BGE 103 V 183 | |||
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41. Arrêt du 22 novembre 1977 dans la cause Assurance militaire fédérale contre C. et Tribunal cantonal des assurances, Neuchâtel | |
Regeste |
Genugtuung (Art. 40bis Abs. 1 MVG). |
Die Gewährung einer solchen Leistung an die Witwe und an die Kinder entzieht den Eltern das Anrecht auf eine Genugtuung nicht. | |
Sachverhalt | |
A.- Le 16 avril 1975 vers 15 h. 30, dans la région de l'Aille près de Grandvillard (FR), une avalanche emporta et tua deux soldats qui, en service commandé, posaient des cibles en prévision d'un exercice de tirs combinés infanterie-artillerie. Les victimes étaient les mitrailleurs Pierre C., né en 1945, et Jean-Michel Y., né en 1950, incorporés à la compagnie de fusiliers III/19. La responsabilité pénale de plusieurs militaires fut mise en cause. Six d'entre eux furent renvoyés devant le Tribunal militaire de division 2, qui en acquitta cinq mais condamna le major X, préposé à la sécurité "avalanches", à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et au sixième des frais de la cause, pour homicide par négligence. Le 30 septembre 1976, le Tribunal militaire de cassation rejeta le recours formé par l'auditeur contre la libération du commandant de l'exercice.
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Par décision du 8 décembre 1975, l'Assurance militaire fédérale mit la veuve du mitrailleur C., née en 1948, au bénéfice d'une rente de survivant de 1'155 fr. 85 par mois, et son fils Tristan C., né en 1973, d'une rente de 513 fr. 70 par mois; elle alloua en outre, à titre de réparation morale, une indemnité de 15'000 fr. à la veuve et de 5'000 fr. à l'orphelin, mais n'en accorda point aux parents du défunt.
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B.- Les quatre survivants précités recoururent, par l'entremise de Me R., qui les avait déjà assistés au cours de la procédure administrative. Ils conclurent à l'octroi: a) de rentes plus élevées; b) d'indemnités pour réparation morale de 30'000 fr. pour la veuve, de 15'000 fr. pour l'orphelin et de 10'000 fr. pour chacun des deux parents.
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L'Assurance militaire fédérale conclut à libération.
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Après une instruction approfondie, au cours de laquelle il prit connaissance notamment du jugement et de l'arrêt militaires et entendit des témoins, le Tribunal cantonal des assurances, statuant le 5 avril 1977, admit partiellement le recours. Il réforma la décision attaquée en accordant à titre de réparation morale 20'000 fr. à la veuve, 8'000 fr. à l'orphelin et 5'000 fr. à chacun des parents de feu Pierre C. Il rejeta le recours pour le surplus.
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C.- L'Assurance militaire fédérale a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement cantonal. Elle allègue en substance que le départ et le mariage d'un fils privent en principe les parents du droit à une indemnité pour réparation morale en cas de décès de cet enfant, d'une part, et que les indemnités allouées par le Tribunal cantonal des assurances à la veuve et à l'orphelin excédent les normes usuelles, d'autre part. Elle conclut au rétablissement intégral de sa décision.
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L'avocat des intimés conteste qu'en l'occurrence les parents de Pierre C. aient moins souffert de son décès que s'il n'avait pas quitté la maison quelques années auparavant pour travailler puis se marier. Il affirme que la gravité spéciale du cas justifie des indemnités au moins aussi élevées que celles qu'accorde le jugement attaqué. Il conclut au rejet du recours. Il requiert la production par le Tribunal militaire de division 2 du dossier pénal qui a abouti au jugement du 10 mars 1976 de cette autorité.
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Considérant en droit: | |
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On considérait autrefois comme une juste exigence de la défense nationale que les officiers, sous-officiers et soldats, ainsi que leurs familles, subissent sans dédommagement les souffrances qu'elle impose. La novelle de 1963 rompit avec ce principe, en créant en faveur de certaines victimes du service une institution analogue, mais pas forcément identique, à celle que connaît le droit civil depuis longtemps (art. 47 CO; voir ATF 97 V 103; ATFA 1967 p. 70, 1966 p. 74). S'agissant du cas de mort d'homme, l'arrêt ATFA 1966 p. 74 énumère les caractères communs aux deux institutions:
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L'octroi et plus encore la quotité de l'indemnité pour tort moral dépendent dans une large mesure des circonstances particulières à chaque sinistre. Il est exclu, par exemple, d'en fixer le montant dans un barème rigide (consid. 1 al. 2 p. 77).
