BGE 146 IV 114 | |||
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11. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Ministère public central du canton du Valais contre A. (recours en matière pénale) |
6B_1311/2019 du 5 mars 2020 | |
Regeste |
Art. 116 StGB; Kindstötung. | |
Sachverhalt | |
A. Par jugement du 4 septembre 2017, A. a été reconnue coupable d'infanticide et condamnée à 24 mois de privation de liberté, sous déduction de la détention avant jugement, avec sursis pendant deux ans. Ce jugement se prononçait, en outre, sur la levée du séquestre sur divers objets, ainsi que sur les frais et indemnités.
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B. Saisie d'un appel du Ministère public, par jugement du 9 octobre 2019, la Cour pénale I du Tribunal cantonal valaisan l'a rejeté et a confirmé le jugement de première instance. En bref, le jugement sur appel repose sur l'état de fait suivant.
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B.a A. est née en 1982 à B., où elle a vécu avec ses parents et sa soeur aînée. Elle a obtenu, après deux ans de formation, un certificat fédéral de capacité de vendeuse. En 2002, elle a rencontré C., né en 1981. Le 12 août 2004, elle a donné naissance à l'enfant prénommé D. C. et A. se sont mariés en 2007, à E. Leur second fils, F., est né en 2008. A la suite de difficultés conjugales, A. est retournée vivre auprès de ses parents, à G., avec ses deux fils. Dès le 1er janvier 2011, elle y a trouvé du travail à temps partiel en tant qu'aide de cuisine dans une crèche. Elle a pris à bail un appartement de trois pièces et demie, dans le même bâtiment que celui de ses parents. Elle a, par la suite, été mise au bénéfice d'une rente AI à 100 %.
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B.b Enceinte des oeuvres de son nouveau compagnon, H., rencontré en 2012, elle n'a découvert sa grossesse que lorsque le travail s'est déclenché, alors qu'elle se trouvait dans son appartement, en présence de son fils cadet. Grâce à l'intervention de ses parents, elle a finalement accouché dans l'ambulance, donnant naissance à I., en 2013. Après avoir décidé de la faire adopter, elle a révoqué son consentement en temps utile, de sorte que sa fille lui a été confiée. Le divorce des époux A. et C. a été prononcé le 9 décembre de la même année.
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B.c En raison d'une cécité brutale à l'oeil gauche, A. a séjourné au service de neurologie de l'Hôpital de J., du 1er au 13 octobre 2015. Dans le cadre d'une série d'examens, un scanner du thorax a été effectué. Les médecins ont alors découvert que la patiente était enceinte d'un quatrième enfant, dont la naissance était prévue aux alentours du 10 décembre 2015. A. a mal réagi à cette annonce et a caché la grossesse à ses proches, ainsi qu'au père de l'enfant, H., dont elle redoutait la réaction. Lors de la consultation conjointe gynéco-obstétrique et pédiatrique du 18 novembre 2015, elle a exprimé le désir que l'enfant à naître soit confié à l'adoption. Le réseau ad hoc a été mis en place.
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B.d Selon les faits, repris sans modification par les autorités cantonales de l'acte d'accusation, dans la nuit du mardi 1er décembre 2015, A. a débuté son travail d'accouchement sur son canapé, à son domicile de K. Elle s'est déplacée dans la salle de bain pour accoucher dans la baignoire, vers 4 heures. Après avoir accouché, elle a expulsé le placenta, coupé le cordon ombilical avec [des] ciseau[x], puis emmailloté le nouveau-né, qu'elle a placé à côté d'elle, sur son bras, lorsqu'elle s'est couchée sur son canapé-lit. Elle n'a pas regardé l'enfant, ne l'a pas caressé, ne lui a pas parlé et n'a eu aucun geste à son égard durant l'heure où elle est restée couchée avec lui. Sans le vouloir et alors qu'elle était à moitié endormie, elle l'a nourri durant une demi-heure, le nouveau-né venant de lui-même car il cherchait son sein. Vers 6 heures 30, A. a déposé son nouveau-né sur le tapis de la salle de bain. Elle a pris un linge qu'elle a maintenu sur la tête de l'enfant de ses deux mains et l'a étouffé durant une demi-heure. Pendant qu'elle l'étouffait, elle sentait les battements du coeur du nouveau-né car en serrant le linge sur son visage, elle avait positionné son bras droit sur le coeur de l'enfant. Durant l'acte, celui-ci a gigoté quelque peu et poussé de petits cris.
