BGE 122 V 230 | |||
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34. Arrêt du 23 mai 1996 dans la cause B. contre La Bâloise, compagnie d'assurances et Tribunal administratif du canton de Fribourg | |
Regeste |
Art. 6 UVG, Art. 9 Abs. 1 UVV, Art. 2 Abs. 2 KVG: Begriff der "unfallbedingten" Infektion. | |
Sachverhalt | |
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Au début d'octobre 1991, B. fut piquée à la jambe droite par une tique. Il s'ensuivit une plaie inflammatoire avec érythème migrant, soignée par la doctoresse Z. dès le 6 novembre 1991. Un prélèvement de sang, effectué le 23 novembre 1991, mit en évidence une borréliose (Borrelia burgdorferi) en phase aiguë avec une tendance à la guérison (rapport du laboratoire d'analyses médicales M. SA). La patiente séjourna à la Clinique de médecine de l'Hôpital cantonal de Fribourg du 24 au 25 novembre 1991, puis du 26 novembre au 4 décembre 1991, où les médecins diagnostiquèrent notamment la maladie de Lyme (borréliose) stade I.
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Le cas fut annoncé comme accident à La Bâloise par le médecin traitant de l'assurée. Selon le rapport médical initial LAA, du 30 décembre 1991, B. avait été piquée par une tique à Estavayer vers le 2 octobre 1991.
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Par décision du 23 janvier 1992, La Bâloise refusa de prendre en charge l'événement du 5 octobre 1991, au motif que la maladie de Lyme (stade I) était transmise par la tique et non due à celle-ci. Saisie d'une opposition de l'assurée contre cette décision, La Bâloise la rejeta par décision du 3 avril 1992. Niant que la maladie de Lyme fût imputable à une cause extérieure extraordinaire, elle faisait un parallèle avec la malaria, dont le plasmodium est véhiculé par l'anophèle femelle. A cet égard, elle se référait à un rapport du professeur A. de l'Institut de zoologie de l'Université de Neuchâtel, du 8 novembre 1983, selon lequel l'érythème migrateur (Erythema Chronicum Migrans: ECM) doit être considéré comme une maladie transmise par la tique et non pas due à la piqûre de tique, et la maladie de Lyme comme l'aboutissement d'une évolution ayant pour origine primaire un ECM.
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B.- Représentée par le docteur Z., mari de la doctoresse Z. et spécialiste FMH en médecine générale, B. a recouru contre cette décision devant la Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg. Elle concluait, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée, à la prise en charge par La Bâloise de ses frais d'hospitalisation et de traitement ambulatoire, et à l'allocation d'indemnités journalières. Produisant copies de plusieurs documents, elle alléguait pour l'essentiel que la pénétration de l'appareil de piqûre et de succion de la tique à travers la peau d'un être humain constituait juridiquement un accident parce qu'elle provoquait une lésion cutanée; que l'injection, par ce parasite accidentel de l'homme, de salive infectée avec la transmission de germes pathogènes n'était que la phase suivante, indissociable de la lésion cutanée, et que la maladie de Lyme était par conséquent la suite logique d'un accident.
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La Bâloise, représentée par Me F., avocat, a conclu, sous suite de dépens, au rejet du recours. Subsidiairement, elle sollicitait la mise en oeuvre d'une expertise, à confier au professeur A. de l'Université de Neuchâtel.
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Par jugement du 11 octobre 1993, la juridiction cantonale a rejeté le recours. Elle a considéré, en bref, que la morsure de tique était un facteur extérieur non extraordinaire en lui-même, mais qu'elle était au contraire le mode de transmission type de la maladie de Lyme; qu'à cet égard, la maladie de Lyme était transmise comme la malaria; que cette dernière maladie n'était pas tenue pour la conséquence d'un accident lors de la transmission ordinaire par l'anophèle; qu'il en allait dès lors de même de la maladie de Lyme dont était atteinte l'assurée, puisque cette affection avait été engendrée par la pénétration dans le corps d'un agent infectieux, selon un mode et dans des circonstances tout à fait habituels à la transmission de cette maladie.
