BGer 6P.48/2004 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
BGer 6P.48/2004 vom 17.05.2004 | |
Tribunale federale
| |
{T 0/2}
| |
6P.48/2004
| |
6S.146/2004/rod
| |
Arrêt du 17 mai 2004
| |
Cour de cassation pénale
| |
Composition
| |
MM. les Juges Schneider, Président,
| |
Kolly et Karlen.
| |
Greffier: M. Denys.
| |
Parties
| |
X.________,
| |
recourant, représenté par Me Michel Montini, avocat,
| |
contre
| |
Ministère public du canton de Neuchâtel,
| |
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
| |
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.
| |
Objet
| |
Procédure pénale, droit d'être entendu, "in dubio pro reo"; doute sur l'état mental de l'inculpé, fixation de la peine,
| |
recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois du 22 mars 2004 et recours de droit public contre la décision présidentielle du 24 mars 2004 fixant l'indemnité de l'avocat d'office.
| |
Faits:
| |
A.
| |
Par jugement du 2 juillet 2003, la Cour d'assises du canton de Neuchâtel a condamné X.________, pour contravention et infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et blanchiment d'argent, à neuf ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive subie, et à quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Par le même jugement, la Cour d'assises a également condamné les dénommés Y.________, Z.________ et B.________, ce dernier l'étant par défaut.
| |
La Cour d'assises a écarté les dénégations de X.________ et a retenu qu'il était impliqué avec B.________ et Y.________ dans un important trafic d'héroïne. Elle s'est fondée sur les déclarations de Y.________ malgré leurs variations assez importantes en cours d'enquête. Elle a relevé d'une part que, lors de confrontations avec X.________, Y.________ avait confirmé ses dernières déclarations et, d'autre part, que les variations s'expliquaient par l'imprécision naturelle de souvenirs relatifs à une activité délictuelle menée sur plusieurs mois, ainsi que par la volonté d'impliquer le moins de personnes possible au travers d'aveux. La Cour d'assises a également observé que les déclarations de Y.________ étaient corroborées par d'autres éléments, soit des écoutes téléphoniques et des déclarations des dénommés Z.________, D.________, A.C.________ et B.C.________. Elle a conclu que cette accumulation de preuves concordantes privaient, du moins quant au principe des actes délictueux, de crédibilité les dénégations de X.________. En ce qui concerne la quantité d'héroïne trafiquée, elle a considéré qu'elle se montait à 5,2 kilos compte tenu des déclarations de Y.________ et des autres destinataires de cette substance. Pour l'infraction de blanchiment d'argent (art. 305bis CP), la Cour d'assises a admis que X.________ avait fait transférer des fonds issus du trafic de stupéfiants en Albanie par l'entremise d'une compagnie spécialisée. Elle a jugé invraisemblables les explications de X.________ selon lesquelles l'argent transféré consistait en des économies qu'il avait amenées avec lui en Suisse.
| |
B.
| |
Par arrêt du 22 mars 2004, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours de X.________.
| |
C.
| |
Ce dernier forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à son annulation et sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
| |
D.
| |
Dans son mémoire de recours de droit public, X.________ s'en prend également à la décision rendue le 24 mars 2004 par la présidente de la Cour de cassation pénale neuchâteloise, qui fixe l'indemnité allouée à Me Michel Montini, son avocat d'office pour la procédure cantonale de recours. Il conclut à son annulation.
| |
Le Tribunal fédéral considère en droit:
| |
1.
| |
Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, le recours de droit public est examiné en premier lieu.
| |
I. Recours de droit public
| |
2.
| |
2.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).
| |
2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).
| |
3.
| |
3.1 Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il affirme en particulier avoir proposé des moyens de preuve propres à établir qu'il ne possédait pas de maison luxueuse en Albanie et qu'il était venu en Suisse pour rejoindre les Etats Unis d'Amérique, où résident deux de ses frères.
