BGer 4P.196/2003 | |||
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BGer 4P.196/2003 vom 07.01.2004 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4P.196/2003 /ech
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Arrêt du 7 janvier 2004
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Ire Cour civile
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Composition
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MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
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Greffier: M. Carruzzo.
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Parties
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X.________ Ltd,
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recourante, représentée par Me Gérald Page,
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contre
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Y.________ GmbH,
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Z.________ GmbH,
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intimées,
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toutes deux représentées par Me Rudolf Ottomann,
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Tribunal arbitral CCI, à Berne, c/o Me C.________,
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Objet
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arbitrage international; composition du tribunal arbitral; droit d'être entendu; ordre public,
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recours de droit public contre la sentence du Tribunal arbitral CCI du 7 août 2003.
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Faits:
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A.
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A.a X.________ Ltd (ci-après: X.________) est une société anglaise spécialisée dans la fabrication de ponts pliables transportables, utilisés principalement à des fins militaires. Y.________ GmbH et sa filiale Z.________ GmbH (ci-après désignées collectivement: Y.________/Z.________) sont deux sociétés allemandes actives dans le même domaine.
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X.________ et Y.________/Z.________ étaient en désaccord sur la portée des brevets respectifs qu'elles avaient déposés aux Etats-Unis d'Amérique pour ce type de ponts. Elles ont donc entamé des négociations, en 1991, afin d'éviter de coûteux procès à ce sujet et de clarifier la situation dans l'intérêt des acquéreurs potentiels. Ces négociations ont abouti à la conclusion, le 5 avril 1995, d'un contrat ("Agreement") où figurent notamment les clauses suivantes:
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2.1
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"For the United States of America, X.________ agrees not to develop, fund, produce, market or sell, nor to have produced, marketed or sold by a third party, any folding transportable bridge (except as set out in paragraph 2.3 below) which is launched by means of a purpose-designed launching vehicle over a traversing beam spanning the gap prior to bridge launching."
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Traduction française faite par la recourante:
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"Pour les Etats-Unis d'Amérique, X.________ accepte de ne pas développer, financer, produire, distribuer, vendre, ou faire produire, distribuer ou vendre par un tiers, tout pont pliable transportable (sous réserve de l'exception prévue au paragraphe 2.3 ci-dessous) qui est lasé au moyen d'un véhicule dédié de lancement au-dessus d'une traverse franchissant l'espace avant le lancement du pont proprement dit."
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2.3
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"This paragraph applies if the US Department of Defense has, by agreement with either party, acquired the right to make or have made a folding transportable bridge in the USA, based on either the X.________ Axial Folding Bridge or the Y.________ Foldable Bridge, or based on either the X.________ Patents or the Y.________ Patents, and consequently puts out a detail design/manufacturing contract to tender. In such a case the parties shall be free to compete as would third parties for such contracts, and neither party shall make use of its patents to prevent or hinder the tendering for or the completion of such contracts."
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Traduction française faite par la recourante:
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"Cette clause s'applique si le Département de la défense américain, par accord entre l'une des parties, a acquis le droit de faire, ou faire faire, un pont pliable transportable aux Etats-Unis, fondé soit sur le pont axial pliable de X.________ ou le pont pliable Y.________ ou sur l'un ou l'autre des brevets de X.________ ou Y.________, et en conséquence lance un appel d'offres pour un contrat détaillé de design et de production. Dans un tel cas, les parties seront libres de se faire concurrence comme le feraient des tiers pour de tels contrats, et aucune des parties n'utilisera ses brevets pour empêcher ou restreindre l'offre de l'autre en vue de l'exécution de tels contrats."
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Le contrat, soumis au droit suisse, comprenait une clause arbitrale fixant le siège de l'arbitrage en Suisse et prévoyant l'application du règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI).
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A.b En 1996, le Département de la défense des Etats-Unis (ci-après: le Département) a lancé un appel d'offres ayant pour objet le développement d'un prototype de pont transportable. Aussi bien X.________ que Y.________/Z.________ ont soumissionné à cet appel.
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L'offre de X.________ a été retenue par le Département, tandis que celle de Y.________/Z.________ a été écartée. La première société s'est ainsi vu confier le mandat de développer le prototype, puis a passé un contrat portant sur la production d'une série de ponts.
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B.
