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Informationen zum Dokument  BGer 1P.107/2002  Materielle Begründung
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BGer 1P.107/2002 vom 07.03.2002
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.107/2002/col
 
Arrêt du 7 mars 2002
 
Ire Cour de droit public
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral,
 
Reeb, Catenazzi,
 
greffier Kurz.
 
L.________, actuellement détenue à la prison de La Tuilière, 1027 Lonay, recourante, représentée par Me Daniel Stoll, avocat-stagiaire, Etude de Mes Piguet, Geller, Dupuis, Moreillon & Monnier, place St-François 5, case postale 3860, 1002 Lausanne,
 
contre
 
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6, 1014 Lausanne,
 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
 
détention préventive
 
(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois du 12 février 2002)
 
Faits:
 
A.
 
L.________, ressortissante du Cap-Vert née en 1954, a été arrêtée le 13 juillet 2001 dans le TGV Paris-Lausanne en possession de 169 g de cocaïne. Elle a été placée en détention préventive par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, sous l'inculpation d'infraction à la LStup.
 
Le 30 octobre 2001, le juge d'instruction a rejeté une demande de mise en liberté. La prévenue, qui connaissait la nature de la marchandise qu'elle transportait, avait effectué deux ans de prison au Portugal pour trafic de stupéfiants, de sorte qu'il existait un risque de récidive. Le risque de fuite était lui aussi concret compte tenu de la situation irrégulière en Suisse et de la gravité de l'infraction. Le 25 janvier 2002, le juge d'instruction a opposé un nouveau refus, pour les mêmes motifs, ajoutant que les sûretés proposées, dont l'origine était douteuse, n'étaient pas suffisantes pour prévenir le risque de fuite.
 
Par arrêt du 12 février 2002, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision. Il a retenu le risque de réitération, sur le vu d'une condamnation à quatre ans et dix mois d'emprisonnement prononcée au Portugal le 6 février 1997 pour trafic de stupéfiants, l'intéressée ne semblant pas avoir réalisé la gravité des faits. Le risque de fuite a lui aussi été confirmé, car la prévenue vivait et travaillait au Portugal et ne se rendait en Suisse que pour de brefs séjours afin de voir ses enfants. La prévenue proposait comme caution une somme séquestrée par décision du 19 juillet 2001, en devises diverses. Toutefois, l'origine de ces fonds était douteuse. Le principe de la proportionnalité était respecté.
 
B.
 
L.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle ordonne sa libération immédiate. Elle demande l'assistance judiciaire.
 
Le Tribunal d'accusation et le juge d'instruction se réfèrent à leurs décisions respectives.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale. La recourante, personnellement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de sa mise en liberté provisoire, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, la recourante peut conclure à sa mise en liberté immédiate, prononcée directement par le Tribunal fédéral ou par le biais d'un renvoi à la cour cantonale (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).
 
2.
 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 59 ch. 1, 2 et 3 CPP/VD). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b).
 
3.
 
Se plaignant d'arbitraire, la recourante conteste l'existence des risques de récidive et de fuite. S'agissant du premier, elle estime n'avoir fait que du transport de stupéfiants, à l'exclusion de toute vente. Ce rôle mineur ne permettrait pas d'admettre un risque de récidive fondé sur ses seuls antécédents. S'agissant du risque de fuite, la mention d'une lourde peine serait elle aussi arbitraire. Diverses mesures de contrainte pourraient pallier ce risque.
 
3.1 Les arguments de la recourante sont à la limite de la recevabilité car, au lieu de démontrer en quoi l'arrêt de dernière instance violerait le droit constitutionnel (art. 90 al. 1 let. b OJ), la recourante ne fait que reprendre, pour l'essentiel, les motifs de son recours cantonal. S'agissant du risque de fuite, la cour cantonale a retenu que la recourante n'avait pas d'attaches suffisantes avec la Suisse. Elle s'y rendait parfois pour rendre visite à ses enfants, mais elle vivait et travaillait au Portugal où elle détenait un commerce de vêtements. Sous l'angle du risque de fuite, il s'agit d'un élément déterminant sur lequel la recourante ne revient pas. Celle-ci soutient que le simple transport d'un paquet de drogue dont elle n'aurait pas pu choisir la quantité serait un acte de moindre gravité. La recourante perd de vue que l'art. 19 ch. 1 LStup énumère les actes punissables, au nombre desquels figurent le transport et l'importation de stupéfiants (al. 3), sans établir entre eux une quelconque hiérarchie. De la même manière, les actes préparatoires (al. 6) ne sont pas nécessairement punis moins sévèrement que ne le sont les agissements décrits à l'art. 19 ch. 1 al. 1 à 5 LStup (ATF 122 IV 198 consid. 2c p. 201-202). Par ailleurs, même si, au stade de la fixation de la peine, le rôle secondaire du transporteur doit être pris en compte (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204; Corboz, La jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, SJ 1999 vol II p. 1-19, n° 73 p. 17), rien ne permet d'affirmer, comme le fait la recourante, que son cas échapperait à l'application de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup, s'agissant d'une importation de 169 g de cocaïne à 36,5%, soit plus de 60 g de drogue pure. La recourante prétend qu'elle ne pouvait choisir la quantité de drogue qui lui a été remise; il n'en demeure pas moins qu'elle a admis connaître la nature de la marchandise qu'elle a accepté de transporter. La cour cantonale n'a donc commis ni arbitraire, ni violation de la liberté personnelle, et n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant, à ce stade, que la recourante était exposée à une lourde peine privative de liberté.
 
La recourante soutient qu'il existerait des moyens de pallier le risque de fuite, tels la fixation d'une caution, le séquestre de ses papiers ou une obligation de se présenter régulièrement à l'autorité. Elle perd de vue que la libération sous caution a été exclue par la cour cantonale pour deux motifs. D'une part, on ignorait la provenance des sommes séquestrée le 19 juillet 2001; la recourante prétendait qu'il s'agissait du produit de son commerce d'habits, mais cela était douteux s'agissant de sommes en devises aussi diverses que des francs français, des dollars américains, des escudos portugais et du Cap-Vert. La recourante ne critique absolument pas cette appréciation, comme le voudrait l'art. 90 al. 1 let. b OJ, et il est incontestable que les sûretés sont d'autant moins dissuasives que le montant fourni peut être d'origine délictueuse et est, à ce titre, déjà exposé à une mesure de confiscation. La cour cantonale a d'autre part retenu que le risque de réitération, qui faisait échec à une libération sous caution, ne pouvait être écarté, appréciation que la recourante remet en cause, mais en vain (ci-dessous 3.2). Quant aux autres mesures susceptibles d'assurer la présentation de la recourante, l'arrêt attaqué ne les évoque pas, sans que la recourante se plaigne à ce sujet d'un déni de justice. Elle se borne d'ailleurs elle-même à des généralités et ne tente pas de démontrer que les mesures préconisées seraient réellement efficaces.
 
3.2 A propos du risque de réitération, la recourante soutient qu'il serait arbitraire de le retenir en se fondant sur ses seuls antécédents.
 
Selon la jurisprudence, le maintien en détention préventive n'est admissible que si le pronostic de récidive est très défavorable et si les délits à craindre sont de nature grave. La simple possibilité, hypothétique, de commission de nouvelles infractions de même nature, ou la vraisemblance que soient commises des infractions mineures, sont des motifs insuffisants (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62).
 
La cour cantonale pouvait en l'espèce considérer qu'en dépit d'une lourde condamnation, à quatre ans et dix mois de détention, prononcée au Portugal pour un trafic de stupéfiants, la recourante n'avait pas pris conscience de la gravité de ce genre d'agissements. Cela n'est pas non plus critiqué dans le recours et suffit à admettre le risque de réitération.
 
4.
 
La recourante invoque ensuite le principe de célérité, sur lequel la cour cantonale ne se serait pas suffisamment prononcée, sans toutefois arguer d'un défaut de motivation contraire à son droit d'être entendue. Elle soutient que la détention déjà subie se rapprocherait de la peine susceptible d'être prononcée à son égard, et reproche à l'autorité d'instruction d'être restée pratiquement inactive depuis le 30 octobre 2001.
 
4.1 S'agissant du premier grief, la recourante considère qu'elle n'a eu qu'un rôle mineur de transporteur dans le trafic, et que la peine susceptible d'être prononcée serait compatible avec le sursis. Toutefois, même s'il est malaisé d'évaluer, avec la prudence qui doit s'imposer au stade de la détention préventive, la durée de la peine qui pourrait concrètement être infligée en cas de condamnation, le principe de la proportionnalité apparaît encore respecté à ce stade, soit après 208 jours de détention préventive (au moment du dépôt du recours de droit public), compte tenu de la quantité de drogue importée sciemment par la recourante (cf. consid. 3.1 ci-dessus).
 
4.2 Comme le précise l'art. 5 par. 3 CEDH, l'incarcération est aussi disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 125 I 60 consid. 3d p. 64, 124 I 208 consid. 6 p. 215 et les arrêts cités). Sur ce point, l'Etat est tenu par une obligation de résultat, et il ne saurait arguer des difficultés de son organisation judiciaire pour faire échec aux prérogatives découlant de la liberté personnelle et de l'art. 5 par. 3 CEDH.
 
La recourante admet que l'enquête n'a pas connu de temps mort inadmissible jusqu'au 30 octobre 2001. Depuis cette date, l'activité du juge d'instruction a consisté dans la réception du rapport de police du 6 août 2001 (le 5 novembre 2001), la réception de l'extrait du casier judiciaire portugais (le 10 décembre 2001), la réception du rapport de police du 14 janvier 2002 (le 17 janvier 2002), la réception d'une lettre de la Western Union le 18 janvier 2002 et un entretien du 21 janvier suivant avec un enquêteur au sujet d'un versement effectué en faveur de la recourante. On ne saurait par conséquent considérer que le juge d'instruction est resté inactif. La recourante ne reproche d'ailleurs pas à ce dernier d'avoir omis un acte d'instruction déterminant, ou d'avoir tardé à effectuer l'une ou l'autre de ses investigations. Pour autant que l'enquête se poursuive sans désemparer et que la recourante soit renvoyée dès que possible en jugement, il n'y a pas de violation de l'obligation de célérité.
 
5.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Même si son issue apparaissait d'emblée indécise, l'assistance judiciaire peut être accordée. Me Daniel Stoll, avocat-stagiaire, est désigné comme avocat d'office du recourant et rémunéré par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La recourante est mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Stoll est désigné comme mandataire d'office et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
 
3.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois.
 
Lausanne, le 7 mars 2002
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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