muzz" ne soit défini, ne suffit pas pour conclure qu'un tiers non prévenu comprendrait le statut Facebook du recourant comme visant un groupe de personnes protégé par l'art. 261bis al. 1 CP.
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