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Le 20 décembre 1999, Y.________/Z.________, estimant que la société anglaise avait violé le paragraphe 2.1 du contrat du 5 avril 1995 en formulant son offre pour le prototype de pont transportable, ont adressé à la CCI une requête d'arbitrage dirigée contre X.________ en vue d'obtenir le paiement de la somme (indexée) stipulée dans le contrat pour sanctionner la violation de cette clause (500'000 DM par pont) et des intérêts y afférents. Contestant avoir commis une quelconque violation de l'accord la liant aux demanderesses, la défenderesse a conclu à libération.
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Les demanderesses ont proposé comme arbitre Me A.________. La défenderesse a choisi M. B.________ pour occuper la même fonction et la CCI a désigné Me C.________ en tant que président du Tribunal arbitral. Le siège de l'arbitrage a été fixé à Berne et l'anglais choisi comme langue de l'arbitrage.
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Le déroulement de la procédure arbitrale sera exposé plus loin, dans la mesure utile, en fonction des nombreux griefs formulés à cet égard par la défenderesse.
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Par sentence finale du 7 août 2003, rendue à la majorité de ses membres, le Tribunal arbitral a condamné la défenderesse à payer aux demanderesses la somme de 280'444 euros (contre-valeur de 548'500 DM) avec intérêts à 5% dès le 19 janvier 1999. Les frais et dépens de la procédure arbitrale ont été mis à la charge de la défenderesse. L'arbitre B.________ a formulé une opinion dissidente dont le texte a été reproduit dans la sentence.
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Le dispositif de ladite sentence, tel qu'il a été adopté par les arbitres majoritaires, repose en substance sur les motifs suivants:
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Le bien-fondé de la demande doit être examiné à la lumière du droit matériel suisse. En procédant à cet examen, le Tribunal arbitral n'est pas tenu d'appliquer les règles établies par le Département pour l'acquisition de matériel. Quant à la législation antitrust des Etats-Unis, elle n'a pas été violée en l'espèce, même si l'on interprète le paragraphe 2.1 du contrat de manière extensive, comme le font les demanderesses. L'offre et la livraison du prototype de pont litigieux par la défenderesse ne tombent pas sous le coup de l'exception réservée au paragraphe 2.3 du contrat. La divergence d'opinions entre les parties au sujet de l'interprétation du terme "over" figurant au paragraphe 2.1 du contrat n'est pas d'une importance telle que le contrat devrait être considéré comme n'ayant pas été valablement conclu. L'interprétation objective de cette clause rejoint celle proposée par la défenderesse, en ce sens que le terme "over" signifie, non pas "by means of", mais bien "above" ou "on top of". Il n'en demeure pas moins que le prototype de pont fabriqué par la défenderesse est lancé au-dessus de la traverse, au sens du paragraphe 2.1 du contrat. L'intéressée a ainsi violé ladite clause en livrant ce prototype. Par conséquent, l'action des demanderesses du chef de cette violation doit être admise.
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C.
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X.________ a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral afin d'obtenir l'annulation de la sentence attaquée et le renvoi de la cause au Tribunal arbitral siégeant sous la présidence d'une autre personne, voire à un nouveau Tribunal arbitral.
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Les intimées concluent au rejet du recours. Le Tribunal arbitral en fait de même dans sa réponse au recours. Cependant, l'arbitre B.________, sans y avoir été invité, a déposé séparément des observations allant dans le sens de l'admission de celui-ci.
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Par ordonnance du 20 octobre 2003, le président de la Cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par la recourante.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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1.1 D'après l'art. 37 al. 3 OJ, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale celle de la décision attaquée. Lorsque la décision attaquée est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont utilisé l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé, qui le français (la recourante), qui l'allemand (les intimées). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra, par conséquent, son arrêt en français (cf. arrêt 4P.100/2003 du 30 septembre 2003, consid. 2).
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1.2 Par ordonnance présidentielle du 18 septembre 2003, le Tribunal arbitral a été invité à déposer une réponse au recours. Il s'est exécuté le 13 novembre 2003 par l'intermédiaire de son président. Cependant, en date du 19 novembre 2003, l'arbitre B.________, qui s'était en partie distancié de ses coarbitres dans la sentence, a produit une réponse distincte, sans y avoir été invité, au terme de laquelle il propose l'admission du recours. Il n'y a pas lieu de prendre en considération cette écriture que l'arbitre minoritaire a adressée spontanément au Tribunal fédéral. Le faire se justifie d'autant moins que l'opinion dissidente, même si elle est formellement incluse dans le texte de la sentence, demeure étrangère à celle-ci et n'en touche ni les considérants ni le dispositif (cf. arrêt 4P.23/1991 du 25 mai 1992, consid. 2b).
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2.
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2.1 Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP.
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La clause compromissoire liant les parties fixe le siège du Tribunal arbitral en Suisse (à Berne) et l'une des parties au moins (en l'occurrence, les deux) n'avait, au moment de la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
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La voie du recours au Tribunal fédéral, prévue à l'art. 191 al. 1 LDIP, est ouverte, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conventionnellement (art. 192 al. 1 LDIP).
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La recourante est directement touchée par la sentence attaquée, qui la condamne à verser une somme d'argent aux intimées. Elle a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 88 OJ).
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Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 128 III 50 consid. 1a p. 53; 127 III 279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p. 383). La recourante n'invoque que ces motifs-là.
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Déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1 let. b OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
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2.2 Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 III 279 consid. 1c; 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). La recourante devait donc indiquer quelles hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP sont à ses yeux réalisées en l'espèce et, en partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi consiste, à son avis, la violation du principe invoqué (ATF 127 III 279 consid. 1c). Il conviendra de vérifier la réalisation de cette condition lors de l'examen des différents griefs formulés dans le recours de droit public. Force est toutefois de relever, à titre liminaire, que le mémoire de recours, qui couvre quelque 80 pages et compte plus de 280 allégués de fait ou de droit revêtant souvent un caractère appellatoire, n'est guère conforme à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, lequel exige que l'acte de recours contienne un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits et principes juridiques violés.
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S'agissant des conclusions prises par la recourante, qui tendent implicitement à ce que le Tribunal fédéral prononce la récusation du président du Tribunal arbitral, après avoir annulé la sentence attaquée, on rappellera que le recours de droit public, étant donné sa nature cassatoire, ne peut tendre, en principe, qu'à l'annulation de la sentence attaquée (cf. ATF 117 II 94 consid. 4 et les références). Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public au sens de l'art. 191 al. 1 LDIP, peut-il prononcer lui-même la récusation d'un arbitre en cas d'admission du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let a LDIP? La question n'a pas été résolue à ce jour (cf. arrêt 4P.23/1991 du 25 mai 1992, consid. 2d/cc). Elle peut demeurer indécise en l'espèce, dès lors que, pour les motifs indiqués ci-après (cf. consid. 3), la recourante soutient à tort que le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé.
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3.
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Dans un premier moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, la recourante invoque divers motifs permettant de conclure, selon elle, à l'irrégularité de la composition du Tribunal arbitral.
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3.1 Un tribunal arbitral doit, à l'instar d'un tribunal étatique, présenter des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité (ATF 125 I 389 consid. 4a; 119 II 271 consid. 3b et les arrêts cités). Le non-respect de cette règle conduit à une composition irrégulière relevant de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP (ATF 118 II 359 consid. 3b).
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Les principes que le Tribunal fédéral a développés à partir de l'art. 58 al. 1 aCst. sur des demandes de récusation concernant des juges publics s'appliquent également, mutatis mutandis, aux membres des tribunaux arbitraux. La garantie du juge naturel de l'art. 58 aCst., incluse aujourd'hui dans les garanties de procédure judiciaire énoncées à l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198 et les arrêts cités), permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute légitime sur son impartialité. L'élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de la partie qui demande la récusation sont objectivement justifiées (cf. arrêt 4P.263/2002 du 10 juin 2003, consid. 5.1 et 5.2). A cet égard, des fautes de procédure ou une décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l'apparence de prévention chez un arbitre, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations (ATF 115 Ia 400 consid. 3b).
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3.2
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3.2.1 Selon la recourante, la première circonstance objectivement propre à susciter l'apparence d'une prévention découle de l'opinion que le président du Tribunal arbitral a exprimée lors de la première audience, qui s'est tenue le 13 juin 2001, au sujet de l'une des questions fondamentales devant être tranchées par les arbitres, à savoir l'applicabilité du paragraphe 2.3 de l'accord du 5 avril 1995.
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La recourante a invoqué ladite circonstance dans une demande de récusation que la Cour internationale d'arbitrage de la CCI a rejetée par décision non motivée du 25 octobre 2001. Dès lors qu'elle émane d'un organisme privé, cette décision ne saurait lier le Tribunal fédéral qui peut donc revoir librement si la circonstance invoquée à l'appui de la demande de récusation est propre à fonder le grief de constitution irrégulière du Tribunal arbitral (ATF 128 III 330 consid. 2.2 p. 332).