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Seuls ont droit à être indemnisés les membres de la famille du défunt dont la douleur mérite par son intensité une compensation matérielle. Les circonstances du décès, notamment l'absence de faute de la victime ou au contraire l'existence et la gravité d'une faute des organes de l'armée ne conditionnent pas l'octroi d'une somme à titre de réparation morale mais en influencent le montant (consid. 2 pp. 77-79). Au demeurant la pratique suisse observe de manière générale une certaine retenue lorsqu'il s'agit d'évaluer en argent le prix d'un tort moral (consid. 3 p. 80; voir également ATF 97 V 103).
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a) Il est certes des cas où les parents se détachent d'un enfant qui les a quittés, par exemple pour créer son propre foyer. Mais on ne saurait prétendre que cela soit courant. La douleur d'un père ou d'une mère perdant un fils ou une fille qui ne vivaient plus avec eux est souvent aussi vive que si la mort avait frappé un membre de la communauté domestique. La règle générale souhaitée par la recourante ne pourrait donc pas, sans recourir à une fiction choquante, se fonder sur une prétendue insuffisance du chagrin des parents survivants. En revanche, il serait soutenable de considérer que la famille, au sens de l'art. 40bis al. 1 LAM, est réduite au cercle de proches le plus étroit, c'est-à-dire pour un mari et père vivant dans des conditions normales l'épouse et les enfants. On éviterait ainsi d'élargir jusqu'à une limite mal déterminée le nombre des bénéficiaires de l'indemnité pour tort moral. C'est dans ce sens que va une résolution du Conseil de l'Europe citée par DESCHENAUX et TERCIER ("La responsabilité civile", Berne 1975 p. 92). Suivant ces auteurs, devrait avoir une portée générale la règle énoncée par le Tribunal fédéral que les frères et soeurs n'ont en principe pas droit à l'indemnité quand ils ne faisaient pas ménage commun avec le défunt (ATF 89 II 401). Mais ils ajoutent: il ne faudrait pas cependant "l'appliquer trop strictement".
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b) Si l'Assurance militaire fédérale était à proprement parler une assurance sociale, il serait sans doute opportun de définir selon les critères objectifs et sommaires qui conviennent à une assurance de masse les bénéficiaires des prestations découlant de l'art. 40bis al. 1 LAM. Mais elle est en réalité une institution chargée de statuer sur la responsabilité de la Confédération à l'égard des personnes atteintes dans leur santé en raison d'un service militaire ou assimilé et, en cas de décès, à l'égard de leur famille. C'est pourquoi il serait inéquitable de réduire l'étendue de son devoir de réparer le tort moral en deçà des limites assignées par l'art. 47 CO. Or, la doctrine - à l'exception de DESCHENAUX et TERCIER - et la jurisprudence ne tendent pas à exclure du cercle des bénéficiaires de la réparation morale les parents qui ne faisaient pas ménage commun avec un enfant décédé, cela quelque grand que soit leur deuil (OFTINGER, "Schw. Haftpflichtrecht" I, Zurich 1975 p. 299/300; KLAUS HÜTTE, dans la SJZ 70/1974 p. 273; ATF 82 II 42; SJZ 67/1971 p. 339, 62/1966 p. 288). Le besoin de restreindre le nombre des ayants droit se fait d'ailleurs moins sentir dans un système juridique où, comme en Suisse, les indemnités allouées sont relativement faibles.
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c) L'art. 34 LAM n'accorde aux père et mère une rente de survivants que lorsque le défunt n'a pas laissé d'enfants ayant droit à une rente. La recourante en conclut, par analogie, que l'indemnité versée aux enfants du défunt pour tort moral exclut qu'on en verse une aux parents. Elle y voit une différence avec les dispositions du droit civil, qui, elles, tendraient à couvrir l'intégralité du dommage. Ce raisonnement n'est pas pertinent car, en droit civil comme en matière d'assurance militaire, les créanciers de dommages-intérêts ne sont pas forcément les mêmes personnes que celles à qui revient une réparation morale (OFTINGER, op.cit., pp. 292 ss).
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d) Dès lors, les parents de l'assuré Pierre C. n'ont nullement perdu, parce qu'il avait quitté leur ménage quelques années avant de mourir, leur droit à une indemnité pour tort moral. Les premiers juges ont tenu pour établi que l'accident de leur fils les a plongés dans une profonde douleur. Cette constatation n'est pas critiquable. Conformément à la jurisprudence, ils ont alloué à chacun des deux parents une somme égale (ATF 97 V 103; SJZ 62/1966 p. 288). Seul demeure donc discutable le montant qui leur est accordé.
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4. La recourante entend faire ramener de 20'000 fr. à 15'000 fr. l'indemnité de la veuve de Pierre C. et de 8'000 fr. à 5'000 fr. celle de l'orphelin. Elle ne s'est pas exprimée sur la quotité de la réparation de 5'000 fr. allouée à chacun des parents de l'assuré, puisqu'elle en demande la suppression: en cas de rejet de cette conclusion, le Tribunal fédéral des assurances devra aussi examiner l'éventualité d'une réduction de ces montants.
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a) Ainsi qu'on l'a relevé plus haut (consid. 2 in fine), la pratique suisse observe de manière générale une certaine retenue lorsqu'il s'agit d'évaluer en argent le prix de la souffrance psychique.
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Cette tendance restrictive ressort nettement de la casuistique publiée en mai 1975 dans la Fiche juridique suisse 1142 a (voir aussi KLAUS HÜTTE, "Die Genugtuung", Zurich 1975; ATF 101 II 355 consid. 8, où l'on peut lire que des indemnités pour tort moral de 15'000 fr. à une veuve et de 10'000 fr. à chacun de ses deux enfants "atteindraient la limite supérieure, encore admissible eu égard au pouvoir appréciateur de l'autorité cantonale, si aucune faute n'était imputable à la victime"). Cependant, l'Obergericht de Zurich avait accordé à une veuve, en 1963 déjà, 15'000 fr. (SJZ 59/1963 p. 134/135) et 18'000 fr. en 1970 (SJZ 67/1971 p. 11). Quant aux indemnités allouées pour la perte d'un enfant, elles atteignent couramment une dizaine de milliers de francs (SJZ 67/1971 p. 338/339; l'indemnité de 20'000 fr. allouée en 1970 par l'Obergericht de Zurich est exceptionnelle) et, pour la perte d'un père, 5'000 fr.
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b) Les intimés ont requis la production du dossier de l'enquête militaire instruite sur l'accident qui a coûté la vie aux mitrailleurs C. et Y. Cette mesure n'est pas nécessaire. Car il ressort des pièces que les victimes sont tombées en service commandé et n'ont commis aucune faute; que l'officier chargé de la sécurité "avalanches" en a commis une, en n'interdisant pas l'accès de la pente fatale, dont il savait que pouvait descendre une avalanche; que les troupes de plaine engagées en montagne, comme c'était le cas en l'espèce, ne disposent pas organiquement du personnel alpin apte à veiller en toutes circonstances sur leur sécurité; que l'annexe III aux Directives pour les cours de répétition d'hiver intitulée "Ordre pour la sécurité en hiver et le danger d'avalanches, valable pour les troupes faisant service dans les Préalpes" ne s'applique pas aux troupes engagées au printemps - c'était aussi le cas en l'occurrence - dans des conditions hivernales. Dès lors, si la faute commise par négligence par le responsable de la sécurité "avalanches" n'était pas du point de vue pénal d'une gravité exceptionnelle, l'accident n'en est pas moins dû au premier chef à un ensemble de défauts d'organisation que la famille C. a sans doute ressentis d'autant plus amèrement qu'ils ont donné lieu à de nombreux articles de presse.
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La responsabilité morale de la Confédération est plus engagée dans un tel sinistre que dans un accident provoqué par la fatalité ou même par la maladresse de la victime ou d'un autre militaire. Les gens raisonnables savent qu'une défaillance humaine est toujours possible, à l'armée comme ailleurs. Ils ont plus de peine à admettre un accident qu'une meilleure organisation aurait évité.
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C'est pourquoi le tribunal cantonal des assurances n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en accordant à la veuve et à l'enfant de l'assuré des indemnités exceptionnellement élevées à titre de réparation morale. Les montants alloués aux parents de la victime ne sortent guère des normes usuelles.
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Le recours ne peut dès lors qu'être rejeté.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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