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A. n'a jamais eu l'intention de garder ce bébé parce que ses trois premiers enfants lui suffisaient et qu'elle n'avait pas assez de place dans son appartement pour en garder un de plus. Elle a tué son benjamin afin que ses proches ignorent son existence, qu'il parte et que le problème se règle ainsi, par la mort.
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Après lui avoir ôté la vie, A. a déposé son corps dans une armoire à vêtements, dans la chambre à coucher de ses deux fils. Elle a levé ses trois enfants, leur a préparé le déjeuner avant qu'ils s'en aillent à l'école et à la crèche pour sa fille. Une fois seule, A. a pris le corps du bébé mort et lui a parlé durant une demi-heure. Elle l'a placé ensuite dans un sac à poubelles, puis dans un coffre sur le balcon. Cela fait, elle s'est affairée dans la maison et a décoré le sapin de Noël. Elle a pris ensuite le repas de midi avec ses parents et son aîné. Vers 14 heures, elle a saisi le sac où se trouvait la dépouille de l'enfant et l'a déposé dans la poubelle de la maison. Puis, elle a jeté la poubelle avec le cadavre, le placenta et le cordon ombilical, dans un "molok".
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B.e A la suite de ces événements, A. ne s'est pas présentée au rendez-vous fixé le 9 décembre 2015 (terme théorique de la grossesse) avec une sage-femme ni n'a répondu aux appels téléphoniques de l'Hôpital de J. Le jour-même, L., sa mère, a été informée par une sage-femme que sa fille avait manqué un rendez-vous, que celle-ci était enceinte et que la grossesse était à son terme. L'intéressée a contacté sa fille pour lui conseiller de prendre contact avec l'Hôpital de J. En regagnant son domicile, L. a déclaré à sa fille, par le biais de l'interphone, qu'elle l'attendait chez elle. A. s'est rendue au domicile de ses parents, avec I., et a avoué à sa mère qu'elle avait accouché et qu'elle avait complètement paniqué; elle ne savait plus comment réagir. L. a compris que sa fille s'était séparée du nouveau-né, sans que celle-ci ne le dise clairement.
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B.f Le 10 décembre 2015, A. a contacté téléphoniquement l'Hôpital de J. et a informé les professionnels qu'elle avait accouché. Son interlocuteur lui a dit qu'elle pouvait se présenter au service de périnatalité avec son bébé. Elle s'est rendue seule à l'Hôpital de J. par les transports publics. Informés que cette dernière était venue seule, la sage-femme conseil M. ainsi que le Dr N., pédo-psychiatre, ont questionné A. au sujet de la localisation de l'enfant. C'est à ce moment-là qu'elle a avoué et décrit ce qui s'était passé. Le spécialiste a expliqué qu'elle "semblait soulagée de pouvoir expliquer ce qu'elle avait fait" et qu'il avait "eu l'impression qu'elle avait accepté de venir vers [eux] pour cette raison".
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B.g A. a été placée à l'Hôpital de O. sur un mode volontaire du 10 au 22 décembre 2015, puis maintenue dans cet établissement à des fins d'expertise du 23 décembre 2015 au 22 février 2016. Elle a ensuite regagné son domicile.
