BGer 4C.186/2001 | |||
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BGer 4C.186/2001 vom 05.11.2001 | |
[AZA 0/2]
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4C.186/2001
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Ie COUR CIVILE
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5 novembre 2001
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Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
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M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
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Greffier: M. Ramelet.
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__________
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Dans la cause civile pendante
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entre
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Dame S.________, demanderesse et recourante, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
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et
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X.________, défenderesse et intimée, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à Genève;
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(actes illicites; faute concomitante)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- a) Dame S.________, ressortissante des Etats-Unis d'Amérique née le 1er janvier 1946, souffre d'une quadriplégie fonctionnelle partielle résultant d'un accident de la route dont elle a été victime en 1975, ce qui la contraint à se déplacer la plupart du temps en chaise roulante. Elle représente plusieurs associations d'handicapés (O.N.G.), milite en faveur des handicapés et participe aux sessions de la Sous-commission des Nations-Unies pour la prévention de la discrimination et pour la protection des minorités (ci-après:
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la Sous-commission).
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Au printemps et en été 1991, des sessions de la Sous-commission se sont tenues dans le bâtiment E du Palais des Nations, à Genève; des parkings et un trottoir sont aménagés devant les portes d'entrée nos 39, 40 et 41 de l'immeuble.
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Dame S.________ est venue des Etats-Unis pour assister à certaines des séances de la Sous-commission. Une thrombophlébite aiguë du membre inférieur gauche la contraignait à cette époque à utiliser une chaise roulante.
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En été 1991, la société X.________ S.A. (ci-après: X.________) avait entrepris de refaire le bitume du trottoir donnant sur la porte no 41. Devant cette entrée se trouvait une rampe d'accès de 2 mètres de large marquée au sol d'un signe "Handicapés" (art. 65 al. 5 OSR, ch. 5.14 annexe 2 OSR), destinée à faciliter le passage des personnes atteintes d'un handicap entre le trottoir susmentionné et la voie publique.
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Dans le cadre des travaux de construction en question, X.________ avait creusé, sur toute la longueur du trottoir, perpendiculairement à la rampe d'accès sur laquelle elle empiétait, une tranchée d'une profondeur de 10 cm et d'une largeur d'un mètre environ. Pour permettre le franchissement de la tranchée, X.________ a placé au-dessus de celle-ci deux planches en bois reposant d'une part sur la rampe, d'autre part sur le trottoir; ces dernières, d'une épaisseur de 27 mm et d'une largeur d'un mètre au total, n'étaient pas fixées entre elles. Un caniveau de drainage, d'une profondeur de 10 cm et d'une largeur qui n'atteignait pas 20 cm, partait de la tranchée et longeait la rampe d'accès sur son côté gauche en regardant la chaussée depuis le trottoir. Un renfoncement se trouvait au bout de la rampe, le long de la chaussée; sa longueur, à partir du bord droit du caniveau selon l'angle de vue décrit ci-dessus, n'excédait guère 45 cm, sa largeur était d'environ 10 cm et sa profondeur était également de l'ordre de 10 cm.
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En regardant la chaussée, la distance séparant le bord gauche des planches, reposant sur la rampe d'accès, du canal d'écoulement latéral était inférieure à 40 cm.
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Comme l'espace entre l'extrémité des planches posée sur cette rampe et le renfoncement, à gauche en descendant, était d'environ un mètre et qu'une longueur de l'ordre de 135 cm, au débouché de la rampe sur la chaussée, était restée libre d'anfractuosités, une zone d'un mètre de diamètre sur la rampe d'accès ne présentait pas de cavités.
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Toutes les anfractuosités entourant le passage litigieux, soit la tranchée longeant le trottoir perpendiculairement à la rampe d'accès, le canal d'écoulement bordant la rampe et le petit renfoncement à la jonction de la rampe et de la chaussée, résultaient des travaux effectués par X.________.
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A la suite d'un accident survenu sur ce chantier, dame S.________, qui avait emprunté ce passage les 6 mai et 15 août 1991, sans rencontrer de problème, avait attiré l'attention du Service de la sécurité du Palais des Nations sur son caractère dangereux et sur la difficulté qu'il y avait pour les handicapés de l'utiliser.
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La disposition des lieux était telle que l'ensemble des excavations opérées par X.________ étaient clairement visibles avant d'emprunter le passage pour handicapés en cause.