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En vertu du principe de la bonne foi, le droit d'invoquer le moyen fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP se périme si la partie ne le fait pas valoir immédiatement, car elle ne saurait le garder en réserve pour ne le soulever qu'en cas d'issue défavorable de la procédure arbitrale (ATF 126 III 249 consid. 3c). On peut attendre de la partie qui entend faire valoir un motif de récusation qu'elle agisse selon la procédure convenue (Bernard Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd., n. 4 ad art. 190) et, en particulier, qu'elle respecte le délai prévu à cette fin (voir l'arrêt tessinois reproduit in François Knoepfler/Philippe Schweizer, Arbitrage international, p. 152 consid. 7b et son commentaire p. 153 n. 5). En vertu de l'art. 11 al. 2 du Règlement d'arbitrage de la CCI, la demande de récusation doit être déposée, à peine de forclusion, dans les 30 jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la récusation a été informée des faits et circonstances qu'elle invoque à l'appui de sa demande de récusation. En l'occurrence, cette demande a été présentée le 14 septembre 2001, soit trois mois après la tenue de la séance au cours de laquelle le président avait exprimé l'opinion contestée et environ deux mois après la réception du premier projet de procès-verbal de l'audience auquel la recourante fait référence sous ch. 175 de son mémoire de recours. N'ayant pas agi avant l'expiration du délai de forclusion fixé dans le règlement de procédure adopté par les parties, la recourante ne saurait, dès lors, tirer argument de la susdite circonstance pour remettre en cause aujourd'hui la régularité de la composition du Tribunal arbitral.
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Quoi qu'il en soit, la circonstance invoquée n'était pas propre à susciter des doutes objectifs quant à l'impartialité du président du Tribunal arbitral. D'abord, il appert de la version définitive du procès-verbal de l'audience du 13 juin 2001 que le président n'a pas exprimé l'opinion litigieuse au nom du Tribunal arbitral, comme pouvait le laisser croire le premier projet de procès-verbal, mais en son propre nom. Ensuite et surtout, il ressort manifestement du contexte dans lequel il a été émis qu'il ne s'est agi là que d'un avis provisoire, donné après l'étude des premières écritures échangées par les parties et ne préjugeant en rien le sort définitif de la question à trancher. Il est d'ailleurs souvent inévitable, même si cela n'est pas souhaitable, que le juge ou l'arbitre soit amené, au cours d'une audience, à prendre position sur le problème juridique formant l'objet du litige, fût-ce indirectement, par exemple dans le choix des questions posées aux parties ou dans la recherche d'une solution transactionnelle. Dans la mesure où, comme en l'espèce, cette prise de position ne débouche pas sur un préjugement, elle n'est pas propre objectivement à éveiller des doutes quant à l'indépendance d'esprit de celui qui en assume la paternité. Il faut souligner enfin que la recourante, à l'instar des intimées, a eu tout loisir de faire valoir ultérieurement par écrit ses moyens et arguments en rapport avec l'application de la clause controversée.
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3.2.2 La recourante voit encore d'autres signes manifestes de la prévention dont le président du Tribunal arbitral aurait fait montre à son égard depuis le tout début de la procédure. Et de citer, sous ch. 177 de son mémoire de recours, une série de 8 fautes de procédure qui auraient été commises systématiquement à son détriment.
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Force est de constater d'emblée que la recourante n'a pas jugé utile de déposer une demande de récusation de l'ensemble du Tribunal arbitral ou de son président du chef de ces prétendues fautes de procédure. Elle n'a, en particulier, pas saisi l'occasion de le faire après avoir constaté que le projet de procès-verbal de l'audience du 13 juin 2001, à l'en croire, ne respectait manifestement pas l'égalité des parties. Aussi le principe de la bonne foi lui interdit-il d'en tirer argument a posteriori pour étayer le motif de recours pris de la composition irrégulière du Tribunal arbitral.
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De toute façon, il n'apparaît pas que les manquements allégués - la recourante les reprend au titre de la violation du droit d'être entendu et le Tribunal fédéral les examinera plus avant sous cet angle (cf. consid. 4.2) -, pris dans leur ensemble ou séparément, fussent de nature à justifier l'admission d'une demande de récusation.
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3.2.3 Est enfin vouée à l'échec la tentative de la recourante de fonder sur la sentence même le grief de composition irrégulière du Tribunal arbitral.
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Selon la recourante, le texte de la sentence refléterait l'inimitié du président du Tribunal arbitral envers elle ou son conseil. Il ne s'agit là, toutefois, que d'un sentiment purement subjectif que ne justifient en rien les passages de la sentence mis en évidence par l'intéressée.
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Quant à la fausse application du droit, également invoquée par la recourante, cette dernière concède elle-même qu'elle n'est pas un signe de prévention.
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Il n'est ainsi pas démontré que les arbitres ou l'un d'entre eux aient présenté une apparence de partialité, de sorte que le grief de composition irrégulière du Tribunal arbitral n'est pas fondé.
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4.
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Dans un deuxième groupe de moyens, la recourante fait grief au Tribunal arbitral de n'avoir pas respecté l'égalité des parties et d'avoir violé à maints égards son droit d'être entendue en procédure contradictoire.
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4.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386 consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c p. 643). En revanche, le droit d'être entendu n'englobe pas le droit de s'exprimer oralement (ATF 117 II 346 consid. 1b; 115 II 129 consid. 6a p. 133 et les arrêts cités).
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S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 119 II 386 consid. 1b p. 389). Le tribunal arbitral peut refuser d'administrer une preuve, sans violer le droit d'être entendu, si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s'il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier. Le Tribunal fédéral ne peut revoir une appréciation anticipée des preuves, sauf sous l'angle extrêmement restreint de l'ordre public (Bernard Corboz, Le recours au Tribunal fédéral en matière d'arbitrage international, in SJ 2002 II p. 1 ss, 23).
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L'égalité des parties, elle aussi garantie par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, implique que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (Corboz, op. cit., p. 22). Enfin, le principe de la contradiction, garanti par les mêmes dispositions, exige que chaque partie ait la faculté de se déterminer sur les moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preuves apportées par lui et de les réfuter par ses propres preuves (ATF 117 II 346 consid. 1a).
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Cependant, en Suisse, le droit d'être entendu en procédure contradictoire, loin d'être illimité, connaît, au contraire, d'importantes restrictions dans le domaine de l'arbitrage international. Ainsi, il ne permet pas d'exiger une mesure probatoire inapte à apporter la preuve (cf. ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285; 121 I 306 consid. 1b). Une partie n'a, en outre, pas le droit de se prononcer sur l'appréciation juridique des faits ni, plus généralement, sur l'argumentation juridique à retenir, à moins que le tribunal arbitral envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence in casu (arrêt 4P.100/2003 du 30 septembre 2003, destiné à la publication, consid. 5 et les références). De même, le tribunal arbitral n'est pas non plus tenu d'aviser spécialement une partie du caractère décisif d'un élément de fait sur lequel il s'apprête à fonder sa décision, pour autant que celui-ci ait été allégué et prouvé selon les règles (même arrêt, ibid.). Au demeurant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 116 II 373 consid. 7b; Corboz, op. cit., p. 24).
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4.2 C'est à la lumière de ces principes et de ceux qui seront exposés en rapport avec l'un ou l'autre des griefs articulés par la recourante qu'il y a lieu d'examiner les moyens soulevés par celle-ci. Avant de procéder à cet examen, il convient toutefois de faire deux remarques d'ordre général touchant la manière d'argumenter de l'intéressée. La première a trait au fait que la recourante prend continuellement pour cible de ses doléances le seul président du Tribunal arbitral, sur la personne duquel elle se focalise. Or, il va sans dire que, dans la mesure où l'on a affaire en l'occurrence à une juridiction privée de type collégial, il n'est pas possible d'individualiser les fautes qui peuvent avoir été commises par l'un ou l'autre de ses membres en cours de procédure. La seconde remarque concerne la tentative de la recourante de formuler, sous le couvert du grief de violation du droit d'être entendu, des critiques à l'encontre de la décision prise sur le fond par les arbitres majoritaires. Cette tentative, qui se manifeste à de nombreux endroits de l'acte de recours, est d'emblée vouée à l'échec.
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Ces remarques liminaires étant faites, l'examen des différents griefs formulés par la recourante, au titre de la violation du droit d'être entendu lato sensu, peut débuter.
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4.2.1 La recourante se plaint en premier lieu, au titre de l'inégalité de traitement, de n'avoir pas bénéficié de la prolongation de délai, à laquelle les intimées ont eu droit, pour communiquer au Tribunal arbitral ses remarques définitives concernant le projet de procès-verbal de l'audience du 13 juin 2001 (ch. 197/198). Le reproche n'est pas fondé. L'intéressée a du reste reçu toutes explications utiles au sujet du traitement de sa requête ad hoc de la part du président du Tribunal arbitral en date du 11 janvier 2002 (cf. pièce 35 rec.). De fait, il ressort du dossier que la recourante n'a formulé sa requête visant à prolonger ledit délai que deux jours avant l'expiration de celui-ci. La prudence commandait, dans ces conditions, qu'elle s'enquît, par téléphone ou de toute autre manière, auprès du président du Tribunal arbitral, du sort réservé à sa requête. Au lieu de quoi, elle a préféré déposer ses observations dans le délai initial. Aussi ne saurait-elle venir invoquer a posteriori une inégalité de traitement par rapport aux intimées. Il paraît d'ailleurs peu vraisemblable, comme le soulignent ces dernières dans leur réponse (ch. 193), que la recourante ait pu rédiger, dans les dernières heures du délai, des remarques détaillées couvrant pas moins de 18 pages. On ne voit pas non plus en quoi la recourante a pu pâtir de la non-prolongation du délai dès lors qu'elle a été en mesure de formuler ses remarques au sujet du projet de procès-verbal de l'audience, pièce à laquelle elle attache du reste une importance démesurée.
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Selon la recourante, le président du Tribunal arbitral aurait rédigé un projet de procès-verbal d'audience ne respectant manifestement pas l'égalité des parties (ch. 199). Il n'importe puisque ce projet a été suivi d'une version définitive, acceptée par tous les intéressés, sur laquelle le Tribunal arbitral a fondé sa sentence.
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Savoir, enfin, si la recourante a été privée sans raison valable de la possibilité d'interroger des témoins est une question qui relève du droit à la preuve et qui sera traitée dans ce cadre-là. Aussi bien, la violation du droit à la preuve et l'inégalité de traitement ne vont pas forcément de pair. Il est, en effet, concevable que toutes les parties se voient refuser la possibilité d'interroger des témoins, en violation de leur droit à la preuve, auquel cas elles seraient traitées sur un pied d'égalité.
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4.2.2 La recourante reproche ensuite au Tribunal arbitral d'avoir violé le droit des parties de poser des questions aux témoins. Dans un premier temps, elle s'emploie à démontrer que ce droit serait un principe impératif de procédure (ch. 200 à 209), en particulier lorsque les arbitres utilisent des witness statements (ch. 210 à 226), avant d'exposer en quoi, selon elle, cette garantie aurait été méconnue in casu (ch. 227 à 246).
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4.2.2.1 Dans la partie de son mémoire consacrée aux considérations théoriques, la recourante commence par rappeler que le droit de poser ou de faire poser des questions aux témoins qui comparaissent devant un tribunal est un principe fondamental de procédure, reconnu à tous les niveaux juridiques, qu'il s'agisse du droit conventionnel (art. 6 par. 1 CEDH), du droit constitutionnel (art. 29 al. 2 Cst.), du droit fédéral (art. 46 PCF) ou du droit cantonal (cf. Fabienne Hohl, Procédure civile, tome 1, n. 904 s. et les références). Le principe rappelé est certes unanimement reconnu. Toutefois, il n'entre pas en ligne de compte en l'espèce, puisque le Tribunal arbitral a renoncé à entendre des témoins.
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La pierre angulaire de l'argumentation de la recourante réside dans l'arrêt du Tribunal fédéral publié aux ATF 124 V 90 consid. 5b. Selon la recourante, sur la base de cette jurisprudence, qui s'appliquerait également aux witness statements, il serait acquis que l'art. 182 al. 3 LDIP protège le droit d'une partie de poser ou de faire poser des questions aux témoins, en particulier à l'auteur d'un witness statement, et ce tant oralement que par écrit. Il est douteux que la jurisprudence invoquée par la recourante, qui a été rendue dans le domaine des assurances sociales, puisse être reprise telle quelle dans celui de l'arbitrage international. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas en déduire le droit d'une partie de requérir l'audition de l'auteur d'un témoignage écrit. Il n'est, en effet, question, dans le passage topique de l'arrêt précité, que du droit d'une partie de prendre connaissance du contenu d'une déposition d'un témoin faite par écrit et de son droit d'être mise en mesure "de poser ou de faire poser des questions complémentaires au témoin". Pour le surplus, le droit des parties de participer à l'administration de la preuve testimoniale, dans les limites fixées par la jurisprudence susmentionnée (cf. consid. 4.1), et de se prononcer sur son résultat est incontestable. La recourante affirme péremptoirement qu'il ne lui a pas été accordé par le Tribunal arbitral (ch. 213 in fine). Cette simple affirmation ne suffit pas à établir le bien-fondé du grief qu'elle soulève sur ce point.
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Les longues explications, d'ordre général, fournies par la recourante pour tenter de faire admettre, au titre de l'art. 182 al. 3 LDIP, la nécessité de reconnaître le droit des parties à une procédure arbitrale d'exiger l'audition des auteurs de witness statements ne commandent pas un réexamen des principes jurisprudentiels solidement établis en matière de droit à la preuve dans l'arbitrage international. Les arguments qui les étayent sont d'ailleurs tirés, pour l'essentiel, de réglementations qui n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cas concret (IBA Rules on the Taking of Evidence in International Arbitration; Code de procédure civile du Québec; Principes et Règles relatifs à la procédure civile transnationale, établis par l'American Law Institute et UNIDROIT). En revanche, la recourante ne précise pas si et, le cas échéant, de quelle manière le problème soulevé par elle est traité dans le règlement de la CCI qui régit pourtant le présent arbitrage.
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4.2.2.2 Il convient d'examiner maintenant les différents reproches adressés au Tribunal arbitral sous l'angle de la violation du droit d'être entendu.
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La recourante observe, en premier lieu, que l'art. 7.5.4 de l'acte de mission accorde expressément aux parties le droit d'interroger oralement l'auteur d'une déposition écrite. Elle se réfère, en outre, à des assurances écrites qui lui ont été fournies à ce sujet par le président du Tribunal arbitral avant la signature de l'acte de mission. Il est exact que l'art. 7.5.4 de cet acte va bien dans le sens indiqué par la recourante, encore qu'il puisse interférer avec la clause 7.5.1 du même acte qui confère au Tribunal arbitral le droit de décider si des témoins seront entendus, lesquels le seront et de quelle manière ils déposeront. Toutefois, comme son président le souligne dans ses observations (ch. 11), le Tribunal arbitral a entendu faire, dès le départ, une distinction claire entre les témoins - i.e. les tiers appelés à rapporter des faits pertinents pour le procès, dont ils ont eu personnellement connaissance - et les experts, invités à s'exprimer sur des questions techniques ou juridiques. Or, les personnes que la recourante aurait voulu faire entendre appartenaient toutes à cette dernière catégorie et elles s'étaient déjà exprimées par le menu sur les problèmes qui leur avaient été soumis (modalités d'acquisition du matériel par l'armée américaine, droit cartellaire des Etats-Unis, détails techniques concernant le pont litigieux), si bien qu'il ne s'imposait nullement de les convoquer devant le tribunal arbitral pour y être interrogées. Quoi qu'en dise la recourante (ch. 241 à 246), la distinction faite par le Tribunal arbitral entre les témoins stricto sensu et les témoins-experts n'apparaît pas critiquable dans les circonstances très spécifiques qui caractérisent la cause en litige. Au demeurant, même si le Tribunal arbitral avait méconnu l'art. 7.5.4 de l'acte de mission, il ne s'ensuivrait pas pour autant l'admission du recours. En effet, comme on l'a déjà noté, une modalité arrêtée par les parties ne devient pas ipso facto un principe impératif de procédure au sens de l'art. 182 al. 3 LDIP. Or, cette disposition ne confère pas aux parties le droit de poser ou de faire poser oralement des questions aux auteurs de dépositions écrites. Par conséquent, la violation de la clause susvisée de l'acte de mission, fût-elle avérée, ne justifierait pas l'annulation de la sentence attaquée.
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Cela étant, les critiques formulées, dans le même contexte, par la recourante en ce qui concerne deux problèmes particuliers - l'existence d'alternatives dans la conception de l'offre faite au gouvernement américain en 1996 (ch. 230), d'une part, et l'incidence, au regard du paragraphe 2.1. du contrat, du fait que le pont était lancé au moyen d'un chariot roulant sur la traverse durant le processus de lancement (ch. 233 à 239), d'autre part - s'en trouvent privées de fondement. Force est d'ailleurs de relever qu'ici aussi la recourante, en soulevant le moyen pris de la violation du droit à la preuve, tente en réalité de remettre en cause la constatation et l'appréciation juridique des faits auxquelles a procédé le Tribunal arbitral. La recourante plaide d'ailleurs en vain l'effet de surprise quant à la manière dont le Tribunal arbitral a traité la question technique du pont litigieux et, plus précisément, celle du chariot utilisé pour le lancement de cet ouvrage, s'agissant du noeud du litige.
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La recourante invoque, de surcroît, une inadvertance manifeste qui l'aurait empêchée de poser ou de faire poser des questions aux divers témoins dont elle avait requis l'audition (ch. 247 ss). Cependant, dans la mesure où elle croit pouvoir déduire de l'existence de cette inadvertance un droit à l'audition des témoins en question, son grief tombe à faux pour les motifs sus-indiqués. Pour le reste, l'intéressée accorde à cette inadvertance une importance qu'elle ne revêt pas, ainsi que le démontrent les intimées dans leur réponse au recours (ch. 238).
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Par conséquent, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu se révèle infondé.
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5.
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Dans un dernier moyen, la recourante soutient que la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP), dès lors que le Tribunal arbitral a violé les règles de la bonne foi ainsi que le principe pacta sunt servanda et qu'il a méconnu son droit à un procès équitable (ch. 250 à 268).
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5.1 Une sentence peut être attaquée lorsqu'elle est contraire à l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). On distingue un ordre public matériel et un ordre public procédural.
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L'ordre public procédural garantit aux parties le droit à un jugement indépendant sur les conclusions et l'état de fait soumis au Tribunal arbitral d'une manière conforme au droit de procédure applicable; il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit (cf. ATF 128 III 191 consid. 4a p. 194 et l'arrêt cité). Il faut cependant préciser que toute violation, même arbitraire, d'une règle procédurale ne constitue pas une violation de l'ordre public procédural. Seule peut entrer en considération ici la violation d'une règle essentielle pour assurer la loyauté de la procédure (ATF 126 III 249 consid. 3b et les références; Corboz, op. cit., p. 29).
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Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes juridiques fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables (ATF 120 II 155 consid. 6a p. 166 et les références). Selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation du principe pacta sunt servanda que si l'arbitre admet que les parties sont juridiquement liées par une clause contractuelle, mais refuse néanmoins de l'appliquer ou, à l'inverse, s'il admet que les parties ne sont pas juridiquement tenues par une clause contractuelle, mais leur en impose néanmoins le respect; il faut donc que le tribunal accorde ou refuse une protection contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu d'un acte juridique dont une partie se prévaut (arrêt 4P.202/2003 du 24 novembre 2003, consid. 5; ATF 120 II 155 consid. 6c/cc p. 171; 116 II 634 consid. 4b p. 638).
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5.2 Appliqués au cas particulier, ces principes jurisprudentiels commandent le rejet du grief d'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public.
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Sous l'angle de la violation du principe de la bonne foi, la recourante se borne à reprendre les critiques qu'elle formule par ailleurs en ce qui concerne, d'une part, le refus du Tribunal arbitral d'autoriser le contre-interrogatoire des témoins, nonobstant le libellé de l'acte de mission et les assurances fournies par son président avant la signature de cet acte et, d'autre part, la confection du projet de procès-verbal. La Cour de céans y a déjà répondu en refusant d'y voir une violation du droit d'être entendu, pour la première circonstance, et un motif de mettre en doute la régularité de la constitution du Tribunal arbitral, pour la seconde. Il n'y a pas lieu d'y revenir. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le Tribunal arbitral n'a pas changé brusquement son fusil d'épaule, en revenant sur des promesses faites par son président, mais bien qu'il a dûment expliqué aux parties, par l'intermédiaire de ce dernier, les raisons pour lesquelles il estimait superflu d'entendre les auteurs des dépositions écrites. Semblable démarche ne heurtait en rien le principe de la bonne foi. Il est d'ailleurs fréquent qu'un tribunal soit amené à modifier des mesures procédurales antérieures en fonction de l'évolution de la situation.
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L'argument selon lequel le Tribunal arbitral aurait méconnu le principe pacta servanda en violant l'art. 7.5.4 de l'acte de mission fait fi de la jurisprudence précitée relative à ce principe. Il en va de même du reproche fait, sous cet angle, au Tribunal arbitral de n'avoir pas conclu à la nullité de l'engagement souscrit par les parties, au paragraphe 2.1 du contrat litigieux, après qu'il eut constaté le défaut de réelle et commune intention de celles-ci quant à la signification de cette clause contractuelle.
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Enfin, il va de soi que le simple rappel des nombreux griefs articulés par la recourante au sujet de la procédure conduite par le Tribunal arbitral - griefs qui ont tous été rejetés - ne suffit pas à démontrer que l'intéressée n'a pas eu droit à un procès équitable.
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6.
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La recourante, qui succombe, devra payer l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et verser aux intimées, créancières solidaires, une indemnité à titre de dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
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3.
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La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral.
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Lausanne, le 7 janvier 2004
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Au nom de la Ire Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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