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B.h En cours d'instruction, le Dr P., psychiatre et psychothérapeute FMH, a été mandaté afin de procéder à une expertise. Il a rendu son rapport le 12 février 2016 et s'est encore exprimé dans un complément du 8 avril 2016, puis en audience ainsi qu'en réponse à des questions écrites du procureur. Il a conclu, en substance, à l'existence de divers troubles de la personnalité dans un contexte associé à la puerpéralité, tout en excluant résolument toute influence de l'état puerpéral dans la commission des faits.
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C. Le Ministère public du canton du Valais forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement sur appel du 9 octobre 2019. Il conclut, avec suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens que A. soit condamnée à 10 ans de privation de liberté, sous déduction de la détention avant jugement, pour assassinat. A titre subsidiaire, il demande l'annulation du jugement querellé et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Mise au bénéfice de l'assistance judiciaire, A. a été invitée à déposer des observations sur le recours par l'entremise de Maître X., désigné conseil d'office pour la procédure fédérale. Elle a conclu à son rejet par acte du 19 décembre 2019. Cette écriture a été transmise au Ministère public valaisan à titre de renseignement. La cour cantonale a renoncé à répondre au recours.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Extrait des considérants: | |
Erwägung 2 | |
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Par ailleurs, selon la jurisprudence, le juge apprécie librement une expertise et n'est, dans la règle, pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 p. 198 s.). Inversement, si les conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 p. 199).
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2.2 Conformément à l'art. 116 CP, la mère qui aura tué son enfant pendant l'accouchement ou alors qu'elle se trouvait encore sous l'influence de l'état puerpéral sera punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Cette forme privilégiée du meurtre constitue un délit spécial dont l'auteur ne peut être que la mère. Outre la réalisation des éléments constitutifs de l'homicide d'un enfant, cette qualification suppose que l'acte ait été commis durant l'accouchement ou dans un certain laps de temps après celui-ci. Par opposition, par exemple, à l'art. 114 CP (meurtre sur demande de la victime), l'atténuation en cas d'infanticide porte sur la seule culpabilité de l'auteur et non sur l'illicéité de l'acte (MARTIN SCHUBARTH, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Besonderer Teil I: Delikte [...] 1982, n° 17 ad art. 116 CP;STEFAN DISCH, L'homicide intentionnel, 1999, p. 452). Ce privilège légal repose sur diverses considérations, tenant non seulement à l'état physiologique et psychologique résultant pour la mère de la parturition, notamment les douleurs et l'épuisement, mais aussi aux circonstances globales entourant la grossesse et l'accouchement, le fait notamment que l'enfant n'ait pas été désiré, respectivement que la mère, cas échéant jeune ou très jeune, sans soutien, ou encore en situation précaire, se trouve dans un état de détresse morale ou matérielle, en situation de déni de grossesse (LUTZ KRAUSKOPF, Die Kindestötung in Deutschland, Frankreich und der Schweiz, Hambourg 1971, p. 91 et le renvoi à p. 17; SCHUBARTH, op. cit., nos 13 et 15 ad art. 116 CP; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I: Straftaten [...] 7e éd. 2010, § 1 n. 69; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, in Commentaire romand, Code pénal, vol. II, 2017, nos 8 et 10 ad art. 116 CP). Dans de telles circonstances, en présence d'un déni surtout, une relation suffisamment intime et intense entre la parturiente et l'enfant ne se crée pas de manière si immédiate que l'enfant soit prémuni de tout risque d'agression. En d'autres termes, et dans une autre perspective, l'enfant à peine devenu individu est plus exposé et vulnérable à de telles agressions non seulement en raison de sa fragilité intrinsèque mais aussi du développement insuffisant des facultés inhibitrices maternelles (SCHUBARTH, op. cit., n° 14 ad art. 116 CP; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, op. cit., § 1 n. 68; TRECHSEL/GETH, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 1 ad art. 116 CP; BERNARD CORBOZ, Les principales infractions, vol. I, 3e éd. 2010, nos 8 ss ad art. 116 CP; DISCH, op. cit., p. 452; ANDREAS DONATSCH, Delikte gegen den Einzelnen, Strafrecht, vol. III, 11e éd. 2018, p. 32 s.; SCHWARZENEGGER/GURT, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. I, 4e éd. 2018, n° 2 ad art. 116 CP).