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b) Le 27 août 1991, dame S.________ a quitté le Palais des Nations par la porte no 41, qui était la plus proche de la salle où s'était tenue la réunion à laquelle elle avait pris part; elle était accompagnée de sa mère, née en 1921 (art. 64 al. 2 OJ), qui portait à la main un sac et deux béquilles, du délégué du Mexique et de ressortissants japonais.
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Ayant indiqué à sa mère que le passage aménagé pour atteindre la chaussée était dangereux, l'intéressée, sans requérir une aide extérieure, a retourné son fauteuil, dont la largeur était de 57 cm, et s'est engagée lentement, en marche arrière, sur les planches en bois posées sur la tranchée. Après avoir franchi lesdites planches, dame S.________ est parvenue sur la rampe d'accès. Elle a ensuite entrepris une manoeuvre de retournement de son fauteuil, au cours de laquelle une roue arrière de l'engin s'est prise dans le renfoncement situé entre la rampe et la chaussée. La chaise roulante a alors basculé en arrière, entraînant la chute de dame S.________, dont la tête a heurté le sol.
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c) Par demande déposée le 7 février 1994, dame S.________ a ouvert action contre X.________ devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant au paiement de 90 000 fr. en capital.
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La défenderesse s'est opposée à la demande.
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De nombreuses enquêtes ont été ordonnées, la procédure donnant lieu à plusieurs incidents.
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Le 20 mai 1996, la demanderesse a déposé des conclusions sur faits nouveaux, en raison de l'évolution de sa santé depuis l'accident, et a conclu au versement de 19 862 fr. 40 plus intérêts à 5% dès le 10 juin 1993 ainsi que de 300 000 US $, avec intérêts à 5% dès le 10 juin 1993 sur 32 460 US $ et dès le 21 mars 1996 sur 267 540 US $.
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Lors d'une audience tenue le 2 décembre 1996, il a été discuté de la suggestion du Tribunal de première instance de prononcer un jugement sur partie limité à la question de la responsabilité, le dommage ne devant être abordé que dans le cas de l'admission de celle-ci; les conseils des parties ont déclaré s'en rapporter à justice quant à une décision partielle.
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Par jugement du 14 mai 1998, le Tribunal de première instance a tout d'abord admis qu'il se justifiait de limiter, dans un premier temps, l'instruction à la seule question de la responsabilité encourue par la défenderesse, le problème de l'étendue du préjudice pouvant être réservé. Cela fait, il a considéré qu'en omettant de prendre des mesures particulières de sécurité, qui s'imposaient en raison du caractère dangereux des excavations empiétant sur la rampe d'accès destinée aux handicapés, X.________ a commis un acte illicite.
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Néanmoins, elle a relevé que le comportement fautif de la demanderesse, laquelle, bien que consciente du danger de la traversée incriminée, a négligé de prendre des précautions élémentaires, avait entraîné la rupture du lien de causalité entre l'acte illicite imputable à X.________ et le dommage allégué. Le Tribunal a fait grief à la demanderesse de n'avoir pas requis de l'aide et de n'avoir pas passé par la porte no 50, qui était un chemin sans danger lui permettant de rejoindre le taxi dont elle avait besoin. Il a en conséquence entièrement débouté la demanderesse et a mis à sa charge les dépens, par 15 000 fr.
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B.- La demanderesse a appelé de ce jugement. Reprochant aux premiers juges d'avoir omis plusieurs faits pertinents et violé les art. 44 al. 1 CO et 6 par. 1 CEDH (durée excessive de la procédure), elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance afin que, après admission de la responsabilité exclusive de X.________, le dommage soit fixé.
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Par arrêt du 8 octobre 1999, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement critiqué et condamnéla demanderesse aux dépens d'appel comprenant une indemnité de procédure de 8000 fr. Elle a retenu en substance que la responsabilité de X.________ était engagée en raison de l'état de fait dangereux qu'elle avait créé, sans prendre de mesures de sécurité idoines. La Cour de justice a constaté qu'une sortie différente de celle empruntée par la demanderesse existait, soit la porte no 50 qui était munie d'une rampe fixe, et qu'il doit être tenu pour déraisonnable que dame S.________ n'ait pas tout fait pour éviter la sortie par la porte no 41 et chercher une autre issue. Pour les juges cantonaux, c'est le comportement de la demanderesse qui est la cause de sa chute. Elle s'est engagée sur le passage pour handicapés sans requérir aucune aide alors qu'elle était consciente du danger et a effectué une manoeuvre risquée avec son fauteuil. La demanderesse a ainsi commis une faute concomitante manifeste, qui constitue un facteur d'exclusion de la responsabilité aquilienne de X.________.