| |
3.2 Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes lorsque le fait à établir est sans importance pour la solution du cas, qu'il résulte déjà de constatations ressortant du dossier ou lorsque le moyen de preuve avancé est impropre à fournir les éclaircissements nécessaires. L'appréciation anticipée des preuves ne constitue pas une atteinte au droit d'être entendu (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242; 124 V 180 consid. 1a p. 181). Au même titre que toute appréciation des preuves, l'appréciation anticipée de celles-ci est soumise à l'interdiction de l'arbitraire (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285).
| |
L'appréciation des preuves est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par le juge de la cause que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 127 I 38 consid. 2 p. 40, 126 I 168 consid. 3a p. 170).
| |
3.3 Comme l'a retenu la Cour de cassation cantonale, on ne perçoit nullement en quoi le prétendu souhait initial du recourant de s'installer aux Etats Unis d'Amérique serait propre à le disculper des infractions reprochées, voire à en atténuer la gravité. Il n'en va pas différemment des conditions de vie de sa famille en Albanie dès lors que la manière dont l'argent qu'il a transféré en Albanie a été utilisé là-bas n'a rien de pertinent pour les infractions en cause. Le recourant ne démontre d'ailleurs pas en quoi les éléments qu'il avance seraient essentiels. Il se borne à l'affirmer, évoquant notamment, sans autre développement, l'existence d'un complot dirigé contre lui. La motivation présentée ne satisfait pas aux exigences minimales de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Elle est irrecevable.
| |
Quoi qu'il en soit, les éléments fondant la culpabilité du recourant ont clairement été exposés. La Cour d'assises a mentionné pourquoi elle prenait en compte les déclarations de Y.________, malgré les variations de celui-ci en cours d'enquête. Les explications qu'elle a données à ce propos ne prêtent pas le flanc à la critique. Les autres éléments d'appréciation qu'elle a pris en compte (les écoutes téléphoniques et diverses déclarations) apparaissent probants. Les preuves offertes par le recourant n'étaient pas de nature à ébranler l'appréciation des preuves retenues. La solution suivie ne consacre par conséquent aucune violation du droit d'être entendu du recourant.
| |
4.
| |
Le recourant se prévaut d'une violation de la présomption d'innocence (ou de la maxime "in dubio pro reo" ).
| |
Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la présomption d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).
| |
Le recourant ne cherche pas à démontrer que l'appréciation des preuves serait arbitraire. Il se contente d'émettre quelques hypothèses, de taxer de non fiables les écoutes téléphoniques et de non crédible la totalité des témoignages prise en considération. De la sorte, il se livre à une libre discussion des faits, opposant sa version à celle retenue. Purement appellatoire, son argumentation à ce propos n'est pas recevable (supra, consid. 2.2).
| |
Comme déjà dit (supra, consid. 3.3), la Cour d'assises a précisé les éléments à partir desquels elle concluait à la culpabilité du recourant. Les éléments en question sont probants. Au regard de l'ensemble des preuves à disposition, il ne saurait subsister un doute sérieux et insurmontable quant au verdict de culpabilité. Il n'y a pas de violation de la présomption d'innocence.
| |
5.
| |
Le recourant s'en prend également à la décision rendue par la présidente de la Cour de cassation cantonale le 24 mars 2004. Cette décision fixe à 1'550 francs, TVA non comprise, le montant dû à l'avocat d'office du recourant pour la procédure cantonale de recours. Jugeant l'indemnité insuffisante, notamment en tant qu'elle ne prend pas en considération les frais d'interprète assumés par l'avocat, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 3 Cst. Il invoque en outre les art. 17 et 19 de la loi neuchâteloise sur l'assistance judiciaire et administrative (LAJA/NE). Il ressort de ces dispositions que l'avocat d'office a droit à une indemnité fixée selon un tarif horaire ainsi qu'au remboursement de ses débours et que sa rémunération tient en particulier compte de la nature, de l'importance et de la difficulté de la cause et du temps qu'y a consacré l'avocat.