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Le texte légal ne conditionne pas le bénéfice de l'atténuation à l'existence démontrée d'une perturbation psychique et/ou d'une situation pécuniaire ou sociale difficile (TRECHSEL/GETH, op. cit., n° 3 ad art. 116 CP; CORBOZ, op. cit., n° 12 ad art. 116 CP). La preuve d'un ensemble de circonstances constituant une gêne si importante qu'elles pourraient expliquer jusqu'à un certain point l'acte, en constituer le mobile, autoriser un regard plus clément sur la culpabilité de la mère infanticide, n'a pas à être rapportée; du reste le mobile de l'acte demeure sans influence sur la qualification (KRAUSKOPF, op. cit., p. 95; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, op. cit., § 1 n. 69; DISCH, op. cit., p. 457; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, op. cit., n° 8 ad art. 116 CP; DONATSCH, op. cit., p. 32; SCHWARZENEGGER/GURT, op. cit., n° 2 ad art. 116 CP). Par ailleurs, l'état puerpéral est présumé de manière irréfragable au moment de l'accouchement (KRAUSKOPF, op. cit., p. 94; SCHUBARTH, op. cit., n° 16 ad art. 116 CP; TRECHSEL/GETH, op. cit., n° 3 ad art. 116 CP; DISCH, op. cit., p. 455; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, op. cit., n° 9 ad art. 116 CP). Au-delà, la période durant laquelle cet état subsiste ne pouvant être déterminée de manière générale (SCHUBARTH, op. cit., n° 16 ad art. 116 CP; SCHWARZENEGGER/GURT, op. cit., n° 2 ad art. 116 CP), il s'agit d'établir si la mère "se trouvait encore sous l'influence de l'état puerpéral". C'est en principe le domaine de l'expertise (HURTADO POZO/ILLĀNEZ, op. cit., n° 10 ad art. 116 CP).
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2.3.1 Si l'art. 116 CP exige, pour qu'elle bénéficie de l'atténuation, que la mère qui a agi après la fin de l'accouchement se trouvât "encore sous l'influence de l'état puerpéral", il ne s'agit, toutefois, pas d'établir qu'elle a été si perturbée psychiquement que l'état puerpéral a entraîné un état d'irresponsabilité, car l'art. 116 CP suppose, quant aux éléments subjectifs de l'homicide, tout au moins le dol éventuel (CORBOZ, op. cit., n° 13 ad art. 116 CP; DONATSCH, op. cit., p. 33; HURTADO POZO/ILLIĀNEZ, op. cit., n° 11 ad art. 116 CP). Un état d'irresponsabilité particulier exorbitant des seules circonstances de l'enfantement doit, au contraire, être pris en compte au titre des règles générales sur la diminution de responsabilité (SCHUBARTH, op. cit., n° 22 ad art. 116 CP; TRECHSEL/GETH, op. cit., n° 6 ad art. 116 CP; DISCH, op. cit., p. 456), respectivement, l'absence d'intention conduire à l'application de l'art. 117 CP(TRECHSEL/GETH, op. cit., n° 4 ad art. 116 CP). La loi présume de manière irréfragable la diminution de la responsabilité de la mère résultant de l'accouchement au moment de celui-ci et durant un certain temps après (SCHUBARTH, op. cit., n° 12 ad art. 116 CP; TRECHSEL/GETH, op. cit., n° 1 ad art. 116 CP). La preuve à rapporter porte dès lors sur la subsistance, lorsque la mère a agi après l'accouchement, de l'état physiologique particulier dont l'existence et l'influence étaient irréfragablement présumées durant le travail et jusqu'à la délivrance (SCHWARZENEGGER/GURT,op. cit., n° 2 ad art. 116 CP; DISCH, op. cit., p. 455; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, op. cit., n° 10 ad art. 116 CP). Dans sa conception juridique (v. supra consid. 2.2), cet état puerpéral n'exclut certes pas toute dimension psychique. Celle-ci procède, toutefois, essentiellement de composantes relatives aux conséquences naturelles de l'accouchement (épuisement et douleurs), dans un contexte spécifique mais non d'un état à proprement parler psychopathologique, psychiatrique (v. p. ex.: KRAUSKOPF, op. cit., p. 92). Aussi, la doctrine n'exige-t-elle pas que l'expertise mette en évidence, spécialement, l'influence de cet état sur le comportement de la mère.