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Saisi du recours en réforme exercé par dame S.________, le Tribunal fédéral, par arrêt du 11 avril 2000, a annulé d'office l'arrêt cantonal conformément à l'art. 52 OJ et retourné la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il a considéré que les constatations de fait de l'arrêt déféré étaient contradictoires et insuffisantes quant au déroulement de l'accident, à l'auteur des différentes excavations, à la perception du risque que celles-ci représentaient et à la possibilité de se soustraire au danger créé, de sorte que la cause n'était pas en état d'être jugée.
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Après avoir ordonné un nouvel échange d'écritures, la Cour de justice genevoise, par arrêt du 27 avril 2001, a confirmé le jugement rendu le 14 mai 1998 par le Tribunal de première instance. Elle a considéré en bref qu'en dépit de l'état dangereux constitué par les anfractuosités du sol autour du passage litigieux dues aux travaux de la défenderesse, la demanderesse "a commis une faute concomitante manifeste en ne prenant pas, au moment de s'engager sur un passage, qu'elle qualifiait elle-même de dangereux, les mesures qui s'imposaient, soit, si elle voulait persister à emprunter ce cheminement, une précaution aussi élémentaire que celle qui consistait à se faire assister, voire simplement accompagner par un tiers, qui, en se tenant à côté de son fauteuil, aurait pu facilement lui signaler à temps que le trajet qu'elle suivait, en marche arrière, risquait de la conduire dans un renfoncement dangereux". Selon les magistrats genevois, cette faute concurrente fait apparaître comme inadéquate la relation de causalité entre le comportement fautif reproché à la défenderesse et le dommage subi par la demanderesse.
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C.- Dame S.________ saisit le Tribunal fédéral parallèlement d'un recours de droit public et d'un recours en réforme. Dans les conclusions de son recours en réforme, elle requiert, après annulation de l'arrêt attaqué, que la juridiction fédérale dise et constate que la défenderesse est entièrement responsable du préjudice subi par la demanderesse lors de l'accident survenu le 27 août 1991 et qu'il n'y a pas lieu de réduire les dommages-intérêts en raison d'une faute de la recourante, l'affaire étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Par décision du 31 juillet 2001, la Ie Cour civile du Tribunal fédéral a notamment admis la demande d'assistance judiciaire de la recourante pour la procédure de recours en réforme et lui a désigné Me Jean-Pierre Garbade comme avocat d'office.
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L'intimée propose le rejet du recours.
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Considérantendroit :
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1.- Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. La jurisprudence déroge toutefois à cet ordre de priorité dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public n'a aucune incidence sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1; 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1), ce qui sera notamment le cas lorsque le recours en réforme apparaît irrecevable (ATF 117 II 630 consid. 1a) ou, inversement, si le recours en réforme paraît devoir être admis même sur la base des constatations de fait retenues par l'autorité cantonale et critiquées dans le recours de droit public (ATF 120 Ia 377 consid. 1; 114 II 239 consid. 1b; 112 II 330 consid. 1), le cas échéant après rectification d'office d'une inadvertance manifeste. Dans ce dernier cas, le recours de droit public devient alors sans objet.
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Il en va de même lorsqu'une constatation de fait critiquée est dénuée de pertinence en droit (ATF 120 Ia 377 déjà cité). Il faut alors en débattre préjudiciellement dans l'examen du recours en réforme. Le recours de droit public peut perdre, dans cette mesure, son intérêt (ATF 112 II 337 consid. 1 p. 340; 85 II 580 consid. 2 p. 585). Il peut également arriver que telle constatation critiquée dans le recours de droit public, fût-elle arbitraire, n'est pas décisive et n'empêche point que la décision déférée repose sur d'autres faits qui entraînent le rejet du recours en réforme (ATF 117 II 630 consid. 1a in fine). Enfin, il convient de déroger à l'ordre de priorité précité lorsque le recourant, à l'appui de son recours de droit public, invoque une violation du droit fédéral qui pourrait être retenue dans l'examen du recours en réforme, de sorte que le premier recours perdrait son objet (ATF 107 II 499 consid. 1; 99 II 297 consid. 1).
