BGE 140 V 304 | |||
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41. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause Fonds de secours patronal en faveur du personnel de A. SA en liquidation contre Hoirie de feu B. et consorts (recours en matière de droit public) |
9C_92/2014 du 24 juin 2014 | |
Regeste |
Art. 89a Abs. 6 Ziff. 6 und Ziff. 19 ZGB; Art. 52 und 73 Abs. 1 lit. c BVG; Verantwortlichkeitsklage gegen die Organe eines patronalen Wohlfahrtsfonds; sachliche Zuständigkeit. | |
Sachverhalt | |
A. Par acte authentique du 19 juin 1987, la société A. SA a constitué une fondation de droit suisse dénommée "Fonds de secours patronal en faveur du personnel de A. SA" (ci-après: la fondation). Celle-ci avait pour but d'apporter une aide aux membres du personnel de la fondatrice, éventuellement à leur famille, pour faire face aux conséquences économiques résultant de la vieillesse, de l'invalidité, de la maladie, des accidents, du chômage, du service militaire, de la détresse et du décès. Son conseil de fondation était composé de B. (qui est décédé en 2005) et D.
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Par décision du 24 juillet 2007, l'Autorité de surveillance des fondations du canton de Vaud a constaté la dissolution de la fondation et ordonné sa liquidation. Elle a également nommé la société E. SA, organe de révision de la fondation, en qualité de liquidatrice, avant de la démettre de cette fonction par décision du 24 novembre 2009.
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B. Par demande datée du 15 juin 2012, le Fonds de secours patronal en faveur du personnel de A. SA en liquidation a ouvert action contre l'hoirie de B., soit C., ainsi que contre D. et E. SA, devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales. Il a conclu à ce que les défendeurs, tous pris solidairement et conjointement, soient condamnés à lui payer la somme de 801'614 fr. 50 avec intérêts à 5 % à partir de la date de la demande, à titre de prestations versées indûment par les organes de la fondation à des tiers non bénéficiaires, d'intérêts et de frais de mandataires. Par jugement du 18 décembre 2013, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a décliné sa compétence et déclaré irrecevable la demande du 15 juin 2012.
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C. Le Fonds de secours patronal en faveur du personnel de A. SA en liquidation interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Sous suite de frais et dépens, il en demande la réforme en ce sens que la compétence de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois est donnée.
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L'hoirie de B., D. et E. SA concluent tous trois au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours.
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Extrait des considérants: | |
Erwägung 2 | |
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Erwägung 3 | |
3.1 Se fondant sur l'acte constitutif du 19 juin 1987 et les statuts du Fonds de secours patronal en faveur du personnel de A. SA, l'autorité judiciaire de première instance a constaté que le conseil de fondation disposait d'une totale liberté et d'une importante marge d'appréciation pour décider de la manière et du moment auquel les prestations devaient être accordées aux bénéficiaires, son pouvoir étant d'autant plus discrétionnaire qu'il n'existait pas de réglementation spécifique relative au mode ou au calcul de l'attribution des prestations. Le but de la fondation allait par ailleurs bien au-delà des cas de prévoyance prévus par la LPP, puisqu'il concernait outre la vieillesse, l'invalidité et le décès, également la maladie, le chômage, le service militaire et la détresse. Quant au financement des prestations, dont l'octroi se faisait de manière discrétionnaire, examinées au cas par cas sans que les bénéficiaires ne pussent déduire un droit à celles-ci, il reposait sur des versements de la fondatrice ou de tiers, à l'exclusion absolue de toute contribution des bénéficiaires. Les premiers juges en ont déduit que le recourant était une fondation de nature purement patrimoniale au sens du CC. Se référant à l' ATF 138 V 346, dont ils ont tiré que les fondations purement patrimoniales au sens des art. 80 ss CC n'entraient pas dans le champ d'application de l'art. 89a al. 6 CC, ils ont en conséquence nié leur compétence et conclu que la cause qui leur était soumise ressortissait aux tribunaux ordinaires, soit à la Chambre patrimoniale cantonale.
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Erwägung 3.2 | |
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3.2.2 Le recourant fait valoir que la juridiction cantonale se serait livrée à une "lecture incomplète et subjective" de l' ATF 138 V 346. Selon lui, la compétence des tribunaux des assurances sociales est donnée en l'occurrence, parce que la fondation ne constitue pas une "pure fondation de fortune au sens de l'art. 80 à 89 CC" en raison du lien entre ses prestations et des prestations de prévoyance. Par ailleurs, les tribunaux cantonaux en matière de prévoyance professionnelle seraient logiquement compétents pour se prononcer sur la violation des principes d'adéquation, d'égalité de traitement et de collectivité, ainsi que de planification (art. 1 al. 3 LPP et art. 1-1h de l'ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [OPP 2; RS 831.441.1]) qui n'auraient pas été respectés par les membres du conseil de fondation (même si l'ensemble de ces principes ne serait pas directement applicable aux fonds patronaux de bienfaisance).
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Erwägung 4 | |
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Dans l' ATF 138 V 346, le Tribunal fédéral a avant tout examiné si la liquidation partielle d'un fonds patronal de bienfaisance selon l'art. 53b LPP (auquel renvoie l'art. 89a al. 6 ch. 9 CC) est applicable par analogie à ce type de fondation, en répondant par l'affirmative à cette question. Il a cependant également retenu que le renvoi du ch. 19 aux règles sur le contentieux, singulièrement à l'art. 74 LPP (sur le recours contre les décisions de l'autorité chargée de surveiller les institutions de prévoyance et les institutions servant à la prévoyance devant le Tribunal administratif fédéral), est applicable aux fonds patronaux de bienfaisance, le lien étroit entre ceux-ci et la prévoyance professionnelle étant déterminant pour l'examen juridique de l'admissibilité et de l'adéquation des mesures. Ce nonobstant, le Tribunal fédéral a précisé que, comme jusqu'alors et conformément à la jurisprudence maintenue après l'entrée en vigueur de la 1re révision de la LPP, les tribunaux cantonaux en matière de prévoyance professionnelle ne sont pas compétents pour les contestations avec des fonds patronaux de bienfaisance qui allouent des prestations purement discrétionnaires, c'est-à-dire des prestations ne relevant pas d'une obligation juridique, et dont le financement ne repose pas sur les contributions des destinataires. Sous cet angle, les fonds patronaux de bienfaisance correspondent à de pures fondations patrimoniales au sens des art. 80 à 89 CC. Dans cette mesure, la 1re révision de la LPP n'a en principe apporté aucune nouveauté (ATF 138 V 346 consid. 4.6 p. 355). Si deux arrêts ultérieurs (ATF 138 V 420 consid. 2 p. 422 et 502 consid. 6.1 p. 507) mentionnent de façon générale l'application par analogie des dispositions de la prévoyance professionnelle sur les voies de droit (art. 89bis al. 6 ch. 19 CC qui renvoie aux art. 73 et 74 LPP) aux fonds patronaux de bienfaisance, il n'en demeure pas moins que le Tribunal fédéral a mis en évidence - par le renvoi explicite au consid. 4.2 de l' ATF 138 V 346 - la nécessité de faire une différence, sous l'angle de la compétence du juge, entre les contestations en matière de surveillance et d'autres "contestations avec des fonds patronaux de bienfaisance".
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4.2.1 Selon l'art. 52 al. 1 LPP, les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle de l'institution de prévoyance répondent du dommage qu'elles lui causent intentionnellement ou par négligence; une négligence même légère suffit (ATF 128 V 124 consid. 4e p. 132). Cette norme de responsabilité, qui est applicable indépendamment de la forme juridique de l'institution de prévoyance (art. 48 al. 2 LPP), accorde à l'institution de prévoyance lésée un droit direct à l'encontre des organes, formels ou de fait, de l'institution de prévoyance (ATF 128 V 124 consid. 4a p. 127). Le point de savoir si un organe a manqué fautivement à ses devoirs dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'institution (ATF 108 V 199 consid. 3a p. 202). Les attributions d'un organe peuvent découler de la loi et de ses ordonnances d'exécution, de l'acte de fondation et de ses règlements, des décisions du conseil de fondation, d'un rapport contractuel ou encore des directives de l'autorité de surveillance (ATF 128 V 124 consid. 4d p. 129).
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Dès lors que les règles sur l'administration de la fortune s'appliquent par analogie aux fonds patronaux de prévoyance et que les organes de ceux-ci sont donc tenus de respecter (par analogie) des prescriptions de la prévoyance professionnelle en la matière, il se justifie de leur appliquer également par analogie, par le renvoi de l'art. 89a al. 6 ch. 6 CC, l'art. 52 LPP en matière de responsabilité (HANS MICHAEL RIEMER, Die patronalen Wohlfahrtsfonds nach der 1. BVG-Revision, RSAS 2007 p. 552; cf. aussi RUGGLI-WÜEST, op. cit., p. 168). Cette règle de la LPP n'apparaît par ailleurs pas incompatible avec le caractère de ces fondations. On relèvera en outre que c'est aussi la solution proposée par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national relative à l'initiative parlementaire "Permettre aux fonds de bienfaisance de jouer leur rôle" (11.457). Cette commission s'est en effet prononcée en faveur de l'introduction d'un nouvel art. 89a al. 7 CC, qui prévoit que (notamment) les fonds patronaux de prévoyance à prestations discrétionnaires sont régis par les dispositions de la LPP sur (notamment) la responsabilité (art. 52 LPP; art. 89a al. 7 ch. 5 AP-CC; avant-projet et rapport explicatif de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 24 mai 2013, p. 11 s., ch. 3.2.4, http://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/ind2013.html#CP [consulté le 14 avril 2014], cf. aussi FF 2013 3425).