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C.- B., représentée par le docteur Z., interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et de dépens, à l'annulation de celui-ci. Elle demande que La Bâloise soit "astreinte à prendre en charge (...) les frais causés par une piqûre de tique entraînant une maladie de Lyme dans le cadre de la couverture de la police d'assurance et de la LAA". Reprenant ses arguments de première instance, elle fait valoir que la morsure ou piqûre de tique ne saurait être qualifiée de quotidienne ni d'habituelle et que cet événement est donc le facteur extérieur extraordinaire à l'origine de la maladie de Lyme dont elle est atteinte, en ce sens que, sans morsure ou piqûre de tique, aucune infection par l'agent pathogène de la borréliose n'est possible.
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Par son mandataire, La Bâloise conclut, sous suite de frais et de dépens, au rejet du recours. Subsidiairement, elle demande que soit mise en oeuvre une expertise, à confier au professeur A. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), qui se rallie au point de vue développé par la juridiction cantonale, propose également le rejet du recours, pour le motif que le facteur extérieur que représente la piqûre de tique n'est pas extraordinaire en lui-même.
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D.- Le 23 mai 1996, la Ière Chambre du Tribunal fédéral des assurances a tenu audience.
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Considérant en droit: | |
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Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1996, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994, il existe désormais - et pour la première fois - une définition légale de l'accident, qui figure à l'art. 2 al. 2 de cette loi. Cette définition, qui reprend celle de l'art. 9 al. 1 OLAA, avec une précision relativement aux effets de l'atteinte corporelle, est la suivante: "Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale". Cette dernière phrase constitue quant à elle une version simplifiée du texte adopté par la Commission du Conseil des Etats à l'art. 4 al. 1 du projet de loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales ("... qui compromet temporairement ou de manière permanente la santé physique ou mentale ou qui entraîne la mort" [FF 1991 II 183]).
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Il résulte de la définition même de l'accident (au sens de l'art. 9 al. 1 OLAA comme au sens de l'art. 2 al. 2 LAMal) que le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels (ATF 118 V 61 consid. 2b, 283 consid. 2a ainsi que les références).
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L'agent causal de la maladie de Lyme est un spirochète, le Borrelia burgdorferi isolé en 1982 sur la tique et en 1983 chez les patients atteints par cette maladie. Transmis à l'homme lors de la morsure d'une tique du genre Ixodes, un acarien hématophage, ce micro-organisme spiralé appartient à la famille des spirochétales (comme le tréponème de la syphilis; L. ROSSANT/J. ROSSANT-LUMBROSO, Votre santé. Encyclopédie médicale à l'usage de tous, éd. Laffont, Paris 1993, p. 222 sv.).
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La maladie de Lyme est une infection évoluant comme la syphilis en trois grandes phases séparées par des périodes d'accalmie. Les signes sont très polymorphes (cutanés, cardiaques, ostéo-articulaires, neurologiques), isolés ou associés entre eux. Le début de la maladie a lieu entre mai et octobre, période d'activité des arthropodes en milieu tempéré. A partir du point d'inoculation, le germe est responsable d'une lésion cutanée, "érythème chronique migrant" (ECM) - ou érythème de Lipschütz (LE GARNIER DELAMARE, dictionnaire des termes de médecine, 23e éd., Paris 1992, p. 311). Cette lésion survient entre trois et trente jours après la piqûre de tique (à propos de la fréquence des troubles accompagnant l'ECM, voir p. ex. N. SATZ, Erkrankungen durch Zecken, in Hospitalis, Fachzeitschrift für Praxis und Spital, 1995 no 3 p. 68). Les complications secondaires et tertiaires sont très polymorphes et trompeuses d'autant que 70% des patients ont oublié la piqûre de tique et la lésion cutanée qui a suivi:
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- poussées d'oligoarthrite (troubles articulaires isolés);
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- arthrite chronique;
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- troubles de la conduction cardiaque (bloc auriculo-ventriculaire);
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- méningite lymphocytaire;
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- paralysie faciale périphérique;
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- paralysie des membres, encéphalite, myélite (sur la neuroborréliose, cf. p. ex. N. SATZ, Zecken-Krankheiten, Ein Ratgeber für Gesunde und Betroffene mit Beispielen von Patienten, Hospitalis-Buchverlag, 1ère éd., 1994, p. 36 sv.);
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- acrodermatite chronique atrophiante ...
