BGer 1A.8/2005 | |||
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BGer 1A.8/2005 vom 24.03.2005 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1A.8/2005 /col
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Arrêt du 24 mars 2005
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Aemisegger et Reeb.
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Greffier: M. Kurz.
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Parties
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Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale, 3003 Berne,
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recourant,
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contre
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A.________,
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intimé, représenté par Me Xavier Mo Costabella, avocat,
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Juge d'instruction du canton de Genève,
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case postale 3344, 1211 Genève 3,
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Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108, 1211 Genève 3.
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Objet
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Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Koweït,
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recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 1er décembre 2004.
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Faits:
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A.
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Le 9 février 1994, le Procureur général de l'Etat du Koweït a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale dirigée contre A.________ et d'autres personnes, notamment un ancien ministre du pétrole. Hauts responsables de la société X.________, les inculpés se seraient enrichis de manière illégitime entre 1986 et 1992, au détriment de cette société, pour un montant total de quelque 66 millions de dollars. L'autorité requérante désirait obtenir tous les documents se rapportant à la réception des montants détournés par les personnes mises en cause. Il s'agit des relevés des comptes bancaires détenus par ou pour ces personnes, y compris les documents d'ouverture, les cartes de signatures, les procurations, les justificatifs, les instructions et la correspondance. La saisie des avoirs disponibles était également requise.
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Le 2 mai 1994, le Juge d'instruction genevois chargé de l'exécution de cette demande est entré en matière. Il est apparu que A.________ était titulaire de douze comptes et trois dépôts-titres auprès de la banque B.________, et ayant droit de plusieurs autres comptes détenus par des sociétés. La Chambre d'accusation du canton de Genève (par ordonnances du 31 août 1994), puis le Tribunal fédéral (par arrêts du 22 décembre 1994) ont confirmé la décision d'entrée en matière, en considérant notamment que la question de la conformité de la procédure étrangère à la CEDH pourrait être examinée par la suite.
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La demande a été complétée à plusieurs reprises, notamment par un mémoire du 14 mars 2001 par lequel le Procureur général et le Président de la Commission d'enquête du Tribunal des Ministres ont réaffirmé leurs compétences respectives.
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B.
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Par ordonnance de clôture du 15 octobre 2001, le juge d'instruction a ordonné la transmission à l'autorité requérante, notamment, des documents remis par la banque B.________ de Genève le 30 juin 1994, concernant les comptes et dépôts-titres détenus par A.________ et les sociétés dont il était l'ayant droit. Le juge d'instruction a aussi confirmé la saisie des comptes visés. Cette décision a été confirmée par la Chambre d'accusation, puis par le Tribunal fédéral (arrêt du 11 septembre 2002): l'existence d'un conflit positif de compétences dans l'Etat requérant était sans incidence sur l'octroi de l'entraide; les arguments relatifs aux défauts de la procédure et au principe de la proportionnalité étaient insuffisamment étayés.
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C.
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Le 13 janvier 2004, l'avocat constitué en Suisse par l'Etat du Koweït s'est adressé au Juge d'instruction genevois. Il relevait que la banque B.________ avait produit les relevés des comptes concernés, sans toutefois fournir d'indications sur les donneurs d'ordres et les bénéficiaires des transferts, ni sur la provenance des avoirs crédités; les destinataires des sommes ne pouvaient être identifiés. L'ordonnance d'entrée en matière et de production de pièces du 2 mai 1994 n'avait donc pas été correctement exécutée et la banque devait être invitée à fournir les documents permettant d'identifier l'origine et la destination des fonds, ainsi que les bénéficiaires et donneurs d'ordres.
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Par ordonnance de clôture du 8 juillet 2004, le Juge d'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante les pièces remises par la banque B.________ les 24 février et 7 mai 2004, soit les avis de crédit et de débit qui n'avaient pas été produits en 1994. S'agissant de l'admissibilité de l'entraide, référence était faite aux précédentes décisions de clôture.
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D.
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Par ordonnance du 1er décembre 2004, la Chambre d'accusation genevoise a admis un recours formé par A.________. La requête du représentant de l'Etat du Koweït constituait une demande d'entraide complémentaire puisqu'elle tendait à la transmission de documents qui n'avaient pas fait l'objet de la décision de clôture et, par conséquent, de la procédure de tri imposée par l'EIMP. La requête n'était pas présentée par l'autorité étrangère compétente; les pièces requises étaient apparemment destinées à une procédure civile. En l'absence d'une requête, la décision de l'autorité d'exécution était nulle de plein droit, y compris sur les points pour lesquels le recourant n'avait pas qualité pour agir.
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E.
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L'Office fédéral de la Justice (OFJ) forme un recours de droit administratif contre cette dernière ordonnance, dont il demande l'annulation.
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La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le juge d'instruction se prononce dans le sens de l'admission du recours. A.________ conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le recours est interjeté dans le délai et les formes utiles contre l'annulation, par l'autorité cantonale, d'une décision de clôture prise par l'autorité d'exécution (art. 80f al. 1 et 80k EIMP). L'OFJ a qualité pour recourir, en tant qu'autorité de surveillance (art. 80h al. 1 EIMP).
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2.
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Selon l'OFJ, la demande d'entraide du 9 février 1994 tendait déjà à la production de l'intégralité de la documentation bancaire, y compris les justificatifs. La première décision de clôture n'exécutait qu'incomplètement cette mission. Par conséquent, la lettre du 13 janvier 2004 ne constituait pas une demande complémentaire, mais un simple rappel tendant à une exécution complète. Les conditions de forme imposées aux demandes d'entraide n'étaient donc pas applicables. L'existence d'une procédure pénale serait avérée, et une éventuelle utilisation civile des pièces transmises ne serait pas exclue, en vue de la réparation du dommage. La question de la compétence de l'autorité requérante aurait déjà fait l'objet de l'arrêt du Tribunal fédéral du 11 septembre 2002.
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2.1 Lorsque l'autorité requérante s'aperçoit que des renseignements complémentaires apparaissent nécessaires, soit à la lecture des documents transmis par la Suisse, soit au vu des développements de ses propres investigations, elle adresse une demande d'entraide complémentaire qui doit être traitée de la même façon qu'une demande ordinaire. Une nouvelle demande peut aussi être formée, en raison de faits ou d'éléments de droit nouveaux, lorsqu'une précédente requête a été partiellement ou totalement rejetée (Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, Berne 2004 n° 175 p. 188-189).
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En revanche, lorsque l'autorité d'exécution s'aperçoit que sa décision d'entrée en matière n'a pas été entièrement ou correctement exécutée, au regard de la mission qui lui est confiée, elle doit simplement tenter d'y remédier de son propre chef, sans que cela ne nécessite ni intervention de l'Etat requérant, ni décision d'entrée en matière complémentaire. Si une décision de clôture et de transmission a déjà été rendue, il y a lieu de procéder à un nouveau tri des documents recueillis après coup, et de rendre une nouvelle ordonnance de transmission (cf. ATF 130 II 14 consid. 4.1 p. 16).
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2.2 En l'espèce, la demande d'entraide du 9 février 1994 tendait à la production de l'intégralité de la documentation bancaire, depuis 1986. L'autorité requérante mentionnait les documents requis - parmi lesquels les relevés, documents d'ouverture, chèques, justificatifs de retraits, dépôts et transferts, instructions des clients, correspondance et toutes autres informations. Elle précisait que les documents devaient être produits "sans limitation", insistant une fois encore sur la nécessité d'une documentation la plus complète possible. Le juge d'instruction ne pouvait pas, dès lors, se contenter des documents remis par la banque, qui ne comprenaient pas les pièces justificatives.
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Selon la Chambre d'accusation, la procédure d'entraide aurait été entièrement achevée par la première décision de clôture, de sorte que toute nouvelle remise de documents ne pourrait être demandée qu'en vertu d'une nouvelle demande d'entraide formelle. Ce point de vue ne peut être suivi. En premier lieu, l'absence des justificatifs dans l'ordonnance de transmission ne procède pas d'une intention délibérée de l'autorité d'exécution; en effet, s'il y avait eu refus de l'entraide judiciaire sur ce point, un tel refus aurait dû être motivé (art. 80d EIMP). En l'absence de toute mention dans l'ordonnance de clôture du 15 octobre 2001, on peut supposer, avec l'OFJ, qu'il s'agit plutôt d'une inadvertance. Au surplus, l'autorité de la chose jugée ne s'applique que de manière restreinte aux décisions relatives à l'entraide judiciaire (ATF 121 II 93 consid. 3). Le prononcé d'une décision de clôture n'empêche donc pas l'autorité requérante de renouveler une demande d'entraide - qui n'a pu, par exemple, être exécutée pour des motifs de forme - ou, comme en l'espèce, de demander une exécution plus complète des actes requis. L'autorité d'exécution peut, pour sa part, obtenir en tout temps des renseignements supplémentaires, dans la mesure où ceux-ci sont couverts par la demande d'entraide initiale.
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La demande d'entraide du 9 février 1994 est restée incomplètement exécutée. Par conséquent, il était loisible au juge d'instruction d'exiger la production de la documentation bancaire complète en se fondant sur sa première décision d'entrée en matière, indépendamment de toute nouvelle demande d'entraide. A ce sujet, l'intervention du mandataire de l'Etat requérant constitue un simple rappel, de nature informelle, non soumis aux exigences de forme de l'EIMP.
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2.3 La démarche de l'Etat requérant n'appelant qu'une ordonnance de clôture complémentaire, le mode de procéder du juge d'instruction n'est pas critiquable. Fondée sur des motifs erronés, l'ordonnance de la Chambre d'accusation doit être annulée et la cause doit lui être renvoyée. Il appartiendra à la Chambre d'accusation de statuer à nouveau, en se limitant aux griefs relatifs à la décision de clôture; en effet, l'admissibilité de l'entraide ne peut en principe plus être remise en cause à ce stade (arrêt 1A.39/2001 du 3 avril 2001).
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3.
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Le recours de droit administratif doit par conséquent être admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge de la partie qui succombe, en l'occurrence A.________.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis et l'ordonnance attaquée est annulée; la cause est renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision.
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2.
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Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de l'intimé A.________.
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3.
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Il n'est pas alloué de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 24 mars 2005
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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