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7. Arrêt du 1er mars 1978 dans la cause Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre Rodicio et Cour de justice du canton de Genève | |
Regeste |
Art. 82 KUVG. | |
Sachverhalt | |
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Le 29 novembre 1973, alors qu'il circulait à vélomoteur, il fut frôlé par une voiture qui le dépassait et fit une chute. Il se releva dans un certain état d'excitation, détermina avec l'automobiliste les circonstances de l'accident et se rendit à la Clinique et Permanence de l'Arve puis chez le docteur Z., généraliste, qui diagnostiqua des contusions: l'une à la tête, une autre aux genoux et une autre enfin dans la région lombo-sacrée. Quelques mois après, on ne constata plus aucune séquelle objectivable de ces légers traumatismes. Cependant Rodicio ne reprit pratiquement pas le travail. Il refusa de le faire et s'opposa aussi à toutes mesures de réadaptation. Il se plaignait de céphalées diffuses, d'un déséquilibre orthostatique, d'hyperacousie, d'acouphènes, de palpitations et d'insomnie. Pendant quelque temps, il présenta de courtes pertes de connaissance. A aucun de ces troubles les différents spécialistes consultés ne trouvèrent de causes organiques. Les CFF l'adressèrent alors au Service de neurochirurgie de l'Hôpital cantonal, où le Dr H. diagnostiqua le 6 avril 1974 un terrain névrotique propice à l'installation d'un syndrome subjectif de ![]() | 2 |
Le 5 novembre 1974, un inspecteur de la Caisse nationale tenta en vain de persuader Rodicio de reprendre le travail. Peu après, l'assuré consulta Me N., avocat. Le 22 novembre 1974, la Caisse nationale mit fin au traitement médical institué par ses soins et liquida le cas par le versement d'une indemnité unique de 8500 fr., fondée sur quatre mois de rente entière et quatre mois de demi-rente.
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B.- Rodicio recourut par l'entremise de son avocat contre la décision administrative du 22 novembre 1974. Il conclut à ce qu'en lieu et place d'une indemnité en capital la Caisse nationale soit astreinte à lui fournir depuis le 29 novembre 1973 ses prestations ordinaires, fondées sur une responsabilité totale, d'une part, et, d'autre part, sur une incapacité de travail de 100% puis sur une invalidité dont le taux restait à déterminer. Il produisit un rapport d'expertise établi à sa demande par le Dr P., psychiatre et psychothérapeute, et daté du 30 septembre 1975. L'expert y confirme le diagnostic déjà posé par d'autres médecins de syndrome subjectif des traumatisés crâniens, consécutif à un traumatisme léger; l'assuré n'est pas un simulateur, animé de l'intention consciente de profiter de l'assurance; il a développé dans une personnalité fruste une pathologie névrotique, qui lui fait vivre sans cesse l'événement traumatique sous la forme des symptômes de ce dernier, qu'il ressent comme des réalités angoissantes; la revendication, l'agressivité quérulante est un autre aspect de la même angoisse; l'accident a déclenché les troubles psychiques mais n'aurait pas suffi à les causer: la personnalité a joué un rôle aussi important et nécessaire. Et le Dr P. de conclure que seul un traitement global, au cours duquel l'assuré dialoguerait en toute confiance avec le médecin, pourrait amener progressivement ce patient à renoncer aux bénéfices secondaires de sa maladie et à reprendre le travail.
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La Cour de justice du canton de Genève mit en oeuvre une expertise judiciaire, qu'elle confia au Dr S., du Centre psycho-social universitaire de Genève. Dans son rapport très complet du 18 janvier 1977, l'expert expose que: la capacité de travail du recourant est diminuée d'un quart à un tiers, dans le cas d'une activité n'impliquant pas de gros efforts physiques; la ![]() | 5 |
La Cour de justice considéra que le recourant souffrait d'une névrose assurée, que l'octroi d'une indemnité en capital n'était pas apte à guérir. Par jugement du 9 septembre 1977, elle annula la décision attaquée, astreignit la Caisse nationale à servir à Rodicio depuis le 22 novembre 1974 une rente fondée sur une invalidité de 30%, sous déduction de la somme versée conformément à la décision annulée.