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En l'espèce, il appert que le recours de droit public déposé parallèlement au présent recours est dirigé contre des constatations de fait qui ne sont pas décisives pour la solution du litige. En effet, il n'importe que l'axe des deux planches posées par la défenderesse ait été dirigé vers le renfoncement se trouvant au bout de la rampe d'accès, comme le voudrait la recourante, ou que cet axe ait eu une autre orientation, comme l'a retenu la cour cantonale dans l'arrêt critiqué, du moment que ce n'est pas au cours du déplacement de la demanderesse en marche arrière sur la rampe que le fauteuil s'est renversé, mais lorsque la recourante a entrepris de retourner l'engin après être arrivée au bas de la rampe. Il n'est pas non plus déterminant que lesdites planches aient été fixées ou non entre elles et sur le sol, puisque l'accident est survenu sur la rampe d'accès, soit après que la demanderesse a traversé l'obstacle constitué par les planches. Quant au moyen du recours de droit public consistant à reprocher à la Cour de justice d'avoir retenu qu'un tiers se tenant à côté de la chaise roulante aurait pu signaler à temps à la recourante que la trajectoire qu'elle suivait risquait de la conduire dans le renfoncement dangereux, il a trait à la question de la faute concomitante de la victime au sens de l'art. 44 al. 1 CO, laquelle est soulevée dans le recours en réforme. Enfin, l'autorité cantonale ne faisant désormais plus grief à la recourante de n'avoir pas cherché une autre issue que la porte no 41 pour quitter le bâtiment E, il est sans importance que les magistrats cantonaux n'aient pas donné suite à une offre de preuves de dame S.________ portant sur un fait - l'inexistence d'une autre voie de sortie adéquate pour les handicapés - qui n'exerce désormais plus aucune influence sur le sort du différend.
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Partant, en dérogation à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, le recours en réforme doit être examiné avant le recours de droit public.
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2.- a) Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
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Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
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Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier librement la qualification juridique des faits constatés (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
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b) La recourante n'a pas pris de conclusions chiffrées, mais a requis la juridiction fédérale d'annuler l'arrêt déféré et de dire que la défenderesse doit répondre entièrement du dommage qu'elle a subi, la cause étant retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
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Il est de jurisprudence que de telles conclusions sont admissibles au regard de l'art. 55 al. 1 let. b OJ lorsque le Tribunal fédéral, s'il admettait le recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond, en particulier faute d'un état de fait suffisant (cf. ATF 111 II 384 consid. 1 p. 386; 106 II 201 consid. 1 in fine; 103 II 267 consid. 1b p. 270).
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En l'espèce, la demanderesse s'en prend à l'arrêt attaqué, qui a nié que la défenderesse ait engagé sa responsabilité délictuelle lors des événements du 27 août 1991. Si le point de vue de la recourante devait être suivi et que le principe de la responsabilité aquilienne de l'intimée devait être admis, la Cour de céans ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle calcule le dommage de la victime, l'instruction n'ayant pas encore porté sur cette question. Les conclusions de la recourante sont donc admissibles.
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3.- Dans un premier moyen, la recourante soutient que les juges cantonaux ont violé l'art. 41 CO en considérant comme suffisantes les mesures de protection prises par la défenderesse pour parer à l'état de fait dangereux qu'elle avait créé. La Cour de justice aurait en outre inversé le fardeau de la preuve et transgressé l'art. 8 CC lorsqu'elle a affirmé qu'il n'a pas été établi que la distance entre l'extrémité des planches posées sur la rampe d'accès et le canal d'écoulement latéral était inférieure aux 40 cm allégués par la défenderesse. La demanderesse fait valoir à cet égard qu'il ne lui incombait pas d'apporter la preuve de l'inexactitude de l'allégué adverse, mais qu'il appartenait à l'intimée d'établir qu'il y avait un tel écartement entre le bord des planches et le caniveau de drainage.
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Il est constant que la défenderesse n'est susceptible de répondre du dommage subi par la demanderesse qu'en vertu de l'art. 41 CO. En effet, aucun contrat n'a été passé entre les parties. Et la défenderesse n'est propriétaire ni du parking ni du trottoir jouxtant le bâtiment E du Palais des Nations, ce qui exclut l'application de l'art. 58 CO.
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Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (art. 41 al. 1 CO). La responsabilité aquilienne instaurée par cette norme suppose que soient réalisées cumulativement quatre conditions, à savoir un acte illicite, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte fautif et le dommage (cf. notamment: Oftinger/Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, 5e éd., n. 102 ss, p. 44/45).
