BGer 2P.230/2003 | |||
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BGer 2P.230/2003 vom 23.11.2004 | |
Tribunale federale
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2P.230/2003/LGE/elo
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{T 0/2}
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Arrêt du 23 novembre 2004
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
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Müller, Yersin, Merkli et Zappelli, Juge suppléant.
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Greffier: M. Langone.
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Parties
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X.________, recourant,
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représenté par Me Philippe Meier, avocat,
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contre
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Etat de Genève, représenté par Me Michel Bergmann, avocat,
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Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
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Objet
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art. 9 Cst. (dommages et intérêts),
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recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 juin 2003.
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Faits:
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A.
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A.________, né le **, a été, par décision du 24 novembre 1958, mis sous tutelle par la chambre pupillaire de B.________ en raison d'une condamnation à une peine privative de liberté supérieure à un an.
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Le 31 août 1976, une nouvelle interdiction basée sur la prodigalité et la mauvaise gestion a été prononcée. Cette décision était motivée par le fait que la situation financière du pupille présentait un déficit de plus de 500'000 fr. et qu'il faisait l'objet de plusieurs actes de défaut de biens.
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Le 29 octobre 1979, la Chambre des tutelles du canton de Genève a accepté de recevoir la tutelle en son for en raison du domicile genevois de A.________. Elle a désigné le Tuteur général aux fonctions de tuteur. La mesure de tutelle a été publiée à trois reprises dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève en novembre et décembre 1979.
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Le 6 octobre 1981, A.________ a été condamné par la Cour correctionnelle de Genève à une peine de deux ans d'emprisonnement pour abus de confiance, escroquerie et vol. Le 10 mai 1982, il a pu bénéficier d'une libération conditionnelle avec un délai d'épreuve et de patronage de trois ans.
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Les incarcérations subies par A.________ jusque-là représentaient près de dix-huit années de sa vie, soit douze ou treize infractions contre le patrimoine commises au préjudice de divers employeurs.
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Le 14 août 1986, A.________ a derechef été condamné par la Cour correctionnelle de Genève à douze mois d'emprisonnement pour vols et abus de confiance, commis de 1982 à 1986, au préjudice de son employeur.
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Le 18 novembre 1986, le Tribunal correctionnel de Lausanne l'a condamné à la peine de quarante-cinq jours d'emprisonnement pour vols commis en 1982.
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Les autorités de tutelle genevoises ont adressé tous les deux ans un rapport à l'autorité de surveillance au sujet de X.________.
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Celui-ci a retrouvé un emploi dès sa sortie de prison en 1982 et, par la suite, il a toujours travaillé.
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De 1985 à 1989, il a travaillé comme secrétaire pour l'avocat C.________. Durant cette période, il a commis des détournements au préjudice de son employeur en falsifiant des chèques. C.________ n'a pas dénoncé A.________ qui l'a entièrement remboursé par acomptes représentant un total de 20'000 fr. Il a établi à l'égard de A.________ un certificat de travail indiquant ses qualités professionnelles mais ne mentionnant pas les détournements commis.
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B.
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En février 1990, A.________ a été engagé tout d'abord pour un emploi temporaire concernant l'archivage, puis en qualité de secrétaire à l'étude de X.________, avocat à Genève, pour un salaire mensuel de 3'600 fr. Il avait été recommandé par D.________, alors stagiaire dans l'étude de Me X.________ et connaissance de Me C.________.
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En tant que secrétaire, A.________ était habilité à ouvrir le courrier. Il n'avait pas la signature sur le compte bancaire de l'étude, mais sur le compte de chèques postaux, lequel contenait des petits montants destinés essentiellement à payer les frais de poursuite. Il disposait d'un chéquier, car il devait préparer des chèques afin de les faire signer par son employeur. Il devait en outre envoyer à la fiduciaire de l'étude les pièces justificatives relatives aux rentrées et sorties du compte bancaire. Jusqu'en 1995, X.________ a été satisfait du travail de son employé.
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A la fin 1995, il a été informé par sa fiduciaire que A.________ ne remettait plus les pièces comptables requises. Il y a eu aussi plusieurs absences injustifiées et X.________ a reçu des appels de créanciers concernant des dettes de jeu contractées par son employé.
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Au printemps 1996, A.________ a donné son congé.
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Au mois de mai 1996, lorsque la totalité des pièces comptables ont été remises par A.________ à la fiduciaire, X.________ a découvert qu'il avait été l'objet de malversations de la part de son employé. Il est ainsi apparu que celui-ci avait falsifié les copies des relevés bancaires de 1990 à 1996 et fait en sorte que les détournements n'aient pas d'incidences visibles sur le chiffre d'affaires.