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Cette approche apparaît conforme à la loi. En effet, la distinction entre les deux moments considérés par le texte légal (l'accouchement puis quelques temps encore) ne repose pas sur l'idée d'une rupture brutale dans la situation de la mère au moment précis où prend fin l'accouchement mais d'un retour graduel à la normale ensuite de cet événement. La mention de ces deux temps dans le texte légal n'a ainsi pas vocation à les opposer, nonobstant leur coordination maladroite par la conjonction "ou", mais n'a guère d'autre portée que de délimiter les champs d'application respectifs des art. 116 (infanticide) et 118 CP (interruption de grossesse), cependant que la fin de l'état puerpéral entraîne l'application des autres formes de l'homicide (SCHUBARTH, op. cit., n° 8 ad art. 116 CP; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, op. cit., nos 9 et 10 ad art. 116 CP). Les deux moments cités par la loi recouvrent, en réalité, un seul et même état (STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, op. cit., § 1 n. 67; DISCH, op. cit., p. 455). Comme l'indique l'adverbe "encore", on s'interroge sur sa dissipation.
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2.3.2 L'expert a conclu à l'existence d'un trouble anxieux dans le cadre d'une agoraphobie (F-40.00) et de phobie sociale (F-40.1), de réaction aiguë à un facteur de stress (F-3.0), de trouble type angoisse de séparation depuis l'enfance (F-93.0) et constitutif de la personnalité anxieuse/évitante (F-60.6) prémorbide, dans un contexte associé avec la puerpéralité (099.3). Il a qualifié ces troubles de maladies psychiatriques modérément sévères, qui n'avaient pas altéré la capacité de travailler de l'intéressée. Quant à la puerpéralité, il l'a définie comme la période qui s'étend de la gestation à peu après l'accouchement, relevant que "[d]ans les conditions usuelles, l'expulsion placentaire suit dans l'heure [et] le myomètre (partie musculeuse de l'utérus) involue en quelques jours grâce à divers processus enzymatiques, avec la dégradation des protéines accumulées", ces étapes "constitu[ant] la puerpéralité".
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Ce spécialiste est cependant parvenu à la conclusion qu'il fallait exclure toute influence de l'état puerpéral sur la commission des faits parce que l'intimée ne présentait pas de manifestations symptomatiques particulières. Elle n'avait fait état d'aucune anxiété, ni de phobie ni de peur dans la narration des faits reprochés. Elle n'avait "pas davantage indiqué ou suggéré ni obnubilation, ni stupeur, ni conscience obscurcie, embrouillée"; "aucune de ses activités psychiques ne fut entravée, [et] ses synthèses mentales furent efficientes [et] rapides"; "l'activité perceptive n'avait pas été déficitaire [et] la perception du monde extérieur est demeurée claire [et] rapide". L'expert n'a ainsi noté aucun indice en faveur d'un trouble comportemental lié à l'état puerpéral, c'est-à-dire ni psychose du post-partum, ni post-partum blues, ni réaction dépressive névrotique. Des facteurs de stress émotionnels étaient certes relevés depuis l'annonce de la grossesse, mais aucun indice ne permettait de conclure que l'un ou l'autre fût susceptible d'induire, produire, faciliter ou aggraver l'une de ces pathologies psychiques durant l'état de gestation.
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Dans un complément du 8 avril 2016, l'expert a précisé que les recommandations nosographiques CIM-10 indiquaient que la conjonction d'une quelconque pathologie/maladie/atteinte à la santé, de nature somatique ou psychique, survenant durant la période de la gestation à peu après l'accouchement "[devait] nosographiquement" être cotée comme un "état associé à la puerpéralité [et] donner lieu au codage supplétif 099.3". C'est donc dans un souci de conformité avec ces recommandations internationales de codage qu'il avait repris dans son rapport la notion "associant la puerpéralité" avec ces diagnostics d'atteinte psychique. Il a ajouté qu'il ne s'agissait là en aucune manière et d'aucune façon d'établir un lien de subordination entre l'état puerpéral et l'expression de ces psychopathologies, que ce soit le premier qui induise ou affecte le second ou l'inverse. L'état puerpéral de la prévenue, "au sens biologique [et] psychique" n'avait "aucunement impacté sur ses troubles psychiatriques ni sur ses conduites au moment de la commission des faits reprochés". En définitive, aux yeux de l'expert, il "n'y a[vait] eu aucune influence de ce contexte gestationnel sur l'expression psychopathologique ni dans la commission présumée de l'infraction reprochée"; "ce contexte gestationnel n'a[vait] pas impacté sur le niveau de la responsabilité de l'expertisée".
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Interrogé lors des débats d'appel, le psychiatre a encore apporté quelques éclaircissements sur le rapport initial et sur son complément. Selon lui et du point de vue médical uniquement, pour que l'influence de l'état puerpéral puisse être retenue, il fallait nécessairement constater l'existence de l'une des trois expressions psychopathologiques mentionnées dans son rapport, soit la psychose post-partum, le post-partum blues ou la réaction dépressive névrotique. Il a confirmé que, selon lui, toute influence de l'état puerpéral dans la décision fatale prise par la prévenue pouvait être exclue, précisant qu'il se référait à la notion médicale, voire biologique de l'état puerpéral, tout en rappelant que les trois syndromes (ou expressions psychopathologiques) ne se manifestent pas immédiatement après l'accouchement, mais quelques jours plus tard.
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Enfin, dans ses réponses écrites aux questions posées par le procureur, il a encore confirmé l'existence de l'état puerpéral au moment des faits "parce que cela correspond à la réalité médicale obstétrique", en rappelant que "[l]apuerpéralité correspond à la période qui s'étend de la gestation à peu après l'accouchement". Sur l'influence de cet état dans la commission des faits reprochés, il a derechef exposé que "[l]es précisions du dossier judiciaire remis à l'étude [et] le recueilanamnestique [et] clinique de [son] examen a[vaient] permis d'exclure" la présence de l'une des "trois pathologies pouvant autoriser un lien entre la commission des faits reprochés [et] la survenue d'unepsychopathologie liée à la puerpéralité", soit la psychose précoce du post-partum, le syndrome du 3ème jour ou post-partum blues ou encore les états dépressifs du post-partum. Interrogé sur un élément qui aurait joué un rôle déclencheur ou moteur de l'acte commis, le spécialiste a énoncé que "seule la réaction aiguë à un facteur de stress[...] p[ouvait] avoir joué un rôle dans la commission des faits reprochés", relevant que cela restait "incertain" puisqu'il n'avait constaté, dans la description des faits [...], "aucun débordement émotionnel dans les actes". Il n'estimait cependant pas que ce rôle "fût déclencheur", rappelant que c'est "à la confrontation de son obligation deréveiller ses aînés que la prévenue alors a[vait] paniqué". L'experta encore précisé que "[l]a richesse des détails développés en § 2.1exclu[ait] une confusion mentale ou un état dissociatif de la prévenue" et que "[t]out comportement (délictueux) ne relève pas d'unemaladie psychiatrique [et] toute maladie psychiatrique ne relève pasd'un comportement délictueux".