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(L. ROSSANT/J. ROSSANT-LUMBROSO, op.cit., p. 223).
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b) La Commission ad hoc Sinistres - LAA a édité des recommandations pour l'application de la LAA et de l'OLAA. Sa recommandation no 2/90 du 10 avril 1990, relative aux "Piqûres d'insectes (encéphalite par piqûre de tique/malaria)", a la teneur suivante:
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"Conformément à la pratique qui prévaut depuis de nombreuses années dans l'assurance-accidents obligatoire, un événement accidentel est admis en tant qu'infection traumatique lorsqu'une intoxication ou une infection a été provoquée par une morsure ou une piqûre d'insecte. C'est également valable pour l'encéphalite par piqûre de tique.
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En revanche, la notion d'accident n'a jamais été admise dans les cas de malaria provoquée par les moustiques anophèles car cette affection, connue surtout sous les tropiques, n'est transmise que de cette façon. La notion d'événement extraordinaire fait donc défaut pour la néfaste piqûre de moustique anophèle. Il s'agit bien plutôt de la manière normale par laquelle se transmet la malaria. La forme sous laquelle se développe cette maladie ne peut également pas être considérée comme un accident.
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En revanche, les encéphalites peuvent être provoquées par divers virus et pénétrer dans le corps de plusieurs manières. C'est une raison pour juger différemment l'encéphalite par piqûre de tique et la malaria.
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En outre, l'OLAA considère la malaria comme une maladie professionnelle. Cela signifie que les cas de malaria ne peuvent être transformés en accident. Conformément à l'arrêt B. du 8.9.1972 (ATF 98 V 166), on ne peut considérer en droit la même atteinte à la santé, tantôt comme une maladie professionnelle, tantôt comme un accident, suivant qu'elle est survenue pendant ou en dehors du travail".
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La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents qualifie d'accident la piqûre de tique et prend donc en charge les maladies qui s'ensuivent, p.ex. la maladie de Lyme, comme suites d'accident (courrier du 11 novembre 1993 du docteur R., spécialiste FMH en médecine interne et médecin de la Division médecine du travail de la Caisse nationale).
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a) Selon la jurisprudence parue aux ATFA 1934 p. 75 et 1938 p. 112 consid. 1, la Cour de céans a toujours exigé, pour qu'on puisse admettre une infection "accidentelle" (ou traumatique) assurée, l'existence bien établie et reconnue, ou du moins nécessaire en quelque sorte d'après les circonstances établies en fait, d'une plaie, d'une blessure ou d'une lésion déterminée au moment de l'infection prétendue. Cette condition doit être appliquée de manière d'autant plus stricte que l'admission de l'infection (Wundinfektion) dans la notion de l'"accident" constitue en soi déjà une application extensive de celle-ci. Par ailleurs, l'entrée des germes ou des bactéries dans l'organisme par le canal de la blessure ou de la plaie - autre condition essentielle de l'admission - n'est en soi jamais tout à fait sûre, mais ne peut être retenue comme vraisemblable que là où un autre mode d'infection doit être tenu pour improbable d'après l'expérience.
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Dans les arrêts non publiés R. du 16 février 1945 et H.-R. du 12 décembre 1945, cités dans l'arrêt N. du 14 janvier 1947 (ATFA 1947 p. 5 sv.), le Tribunal fédéral des assurances a précisé qu'il ne suffit pas que les germes d'infection aient pu s'infiltrer à l'intérieur du corps humain par de petites écorchures, éraflures ou excoriations banales et sans importance comme il s'en produit journellement, mais que la pénétration doit s'être faite par une lésion déterminée ou tout au moins dans des circonstances telles qu'elles représentent un fait typiquement "accidentel" et reconnaissable pour tel.
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b) ZOLLINGER/MOOSER, dans leur étude sur le thème "infection et accident" parue dans le premier des Cahiers mensuels de Médecine de 1948, ont exposé le contenu de l'arrêt mentionné ci-dessus H.-R. du 12 décembre 1945 (confirmé par les arrêts non publiés M. du 31 août 1946 et F. du 17 décembre 1946): il faut que la pénétration des bactéries ait lieu par une lésion déterminée ou de quelque manière dans des circonstances particulières, anormales, donc qu'un fait soit établi, apparaissant comme typiquement accidentel et vérifiable en tant que tel aussi bien en ce qui concerne le moment de la pénétration des bactéries que celui de leur action pathogène.
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aa) En ce qui concerne l'exigence d'une lésion déterminée ("eigentliche Verletzung") ou tout au moins d'un fait typiquement accidentel, ZOLLINGER/MOOSER (op.cit., p. 41 sv.) posaient le principe d'une délimitation claire entre accident et maladie, avec les exigences de formulation que cela comporte. Ils étaient d'avis que ce but est atteint simplement, à condition qu'une infection soit considérée comme un événement accidentel indépendant, que la voie d'accès soit une solution de continuité des tissus de la peau ou de la muqueuse due à une action extérieure unique et involontaire, à savoir une blessure qui puisse être prouvée ou rendue vraisemblable, ou que le mode de l'agent pathogène permette sans autre de conclure à une telle action.
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Selon MAURER, l'exigence précitée se justifie parce qu'elle concerne le facteur extérieur, qui ne saurait être qualifié d'extraordinaire que si le germe de l'infection pénètre dans le corps par une voie extraordinaire ("auf ungewöhnlichem Wege ins Körperinnere": Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2e éd., 1963, p. 118 sv.), c'est-à-dire dont le mode de pénétration est extraordinaire ("auf ungewöhnliche Art ins Körperinnere": Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 192 et la note no 406).
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bb) Quant au caractère vérifiable du moment de la pénétration du germe de l'infection et du moment de l'action pathogène de celui-ci, ZOLLINGER/MOOSER (op.cit. pp. 41 ch. 4 et 43 ch. 5) proposaient que cette exigence soit abandonnée. MAURER, pour sa part (Recht und Praxis, p. 119; Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 192 et la note no 408), est d'avis que seul le moment de la pénétration du germe est déterminant du point de vue du droit des assurances et que, dans la mesure où il est établi au degré de vraisemblance (prépondérante) que la lésion a été la voie effective de pénétration du germe, le moment de l'action pathogène ne joue aucun rôle.
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Selon ZOLLINGER/MOOSER (op.cit., p. 55 sv.), les phénomènes inflammatoires dus aux piqûres d'insectes sont provoqués par des toxines, élément caractéristique d'une intoxication et non pas d'une infection. La transmission de germes pyogènes peut être causée par l'insecte lui-même ou par les doigts de l'intéressé. Dans la plupart des cas, la piqûre d'insecte se signale par l'existence d'une papule avec une rougeur aux alentours, ce symptôme disparaissant d'habitude très rapidement, de sorte que le cas n'est pas annoncé à l'assureur-accidents. Les piqûres d'abeilles, de guêpes et de frelons constituent une exception à ce principe, lesquelles, même sans l'inoculation d'agents purulents, peuvent provoquer de graves troubles de la santé, voire la mort du patient (anaphylaxie). En ce qui concerne la malaria, ces auteurs mentionnaient PICCARD (Haftpflichtpraxis und Soziale Unfallversicherung, 1917, p. 21 sv.), d'après lequel il s'agit non pas d'un accident mais d'une maladie, parce que la piqûre d'anophèle constitue le mode ordinaire de sa transmission. Ils citaient en outre SANDBERG (Der Nichtbetriebsunfall, Diss. Zürich 1927, p. 89 sv.), qui était d'avis que l'assureur-accidents n'a pas à intervenir lorsque la malaria est transmise dans une région où la maladie est endémique ou épidémique, alors qu'il doit prendre en charge le cas lorsque la malaria est transmise dans une région où cette maladie est étrangère et donc "accidentelle". Ils en concluaient que la malaria est une maladie étrangère à la Suisse et qu'elle tombe donc sous le coup de l'assurance-accidents obligatoire, la piqûre de moustique étant en soi déjà un accident.
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D'après MAURER (Recht und Praxis, p. 114; Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 187 ad let. a), les piqûres d'insectes peuvent provoquer des empoisonnements. Il n'est pas rare que les piqûres d'abeilles et de guêpes soient annoncées aux assureurs-accidents, celles-ci pouvant même causer la mort par choc anaphylactique, lors d'hypersensibilité ou d'allergie au venin inoculé. De tels événements ont les caractéristiques d'un accident, ce qui vaut aussi p. ex. pour les morsures de serpents ou les blessures dues aux poulpes. Le fait d'être contaminé par des maladies s'attrapant normalement de manière endémique ou épidémique seulement dans les pays lointains, mais exceptionnellement aussi dans notre pays, ne saurait être qualifié d'accident; cela, à la condition que la contamination ait lieu par la voie normale ('auf ihrem "normalen" Wege'), c'est-à-dire selon un mode typique ('auf ihre "normale", typische Art'). On pense à cet égard à la malaria, transmise par l'anophèle femelle. En effet, il s'agit de maladies aussi bien lorsque le lieu de transmission d'une maladie se trouve par hasard en Suisse que lorsque celui-ci se situe quelque part à l'étranger. Il faut donc s'en tenir au principe, d'après lequel les maladies infectieuses qui sont transmises selon un mode "normal" ou typique, n'ont pas le caractère d'un accident (Recht und Praxis, p. 119; Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 193 et les notes no 411 et 412).
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Selon GALLIKER (Skorpionstich, Schlangenbiss, Zeckenbiss: Unfallereignisse? in Courrier Suisse des Assurances, février 1988, p. 3 sv.), les abeilles, les araignées, les scorpions et les serpents ont en commun le fait qu'ils inoculent dans l'organisme humain leur propre venin. A la différence de ceux-ci, les moustiques et les tiques sont le vecteur de la maladie qu'ils transmettent à l'homme lors d'une piqûre ou d'une morsure. Les premiers provoquent donc un empoisonnement, alors que les seconds transmettent une infection. Citant Maurer et l'exemple qu'il donne de la malaria, GALLIKER est d'avis qu'il en va de même en cas de morsure de tique. Procédant à une comparaison entre la piqûre d'abeille et la morsure de tique, cet auteur en conclut qu'il n'y a pas de critères qui soient exactement les mêmes permettant de trancher le cas de la piqûre d'abeille et celui de la morsure de tique, précisément parce que l'abeille inocule dans l'organisme humain son propre venin.
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D'après BÜHLER ("Der Unfallbegriff", in Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung 1995, St. Gallen, éditeur Alfred Koller, Verlag Institut für Versicherungswirtschaft der Universität St. Gallen, p. 225 sv., particulièrement pp. 228 sv. et les notes no 148, 149 et 150), il y a action d'un facteur extérieur lorsqu'un venin ou un agent pathogène est inoculé dans le corps par une piqûre ou une morsure. Qu'il existe une prédisposition à la maladie, avant tout une hypersensibilité d'ordre allergique à la toxine en cause, ayant rendu possible une atteinte sérieuse à la santé, voire la mort, ou que la toxine ait seule provoqué le dommage n'est pas déterminant. En outre, admettre un accident uniquement dans les cas où des insectes (abeilles, guêpes, frelons) ou des reptiles (serpents) inoculent dans l'organisme leur propre venin, mais qualifier de non accidentels les cas où les agents pathogènes (infections) sont transmis à l'homme par des tiques (virus de l'encéphalite) ou des moustiques (malaria), n'est pas non plus une solution. En effet, non seulement cette délimitation ne résulte pas de la notion de facteur extérieur, mais encore elle ne correspond pas dans ce contexte au sens et au but de l'exigence du caractère extraordinaire de l'atteinte.
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Il ressort donc de l'opinion des auteurs précités qu'une piqûre d'insecte, à l'instar d'une morsure d'animal, est en principe un accident, à l'exception p. ex. de la piqûre de l'anophèle femelle en ce qui concerne la malaria (à propos de la piqûre d'insecte en droit allemand, voir ERLENKÄMPER/FICHTE, Sozialrecht, Allgemeiner Teil, Anspruchsvoraussetzungen und Rechtsgrundlagen des Besonderen Sozialrechts, Verfahrensrecht, 3e éd., p. 34, et note 2 BSG SGb 1991, 186).
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a) La jurisprudence précitée (ATFA 1947 p. 5/6), relative au facteur extérieur, s'applique en cas de morsure de tique. En effet, cet acarien hématophage, lorsqu'il devient un parasite de l'homme, provoque par sa morsure une lésion déterminée. Or, cette lésion se distingue de petites écorchures, éraflures ou excoriations banales et sans importance comme il s'en produit journellement. Elle est donc en soi une atteinte portée au corps humain, atteinte sans laquelle les germes d'infections véhiculés par la tique du genre Ixodes ne sauraient pénétrer dans l'organisme.
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Il n'est juridiquement pas décisif que la tique en question, à la différence des insectes (p. ex. abeilles, guêpes, frelons) inoculant dans le corps leur propre venin, soit uniquement le vecteur des germes (bactérie ou virus) de la maladie de Lyme (borréliose) et de la méningo-encéphalite verno-estivale ("Frühsommer-Meningoenzephalitis" [FSME]). En effet, cela ne joue aucun rôle dans l'appréciation du facteur extérieur. Qu'il s'agisse des germes d'infections transmis par la tique incriminée ou des venins inoculés par les insectes précités, chacun d'eux pénètre dans l'organisme par une lésion déterminée due à la morsure ou à la piqûre, et non pas par un orifice naturel du corps. Les premiers, comme les seconds, sont dès lors un facteur extérieur au sens de la définition légale et jurisprudentielle de l'accident (sur l'infection microbienne en tant que cause extérieure, cf. TOLUNAY, La notion de l'accident du travail dans l'assurance-accidents obligatoire en droit suisse, allemand et français, thèse Neuchâtel, 1977, p. 84).
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b) L'atteinte imputable à la tique du genre Ixodes est de caractère extraordinaire. Elle sort en effet de l'ordinaire par le fait qu'un corps étranger véhiculé par cet acarien - à la différence p. ex. de la contamination d'une plaie chirurgicale par une mycobactérie (ATF 118 V 59) - pénètre dans l'organisme par une lésion déterminée, de nature accidentelle, et que la morsure de tique n'est pas un événement pouvant objectivement être qualifié de quotidien ou d'habituel.
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L'événement est extraordinaire aussi bien en ce qui concerne la maladie de Lyme que la méningo-encéphalite verno-estivale. Une distinction entre ces deux infections se justifie d'autant moins que le virus de l'encéphalite peut s'attraper de diverses façons, dont la transmission par la tique du genre Ixodes, et qu'apparemment d'autres animaux que cet acarien sont eux aussi vecteurs de la borréliose.
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Le caractère extraordinaire de l'atteinte ne saurait non plus dépendre d'une comparaison entre les infections précitées et la malaria transmise par l'anophèle femelle. En effet, la plupart des tiques ne véhiculent aucune maladie. Or, le fait que la tique du genre Ixodes a pu être localisée dans certaines régions de Suisse - mais aussi notamment d'Allemagne; sur les foyers naturels existant à l'heure actuelle, voir p. ex. N. SATZ, Zecken-Krankheiten, p. 60 sv. - n'exclut, semble-t-il, ni une cohabitation avec des tiques inoffensives ni la présence de la tique du genre Ixodes hors des régions signalées. On ne saurait, faute de documents établissant le contraire, qualifier la maladie de Lyme et l'encéphalite transmises par cet acarien de phénomène épidémique ou endémique dans notre pays.
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c) Encore faut-il, pour qu'il y ait infection "accidentelle", que l'atteinte soit soudaine au sens des art. 9 al. 1 OLAA et 2 al. 2 LAMal. En effet, cette exigence concerne l'atteinte et non pas le dommage (LAUBER, Unfall oder Krankheit?, in Praxis des sozialen Unfallversicherungsrechts der Schweiz, 1928, p. 297; BÜHLER, op.cit., p. 207 sv.).
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Or, en cas de morsure de tique, le processus de l'atteinte est susceptible de durer un certain temps, sans que cela soit incompatible avec l'exigence du caractère soudain de l'atteinte. En effet, l'atteinte peut être soudaine, mais durer plus qu'un instant (BÜHLER, op.cit., p. 209 sv.).
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L'arrêt H.-R. précité du 12 décembre 1945 posant l'exigence du caractère vérifiable (du fait typiquement accidentel) au moment de la pénétration des bactéries et de l'action pathogène de celles-ci, il se justifie dès lors d'abandonner cette exigence et la terminologie utilisée, susceptibles l'une et l'autre de mener à des confusions en laissant croire que le "moment" (Zeitpunkt) de l'atteinte est déterminant pour l'existence d'une infection "accidentelle".
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Or, lorsqu'une lésion déterminée due à la morsure de la tique du genre Ixodes existe et qu'une infection imputable aux germes véhiculés par se manifeste, la transmission des germes se présume. La durée de l'atteinte n'est donc pas décisive. En définitive, ce qui permet de départager l'infection "accidentelle" de troubles à répétition, c'est le caractère unique de l'atteinte, la lésion et la transmission des germes d'infections formant un tout. Par conséquent, le moment de l'"accident" remonte à l'époque où survient la lésion due à la morsure de la tique en cause, cela bien que la maladie de Lyme ou l'encéphalite virale puissent se déclarer bien après.
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d) Toutes les caractéristiques de l'accident sont réalisées en cas de morsure de la tique du genre Ixodes. Or, la pratique des assureurs-accidents fondée sur la recommandation précitée du 10 avril 1990 de la Commission ad hoc Sinistres - LAA va dans ce sens. Elle est donc conforme à la loi et à la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances relativement ancienne concernant les infections "accidentelles". Il n'y a dès lors aucune raison pour que le juge des assurances sociales remette en cause cette pratique (ATF 114 V 318 consid. 5c).
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L'état de fait n'est pas contesté. Il s'ensuit que la recourante est atteinte d'une infection "accidentelle" au sens de la jurisprudence précitée. Au moment déterminant, elle était assurée contre les accidents auprès de l'intimée. Le jugement entrepris et la décision sur opposition doivent dès lors être annulés et la cause renvoyée à l'assureur-accidents pour qu'il prenne en charge le cas de la recourante et qu'il rende une nouvelle décision au sens des motifs.
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