BGer 1A.150/2005 | |||
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BGer 1A.150/2005 vom 08.08.2005 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1A.150/2005 /col
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Arrêt du 8 août 2005
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Reeb et Eusebio.
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Greffier: M. Zimmermann.
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Parties
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A.________,
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recourant, représenté par Me Giovanni Belossi,
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avocat,
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contre
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Ministère public de la Confédération,
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Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
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case postale 334, 1000 Lausanne 22.
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Objet
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Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec l'Italie,
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recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la Confédération du 29 avril 2005.
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Faits:
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A.
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Le 25 novembre 2004, Luca Ceccanti, Procureur de la République auprès du Tribunal d'Aoste, a présenté à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide judiciaire fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 12 juin 1962 pour l'Italie, ainsi que sur l'accord bilatéral complétant cette convention (ci-après: l'Accord complémentaire; RS 0.351.945.41), entré en vigueur le 1er juin 2003. La demande était présentée pour les besoins de l'enquête ouverte contre le ressortissant italien A.________ et consorts, notamment pour banqueroute frauduleuse. Selon l'exposé des faits joint à la demande, les prévenus sont soupçonnés d'avoir, entre 1995 et 2001, commis des actes délictueux ayant gravement porté préjudice au patrimoine du groupe X.________ qu'ils dirigeaient. La demande tendait à l'identification de comptes détenus ou contrôlés par A.________, ainsi que les autres personnes et sociétés impliquées dans l'affaire, à la remise de la documentation y relative, ainsi qu'à la saisie des avoirs déposés. Le Procureur Ceccanti a également requis l'audition de toute personne à même de fournir des renseignements utiles à la procédure pénale ouverte en Italie et demandé à ce que trois de ses collaborateurs soient autorisés à participer à l'exécution de la demande. Il a renouvelé cette dernière requête le 16 février 2005.
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Le 1er décembre 2004, l'Office fédéral a délégué l'exécution de la demande au Ministère public de la Confédération, lequel est entré en matière le 6 janvier 2005.
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Le 16 février 2005, le Ministère public a autorisé la présence de représentants de l'autorité requérante lors de l'accomplissement des actes d'entraide.
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Le 29 avril 2005, le Ministère public a rendu une ordonnance de clôture portant sur la transmission de la documentation se rapportant aux comptes suivants:
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auprès de la banque B.________:
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1) n°aaa, ouvert le 1er mars 1993 et clos le 16 juillet 1998;
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auprès de la banque la banque C.________:
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2) n°bbb, ouvert le 10 janvier 2003;
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3) n°ccc, ouvert le 5 février 2003;
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4) n°ddd, ouvert le 28 juillet 2003;
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auprès de la banque D.________:
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5) n°eee, ouvert le 8 septembre 1995 et clos le 11 septembre 2003;
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6) n°fff, ouvert le 8 septembre 1995 et clos le 9 septembre 2003;
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7) n°ggg, ouvert le 16 décembre 1998 et clos le 10 septembre 2003;
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8) n°hhh, ouvert le 12 avril 1999 et clos le 9 septembre 2003.
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auprès de la banque E.________:
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9) n°iii, ouvert le 26 novembre 2002 et clos le 11 septembre 2003.
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La fondation liechtensteinoise F.________ est titulaire des comptes n°3 et 7. La société G.________ à Lugano est titulaire des comptes n°4 et 8. A.________ est titulaire des comptes n°1, 2, 5, 9, et ayant droit des autres comptes.
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Le Ministère public a ordonné en outre la transmission du procès-verbal de l'audition de A.________ comme témoin, le 22 février 2005. Il a réservé le principe de la spécialité.
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B.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 29 avril 2005. Il invoque les art. 14 CEEJ, le droit d'être entendu et la règle "ne bis in idem", ainsi que les principes de la proportionnalité et de la spécialité. Le Ministère public propose le rejet du recours. L'Office fédéral conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le présent arrêt est rendu en français, langue de la décision attaquée (cf. art. 37 al. 3 OJ), malgré que le recours soit rédigé en italien.
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2.
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La matière est régie par la CEEJ et l'Accord complémentaire. Les dispositions de ces traités l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois applicables aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par les traités, et lorsqu'elles sont plus favorables à l'entraide que ceux-ci (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, et les arrêts cités).
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La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat requérant (cf. art. 25 al. 1 EIMP). Le recourant a qualité pour agir, au sens de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la transmission de la documentation relative aux comptes n°1, 2, 5 et 9 (ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164; 127 II 198 consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260, et les arrêts cités). En revanche, il n'est pas habilité à contester la décision attaquée pour ce qui concerne les autres comptes visés, dont il n'est que l'ayant droit. Comme témoin, le recourant a qualité pour s'opposer à la transmission du procès-verbal de son audition (ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 163; 126 II 258 consid. 2d/bb p. 261).
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Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés sans être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les arrêts cités).
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3.
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Le recourant reproche au Ministère public de ne l'avoir pas invité à participer au tri des pièces à remettre. Il y voit une violation de son droit d'être entendu.
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3.1 Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., celui-ci inclut pour les parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88/89; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 I 54 consid. 2b p. 56, et les arrêts cités).
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Après avoir saisi les documents qu'elle juge utiles pour l'exécution de la demande, l'autorité d'exécution trie les pièces à remettre, en vue du prononcé de la décision de clôture de la procédure. Avant de statuer à ce sujet, elle impartit un délai au détenteur, pour qu'il fasse valoir, pièce par pièce, les arguments qui s'opposeraient selon lui à la transmission. Il est interdit de remettre la documentation en vrac, sans avoir procédé à un examen de son idonéité pour la procédure étrangère (ATF 130 II 14).
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3.2 Le 9 février 2005, le Ministère public a communiqué au recourant la liste des documents qu'il envisageait de transmettre à l'Etat requérant; il l'a invité à se déterminer à ce propos. Le 1er mars 2005, le recourant s'est opposé à la transmission. Il s'est contenté à ce propos de contester les accusations portées contre lui et de critiquer la procédure étrangère. Bien qu'il n'ait pas satisfait aux obligations qui lui incombaient, il a tout de même eu la possibilité concrète et effective de prendre position, conformément à la jurisprudence qui vient d'être rappelée.
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4.
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Le recourant expose qu'il serait poursuivi en Italie pour banqueroute frauduleuse et en Suisse pour blanchiment d'argent. En cas de reconnaissance de sa culpabilité - qu'il conteste - il serait exposé au risque d'être puni deux fois pour les mêmes faits, en violation de la règle "ne bis in idem".
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La Suisse a fait à l'art. 2 let. a CEEJ une réserve selon laquelle elle peut refuser l'entraide lorsque l'acte motivant la demande est l'objet, en Suisse, d'une procédure pénale dirigée contre la même personne ou qu'une décision pénale y a été rendue, au fond, sur cet acte et sur la culpabilité de l'intéressé (cf. également l'art. 66 al. 1 EIMP). L'art. III par. 1 de l'Accord complémentaire précise que l'entraide est refusée si la demande vise des faits sur la base desquels la personne poursuivie a été définitivement acquittée quant au fond ou condamnée dans l'Etat requis pour une infraction concordante quant à l'essentiel, à condition que la sanction pénale éventuellement prononcée soit en cours d'exécution ou ait déjà été exécutée.
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Ces conditions ne sont manifestement pas remplies en l'occurrence. Les procédures pénales engagées en Suisse et en Italie ne visent pas les mêmes faits; la banqueroute frauduleuse et le blanchiment d'argent constituent des délits distincts et aucune décision au fond n'a été rendue dans l'un ou l'autre Etat.
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5.
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Selon le recourant, la décision attaquée serait disproportionnée. Le grief selon lequel la demande serait insuffisamment motivée au regard de l'art. 14 CEEJ, se confond avec celui tiré de la proportionnalité.
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5.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 63 EIMP, que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251 consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les arrêts cités). Au besoin cependant, il lui appartient d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure étrangère (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244).
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5.2 Le recourant fait valoir que les faits évoqués dans la demande se seraient produits entre 1995 et 2001. Il en déduit qu'aucune pièce postérieure au 1er janvier 2002 ne pourrait être transmise.
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Lorsque, comme en l'espèce, la demande tend à retracer le cheminement du produit de l'infraction, il peut apparaître nécessaire de communiquer à l'autorité requérante des renseignements concernant la période antérieure ou postérieure au délit poursuivi. En particulier, en cas de soupçon de blanchiment en Suisse du crime commis à l'étranger, il est généralement nécessaire à l'autorité étrangère de connaître la destination finale des fonds dont on soupçonne qu'ils proviennent d'une activité délictueuse. En l'occurrence, il apparaît que les avoirs déposés sur les comptes n°5 à 9 ont été transférés sur les comptes n°2 à 4. L'exigence de pouvoir retracer de manière détaillée le cheminement des fonds commande de transmettre la documentation y relative. En effet, il est utile aux autorités italiennes de connaître le sort réservé au produit des délits poursuivis, après leur commission.
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6.
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Le recourant invoque le principe de la spécialité.
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6.1 Selon l'art. 67 al. 1 EIMP et la réserve faite par la Suisse à l'art. 2 let. b CEEJ, les renseignements transmis ne peuvent, dans l'Etat requérant, ni être utilisés aux fins d'investigation, ni être produits comme moyens de preuve dans une procédure pénale visant une infraction pour laquelle l'entraide est exclue, soit notamment pour la répression d'infractions politiques, militaires ou fiscales (art. 3 EIMP et 2 let. a CEEJ; ATF 126 II 316 consid. 2b p. 319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261; 124 II 184 consid. 4b p. 187, et les arrêts cités).
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6.2 Le recourant semble limiter son grief sous cet aspect à la dénonciation du fait que le contenu de son audition du 22 février 2005 ait été divulguée dans la presse italienne avant la clôture de la procédure d'entraide. A supposer que cet argument se rapporte au principe de la spécialité - ce qui est douteux - il n'est de toute manière pas propre à justifier le refus de l'entraide, car le Ministère public a pris soin, dans la décision attaquée, de réserver le principe de la spécialité (cf. également l'art. IV de l'Accord complémentaire). Pour le surplus, l'Office fédéral a pris les mesures nécessaires pour rappeler aux autorités italiennes la portée de la règle de l'interdiction de l'usage prématuré des informations obtenues par les agents étrangers participant à l'exécution de la demande (cf. les art. IX par. 3 de l'Accord complémentaire et 65a al. 3 EIMP). Cela devrait suffire.
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7.
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Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais en sont mis à la charge du recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au Ministère public de la Confédération, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 153 822 GDB).
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Lausanne, le 8 août 2005
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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