| |
En l'occurrence, le problème soulevé ne concerne pas le principe de l'assistance judiciaire telle qu'elle est garantie à l'indigent en vertu de l'art. 29 al. 3 Cst. En effet, le recourant a concrètement bénéficié de l'assistance d'un avocat d'office tant devant la Cour d'assises que pour la phase de la procédure cantonale de recours. En ce sens, l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 5 février 2004 (U 167/03) dont il se prévaut est sans pertinence. Cet arrêt (son consid. 4) concerne en effet une affaire où l'assistance judiciaire avait été refusée, ce qui ne correspond pas au cas du recourant. La question ici posée touche uniquement à la rémunération de l'avocat d'office assumée par le canton, du point du vue des postes qui la composent et de son étendue.
| |
La qualité pour recourir en droit public se détermine exclusivement selon l'art. 88 OJ. Le recours de droit public n'est ouvert qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés (ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44). En l'espèce, on ne voit pas en quoi la décision attaquée, en tant qu'elle fixe de manière prétendument trop basse la rémunération et les débours de l'avocat d'office à la charge du canton, léserait les droits du recourant lui-même. Elle ne paraît pas l'atteindre dans sa situation juridique ni lui être désavantageuse dans ses effets juridiques. Or, le recourant n'établit pas dans son mémoire de recours en quoi la décision attaquée le toucherait dans ses intérêts juridiques. A défaut pour lui de disposer d'une qualité pour recourir évidente, il était tenu en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, sous peine d'irrecevabilité, de le dire précisément (ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 120 Ia 227 consid. 1 p. 229). Il s'ensuit que le grief soulevé est irrecevable. L'avocat d'office aurait eu lui-même qualité pour contester le montant alloué (cf. ATF 118 Ia 133; 109 Ia 107). Même si l'avocat du recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral a assumé la fonction d'avocat d'office en procédure cantonale, il n'a pas interjeté un recours de droit public à titre personnel mais en qualité de représentant du recourant. Il ne saurait donc être question d'entrer en matière sur le grief.
| |
II. Pourvoi en nullité
| |
6.
| |
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).
| |
7.
| |
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 13 CP, considérant que l'autorité cantonale aurait dû douter de son état mental et ordonner une expertise psychiatrique. Il fonde son argumentation sur sa consommation de cocaïne.
| |
En vertu de l'art. 13 CP, le juge doit ordonner une expertise non seulement lorsqu'il éprouve effectivement des doutes quant à la responsabilité de l'inculpé, mais aussi lorsque d'après les circonstances du cas particulier, il aurait dû en éprouver, c'est-à-dire lorsqu'il se trouve en présence d'indices sérieux propres à faire douter de la responsabilité pleine et entière de l'inculpé (ATF 119 IV 120 consid. 2a p. 123; 118 IV 6 consid. 2 p. 7; 116 IV 273 consid. 4a). La jurisprudence a cependant souligné que la notion d'être humain normal ne doit pas être interprétée de manière trop étroite, de sorte qu'on ne doit pas admettre une capacité délictuelle diminuée en présence de toute insuffisance du développement mental, mais seulement lorsque l'accusé se situe nettement en dehors des normes et que sa constitution mentale se distingue de façon essentielle, non seulement de celle des personnes normales mais aussi de celle des délinquants comparables (ATF 116 IV 273 consid. 4b p. 276).
| |
Une dépendance à la drogue peut le cas échéant susciter des doutes au sens de l'art. 13 CP (ATF 106 IV 242 consid. 2a p. 243; 102 IV 74 consid. 1p. 75). En l'espèce, la Cour d'assises a certes retenu l'existence d'une forte consommation de cocaïne chez le recourant. La Cour de cassation cantonale a cependant souligné que le recourant n'avait pas donné de signes de toxico-dépendance durant son incarcération et qu'aucun élément du dossier ne permettait d'admettre une telle dépendance (cf. arrêt attaqué, p. 7). Il s'agit là d'une constatation factuelle, qui lie le Tribunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF). Il n'existe par conséquent pas de dépendance établie chez le recourant. La Cour d'assises avait elle-même observé que rien ne révélait une modification du comportement du recourant en raison de sa consommation de cocaïne (cf. jugement de première instance, p. 28). En outre, par rapport aux faits reprochés, les constatations cantonales ne recèlent aucune circonstance particulière qui pourrait susciter un doute sérieux quant à l'état mental du recourant. Le recourant n'en indique d'ailleurs lui-même aucune. Son grief est infondé.
| |
8.
| |
Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le recourant se plaint de la peine infligée.
| |
8.1 Les critères en matière de fixation de la peine ont été rappelés à l'arrêt publié aux ATF 127 IV 101. Il convient de s'y référer.
| |
8.2 Le recourant juge sa peine excessive en comparaison de celles infligées à ses coaccusés Y.________ et Z.________.
| |
Dans le contexte de la fixation de la peine, il est possible de faire valoir une inégalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 144). Les disparités en matière de fixation de la peine s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines (ATF 124 IV 44 consid. 2c p. 47). Néanmoins, l'idée de ne pas créer un écart trop important entre deux coaccusés qui ont participé ensemble au même complexe de faits délictueux est soutenable (ATF 123 IV 150 consid. 2b p. 154).
| |
En l'espèce, les quantités de drogue reprochées au recourant sont plus importantes que celles imputées à ses coaccusés. Selon les constatations cantonales, Z.________ n'a tenu qu'un rôle relativement bref et accessoire. Y.________ a de son côté été mis au bénéfice d'une responsabilité moyennement diminuée alors que le recourant a été reconnu pleinement responsable. Ces éléments justifient la différence des peines infligées. Il n'existe aucune inégalité de traitement.
| |
8.3 Le recourant affirme que la peine de neuf ans de réclusion prononcée à son encontre est excessive compte tenu de la quantité d'héroïne trafiquée - 5,2 kilos - d'un taux de pureté de l'ordre de 10%. Il se réfère à de la doctrine selon laquelle une peine de neuf ans doit correspondre à un trafic portant sur 5 kilos d'héroïne pure (cf. Thomas Fingerhuth / Christoph Tschurr, Betäubungsmittelgesetz, Zurich 2002, p. 385).
| |
La doctrine invoquée rejoint l'étude de Thomas Hansjakob (Strafzumessung in Betäubungsmittelfällen - eine Umfrage der KSBS, RPS 115/1997 p. 233 ss). L'étude en question est basée sur une enquête menée par la Conférence suisse des autorités de poursuite pénale auprès des cantons, dont la moitié a répondu. L'auteur a essayé d'en déduire les peines moyennes prononcées en Suisse selon la quantité de drogue pure vendue: partant d'une peine privative de liberté d'une année pour 12 grammes d'héroïne, respectivement 18 grammes de cocaïne, il estime que la peine est doublée chaque fois que la quantité de drogue pure concernée est multipliée par huit (op. cit., p. 242 et 244). Il prévoit en outre divers facteurs correctifs selon les circonstances objectives de la commission des infractions. Si l'on applique ce "tarif exponentiel" au cas du recourant, il faudrait partir d'une quantité d'héroïne pure d'environ 520 grammes dans l'hypothèse la plus favorable pour lui (5,2 kilos au taux de 10 %). La Cour de cassation neuchâteloise a admis que le degré de pureté de la drogue n'était pas particulièrement élevé (de 10,6 à 14,7 %) sans exclure que d'autres échantillons aient été moins dilués (cf. arrêt attaqué, p. 7). La quantité d'héroïne pure de quelque 520 grammes aboutirait à une peine privative de liberté de l'ordre de quarante mois.
| |
Dans un arrêt non publié du 22 novembre 1999 (6S.709/1999), le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de dire qu'un tel tarif ne pouvait pas lier le juge. En effet, une tarification est incompatible avec le système de l'art. 63 CP fondé sur la faute. Le large pouvoir d'appréciation que le droit fédéral accorde au juge de répression ne s'accorde pas avec la fixation de peines moyennes plus ou moins contraignantes (dans le même sens: Peter Albrecht, Neue Wege der Strafzumessung bei Betäubungsmitteldelikten, RPS 1998 p. 423 ss). En outre, le tarif esquissé est essentiellement basé sur la quantité de drogue. Or, la quantité n'est qu'un critère parmi d'autres pour fixer la peine. Selon la jurisprudence, la quantité de drogue en jeu et, le cas échéant, la pureté de celle-ci est d'autant moins déterminante que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. De même, cet élément perd de l'importance si plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Lorsque l'auteur n'a pas voulu fournir une drogue particulièrement pure ou particulièrement diluée, la question du taux de pureté exact et, partant, la quantité exacte de drogue pure concernée ne joue pas de rôle pour apprécier la gravité de la faute (ATF 122 IV 299 consid. 2c p. 301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196). Enfin, il faut observer que la représentativité de l'enquête à l'origine de la tarification n'est pas certaine, la moitié des cantons n'ayant semble-t-il pas répondu. La Conférence suisse des autorités de poursuite pénale, se rangeant d'ailleurs en cela à l'avis de nombreuses autorités pénales cantonales, a finalement très justement émis des réserves importantes au sujet d'un modèle de tarification de ce genre, et elle a renoncé à formuler des recommandations en la matière.
| |
Aussi, la tarification invoquée par le recourant ne saurait-elle être appliquée.
| |
8.4 Le recourant soutient que certains éléments n'auraient pas été pris en compte (enfance difficile, fortes migraines, dénuement de sa famille en Albanie).
| |
L'enfance difficile et les migraines ressortent des déclarations faites par le recourant devant la Cour d'assises (cf. jugement de première instance, p. 18/19). Celle-ci a évoqué au stade de la fixation de la peine la mauvaise situation économique de l'Albanie et mentionné que le recourant, âgé d'une quarantaine d'année, était responsable de son destin, quelles qu'aient été ses difficultés dans l'enfance ou l'adolescence (cf. jugement de première instance, p. 27). Les éléments plaidés par le recourant n'ont pas été ignorés. Savoir le poids qu'il fallait leur accorder est une pure question d'appréciation.
| |
8.5 Il reste à examiner si la peine est exagérément sévère au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation.
| |
Le trafic a porté sur 5,2 kilos d'héroïne brute. Le recourant tenait un rôle important dans le réseau, approvisionnant des revendeurs. Il n'a pas été retenu qu'il savait que la drogue était particulièrement diluée. Le recourant a uniquement agi par appât du gain. Son activité délictueuse a duré plusieurs mois. Outre le trafic de stupéfiants, il a transféré de l'argent en Albanie et s'est ainsi rendu coupable de blanchiment. Il n'a exprimé aucun regret. Dans ces circonstances, sa faute ne peut qu'être qualifiée de lourde et justifie une peine élevée. La peine de neuf ans de réclusion ne procède pas d'un abus du large pouvoir d'appréciation reconnu en ce domaine à l'autorité cantonale. Le grief est par conséquent infondé.
| |
III. Frais
| |
9.
| |
Les recours étaient d'emblée dépourvus de chances de succès. La requête d'assistance judiciaire doit ainsi être rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui succombe, supporte les frais relatifs aux deux recours (art. 156 al. 1 OJ et 278 al. 1 PPF), lesquels sont fixés de manière réduite pour tenir compte de sa mauvaise situation financière.
| |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
| |
1.
| |
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.
| |
2.
| |
Le pourvoi en nullité est rejeté.
| |
3.
| |
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
| |
4.
| |
Un émolument judiciaire de 1'500 francs est mis à la charge du recourant.
| |
5.
| |
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois.
| |
Lausanne, le 17 mai 2004
| |
Au nom de la Cour de cassation pénale
| |
du Tribunal fédéral suisse
| |
Le président: Le greffier:
| |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |