BGer 1P.58/2000 | |||
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BGer 1P.58/2000 vom 20.06.2000 | |
[AZA 0]
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1P.58/2000/odi
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Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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20 juin 2000
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Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
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Catenazzi et Favre. Greffier: M. Parmelin.
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Statuant sur le recours de droit public
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formé par
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X.D.________, représentée par Me Daniel Landry, avocat à Neuchâtel,
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contre
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l'arrêt rendu le 9 mars 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppose la recourante au Ministère public du canton de N e u c h â t e l;
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(procédure pénale; appréciation des preuves;
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maxime "in dubio pro reo")
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- Le mercredi 4 juin 1997, vers 01h20, un incendie a partiellement détruit la façade nord et le pan nord de la toiture de la villa occupée par les époux D.________ et leurs deux enfants, à O.________. L'alarme a été donnée par la voisine, G.________, qui a déclaré avoir entendu un bruit sourd suivi d'un crépitement avant de voir des étincelles, puis des flammes en provenance du tas de bois empilé contre la paroi nord de la villa. G.________ a immédiatement téléphoné à sa voisine alors que son mari alertait les pompiers.
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L'origine criminelle du sinistre a été établie, le feu ayant été intentionnellement bouté à des sacs de "pives" qui ont enflammé les stères de bois entassés contre la paroi susmentionnée. Interrogée à ce sujet, X.D.________, qui était seule dans la maison avec ses deux enfants, a déclaré avoir reçu un appel téléphonique anonyme le même soir à minuit.
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Elle a par ailleurs affirmé avoir fait l'objet, depuis 1994, de plusieurs menaces de mort par téléphone de la part du Front islamique du Salut, le dernier appel ayant eu lieu environ six mois auparavant.
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Le 6 juin 1997, les pompiers ont dû intervenir à deux reprises au domicile des époux D.________, la première fois vers 12h30 pour maîtriser un début d'incendie dû à une obstruction du tuyau d'évacuation de la hotte de ventilation, consécutive au premier incendie, la seconde fois aux environs de 16h30, pour circonscrire un sinistre qui s'était déclaré dans un débarras sis au premier étage de la villa et qui a endommagé le pan sud du toit.
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X.D.________ a indiqué s'être rendue en début d'après-midi avec son mari à Fontainemelon pour visiter un appartement afin d'y loger pendant la durée des travaux de rénovation de leur maison. Celui-ci l'a raccompagnée à O.________ à 15h30 avant de regagner son bureau. Après le départ des ouvriers de l'entreprise chargée d'effectuer le nettoyage de la villa, vers 15h45, elle est montée au premier étage pour prendre des vêtements déposés dans le débarras.
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Ce dernier n'étant pas alimenté en électricité, elle s'est éclairée à l'aide d'une bougie qu'elle a déposée sur un petit meuble en bois qui se trouvait juste devant l'entrée.
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Elle venait de sortir deux sacs remplis d'habits et une corbeille à linge contenant des sous-vêtements et des chaussettes, lorsqu'elle a ressenti une crise cafard et a décidé de partir. Après avoir fermé la porte du local et éteint la bougie, elle a quitté la villa en compagnie de son fils cadet pour se rendre chez une amie, à La Joux-du-Plâne.
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Les pompiers ont été avertis vers 16h30 que la maison des époux D.________ était la proie des flammes.
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L'inspecteur de police chargé de l'enquête, Yves Kummer, a précisé avoir nourri des soupçons à l'encontre de X.D.________ à l'issue du troisième incendie parce qu'aucune trace de cire n'avait été retrouvée sur les lieux du sinistre et que le feu avait pris à environ 1,50 mètre du lieu où celle-là avait déclaré avoir posé la bougie; il a en outre indiqué qu'à partir de cet instant, ses rapports avec la prévenue avaient changé, que celle-ci était devenue agressive et tendue et qu'il n'était plus possible de discuter avec elle.
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X.D.________ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique de la part du Dr François Vuille, à Neuchâtel.
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Selon le rapport établi par ce praticien le 27 mai 1999, elle souffrirait d'un trouble délirant persistant, de nature à perturber ses capacités de jugement et de détermination par rapport à l'appréciation de la réalité.
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B.- Statuant sur la base de ces faits par jugement du 2 septembre 1999, le Tribunal correctionnel du district du Val-de-Ruz (ci-après, le Tribunal correctionnel) a reconnu X.D.________ coupable d'incendie intentionnel et l'a condamnée à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans.
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Par arrêt du 9 mars 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après, la cour cantonale) a rejeté le pourvoi en cassation formé par la condamnée contre ce jugement.
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C.- Agissant par la voie du recours de droit public, X.D.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle prononce son acquittement ou qu'elle transmette le dossier à l'autorité compétente pour ce faire et, le cas échéant, de prononcer son acquittement sans frais de justice.
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Le Ministère public du canton de Neuchâtel conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère à son arrêt.
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Considérant en droit :
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1.- a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts cités) ou pour invoquer la violation directe d'un droit constitutionnel (ATF 120 IV 113 consid. 1a p. 114). Au vu des arguments soulevés, seul le recours de droit public est ouvert en l'occurrence.
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b) La recourante est personnellement touchée par l'arrêt attaqué qui porte sur sa condamnation pénale; elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que ce jugement soit annulé et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Sous réserve des conclusions qui vont au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué et qui sont de ce fait irrecevables (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107; 125 II 86 consid. 5a p. 96; 124 I 327 consid. 4a p. 332 et les références citées), le présent recours répond au surplus aux exigences des art. 84 ss OJ.
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2.- a) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne substitue pas son appréciation à celle du juge du fond, même s'il considère, à la différence de celui-ci, qu'un certain doute est possible; il ne statue en effet que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e et 4b p. 38 et 40). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15 et les arrêts cités).
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La présomption d'innocence consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH se rapporte tant à l'appréciation des preuves qu'au fardeau de la preuve. Lorsque, comme en l'espèce, seule l'appréciation des preuves est critiquée en référence avec la présomption d'innocence, celle-ci n'a pas une portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire découlant de l'art. 9 Cst. également invoqué. La maxime "in dubio pro reo" est violée lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé; il ne doit pas s'agir de doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles parce qu'une certitude absolue ne peut être exigée (ATF 124 IV 86 consid. 2a p.
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87/88; 120 Ia 31 consid. 2e et 4b p. 38 et 40).
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b) En l'absence de preuves matérielles, les premiers juges ont admis la culpabilité de la recourante sur la base d'un faisceau d'indices issus du dossier de l'instruction, de l'audition de l'inspecteur de police chargé de l'enquête et de l'expertise psychiatrique de la prévenue effectuée par le Dr François Vuille.
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Les objections formulées par la recourante, dont le caractère appellatoire est difficilement compatible avec les exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495), n'autorisent pas à mettre en doute le verdict de culpabilité auquel sont parvenus les premiers juges. Ceux-ci ci pouvaient sans arbitraire retenir que l'absence du mari, le soir du premier incendie, avait facilité la commission du crime imputé à la recourante en donnant la possibilité à cette dernière de quitter la chambre à coucher sans risquer de se faire remarquer. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle elle aurait presque immanquablement été vue gagnant le nord de la villa avec des bidons d'essence si elle avait effectivement été l'auteur du premier sinistre est en contradiction avec les faits, puisque personne n'a remarqué l'incendiaire. Les premiers juges ont aussi vu un élément à charge dans le fait que la recourante avait déplacé le soir même du sinistre deux bâches en matière plastique qui se trouvaient sous les sacs de "pives" auxquels le feu a été bouté ou à proximité de ceux-ci et qu'elle avait commencé à sortir des objets de sa villa par la porte-fenêtre donnant du côté opposé au sinistre, sans avoir préalablement cherché à savoir où ce dernier s'était déclaré; ils ont également retenu un indice supplémentaire de culpabilité dans le fait que ni les menaces, dont la recourante aurait fait l'objet et ni le téléphone anonyme qu'elle aurait reçu à minuit le même soir, n'étaient établis, même si les recherches effectuées n'ont pas porté sur d'éventuels appels en provenance de l'étranger. Ces circonstances ne suffiraient certainement pas à elles seules à retenir que cette dernière était à l'origine du premier sinistre; en revanche, examinées dans leur ensemble, elles pouvaient fonder de manière soutenable un verdict de culpabilité.
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Le second incendie imputé à la recourante s'est déclaré dans un débarras sis au premier étage de la villa où celle-ci s'était rendue peu auparavant pour chercher des vêtements qui y étaient entreposés depuis le premier sinistre.
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Elle a déclaré s'être éclairée à l'aide d'une bougie qu'elle aurait toutefois éteinte avant de partir. Les premiers juges n'ont pas tenus ces explications pour crédibles parce que les enquêteurs n'ont retrouvé aucune trace de cette bougie, alors qu'elle aurait mesuré dix centimètres de hauteur et sept à huit centimètres de diamètre, ni aucun résidu de cire dans les décombres; le feu ayant pris à 1,50 mètre de l'endroit où la chandelle aurait été posée, cette dernière n'aurait pas pu être à l'origine du sinistre. La recourante se borne à réaffirmer s'être éclairée d'une bougie sans chercher à démontrer en quoi les motifs retenus pour écarter ses allégations seraient arbitraires. Sur ce point, le recours ne répond manifestement pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Le fait que le sinistre se soit déclaré peu après qu'elle ait quitté la maison avec son plus jeune fils tend à affaiblir l'éventualité qu'un tiers se soit introduit dans la maison pour bouter le feu précisément dans la pièce qu'elle venait de quitter. Compte tenu enfin des troubles psychiques dont souffre la recourante, les premiers juges pouvaient sans arbitraire voir dans le fait qu'elle venait d'apprendre, peu de temps avant le premier incendie, qu'elle resterait définitivement à O.________ dans un voisinage qui lui est hostile, un élément permettant d'expliquer les raisons de ses actes.
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c) En définitive, la recourante ne parvient pas à démontrer qu'un examen objectif de l'ensemble des éléments de la cause aurait dû inciter les premiers juges à douter de sa culpabilité, ni, partant, que ces derniers auraient violé sous cet angle la maxime "in dubio pro reo" en rendant contre elle un jugement de condamnation, ni enfin que la cour cantonale aurait elle-même violé ce principe en confirmant ce jugement.
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3.- Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. L'émolument judiciaire doit être mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral :
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1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable;
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2. Met à la charge de la recourante un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
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3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et au Ministère public de la République et canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 20 juin 2000PMN
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Au nom de la Ie Cour de droit public
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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Le Greffier,
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