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En résumé, les procédés délictueux étaient les suivants: lorsqu'un client versait un montant à l'étude, A.________ s'arrangeait pour affecter une partie de ce montant sur le compte du client, au sein de l'étude, et non en règlement d'honoraires. Il pouvait ainsi disposer des montants portés sur le compte du client, contrôlant de la sorte les rentrées et les sorties de l'étude. Il contrefaisait la signature de X.________ et tirait des chèques en sa faveur. Sur le double des chèques destinés à la fiduciaire, il inscrivait le nom d'un client de l'étude. Ces chèques étaient alors enregistrés par la fiduciaire comme des retours de recouvrement à des clients de l'étude et diminuaient d'autant le chiffre d'affaires.
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Le 1er juin 1996, X.________ a déposé plainte contre A.________. La procédure pénale a permis d'établir que de 1990 à 1996, celui-ci avait détourné 860'522 fr. 25 au préjudice de son employeur.
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Par une lettre des services du tuteur général du 26 mai 1997, X.________ a appris que A.________ faisait l'objet d'une mesure de tutelle et que le Tuteur général avait été appelé aux fonctions de tuteur en 1979.
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C.
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Par demande déposée le 20 juin 2000, X.________ a assigné l'Etat de Genève en paiement de 868'268 fr. 95, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 15 juin 1993 et de 25'191 fr. 95, plus intérêts à 5% l'an dès le 11 décembre 1999.
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L'État de Genève a conclu au rejet de l'action et a soulevé une exception de prescription qui a été rejetée par le Tribunal de première ins- tance du canton de Genève, selon jugement incident du 13 septembre 2001.
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Le 12 septembre 2002, le Tribunal de première instance, jugeant qu'aucune faute ne pouvait être retenue à la charge des autorités de tutelle, a rejeté l'action et a compensé les dépens.
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Par arrêt du 20 juin 2003, la Cour de Justice du canton de Genève (ci-après: la cour cantonale) a rejeté, sous suite de frais, l'appel interjeté par X.________ contre le jugement du 12 septembre 2002. En bref, la cour cantonale a admis que les autorités de tutelle avaient commis un
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acte illicite en omettant d'informer X.________ de la situation de A.________. L'action a cependant été rejetée au motif que les fautes concomitantes du lésé, de sa fiduciaire et de sa banque avaient interrompu le lien de causalité entre l'acte illicite et le dommage.
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D.
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Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 20 juin 2003. Invoquant l'art. 9 Cst., il se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et dans la constatation des faits, ainsi que de l'application arbitraire du droit cantonal genevois sur la responsabilité de l'État et des communes.
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L'État de Genève conclut au rejet du recours sous suite de dépens.
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Lors d'un deuxième échange d'écritures, les parties ont confirmé leurs conclusions respectives.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité d'un recours de droit public (ATF 129 I 302 consid. 18).
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1.1 La responsabilité des organes de la tutelle envers les tiers ne relève ni des art. 426 ss CC ni des art. 454 s. CC (ATF 115 II 15 consid. 2). En principe, les agents qui occupent une fonction publique, tels les employés des autorités de tutelle, répondent de leurs actes illicites selon les règles ordinaires des art. 41 ss CO. Toutefois, la législation fédérale ou cantonale peut déroger à ces règles en ce qui concerne la responsabilité encourue par ces agents publics pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge (art. 61 al. 1 CO). Lorsque de telles normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au droit civil fédéral, ce qui découle aussi de l'art. 59 al. 1 CC (ATF 128 III 76 consid. 1a;122 III 101 consid. 2 et les arrêts cités).
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Le canton de Genève a fait usage de cette faculté en adoptant la loi du 24 février 1989 sur la responsabilité de l'État et des communes (LResp./GE). Dès lors, les prétentions en responsabilité civile contre ce canton pour des actes commis par ses fonctionnaires sont réglées exclusivement par le droit public cantonal, de sorte que la voie du recours en réforme est fermée et que seule est ouverte la voie du recours de droit public (ATF 128 III 76 consid. 1a).
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1.2 Lorsqu'un second échange d'écritures est, comme en l'espèce, exceptionnellement ordonné, en application de l'art. 93 al. 3 OJ, l'acte de recours ne peut alors être complété que dans la mesure où les déterminations de la partie adverse, intimée, donnent lieu à un tel complément. Les conclusions et les moyens qui auraient déjà pu être présentés dans le délai de recours ne sont pas recevables après l'échéance de celui-ci (ATF 118 Ia 305 consid. 1c).
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1.3 Déposé en temps utile par un particulier atteint dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés contre une décision rendue en dernière instance cantonale, le présent recours, qui répond au surplus aux formes légales requises, est en principe recevable en vertu des art. 84 ss OJ.
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2.
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2.1 A teneur des art. 1er et 2 LResp./GE, l'Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence dans l'exercice de leurs fonctions par les magistrats qui les représentent, ou par leurs fonctionnaires et agents dans l'accomplissement de leur travail, les lésés n'ayant aucune action directe envers les magistrats ni contre les fonctionnaires ou agents. Une faute est donc l'une des quatre conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l'Etat de Genève (Thierry Tanquerel, La responsabilité de l'État sous l'angle de la loi genevoise sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989, in SJ 1997 p. 351). Selon l'art. 6 LResp./GE, les règles générales du code civil suisse sont appliquées à titre de droit cantonal supplétif.
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2.2 Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit cantonal et dans l'appréciation des preuves.
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Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275).
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En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité fait montre d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoute- nables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41).
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3.
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3.1 Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a jugé que si les conditions de la responsabilité étaient réunies (acte illicite, faute, dommage et lien de causalité adéquate entre l'acte illicite et le dommage), l'action devait néanmoins être rejetée au motif que le lien de causalité adéquate avait été interrompu par les fautes concomitantes du lésé, de sa fiduciaire et de sa banque.
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3.2 La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit public cantonal de la responsabilité (cf. arrêt 4C.2/1999 du 26 mars 2004, consid. 3.3). L'acte illicite se définit comme un acte ou une omission objectivement contraire à une règle du droit écrit ou non écrit, dont le but est de protéger le bien juridique lésé (ATF 124 III 297 consid. 5b; 123 III 306 consid. 4a; 119 II 127 consid. 3). Une omission ne peut donc constituer un acte illicite que s'il existait une obligation juridique d'agir (ATF 126 II 113 consid. 2a/aa).
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Les mesures tutélaires protègent avant tout la personne et les biens du pupille. Elles visent, accessoirement, aussi à sauvegarder les intérêts des tiers. Le tuteur ne doit cependant prendre des dispositions spéciales pour prévenir des atteintes au patrimoine d'autrui que si de sérieux indices donnent à penser que d'importants intérêts de tiers sont exposés à un grave danger. Il ne suffit pas que le tuteur soit au courant du lourd passé délictueux de son pupille; il faut encore qu'un risque accru de rechute soit objectivement reconnaissable et prévisible. Le tuteur est tenu d'informer les particuliers seulement si ceux-ci sont exposés, selon toute vraisemblance, à un dommage concret. Autrement dit, les tiers lésés peuvent se prévaloir des règles légales sur la tutelle (normes protectrices) dont la violation peut engager la responsabilité de l'Etat en dépit de la publication de l'interdiction, qui est en principe opposable aux tiers (cf. ATF 115 II 15 consid. 4a).
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3.3 S'agissant du caractère illicite et fautif du comportement du tuteur, la cour cantonale a retenu que celui-ci connaissait le très lourd passé délictueux de son pupille A.________, qui avait commis une multitude d'infractions au patrimoine essentiellement au préjudice de ses employeurs. Sachant en outre que le recourant ignorait l'existence de la tutelle (dont la dernière publication remontait à 1979), les autorités de tutelle auraient dû informer le recourant, à tout le moins, de la mise sous tutelle de A.________, qui présentait un risque concret et élevé de récidive. D'autant que A.________ refusait de collaborer de manière satisfaisante avec les autorités de la tutelle, ce qui constituait un indice supplémentaire que le recourant était exposé à un dommage. Or le tuteur non seulement s'est gardé d'en aviser l'employeur, mais encore a induit le recourant en erreur en se présentant à lui comme un ami du pupille et non en sa qualité de tuteur. Compte tenu notamment de ces circonstances, il n'est pas insoutenable d'admettre une violation fautive du devoir d'information à l'égard du recourant de la part des autorités de tutelle.
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4.
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4.1 La cour cantonale a donc considéré que le recourant, sa fiduciaire et sa banque avaient commis des fautes concomitantes si graves qu'elles ont eu pour effet d'interrompre le lien de causalité adéquate entre l'acte illicite des autorités de tutelle et le dommage subi par le demandeur. Le recourant fait valoir que c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a retenu, sur la base d'une appréciation erronée des faits, un facteur interruptif du rapport de causalité.
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4.2 Le lien de causalité est adéquat si le fait générateur de responsabilité était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 129 II 312; 129 V 177 consid. 3.2). Lorsqu'il s'agit d'une omission, l'établissement du lien de causalité revient à se demander si l'acte omis aurait empêché la survenance du résultat dommageable. En cette matière, la jurisprudence n'exige pas une preuve stricte. Il suffit que le juge parvienne à la conviction qu'une vraisemblance prépondérante plaide pour un certain cours des événements (ATF 115 II 440 consid. 6a p. 449 s).
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Tel est bien le cas en l'espèce. La cour cantonale a cependant estimé que la faute concomitante du recourant avait interrompu le lien de causalité adéquate. Selon l'art. 44 al. 1 CO (applicable ici à titre de droit public supplétif), la faute concomitante (ou propre) du lésé est un facteur de réduction, voire de suppression des dommages-intérêts; encore faut-il dans ce dernier cas que la faute du lésé soit grave au point de rompre le rapport de causalité adéquate.
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Selon le recourant, c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a retenu une faute concomitante à sa charge. A supposer même qu'une faute puisse lui être reprochée, elle ne pourrait donner lieu qu'à une faible réduction mais non à une suppression totale des dommages-intérêts auxquels il a droit.
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4.3 La faute propre du lésé (ou de son auxiliaire: cf. ATF 92 II 234) peut rompre le lien de causalité adéquate si elle constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Il ne suffit pas que l'acte concurrent soit imprévisible; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, et notamment le comportement de l'auteur (ATF 127 III 453 consid. 5d p. 457; 123 III 306 consid. 5b p. 314; 122 IV 17 consid. 2c/bb et les arrêts cités). Pour faire apparaître inadéquate la relation de causalité entre le comportement de l'auteur et le dommage, la faute de la victime doit être si lourde et si déraisonnable que l'on ne pouvait compter avec sa survenance (ATF 116 II 519 consid. 4b p. 524).
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4.4
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4.4.1 Comme le relève à juste titre la cour cantonale, il est vrai que l'on pouvait attendre du recourant, avocat, rompu aux affaires, qu'il s'informe sur la personnalité, les compétences et les éventuels antécédents judiciaires de A.________ qu'il entendait engager. Le recourant fait cependant valoir qu'il avait engagé cette personne en se fiant, d'une part, à un certificat de travail établi par un autre avocat chez qui A.________ avait travaillé durant près de cinq ans et, d'autre part, à une recommandation de sa stagiaire de l'époque qui était une connaissance de cet autre avocat. Dans ces conditions, si l'on peut comprendre dans une certaine mesure que le recourant n'ait pas pris des renseignements très poussés sur le compte de son employé, en particulier exigé un extrait de casier judiciaire, on peut néanmoins s'étonner qu'il ne se soit pas donné la peine de s'enquérir des postes que le recourant, âgé de cinquante-sept à l'époque des faits, avait occupés précédemment. Il aurait dû, à tout le moins, téléphoner au dernier employeur de A.________, soit Me C.________, pour vérifier les indications résultant du certificat de travail. N'est ainsi pas arbitraire le reproche fait au recourant d'avoir négligé de s'informer sur la personnalité et les compétences de son employé.
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4.4.2 Par ailleurs, la cour cantonale reproche au recourant un manque de vigilance et de contrôle de sa comptabilité et des pièces remises à sa fiduciaire. Il aurait ainsi pu éviter, voire diminuer son dommage, s'il avait fait preuve de la diligence voulue.
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En tant que secrétaire, A.________ était habilité à ouvrir le courrier. Il n'avait pas la signature sur le compte bancaire de l'étude, mais sur le compte de chèques postaux, lequel contenait des petits montants destinés essentiellement à payer les frais de poursuite. Il disposait d'un chéquier, car il devait préparer des chèques afin de les faire signer par son employeur. Il devait en outre envoyer à la fiduciaire de l'étude les pièces justificatives relatives aux rentrées et sorties du compte bancaire. Profitant de la très grande confiance que lui faisaient le recourant et sa fiduciaire, A.________ a pu détourner des sommes importantes au détriment de son employeur. Il est ainsi apparu que celui-ci avait falsifié les copies des relevés bancaires de 1990 à 1996 destinés à la fiduciaire et fait en sorte que les malversations n'aient pas d'incidences visibles sur le chiffre d'affaires. Il contrefaisait la signature de X.________ et tirait des chèques en sa faveur. Sur le double des chèques destinés à la fiduciaire, il inscrivait le nom d'un client de l'étude.
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Selon le recourant, rien ne lui permettait de soupçonner les détournements commis astucieusement par son secrétaire, lequel avait réussi à gagner non seulement sa propre confiance mais aussi celle de sa fiduciaire. Il n'avait donc aucune raison de douter de la qualité du travail de son employé. Il ne saurait se voir reprocher la moindre faute, d'autant moins que durant la période d'engagement de A.________, plus précisément 1990 et 1995, tant le chiffre d'affaires de son étude que le revenu étaient globalement stables d'une année à l'autre. N'ayant pas de raisons de douter de la véracité des indications figurant sur les pièces justificatives que A.________ devait ensuite transmettre à sa fiduciaire, il n'avait pas à surveiller son employé. De plus, les pièces falsifiées (copie de relevés bancaires et chèques) étaient de bonne qualité, si bien qu'il n'était pas possible de s'en apercevoir plus tôt.
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Or, sur la base des faits pertinent établis de manière non arbitraire par la cour cantonale, il n'est pour le moins pas insoutenable de reprocher au recourant d'avoir fait preuve de négligence dans le contrôle de l'activité de A.________. Il aurait dû s'assurer que les indications figurant sur les copies des pièces justificatives destinées à sa fiduciaire étaient exactes en procédant au moins de manière sporadique à des contrôles approfondis. Il aurait dû exiger de voir les originaux des relevés bancaires. Il n'a donc pas pris les mesures de contrôle adéquates qui lui auraient permis de découvrir les malversations de son secrétaire. Par sa négligence, le recourant a ainsi contribué à la survenance du dommage. Les mêmes carences peuvent être reprochés à sa fiduciaire, auxiliaire dont la faute est imputable au recourant.
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4.4.3 Dans une motivation très lapidaire, la cour cantonale fait grief à la banque du recourant de n'avoir pas vérifié la signature figurant sur les chèques encaissés par A.________, partant d'avoir commis une faute concurrente imputable au recourant. Là encore, cette assertion n'est pas arbitraire, eu égard aux pièces du dossier. Il résulte en particulier des conclusions d'un rapport d'expertise graphologique du 27 mai 1999 que les fausses signatures apposées par A.________ sur les chèques remis à la banque pour encaissement auraient dû, vu les disparités graphiques par rapport aux signatures de référence du recourant, éveiller les soupçons d'un professionnel, tel un vérificateur de signature de la banque, à condition que celui-ci ait reçu une formation adéquate.
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Le simple fait que les employés de banque - qui, à l'époque, avaient procédé à un contrôle sommaire des signatures falsifiées par A.________ - n'avaient pas la formation spécifique voulue, n'est pas décisif. Il n'est en tout cas pas arbitraire d'admettre que la négligence de la banque - dont répond le recourant - a aussi contribué, dans une moindre mesure, à la survenance du dommage.
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4.5 Tout compte fait, il n'est pas insoutenable de retenir à la charge du recourant une faute concomitante. En revanche, la décision attaquée est arbitraire dans son résultat en tant qu'elle considère que la faute propre du lésé était si grave qu'elle a eu pour effet d'interrompre le lien de causalité entre l'omission illicite commise par les autorités de tutelle et le préjudice financier dont a été victime le recourant.
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La négligence dont a fait preuve le recourant (et ses auxiliaires) surtout dans la surveillance de A.________ n'a pas relégué totalement à l'arrière-plan les manquements des autorités de tutelle. Le compor- tement du recourant témoigne certes d'une très grande légèreté, mais il n'était pas si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Plusieurs anciens employeurs de A.________, dont un autre avocat, se sont aussi laissés abuser. C'est donc de manière arbitraire que la cour a retenu que la faute du recourant constituait un facteur interruptif du lien de causalité. Objectivement grave, la faute du recourant n'était pas lourde et déraisonnable au point d'interrompre le lien de causalité adéquate.
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L'arrêt attaqué doit donc être annulé.
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4.6 Cela étant, les autorités cantonales devront tenir compte de la faute concomitante du recourant - qui est importante si ce n'est prépondérante - lors de la fixation des dommages-intérêts auxquels il peut prétendre.
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5.
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Vu ce qui précède, le recours doit être admis et la décision attaquée annulée. Succombant, l'Etat de Genève, dont les intérêts pécuniaires sont en cause, doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ), ainsi qu'une indemnité à titre de dépens à verser au recourant (159 al. 2 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours de droit public est admis et l'arrêt de la Cour de Justice du canton de Genève du 20 juin 2003 est annulé.
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2.
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Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de l'Etat de Genève.
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3.
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L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recou- rant, à l'Etat de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 23 novembre 2004
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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