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In casu, la cour cantonale a nié le principe même de la responsabilité délictuelle de l'intimée, au motif que la demanderesse a commis une faute concomitante dont la gravité est telle qu'elle fait apparaître comme lointaine la cause dont répond la défenderesse. Il sied ainsi d'examiner si les conditions de la responsabilité subjective de l'intimée sont ou non réalisées, la question du dommage - dont l'existence ne paraît pas mise en cause - pouvant être laissée de côté, à défaut de toutes données factuelles.
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a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un acte est illicite s'il enfreint un devoir légal général en portant atteinte soit à un droit absolu du lésé (Erfolgsunrecht), soit à son patrimoine; dans ce dernier cas, la norme violée doit avoir pour but de protéger le lésé dans les droits atteints par l'acte incriminé (Verhaltensunrecht; ATF 124 III 297 consid. 5b; 123 III 306 consid. 4a; 119 II 127 consid. 3). Une omission ne peut constituer un acte illicite que s'il existait une obligation juridique d'agir (ATF 126 III 113 consid. 2a/aa). Celui qui crée un état de fait dangereux pour autrui doit prendre les mesures de précaution commandées par les circonstances pour éviter la survenance d'un accident. Cette obligation résulte directement du devoir général de respecter le droit à la vie et à l'intégrité corporelle, en tant que droit absolu (ATF 126 III 113 ibidem).
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Il résulte des constatations souveraines de l'arrêt attaqué que X.________ a créé devant l'entrée de la porte no 41 du bâtiment E du Palais des Nations un état de choses dangereux.
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La défenderesse a creusé, perpendiculairement à la rampe d'accès menant à cette entrée depuis la chaussée, une tranchée large d'un mètre et profonde de 10 cm, qu'elle a simplement recouverte de deux planches en bois pour en permettre le passage. Elle a encore percé un canal de drainage d'un peu moins de 20 cm de large et de 10 cm de profondeur, qui donnait sur la tranchée et longeait la rampe d'accès sur tout son côté gauche, du point de vue d'un observateur regardant la route depuis le trottoir. Enfin, elle a foré un renfoncement de quelque 45 cm de long sur 10 cm de large, d'une profondeur de 10 cm, à la jonction de la rampe d'accès en cause et de la voie publique
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Quand bien même ces différentes anfractuosités étaient visibles, le passage aurait indubitablement dû faire l'objet d'un aménagement particulier. Il était de fait destiné aux handicapés, comme l'indiquait le signe OSR 5.14 "Handicapés" peint sur la rampe. Ainsi, en particulier les personnes atteintes d'un handicap affectant leur motricité, à l'instar de la recourante, devaient se sentir en sécurité sur un tel passage, dont l'usage leur était de surcroît préconisé.
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Malgré cela, la défenderesse n'a pris aucune mesure destinée à protéger les tiers du danger qu'elle avait elle-même créé et qu'elle ne pouvait ignorer. Ce faisant, elle a clairement enfreint l'art. 32 al. 1 du Règlement genevois sur les chantiers, du 30 juillet 1958, qui dispose que toute excavation pouvant offrir un danger doit être couverte de façon sûre ou solidement clôturée.
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Pour avoir laissé subsister pendant plus de trois mois et demi - laps de temps qui s'est écoulé entre le premier passage de dame S.________, le 6 mai 1991, et le jour de l'accident, le 27 août 1991 - un état de choses dangereux qui a entraîné la survenance d'un accident ayant provoqué une atteinte au droit absolu de la demanderesse qu'est son intégrité corporelle, la défenderesse est l'auteur d'un acte illicite.
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b) La défenderesse aurait pu, très facilement et sans engager des frais disproportionnés, boucher le renfoncement précité, dont elle n'a du reste jamais prétendu qu'il avait une quelconque utilité pour le chantier. Si elle avait vraiment voulu conserver cette excavation, elle devait au moins construire une bordure de sécurité sur son pourtour.
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L'intimée a donc manqué à la diligence due et commis une faute par négligence au sens de l'art. 41 al. 1 CO (sur la notion de faute, cf. Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 461 ss).
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c) La cour cantonale, dans son arrêt du 8 octobre 1999, a admis implicitement, en se référant au jugement de première instance, que ces deux conditions spécifiques de la responsabilité aquilienne (l'illicéité et la faute) étaient réunies (cf. consid. 2 p. 16/17). La demanderesse a tort lorsqu'elle semble affirmer que l'arrêt déféré a remis ces points en cause, dès lors que les magistrats genevois n'ont pas discuté les conditions de la responsabilité subjective envisagée, mais ont retenu qu'il y avait en l'occurrence un facteur de suppression du droit à la réparation invoqué.
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Dans ces conditions, le grief pris d'une atteinte à l'art. 8 CC, tel que la demanderesse l'a formulé en appui à sa critique de violation de l'art. 41 CO, n'a pas d'objet.
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d) aa) Le dommage doit être la conséquence de l'acte illicite. Autrement dit, il doit exister un rapport de cause à effet, appelée causalité naturelle, entre l'acte illicite et le préjudice subi par le lésé. La causalité naturelle relève du fait, si bien qu'elle ne peut plus être discutée en instance de réforme (ATF 123 III 110 consid. 2; 116 II 305 consid. 2c/ee).
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En l'espèce, la cour cantonale a constaté qu'une roue du fauteuil roulant de la demanderesse a été bloquée dans le renfoncement qui séparait la rampe d'accès de la chaussée au moment où la recourante effectuait une manoeuvre de retournement et que la chaise a alors basculé, entraînant la chute de l'intéressée. L'autorité cantonale a encore admis que l'intimée est l'auteur de toutes les anfractuosités qui entouraient le passage litigieux, et en particulier dudit renfoncement. Il a ainsi été retenu en fait que la demanderesse n'aurait pas été victime d'un accident si la défenderesse n'avait pas creusé le renfoncement dans lequel une roue du fauteuil roulant s'est prise. La preuve de la causalité naturelle a été rapportée par la demanderesse, qui en avait le fardeau (art. 8 CC).
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bb) Lorsque la relation de causalité naturelle ainsi définie est reconnue, il convient de se demander si le fait générateur de responsabilité a le caractère d'une cause adéquate, à savoir si ce fait était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 123 III 110 consid. 3a et les références). Il s'agit là d'une question de droit (ATF 123 III 110 consid. 2; 116 II 519 consid. 4a p. 524).
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Dans le cas présent, il ne saurait être contesté qu'il existe un lien de causalité adéquate entre l'acte illicite commis par l'intimée et le préjudice dont a été victime la demanderesse. Il est en effet conforme à l'expérience de la vie et des choses que les diverses anfractuosités creusées par l'intimée sur la rampe d'accès donnant sur la porte no 41 étaient de nature à occasionner la chute d'une personne empruntant cette voie en fauteuil roulant.
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4.- La recourante prétend que les magistrats genevois ont transgressé l'art. 8 CC en rejetant ses conclusions subsidiaires tendant à prouver l'inexistence d'une sortie autre que celle par la porte no 41, qui serait appropriée pour les handicapés.
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La demanderesse n'a pourtant plus d'intérêt pratique à faire valoir ce moyen, puisque la Cour de justice ne prétend plus que la demanderesse aurait dû sortir par une autre issue (cf. , sur l'intérêt à recourir, ATF 127 III 429 consid. 1b).
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5.- L'autorité cantonale a certes reconnu que le comportement adopté en l'occurrence par la défenderesse était la cause adéquate du préjudice subi par la recourante. Mais elle a considéré que la demanderesse avait contribué à la naissance du préjudice en ne se faisant pas accompagner par un tiers lorsqu'elle a cherché à atteindre la voie publique depuis la porte no 41. Cette faute concurrente était d'une gravité telle, a poursuivi l'autorité cantonale, qu'elle a interrompu le lien de causalité adéquate précité, en sorte que la défenderesse devait être libérée.
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Sur ce point, la recourante fait grief aux magistrats genevois d'avoir violé l'art. 44 al. 1 CO. Elle allègue que c'est faire preuve d'un aveuglement terrible que de reprocher à une invalide en chaise roulante d'avoir franchi un passage destiné aux handicapés sans l'aide d'un tiers. La faute de la demanderesse, s'il y avait faute, serait légère par rapport à la faute énorme de X.________, qui a pris le risque inconsidéré de maintenir durant plusieurs semaines une rampe d'accès pour handicapés extrêmement dangereuse. La recourante soutient encore que la Cour de justice a violé l'art. 8 CC en admettant qu'une tierce personne aurait pu l'avertir à temps qu'elle suivait une trajectoire dangereuse, du moment que l'efficacité de l'assistance d'un tiers n'a même pas été alléguée par l'intimée.
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a) Selon l'art. 44 al. 1 CO, la faute concomitante de la victime est un facteur de réduction ou de suppression de la réparation du préjudice.
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La faute concurrente est un fait qui a contribué à créer le dommage. Elle suppose que le lésé ait adopté un comportement dont il y a lieu d'admettre qu'il connaissait ou aurait pu connaître le caractère dangereux (ATF 112 II 347 consid. 3b). La victime commet une faute concomitante si elle omet de prendre les mesures qui peuvent raisonnablement être prises pour empêcher la survenance du préjudice (ATF 107 Ib 155 consid. 2b). En d'autres termes, celui qui s'expose délibérément à un danger concret qu'il a reconnu ou aurait pu reconnaître, sans prendre les mesures de protection propres à y parer, s'expose par contrecoup à se voir reprocher une faute propre (ATF 104 II 184 consid. 3a; 97 II 221 consid. 6; cf., sur cette problématique, Honsell, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 3e éd., p. 99/100; Brehm, Commentaire bernois, n. 15 ad art. 44 CO; Schnyder, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 7 ad art. 44 CO).
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La faute propre du lésé peut rompre le lien de causalité adéquate si elle constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Il ne suffit pas que l'acte concurrent soit imprévisible; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, et notamment le comportement de l'auteur (ATF 127 III 453 consid. 5d; 123 III 306 consid. 5b p. 314; 122 IV 17 consid. 2c/bb et les arrêts cités). Pour faire apparaître inadéquate la relation de causalité entre le comportement de l'auteur et le dommage, la faute de la victime doit être si lourde et si déraisonnable que l'on ne pouvait compter avec sa survenance (ATF 116 II 519 consid. 4b; Schnyder, op. cit. , n. 21 ad art. 41 CO).
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b) Il convient donc d'analyser, au regard du déroulement des événements qui se sont passés le 27 août 1991 à l'extérieur du Palais des Nations, si la recourante, lorsqu'elle a emprunté avec son fauteuil roulant le passage pour handicapés aménagé devant la porte no 41, peut se voir reprocher une quelconque faute et, dans l'affirmative, si ce manquement aux règles de la prudence peut avoir interrompu le rapport de causalité adéquate entre le fait générateur de responsabilité et le dommage subi par la lésée.
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aa) La demanderesse a tout d'abord quitté le Palais des Nations par la porte qui était le plus près de la salle dans laquelle elle avait assisté à une réunion. Cette issue était de surcroît située devant le passage qui était recommandé aux personnes handicapées, sur lequel celles-ci pouvaient bien évidemment penser qu'elles étaient en sécurité.
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On ne voit pas là l'ombre d'un comportement imprudent.
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bb) Il est établi que la recourante, qui savait certes que le passage pour handicapés était difficile à aborder en raison des travaux réalisés par la défenderesse, a entrepris de le traverser sans requérir une aide extérieure. Il n'a pas été constaté qu'une aide adéquate, fournie par exemple par les services des Nations-Unies, était disponible le jour en question. Partant, la demanderesse ne pouvait raisonnablement compter que sur les personnes qui l'accompagnaient:
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il s'agissait de sa mère, du délégué du Mexique et de ressortissants japonais. La mère de la recourante avait toutefois 70 ans et portait à la main un sac et des béquilles. On cherche vainement de quelle manière cette personne âgée aurait pu apporter à sa fille une aide efficace. Quant aux autres accompagnants, il n'a pas été retenu comment ils auraient pu pratiquement aider la demanderesse dans son déplacement, et encore moins s'ils pouvaient communiquer avec celle-ci dans sa langue maternelle, qui est l'anglais.
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De toute manière, comme les planches avaient une largeur d'un mètre au total et que la chaise roulante occupée par la recourante était large de 57 cm, il ne restait donc, de chaque côté de la chaise, qu'un peu plus de 20 cm avant le bord des planches. Quoi qu'en pense la Cour de justice, l'expérience de la vie enseigne qu'un tel espace ne permettait pas à un tiers de se tenir à côté du fauteuil roulant lorsqu'il était engagé sur les planches avant d'aborder la rampe.
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Si le tiers s'était tenu derrière la chaise roulante, il n'aurait été d'aucune utilité, puisqu'il n'aurait pas pu voir quand les roues de l'engin s'approchaient d'une cavité. Et si un tiers avait voulu précéder la chaise, il aurait dû marcher à reculons sur la rampe tout en regardant en arrière pour ne pas perdre lui-même l'équilibre dans la rigole ou le renfoncement, à telle enseigne qu'il n'aurait pas été non plus en mesure de guider avec sûreté la demanderesse.
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cc) La recourante a retourné son fauteuil, puis roulé lentement sur les planches en bois posées en travers de la tranchée avant de s'engager dans cette position sur la rampe d'accès. Il n'a pas été prouvé que le déplacement de l'intéressée ne fût pas précautionneux, ni qu'il eût convenu de passer l'obstacle en marche avant.
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dd) Après avoir traversé entièrement les planches, la demanderesse, alors qu'elle se trouvait sur la rampe d'accès, a entrepris une manoeuvre de retournement de son fauteuil afin de poursuivre sa course en marche avant.
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Force est d'admettre qu'à cette occasion la recourante n'a pas usé de toute la prudence commandée par les circonstances.
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En effet, toutes les anfractuosités du passage étaient clairement perceptibles. Dans ces circonstances, la demanderesse, qui connaissait l'existence du renfoncement situé au bout de la rampe et s'était déjà plainte du danger en résultant pour les handicapés, aurait dû attendre d'être arrivée sur la chaussée pour effectuer cette manoeuvre. Le passage donnant sur un parc de stationnement et non sur une voie de circulation, il n'aurait pas été dangereux de faire pivoter l'engin après avoir quitté la pente de la rampe. Pour avoir choisi de retourner sa chaise sur la rampe d'accès, à proximité immédiate d'un renfoncement important qui, de par sa longueur de 45 cm, était bien visible, la demanderesse a sans conteste fait preuve de négligence. La faute commise par la recourante doit toutefois être qualifiée de moyenne (cf. , sur cette notion, ATF 100 II 332 consid. 3a et les arrêts cités) au vu de l'ensemble des circonstances. Le comportement adopté par l'intéressée en l'occurrence n'avait en revanche rien d'exceptionnel et d'imprévisible, en sorte qu'il était totalement impropre à interrompre le lien de causalité adéquate entre l'acte fautif de la défenderesse et le préjudice de la lésée.
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c) La faute concomitante commise par la demanderesse, que l'on vient de décrire, justifie une réduction des dommages-intérêts qui lui sont dus. Il y a lieu de prendre en considération que cette faute concurrente est de degré moyen et que la défenderesse s'est vu reprocher une faute par négligence (cf. Brehm, op. cit. , n. 79 in fine ad art. 43 CO).
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Tout bien pesé, l'indemnité qui sera allouée à la recourante par la cour cantonale devra être réduite d'un tiers.
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6.- Il suit de là que l'autorité cantonale a violé l'art. 44 al. 1 CO en admettant que la faute de la demanderesse a rompu le lien de causalité. Le recours doit donc être admis partiellement, l'arrêt attaqué annulé et la cause retournée à la Cour de justice pour qu'elle détermine le dommage dont la demanderesse peut obtenir réparation et fixe l'indemnité à laquelle celle-ci a droit, compte tenu d'un taux de réduction d'un tiers pour faute concurrente de la lésée.
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La recourante obtient gain de cause sur le principe de son action, mais voit sa prétention en dommages-intérêts réduite d'un tiers. Il se justifie ainsi de répartir l'émolument judiciaire, arrêté à 15 000 fr., à raison d'un tiers à la charge de la demanderesse et des deux tiers à la charge de la défenderesse (art. 156 al. 3 OJ). L'intimée devra verser à sa partie adverse des dépens réduits dans la même proportion, ce qui l'obligera à payer 5000 fr. à ce titre (art. 159 al. 3 OJ). La recourante plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, la part des frais judiciaires mise à sa charge sera supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, laquelle versera en outre une indemnité de 10 000 fr. à titre d'honoraires à son avocat d'office; au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, ladite Caisse payera à cet avocat une indemnité d'honoraires de 15 000 fr.
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral :
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1. Admet partiellement le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants;
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2. Met un émolument judiciaire de 15 000 fr. pour un tiers à la charge de la recourante et pour deux tiers à la charge de l'intimée. Dit que la part des frais judiciaires mise à la charge de la recourante sera supportée par la Caisse du Tribunal fédéral;
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3. Dit que l'intimée versera à la recourante une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens réduits;
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4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jean-Pierre Garbade une indemnité de 10 000 fr. à titre d'honoraires. Dit qu'au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse précitée lui versera une indemnité d'honoraires de 15 000 fr.;
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5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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__________
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Lausanne, le 5 novembre 2001 ECH
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Au nom de la Ie Cour civile
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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Le Greffier,
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