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Une partie de la doctrine a souligné depuis longtemps que l'art. 116 CP, empreint des conceptions de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, apparaissait dépassé tant au regard de l'évolution sociétale (v. DISCH, op. cit., p. 453; CORBOZ, op. cit., n° 11 ad art. 116 CP) que des connaissances médicales (SCHWARZENEGGER/GURT, op. cit., n° 2 ad art. 116 CP). Il a aussi été mis en évidence que ce privilège, notamment le maximum légal de la peine, pouvait apparaître choquant aux yeux de certains lorsque, par exemple, l'intention homicide de la mère se fait jour en cours de grossesse déjà (SCHWARZENEGGER/GURT, op. cit., nos 2 et 7 ad art. 116 CP; v. aussi sur cette question, traitée de longue date en doctrine: SCHUBARTH, op. cit., n° 29 ad art. 116 CP et les références citées). Une telle situation suggère en effet plus un homicide prémédité qu'un comportement résultant de la seule conjonction, dans la période périnatale, de facteurs psychiques, physiques, sociaux et économiques. Mais cela demeure pourtant sans influence sur la qualification au regard de l'art. 116 CP, qui prime toutes les autres formes d'homicide, l'assassinat notamment (KRAUSKOPF, op. cit., p. 94 s.; SCHUBARTH, op. cit., n° 27 ad art. 116 CP; TRECHSEL/GETH, op. cit. n° 3 ad art. 116 CP; DISCH, op. cit., p. 466; HURTADO POZO/ILLĀNEZ, n° 17 ad art. 116 CP). Ces questions et les approches différentes opposant cantons et partis, notamment ceux pour lesquels la sanction de l'infanticide aurait dû demeurer compatible avec celle d'un crime, ont déjà été discutées à l'occasion de diverses révisions législatives et la mansuétude croissante dont on a progressivement fait preuve en matière d'infanticide depuis la fin du XIXe siècle résulte de choix du législateur, désireux de suivre l'évolution des moeurs et les progrès de la médecine (v. SCHUBARTH, op. cit., p. 127 s.; DISCH, op. cit., p. 457 s.). Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces choix par le biais d'une interprétation jurisprudentielle, qui viderait la norme telle qu'elle a été voulue par le législateur de toute portée ou qui introduirait, a minima, au mépris de toute cohérence, une solution de continuité à la fin de l'accouchement, dans un processus de normalisation qui ne peut être que graduel, ce que le texte légal exprime sans ambiguïté par la locution "alors qu'elle se trouvait encore sous l'influence de l'état puerpéral".
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2.3.4 Il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'expert quant à l'absence d'influence de l'état puerpéral sur le comportement de l'intimée ne sont pas déterminantes pour l'application de l'art. 116 CP. On ne saurait dès lors reprocher à la cour cantonale de n'avoir pas suivi l'expert sur ce point, qui ressortit à la seule application du droit fédéral et non à l'établissement des faits ou à l'appréciation des preuves.
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Contrairement à ce que soutient le recourant dans la perspective de l'art. 189 CPP, cela ne doit conduire ni à compléter l'expertise ni à en ordonner une nouvelle. En effet, indépendamment de la question de l'influence, l'expert s'est exprimé sur le point de fait topique médical de savoir si l'état puerpéral était bien présent au moment de l'acte et le recourant ne soulève aucun grief en relation avec cet aspect du rapport, respectivement l'appréciation des preuves opérée à cet égard par la cour cantonale. Il s'ensuit que l'on ne saurait reprocher à cette dernière d'avoir retenu arbitrairement que l'état puerpéral était encore présent lorsque l'intimée a agi. Cette condition étant réalisée, l'application de l'art. 116 CP est conforme au droit fédéral, ce qui exclut aussi l'art. 112 CP.
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