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Informationen zum Dokument  BGer 1P.17/2000  Materielle Begründung
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BGer 1P.17/2000 vom 03.07.2000
 
[AZA 0]
 
1P.17/2000
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
3 juillet 2000
 
Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
 
Jacot-Guillarmod et Favre. Greffier: M. Thélin.
 
___________
 
Statuant sur le recours de droit public
 
formé par
 
A.________ , représenté par Me Henri Carron, avocat à Monthey,
 
contre
 
le jugement rendu le 25 novembre 1999 par la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais;
 
(taxation des dépens)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Le 2 décembre 1992, le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais a ouvert une enquête contre A.________, prévenu de diverses infractions commises dans le cadre du commerce de vins qu'il exploite à B.________. A.________ a immédiatement mandaté, pour sa défense, l'avocat Henri Carron. Il a subi une arrestation d'une heure et quart le 12 novembre 1992. A la clôture de l'enquête, le prévenu a été renvoyé devant le Tribunal du IIIe arrondissement pour le district de Martigny; l'acte d'accusation lui imputait la falsification de marchandises, la mise en circulation de marchandises falsifiées, l'escroquerie et la contravention à de nombreuses dispositions de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et le commerce des vins.
 
A l'audience du 27 juin 1996, le Tribunal d'arrondissement a interrogé plusieurs témoins. Au terme de son réquisitoire, la représentante du Ministère public a abandonné l'accusation d'escroquerie; elle a requis les peines de cinq jours d'emprisonnement, avec sursis, et de 5'000 fr. d'amende.
 
Dans son jugement, le Tribunal d'arrondissement a écarté certaines des autres accusations élevées contre le prévenu, soit en raison de la prescription, soit parce que l'infraction n'était pas réalisée. Il a néanmoins reconnu A.________ coupable de falsification de marchandises et de violation de la législation sur les denrées alimentaires, et l'a condamné à une amende de 2'000 fr.
 
Le condamné a appelé de ce prononcé et a conclu à son acquittement. Sans débats, par jugement du 25 novembre 1999, la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal a constaté que l'action pénale était éteinte en raison de la prescription.
 
La cour a mis les frais à la charge de l'Etat et a alloué, à la charge de celui-ci, 4'100 fr. à l'appelant à titre de dépens. Il ressort du jugement que cette somme comprend 200 fr. pour les débours du défenseur et 3'900 fr.
 
pour ses honoraires, soit 1'680 fr. pour la procédure devant le Juge d'instruction, 1'620 fr. pour celle devant le Tribunal d'arrondissement et 600 fr. pour la déclaration d'appel.
 
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler le prononcé de la Cour d'appel relatif aux dépens, qu'il tient pour arbitrairement sous-évalués au regard des prestations de son défenseur.
 
Invitée à répondre au recours, la Cour d'appel propose son rejet.
 
Considérant en droit :
 
1.- Selon la jurisprudence relative aux art. 4 aCst. ou 9 Cst. , le prévenu qui obtient gain de cause à l'issue du procès pénal, notamment à l'issue d'une procédure de recours, n'a droit à une indemnité destinée à couvrir ses frais de défense ou d'autres préjudices causés par le procès, à la charge du fisc, que dans la mesure où le droit du canton concerné le prévoit (ATF 105 Ia 137 consid. 2bp. 128; voir aussi l'arrêt du 12 novembre 1997 dans la cause M., SJ 1998 p. 333, consid. 1). Le prévenu est alors protégé contre une application arbitraire des dispositions cantonales pertinentes. Dans les limites fixées par celles-ci, le magistrat compétent jouit d'un large pouvoir d'appréciation.
 
Il lui appartient d'évaluer les frais de défense selon la difficulté de l'affaire, sa valeur litigieuse, le travail qu'elle a exigé et le résultat obtenu, l'expérience de l'avocat et les frais généraux qu'il supporte. Le coût de la vie et la situation financière du client doivent aussi être pris en considération. Des opérations superflues, dépassant le travail effectivement utile, peuvent être éliminées (cf.
 
ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c, avec références détaillées, concernant l'indemnisation du défenseur d'office; voir aussi ATF 122 I 322 consid. 3b p. 325).
 
En procédure pénale valaisanne, la décision par laquelle les frais sont mis à la charge du fisc entraîne, pour l'Etat, l'obligation de payer aussi les dépens, au tarif ordinaire de l'avocat du prévenu; il incombe à l'avocat de faire valoir les débours et dépens sous la forme d'un décompte (art. 210 CPP val. , dans sa teneur modifiée par l'art. 46 ch. 1 de la loi fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires et administratives, ci-après LTar, du 14 mai 1998). Les dépens correspondent essentiellement aux frais d'avocat, c'est-à-dire aux débours et honoraires de ce conseil (art. 3 al. 1 et 3 LTar). Les honoraires sont fixés entre le minimum et le maximum prévus par la loi, TVA comprise, d'après la nature et l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail, le temps utilement consacré par l'avocat et la situation financière de la partie (art. 26 al. 1 et 3 LTar). Dans des circonstances particulières, les honoraires peuvent être taxés au-dessus ou, au contraire, au-dessous des limites légales (art. 28 al. 1 et 2 LTar). Les honoraires sont ainsi compris, en principe, entre 500 et 5'000 fr. pour la procédure devant le Juge d'instruction, 1'000 et 8'000 fr. pour la procédure devant le Tribunal d'arrondissement en première instance et, également, 1'000 et 8'000 fr. pour l'appel au Tribunal cantonal (art. 36 let. d, f et i LTar). Ces dispositions de la loi du 14 mai 1998 sont applicables aussi aux procédures pendantes lors de son entrée en vigueur (art. 47 al. 2 LTar).
 
2.- a) Le montant de 1'680 fr. alloué pour l'enquête semble correspondre, globalement, aux prestations objectivement nécessaires à la défense du prévenu à ce stade du procès.
 
Par contre, on constate que la somme de 1'620 fr., pour les débats principaux devant le Tribunal d'arrondissement, y compris leur préparation, est très proche de la limite inférieure du tarif (1'000 fr.). Or, selon le jugement attaqué, la cause présentait des difficultés "ordinaires" et les débats ont duré près de trois heures; de plus, la défense a obtenu un résultat notablement plus favorable que celui requis par le Ministère public. Les faits portaient sur des livraisons de vins pour plusieurs centaines de milliers de francs, dans le cadre d'un commerce dont le chiffre d'affaires annuel avoisine dix millions de francs, de sorte que, au moins indirectement, des intérêts commerciaux importants étaient en jeu. Certes, l'affaire semble peu importante du point de vue des peines qui entraient effectivement en considération, d'après les réquisitions du Ministère public, et on peut s'étonner que le prévenu n'ait pas été renvoyé devant le Juge de district, qui aurait été compétent selon l'art. 12 ch. 2 CPP val. , plutôt que devant le Tribunal d'arrondissement. Le prévenu n'avait cependant aucune influence sur ce choix du Juge d'instruction, et il n'a donc pas à tolérer une sous-estimation de ses frais de défense, même si la limite inférieure du tarif pertinent se trouve respectée. En l'occurrence, au regard de ce tarif, les honoraires auraient sans doute dû, raisonnablement, être évalués à un montant de l'ordre de 4'000 à 5'000 fr.
 
Le montant de 600 fr. accordé pour la procédure d'appel est inférieur au minimum du tarif. Il faut dès lors examiner s'il existerait une "disproportion manifeste", au sens de l'art. 28 al. 2 LTar, entre une rétribution correspondant à ce minimum et le travail effectif du défenseur. Or, d'après le jugement attaqué, ce conseil a déposé une déclaration d'appel "fouillée"; la pertinence de son contenu n'est pas mise en doute, de sorte que, contrairement à l'opinion des juges intimés, il importe peu que cette écriture ait repris des éléments d'un autre mémoire. L'appel a d'ailleurs abouti, certes en raison de la prescription, à l'acquittement complet du prévenu. Dans ces conditions, il apparaît incongru de taxer les honoraires en deçà du minimum.
 
b) A l'appui du recours de droit public, sur la base du décompte que son avocat avait produit en instance cantonale conformément à l'art. 210 CPP val. , le recourant soutient que son conseil a consacré, en tout, environ trente-sept heures à sa défense. Même s'il fallait admettre que cette activité puisse être réduite à trente heures utiles à la cause, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué, et moins encore établi par les juges intimés, le montant de 3'900 fr. effectivement alloué ne correspondrait encore qu'à une rétribution horaire de 130 fr. Ce taux n'a aucun rapport avec le tarif ordinaire qu'un avocat peut appliquer dans une cause pénale liée à une activité commerciale importante, de sorte que, de ce point de vue également, il apparaît que le tarif a été appliqué de façon arbitraire, avec cette conséquence que les dépens alloués ne constitueront pas une couverture adéquate des frais réellement supportés par le recourant.
 
3.- Le recours se révèle fondé et doit donc être admis; le recourant qui obtient gain de cause a droit à des dépens à la charge du canton du Valais.
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Admet le recours et annule le jugement attaqué en tant que ce prononcé arrête les dépens d'instance cantonale à 4'100 fr.
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
3. Dit que le canton du Valais versera une indemnité de 1'000 fr. au recourant à titre de dépens pour la procédure du recours de droit public.
 
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
 
__________
 
Lausanne, le 3 juillet 2000 THE/mnv
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
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