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C.- La Caisse nationale a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement cantonal. Elle allègue qu'au moment où elle a pris la décision de liquider les prétentions d'assurance de l'assuré par un règlement en capital on devait espérer, selon les données de l'expérience, que cette mesure amènerait l'intéressé à reprendre le travail. Elle conclut donc au rétablissement de sa décision du 22 novembre 1974. Elle se demande au surplus si, véritablement, l'accident est avec les troubles psychiques de l'intimé dans un rapport de causalité adéquate, sans qu'il faille pour autant songer nécessairement à une névrose de revendication. Ce qui l'amène à suggérer de supprimer non seulement la rente allouée par la Cour de justice mais encore l'indemnité accordée à titre de règlement en capital.
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Agissant au nom de l'intimé, Me N. conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.
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D.- Le 30 juillet 1975, les CFF ont résilié les rapports de service qui les liaient à Rodicio, avec effet au 31 octobre 1975.
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Il est rentré définitivement en Espagne, vraisemblablement en automne 1977.
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Considérant en droit: | |
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En vertu des art. 77 et 78 LAMA, pour une incapacité absolue de travail, la rente est fixée au 70% du gain annuel que l'assuré a réalisé dans l'entreprise soumise à l'assurance obligatoire durant l'année qui a précédé l'accident. Si l'incapacité n'est que partielle, la rente subit une réduction proportionnelle.
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La rente est réduite de même, si l'invalidité n'est qu'en partie l'effet d'un accident assuré (art. 91 LAMA).
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Enfin, l'art. 82 LAMA s'exprime comme il suit:
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"S'il n'y a pas lieu d'attendre de la continuation du traitement
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médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré, mais s'il paraît
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probable que ce dernier recouvrera sa capacité de travail après la
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liquidation de ses prétentions et en reprenant le travail, une indemnité
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en capital remplaçant la rente est substituée aux prestations antérieures
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(al. 1). L'indemnité est égale à la valeur actuelle d'une rente, constante
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ou décroissante, courant pendant trois ans au maximum et calculée sur
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la base du gain annuel de l'assuré, en tenant compte de son état de
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santé et du degré de son incapacité de travail au moment de la fixation
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de l'indemnité (al. 2)."
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a) Les névroses qui résulteraient d'une lésion du cerveau ou d'autres organes du système nerveux, lésion consécutive à un accident ou à une maladie professionnelle, seraient évidemment assurées. Mais, dans l'état actuel de la science, les névroses semblent exister sans lésions, du moins sans lésions objectivables, des organes intéressés. On n'en reconnaît pas ![]() | 27 |
b) Ne sont pas assurées en revanche les névroses de revendication, dites aussi d'appétence ou d'assurance, ou bien encore sinistroses. Elles procèdent d'une carence de la volonté ou d'une anomalie mentale de l'intéressé, auxquelles l'événement assuré donne le prétexte de se manifester. Dans ce sens, elles sont bien une conséquence de l'accident ou de la maladie, mais elles n'y sont pas liées par un rapport de causalité adéquate: trop de particularités étrangères à l'événement interviennent, qui le relèguent à un rôle très secondaire. L'assuré atteint de ce type de névrose ne parvient pas à sortir du rôle d'invalide, qu'il justifie par une infirmité inexistante ou dont il exagère les effets. Ses mobiles - inconscients - peuvent être, par exemple, le désir de s'enrichir par des prestations d'assurance, de porter préjudice à une société qu'il rejette, de laisser libre cours à sa paresse, de se venger de l'auteur de l'accident, etc. Contrairement au simulateur, qui se fait une juste représentation de la réalité, il en est venu à croire à ses maux imaginaires et à les ressentir vraiment. Il s'agit donc bien d'une véritable névrose, mais dont l'assurance sociale ne peut, sous peine de provoquer des abus insupportables, couvrir les conséquences (cf. MAURER, op. cit., p. 255 ss; ATFA 1950, p. 77; 1960, p. 260, ATF 100 V 17 ainsi que les arrêts non publiés Bandelier du 11 décembre 1963 et Cescato du 1er octobre 1969).
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Dans son rapport d'expertise du 30 septembre 1975, le Dr P. admet que les troubles dont souffre le patient sont essentiellement subjectifs et qu'il n'a pas été possible d'y trouver une participation organique. Il les qualifie de " syndrome subjectif des traumatisés crâniens", compliqué et aggravé par des composantes névropathiques.
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Dans son rapport du 18 janvier 1977, l'expert judiciaire, le Dr S., parle aussi d'un syndrome commotionnel subjectif, mais pour dire que ce phénomène aurait dû s'estomper progressivement. Dans le diagnostic final, il n'est plus question que d'une évolution névrotique post-traumatique avec éléments hystériques, à teinte sinistrosique importante et tendance à la chronicisation due au bénéfice secondaire. L'existence ![]() | 32 |
On relèvera dans la discussion du cas les réflexions suivantes de l'expert:
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"On pourrait dire que, pour M. Rodicio, l'accident subi n'a été
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qu'un résumé, qu'un concentré de tous les traumatismes, toutes les
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frustrations ressentis dans la vie et pour lequel il pouvait enfin, pour
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une fois, sans perdre face, prendre le rôle de la victime et demander
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réparation. L'assuré, qui n'avait que neuf ans quand son père est mort,
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précisément d'un traumatisme crânien, est resté un grand enfant, qui
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cherche en permanence appui et sécurité. Il les a trouvés auprès de sa
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femme, grâce à l'accident. Désormais, il se complaît dans un rôle
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passif, sauf en ce qui concerne les revendications à l'égard de
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l'assurance.
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Il en résulte que M. Rodicio trouve dans son état actuel un bénéfice
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secondaire important, dans le sens qu'il a trouvé d'une part quelqu'un,
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représenté par la CNA, qui doit lui faire réparation en somme pour
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tout ce qu'il a peiné et subi tout au long des années et qu'il n'a jamais
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osé exprimer, et d'autre part un support, une compréhension et une
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protection de la part de sa femme et de sa famille, choses qui lui ont
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certainement manqué pendant l'enfance."
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Est-ce à dire que, depuis une date antérieure à celle de la décision attaquée, donc au 22 novembre 1974, l'intimé ne souffre plus que d'une névrose de revendication? Il serait peut-être téméraire de l'affirmer sans avoir pris l'avis d'un surexpert. D'un autre côté, vaut-il la peine de remettre en question une prestation, l'indemnité de liquidation, que la Caisse nationale a accordée sans émettre de doutes sur sa responsabilité, et de prolonger ainsi la procédure? Il semble préférable d'admettre que les troubles de l'intimé présentent un caractère mixte et qu'ils procèdent à la fois d'une névrose accidentelle ordinaire, encore qu'on ne puisse guère parler ici de choc violent, et, dans une plus forte proportion, d'une névrose de revendication provenant de facteurs endogènes et ![]() | 51 |
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En novembre 1974, une petite année s'était écoulée depuis la date de l'accident, le 29 novembre 1973. C'est la durée normale que nécessitent une recherche sérieuse de la cause des troubles ressentis par un sinistré, et les tentatives thérapeutiques. Une fois posé avec certitude le diagnostic de troubles d'origine psychique, l'assurance pouvait présumer que la liquidation du cas par un versement en capital déciderait le patient à reprendre le travail. A cette époque-là, aucun psychiatre n'a exprimé clairement et catégoriquement l'opinion contraire. Le 30 septembre 1975 encore, le Dr P. estimait une guérison possible, au vrai par un moyen diffèrent de la mesure de l'art. 82 LAMA (sur laquelle il ne se prononce pas): une modification de la relation entre le médecin, l'assurance et le malade.
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L'expert judiciaire a vu l'expertisé pour la première fois en août 1976. Il a constaté au cours des mois suivants que la liquidation des prétentions d'assurance n'avait pas guéri l'assuré et qu'une telle mesure serait " à l'heure actuelle " inefficace. Mais son rapport nous montre que cet échec provient d'événements que la recourante n'avait pas à prévoir en novembre 1974 et dont elle ne répond pas: la progression d'une névrose de revendication, qui allait reléguer au second plan si ce n'est pratiquement remplacer la névrose accidentelle (seule assurée), et l'attitude revendicatrice de la famille de l'assuré, qui a encouragé ce dernier à refuser tout travail et tout essai de réadaptation. Or, on l'a vu plus haut, la mesure de l'art. 82 LAMA se fonde sur un pronostic. Il est généralement ![]() | 54 |
C'est ainsi à tort que les premiers juges ont substitué une rente à un règlement en capital. Celui-ci était déjà favorable à l'assuré, en principe et quant au montant de l'indemnité.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
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