BGer 1P.465/2005 | |||
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BGer 1P.465/2005 vom 30.08.2005 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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1P.465/2005 /col
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Arrêt du 30 août 2005
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Féraud, Président,
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Fonjallaz et Eusebio.
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Greffier: M. Rittener.
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Parties
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A.________,
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recourante, représentée par Me Olivier Derivaz,
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contre
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Office du Juge d'instruction du Bas-Valais,
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Grand-Rue 54, 1890 St-Maurice,
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Ministère public du Bas-Valais,
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Hôtel-de-Ville, case postale 144, 1890 St-Maurice,
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Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.
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Objet
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maintien en détention,
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recours de droit public contre la décision du 14 juin 2005 de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Faits:
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A.
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A.________, ressortissante brésilienne née en 1973, a été arrêtée le 17 février 2005 à son domicile de Monthey, à la demande du Juge d'instruction du Bas-Valais (ci-après: le Juge d'instruction). Le lendemain, une instruction a été ouverte à son encontre pour l'assassinat de son époux, B.________, décédé le 10 août 2004 des suites d'une intoxication à la chloralose (raticide).
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Considérant que de sérieuses présomptions de culpabilité pesaient sur la prévenue et qu'il convenait d'éviter tout risque de collusion et de concertation avec des tiers, le Juge d'instruction a décidé, le 21 février 2005, de maintenir A.________ en détention préventive.
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B.
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Niant toute implication dans la mort de son mari, A.________ a sollicité sa remise en liberté. Le Juge d'instruction a rejeté cette requête par décision du 28 février 2005, détaillant les motifs pour lesquels la prévenue était soupçonnée d'avoir assassiné B.________ et considérant qu'il convenait de la maintenir en détention pour les besoins de l'enquête, ainsi que pour éviter tout risque de collusion et de fuite.
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A.________ a déposé une plainte contre cette décision auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal), remettant en cause les soupçons de culpabilité qui pesaient sur elle ainsi que l'utilité de son maintien en détention pour les besoins de l'enquête. Elle réfutait également tout risque de fuite, alléguant en substance que si elle avait eu l'intention de se soustraire à la justice elle aurait eu tout loisir de le faire dans les six mois qui ont précédé son arrestation. Elle affirmait également que le fait qu'elle soit la mère de trois enfants mineurs résidant en Suisse limitait fortement le risque de la voir quitter le pays et que la saisie de ses documents d'identité serait suffisante pour prévenir un risque de fuite. Le Tribunal cantonal a rejeté cette plainte par décision du 24 mars 2005. Concernant le risque de fuite, le Tribunal a notamment retenu que A.________ s'exposait à une peine ferme de longue durée si elle était reconnue coupable d'assassinat, que son permis de séjour arrivait à échéance le 4 mai 2005, que son contrat de bail avait été résilié, qu'elle entretenait une relation stable avec une personne résidant en France voisine et qu'il y avait lieu de craindre que la présence de ses enfants en Suisse ne suffise pas à la dissuader de quitter le pays. Enfin, le Tribunal cantonal a considéré que le dépôt de documents d'identité ne paraissait pas apte à éviter un risque de fuite, compte tenu de l'importance de la peine encourue.
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C.
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Une nouvelle demande de mise en liberté ayant été rejetée par le Juge d'instruction par décision du 20 mai 2005, A.________ a déposé une plainte devant le Tribunal cantonal en date du 2 juin 2005. S'agissant du risque de fuite, elle a rappelé les arguments présentés dans sa première plainte. Le Tribunal cantonal a rejeté la plainte par décision du 14 juin 2005, renvoyant à sa précédente décision du 24 mars 2005 pour ce qui concerne le risque de fuite.
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D.
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Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de mettre fin à sa détention préventive. Elle invoque une violation de son droit à la liberté personnelle (art. 10 Cst. et 5 § 1 let. c CEDH). Elle demande en outre l'assistance judiciaire. Le Tribunal cantonal et le Juge d'instruction se réfèrent à leurs décisions. Le Ministère public n'a pas présenté d'observations. Interpellée, la recourante a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion de la recourante tendant à ce que le Tribunal fédéral mette fin à sa détention préventive est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).
