VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer C 188/2001  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer C 188/2001 vom 28.03.2002
 
[AZA 7]
 
C 188/01 Kt
 
Ière Chambre
 
MM. et Mme les juges Schön, Président, Lustenberger, Rüedi,
 
Widmer et Frésard. Greffière : Mme Berset
 
Arrêt du 28 mars 2002
 
dans la cause
 
Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne, recourant,
 
contre
 
F.________, intimée,
 
et
 
Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève
 
A.- F.________, de nationalité suisse, née en 1977, mariée, a résidé dans le canton de Genève du 6 juin 1981 au 27 septembre 1998. De juin 1995 à août 1998, elle a travaillé occasionnellement, principalement en qualité de vendeuse.
 
A partir du 28 septembre 1998, elle a séjourné au Maroc, où elle a suivi des cours auprès de l'Institut supérieur d'informatique appliquée et de management, jusqu'au 26 juin 1999. Elle a terminé cette formation par l'obtention d'un diplôme en gestion d'entreprise. Le 12 septembre 1999, elle a mis au monde un premier enfant.
 
Revenue en Suisse le 4 novembre 2000, F.________ a fait valoir un droit à l'indemnité de chômage à partir du 10 novembre 2000.
 
Par décision du 20 décembre 2000, la Caisse cantonale genevoise de chômage a rejeté cette demande, au motif que la requérante n'avait pas versé de cotisations durant les deux années qui avaient précédé sa demande, soit du 10 novembre 1998 au 9 novembre 2000, d'une part, et, d'autre part, qu'elle ne pouvait pas être libérée des conditions relatives à la période de cotisation, attendu que la durée de sa formation à l'étranger avait été inférieure à douze mois.
 
Statuant le 20 février 2001, le groupe réclamations du Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures du canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision par l'assurée.
 
B.- Par jugement du 10 mai 2001, la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage a admis partiellement le recours interjeté contre cette dernière décision par l'assurée. Elle a renvoyé le dossier de la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) interjette un recours de droit administratif dans lequel il conclut à l'annulation de ce jugement.
 
F.________ conclut au rejet du recours. Quant à la Caisse cantonale genevoise de chômage, elle se rallie aux motifs et conclusions du recours.
 
Considérant en droit :
 
1.- Aux termes de l'art. 8 al. 1 let. e LACI, l'assuré a droit à une indemnité de chômage s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré.
 
Selon l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre applicable à la période de cotisation (c'est-à-dire deux ans avant le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies [art. 9 al. 3 LACI]), a exercé durant six mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.
 
Dans le cas particulier, le délai-cadre applicable à la période de cotisation a couru du 10 novembre 1998 au 9 novembre 2000. Il n'est pas contesté, ni même litigieux, que, pendant ce délai, l'intimée n'a pas exercé une activité soumise à cotisation durant au moins six mois.
 
L'intimée, par ailleurs, ne peut se prévaloir de l'art. 14 al. 1 let. a LACI. D'après cette disposition, est libéré des conditions relatives à la période de cotisation, celui qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI), mais pendant plus de douze mois au total, n'était pas partie à un rapport de travail et partant, n'a pu s'acquitter des conditions relatives à la période de cotisation pour cause de formation scolaire, reconversion ou perfectionnement professionnel. Dans le cas particulier, la formation que l'intimée a suivie au Maroc, a eu une durée inférieure à douze mois.
 
L'intimée ne saurait pas non plus invoquer en sa faveur l'application de l'art. 14 al. 3 LACI qui envisage le cas des Suisses de retour au pays. En effet, cette disposition suppose l'exercice d'une activité lucrative à l'étranger, condition non réalisée en l'espèce. Par ailleurs, le texte légal ne permet pas d'assimiler à une activité lucrative à l'étranger une période éducative àl'étranger.
 
2.- L'intimée ayant allégué qu'elle s'était consacrée à l'éducation de son enfant nouveau-né, après avoir suivi sa formation, les premiers juges ont fait application de l'art. 13 al. 2bis LACI, en vigueur depuis le 1er janvier 1996. Selon cette disposition, les périodes durant lesquelles l'assuré s'est consacré à l'éducation d'enfants de moins de seize ans, et n'a, de ce fait, pas exercé d'activité soumise à cotisation, comptent comme période de cotisation, lorsque l'assuré est contraint, par nécessité économique, de reprendre une activité salariée à l'issue d'une période éducative. Le seco objecte, en substance, qu'une période éducative accomplie à l'étranger ne peut pas être prise en compte. Selon lui, il n'existe pas de lien de causalité entre l'absence de période de cotisation et la période éducative. Même si l'intimée ne s'était pas consacrée à des tâches éducatives, elle n'aurait de toute façon pas pu, en raison de son séjour à l'étranger, exercer une activité soumise à cotisation.
 
a) Selon le message du Conseil fédéral à l'appui de la deuxième révision partielle de la LACI du 29 novembre 1993 (FF 1994 I 356), l'introduction de l'art. 13 al. 2bis dans la LACI se justifie par la considération que la protection sociale est plus étendue pour les personnes exerçant une activité professionnelle que pour les personnes qui ont renoncé à une telle activité pour se consacrer à l'éducation des enfants. Bien qu'ayant une valeur économique importante, ces activités ne sont pas rémunérées. Étant donné qu'elles ne sont pas soumises à cotisation et que, de surcroît, il n'y a pas de possibilité d'affiliation facultative en matière d'assurance-chômage, il existe ainsi une lacune dans la protection sociale. La prise en compte du temps consacré à l'éducation comme période de cotisation permet de combler cette lacune. Seules les personnes contraintes d'exercer une activité salariée peuvent bénéficier de cette libération. Le projet d'article a subi des modifications lors des débats aux Chambres (BO CE 1994 p. 232-234; BO CN 1994 p. 1564-1569), la version définitive introduisant également le principe de causalité entre l'éducation d'enfants et la renonciation à une activité professionnelle (cf. dans ce sens l'intervention Beerli, BO CE 1994 p. 232). Interprétée selon son texte, la ratio legis et les travaux parlementaires, l'art. 13 al. 2bis LACI ne saurait signifier que le seul fait, pour un parent, de s'occuper pendant un certain temps de l'éducation d'un enfant constitue une condition suffisante pour justifier l'application de cette disposition, indépendamment de la nécessité économique. Il doit au contraire exister une véritable relation de causalité entre la période éducative et la renonciation à une activité lucrative (DTA 1998 n. 45 p. 258 sv. consid. 3a). Par ailleurs, l'assuré doit avoir été contraint, par "nécessité économique" de reprendre une activité salariée à l'issue de la période éducative (ATF 125 V 134 consid. 8a).
 
b) A propos de l'art. 13 al. 2bis LACI, le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de juger qu'il n'était pas nécessaire qu'une période éducative ait eu une durée minimale pour être prise en compte au titre de période de cotisation. Aussi bien la directive de l'ex-Office fédéral du développement économique et de l'emploi publiée dans le Bulletin AC 96/2 d'après laquelle, pour être prises en compte, des périodes éducatives doivent avoir duré plus de dix-huit mois pendant le délai-cadre de cotisation de deux ans, a-t-il été déclaré contraire à la loi (ATF 125 V 127). En ce qui concerne le point - litigieux en l'espèce - de savoir si la période éducative visée par l'art. 13 al. 2bis LACI devait nécessairement être accomplie en Suisse, il a tout d'abord été laissé indécis par la jurisprudence fédérale (DTA 1998 no 4 p. 27 consid. 4, non publié aux ATF 123 V 219).
 
Dans trois arrêts ultérieurs (arrêt A. du 10 octobre 2000 [C 80/00] ainsi que J. [C 145/99] et F. [C 126/99], tous deux du 18 octobre 2000), le Tribunal fédéral des assurances, en se référant à l'avis de Nussbaumer (Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 180), a constaté, sans autre développement, que la prise en compte des seules périodes éducatives accomplies en Suisse était conforme au but légal.
 
3.- a) Ainsi qu'on l'a vu, il résulte de l'art. 13 al. 2bis LACI que le fait de s'être consacré à l'éducation d'enfants doit être la cause de l'absence d'activité soumise à cotisation. Dans la mesure où l'intimée vivait au Maroc, elle n'aurait de toute façon pas pu exercer une activité soumise à cotisation (art. 2 LACI).
 
b) Une interprétation systématique de la loi milite également en faveur d'une application de l'art. 13 al. 2bis LACI limitée aux cas où la période éducative a été accomplie en Suisse. C'est à l'art. 13 LACI que le législateur a réglé la question de la prise en compte de la période éducative comme période de cotisation. Cette disposition se rapporte à l'obligation de cotiser et implique donc, par principe, l'exercice d'une activité en Suisse. Les situations visées à l'art. 13 al. 2 LACI ont toutes un rattachement avec la Suisse, où elles doivent s'être déroulées (les let. a, c et d supposent l'existence d'un rapport de travail en Suisse; la let. b concerne le service militaire, le service civil ou un cours d'économie familiale obligatoire prévus par le droit suisse). On doit déduire de cette systématique que les périodes éducatives visées à l'art. 13 al. 2bis LACI doivent nécessairement aussi être accomplies en Suisse.
 
On peut ajouter, dans ce contexte, qu'il serait pour le moins paradoxal qu'une personne de nationalité étrangère, ayant accompli une période éducative de six mois à l'étranger, puisse bénéficier des indemnités de chômage, alors qu'elle n'y a pas droit si elle a exercé une activité lucrative à l'étranger pendant la même période.
 
4.- On peut observer par ailleurs que le législateur a voté une nouvelle rédaction de l'art. 13 al. 2bis LACI qui devrait entrer en vigueur en même temps que l'Accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur le libre circulation des personnes. Selon cette nouvelle rédaction, les périodes durant lesquelles l'assuré s'est consacré à l'éducation d'enfants de moins de seize ans et n'a, de ce fait, pas exercé d'activité soumise à cotisation, comptent comme périodes de cotisation, en plus de la condition de la nécessité économique de reprendre une activité salariée, lorsque la période éducative a été accomplie en Suisse et qu'elle a duré plus de 18 mois dans le délai-cadre de cotisation (message relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE du 23 juin 1999, FF 1999 5772). Mais on ne peut pas en conclure que c'est parce que le droit actuel permettrait de prendre en compte des périodes éducatives qui se sont déroulées à l'étranger qu'on a introduit (dans cette nouvelle rédaction) l'exigence d'une période éducative de 18 mois accomplie en Suisse. En réalité, les ressortissants communautaires, dans le cadre de l'accord, ne devront en principe subir aucune discrimination. A leur égard, on devrait théoriquement admettre qu'une période éducative de six mois à l'étranger soit considérée comme période de cotisation.
 
Mais le législateur fédéral a néanmoins voulu qu'une période (plus longue) soit accomplie en Suisse pour éviter que nombre d'assurés n'ayant jamais séjourné en Suisse invoquent l'art. 13 al. 2bis LACI après un bref séjour en Suisse, en se prévalant de l'interdiction de toute discrimination entre Suisses et ressortissants de l'Union Européenne (FF 1999 5668). Cette restriction a été critiquée en raison, précisément, de son caractère discriminatoire par Bettina Kahil-Wolff (L'accord sur la libre circulation des personnes Suisse-CE et le droit des assurances sociales, SJ 2001 II p. 134) et Jan Michael Bergmann (Überblick über die Regelungen des APF betreffend die soziale Sicherheit in :
 
Rechtsschutz der Versicherten und der Versicherer gemäss Abkommen EU/CH über die Personenfreizügigkeit (APF) im Bereich der Sozialen Sicherheit, exposé présenté dans le cadre du séminaire du 15 novembre 2001 organisé par l'"Institut für Rechtswissenschaft und Rechtspraxis" de l'Université de St. Gall, version provisoire p. 6, n. 29).
 
Quoi qu'il en soit, on ne saurait rien déduire de cette nouvelle disposition qui aille dans le sens d'une prise en compte, dans le droit actuel, des périodes éducatives accomplies à l'étranger.
 
5.- Il en va de même au demeurant des travaux législatifs en cours dans le cadre de la 3ème révision de la LACI. Dans son message du 28 février 2001, le Conseil fédéral a proposé deux variantes concernant les périodes éducatives (FF 2001 2123 ss, 2145 et 2150). La préférence a été donnée au nouvel art. 9b LACI, non entré en vigueur. Contrairement à l'actuel art. 13 al. 2bis, qui permet à un parent de cesser toute activité lucrative afin de se consacrer à l'éducation de ses enfants sans perdre son droit aux indemnités de chômage, l'art. 9b LACI vise à prolonger le délai-cadre d'indemnisation de l'assuré qui s'est consacré à l'éducation de ses enfants (FF 2001 2156). Approuvée presque sans restrictions par le Conseil des Etats le 19 juin 2001 (BO 2001 CE p. 391-400), la troisième révision de la loi sur l'assurance-chômage et, singulièrement le nouvel art. 9b LACI (BO CE 2001 p. 391-400), a suscité un vaste débat au sein du Conseil National (BO CN 2001 p. 1885-1889). La nouvelle réglementation fait actuellement l'objet de délibérations au sein du Conseil des Etats.
 
L'art. 9b LACI, tel qu'il a été proposé par le Conseil fédéral, permet à un assuré qui interrompt momentanément son activité professionnelle lors de la naissance ou de l'adoption d'un enfant de conserver pour une durée de quatre ans au maximum les droits acquis avant cette naissance ou cette adoption, c'est-à-dire les périodes de cotisation accomplies pendant son activité lucrative.
 
Durant cette "suspension" des périodes de cotisation, la personne ne touche aucune prestation de l'assurance-chômage. La majorité des conseillers nationaux s'est ralliée à la proposition d'une minorité de parlementaires de ne pas lier le bonus éducatif introduit par l'art. 9b LACI à la naissance ou à l'adoption d'un enfant mais d'en faire bénéficier également le parent qui s'est consacré à l'éducation d'un enfant jusqu'à ce que celui-ci atteigne l'âge de 16 ans (cf. dans ce sens intervention de Berberat, BO CN 2001 p. 1885). Bien que le débat ne soit pas encore clos sur ce sujet, l'art. 9b LACI tient donc compte de la volonté affirmée par les deux Chambres de limiter le droit au bonus éducatif aux seules personnes qui ont acquis, avant l'interruption professionnelle pour des raisons éducatives, une période de cotisation minimale en Suisse (cf. intervention de Meier-Schatz, BO CN 2001 p. 1888). D'un autre côté, la condition touchant la nécessité économique a été abandonnée, ce qui facilite la réinsertion sur le marché du travail des assurés qui se sont consacrés à des tâches éducatives (FF 2001 2145). La formulation du nouvel art. 9b LACI tend à empêcher que des assurés ne profitent de périodes éducatives, alors qu'il n'étaient pas encore actifs sur le marché du travail suisse (cf. notamment dans ce sens intervention du Conseil fédéral Couchepin, BO CN 201 p. 1888).
 
L'analyse de ces travaux préparatoires ne démontre aucunement que le droit actuel permettrait la prise en compte de périodes éducatives à l'étranger et qu'il s'agirait, à cet égard, d'apporter une limitation territoriale qui serait aujourd'hui inexistante.
 
6.- En l'espèce, il est constant que la période éducative accomplie par l'intimée s'est déroulée à l'étranger.
 
Pour cette raison déjà, elle ne peut se prévaloir de l'art. 13 al. 2bis LACI, contrairement à ce que retiennent les premiers juges. Le recours se révèle ainsi bien fondé.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
 
prononce :
 
I. Le recours est admis et le jugement du 10 mai 2001 de
 
la Commission cantonale genevoise de recours en matière
 
d'assurance-chômage est annulé.
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage, à l'Office cantonal genevois de
 
l'emploi, Groupe réclamations, ainsi qu'à la Caisse
 
cantonale genevoise de chômage.
 
Lucerne, le 28 mars 2002
 
Au nom du
 
Tribunal fédéral des assurances
 
Le Président de la Ière Chambre :
 
La Greffière :
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).