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On peut certes imaginer qu'un demandeur intente une action en responsabilité à l'encontre d'une fondation patronale de bienfaisance en vertu de l'art. 52 LPP, mais invoque uniquement la violation de règles de nature patrimoniale, par exemple un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation. Même si dans une telle situation la compétence du tribunal civil pourrait entrer en considération, il y a lieu d'attribuer de manière générale les litiges en matière de responsabilité fondée sur l'art. 52 LPP aux tribunaux de la prévoyance professionnelle, sans distinguer quant à la nature (de droit civil ou de droitadministratif) des prescriptions dont la violation entre effectivementen ligne de compte (violation de principes du droit de la prévoyanceprofessionnelle s'appliquant aussi aux fondations patronales de bienfaisance ou violation de seuls principes de nature patrimoniale). Une telle distinction est en effet difficilement praticable, au regard notamment des cas dans lesquels ces deux types de violations seraient invoqués en même temps.
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Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé par le passé que la voie d'une action judiciaire en général et d'une demande en justice au sens de l'art. 73 LPP en particulier était exclue lorsqu'il s'agissait de l'allocation par un fonds patronal de bienfaisance de pures prestations discrétionnaires à un destinataire, en fonction du seul pouvoir d'appréciation ("Ermessen") du conseil de fondation. En conséquence, seule la voie du recours à l'autorité de surveillance était ouverte au bénéficiaire. Lorsque la contestation portait sur la restitution par le bénéficiaire de prestations discrétionnaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 16/93 du 10 août 1994, in RSAS 1995 p. 389), ou sur l'allocation de prestations discrétionnaires en vertu d'une décision du conseil de fondation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 29/97 du 26 février 1999, in RSAS 2001 p. 190) ou d'une convention complémentaire conclue par le conseil de fondation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 81/00 du 8 août 2001, in RSAS 2003 p. 441), le juge civil - et non le tribunal cantonal des assurances sociales au sens de l'art. 73 LPP - était compétent pour en connaître. Il ne s'agissait en effet pas d'une contestation entre une institution de prévoyance active dans le domaine de la prévoyance professionnelle au sens étroit (soit qui assure, en dehors du domaine obligatoire, les risques vieillesse, décès et invalidité) et un ayant droit au sens de l'art. 73 LPP.
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Dans l' ATF 130 V 80, le Tribunal fédéral a retenu que la compétence des tribunaux des assurances sociales est donnée tant que la prestation relevant de la libre appréciation forme un tout avec une prestation de la prévoyance professionnelle pour laquelle il existe un droit et qui relève, en cas de contestation de la procédure prévue par l'art. 73 LPP. Etait en cause la compensation du renchérissement (à laquelle ni la loi ni le règlement de l'institution ne donnaient droit) pour des rentes de vieillesse en cours qui avait une influence directe sur le montant de celles-ci. Le Tribunal fédéral a relevé que cette précision relative à la voie de droit pour des prestations discrétionnaires se rapportait aux institutions pratiquant la prévoyance professionnelle au sens étroit et large, avec un caractère d'assurance, dont faisaient notamment partie les fondations de prévoyance de droit privé qui garantissaient à leurs destinataires des droits à des prestations (d'assurance) lors de la réalisation des risques assurés, mais pas seulement des prestations discrétionnaires. Dans cette mesure, la précision était conforme à la jurisprudence selon laquelle les tribunaux de la prévoyance professionnelle n'étaient pas compétents pour les litiges relatifs à de pures prestations discrétionnaires allouées par les fonds patronaux de bienfaisance (ATF 130 V 80 consid. 3.3.3 p. 85).
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4.4.2 Le présent litige, on l'a vu (consid. 4.2 supra), n'a pas trait à l'octroi ou aux modalités d'octroi de prestations discrétionnaires à un bénéficiaire et n'oppose pas celui-ci à la fondation attribuant ces prestations, comme dans les exemples précités. Il ne s'agit donc pas d'une "contestation avec des fonds patronaux de bienfaisance" au sens où l'entend la jurisprudence. A cet égard, le point de savoir si dans le futur la compétence des tribunaux civils continuera à jouer un rôle (consid. 4.2.2 supra et avant-projet cité) peut rester indécise à ce stade.
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