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2.
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La détention préventive est une restriction de la liberté personnelle garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH. Elle n'est admissible que dans la mesure où elle repose sur une base légale, répond à un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 124 I 203 consid. 2b p. 204 s.; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités).
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S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
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2.1 Dans le canton du Valais, la détention préventive est régie par l'art. 72 du Code de procédure pénale du 22 février 1962 [CPP/VS; RS 312.0]. Aux termes de l'alinéa premier de cette disposition, la détention préventive peut être ordonnée lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'un crime ou d'un délit et que, compte tenu des circonstances, il est sérieusement à craindre qu'il ne se dérobe à la procédure ou à la sanction attendue en prenant la fuite (let. a), qu'il ne compromette la procédure en influençant des personnes, en brouillant des pistes ou en perturbant des preuves (let. b) ou qu'il ne commette de nouvelles infractions graves (let. c).
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2.2 En l'espèce, l'existence de la base légale n'est pas contestée et la recourante renonce expressément à soumettre au Tribunal fédéral la question des soupçons de culpabilité. Seules demeurent litigieuses les questions du risque de fuite, lié à l'intérêt public, et de la proportionnalité.
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3.
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3.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Il est sans importance que l'extradition du prévenu puisse être obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.).
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3.2 En l'espèce, la recourante conteste le risque de fuite. En substance, elle expose qu'entre le jour du décès de B.________ et celui de son arrestation, elle aurait aisément pu quitter la Suisse pour le Brésil ou passer dans la clandestinité mais qu'elle ne l'a pas fait, même après avoir appris, en automne 2004, que le Juge d'instruction avait ordonné le blocage de la prestation d'assurance à laquelle elle aurait droit. De plus, la présence de ses trois enfants mineurs en Suisse rendrait une fuite improbable. Elle ne pourrait pas non plus s'enfuir discrètement avec eux, ni s'établir en France voisine sans être découverte.
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3.3 Ces arguments sont mal fondés. Le fait que la recourante n'ait pas fui après la mort de son mari n'est pas pertinent, dans la mesure où elle n'avait pas de raisons de se croire soupçonnée avant son arrestation. Elle pouvait en effet raisonnablement espérer que les causes du décès de B.________ demeurent mystérieuses, dès lors que celui-ci avait été hospitalisé à six reprises entre mars et juillet 2004 sans que les médecins l'ayant examiné ne décèlent une quelconque intoxication. Les médecins ayant même émis l'hypothèse d'une maladie rare, la recourante n'a pas jugé utile de prendre des précautions pour échapper à la justice, pas même celle d'effacer les traces de ses recherches sur internet au sujet de sèches cheveux tombés dans la baignoire et de "dangereux poison mortel". Comme l'a justement relevé le Tribunal cantonal, ce n'est qu'avec le dépôt des rapports d'autopsie et d'analyses toxicologiques que l'étau judiciaire s'est resserré sur la recourante. Dans ces circonstances, le fait qu'elle soit demeurée en Suisse jusqu'à son arrestation ne saurait dénoter une volonté de ne pas se soustraire à la justice.
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Le fait que ses enfants mineurs résident en Suisse n'est pas non plus de nature à réduire le risque de voir la recourante prendre la fuite ou disparaître dans la clandestinité. En effet, celle-ci a déjà démontré sa capacité de détachement à l'égard de ses enfants lorsqu'elle a laissé les deux cadets au Brésil pour venir s'installer en Suisse à la fin des années 1990; ce n'est qu'à la suite de l'intervention de B.________ que les enfants ont rejoint leur mère dans notre pays. Quoi qu'il en soit, la recourante n'ignore pas que ses enfants pourront compter le cas échéant sur les services sociaux - qui les ont placés en famille d'accueil - ainsi que sur sa soeur qui réside également en Suisse.
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De manière générale, il y a lieu de craindre que l'importance de la peine qui attend la recourante si elle est reconnue coupable ne l'incite à faire certains sacrifices pour échapper à la justice. L'assassinat est en effet puni de la réclusion à vie ou de la réclusion pour dix ans au moins (art. 112 CP). Pour le surplus, la recourante ne dispose plus de logement dans notre pays et entretient une relation avec une personne résidant en France. Enfin, son permis de séjour en Suisse est arrivé à échéance le 4 mai 2005. Dans ces circonstances, le risque est grand que la recourante, qui a désormais conscience des charges pesant sur elle et de l'avancement de l'enquête, ne se tienne pas à disposition de la justice si elle est remise en liberté. Le grief tiré de l'absence d'un danger de fuite doit dès lors être rejeté.
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4.
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Alléguant que ce danger pouvait être prévenu par d'autres moyens que la détention, la recourante se plaint également d'une violation du principe de la proportionnalité. Elle estime que le but recherché pourrait être atteint par des mesures de contrôle judiciaire telles que la saisie des papiers d'identité, l'obligation de se présenter périodiquement à une autorité ou l'assignation à résidence (art. 82bis CPP/VS).
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Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige que le moyen choisi soit apte à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse pas être atteint par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts - ATF 130 II 425 consid. 5.2 p. 438; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités).
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En l'espèce, les mesures de contrôle judiciaire auxquelles la recourante propose de se soumettre n'apparaissent pas suffisantes au vu de l'importance de la peine qu'elle encourt et de l'intensité du risque de fuite, tel qu'il ressort des circonstances particulières exposées précédemment. C'est donc à juste titre que le Tribunal cantonal a considéré que son maintien en détention était la mesure la plus apte à prévenir tout danger de fuite, ce but ne pouvant pas être atteint par une mesure moins incisive.
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5.
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La recourante affirme encore qu'il est "douteux" que le renvoi à la décision du 24 mars 2005 pour ce qui concerne le risque de fuite constitue une motivation suffisante. Elle allègue à cet égard que ce risque est susceptible d'évoluer et qu'il faut donc prendre en compte les "autres circonstances du cas d'espèce". A supposer qu'elle entende invoquer par là une violation de son droit d'être entendue en raison d'un défaut de motivation, le grief serait irrecevable, dès lors qu'il est lui-même insuffisamment motivé au regard des conditions posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
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Au demeurant, la jurisprudence admet que la garantie du droit d'être entendu n'implique pas nécessairement pour l'autorité l'obligation de répondre de manière détaillée à tous les arguments présentés; il suffit que le justiciable touché par une décision défavorable soit en mesure d'apprécier la portée du prononcé et de le contester à bon escient (cf. ATF 123 I 31 consid. 2c p. 34). En particulier, le renvoi à une décision antérieure de la même autorité n'est en principe pas contraire à l'obligation de motivation, notamment s'il s'agit d'une procédure de maintien en détention, exigeant de statuer à bref délai (arrêt 1P.656/2003 du 9 décembre 2003, consid. 4). En l'occurrence, le renvoi est d'autant plus justifié que l'autorité statuait sur des griefs déjà soulevés devant elle et en l'absence de circonstances nouvelles susceptibles de modifier son appréciation. Dans sa plainte du 2 juin 2005, la recourante a d'ailleurs elle-même précisé qu'elle avait pris acte des considérants de la décision du 24 mars 2005 mais qu'elle "réitér[ait] ses arguments".
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6.
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Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. Dès lors que la recourante est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 152 al. 1 OJ). La recourante requiert la désignation de Me Olivier Derivaz en qualité d'avocat d'office. Il y lieu de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2.
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La demande d'assistance judiciaire est admise.
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3.
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Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
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4.
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Me Olivier Derivaz, avocat à Monthey, est désigné comme avocat d'office de la recourante et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1500 fr.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à l'Office du Juge d'instruction du Bas-Valais, au Ministère public du Bas-Valais et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Lausanne, le 30 août 2005
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |