BGer 4P.98/2005 | |||
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BGer 4P.98/2005 vom 10.11.2005 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4P.98/2005 /svc
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Arrêt du 10 novembre 2005
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Ire Cour civile
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Composition
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MM. et Mmes les Juges Corboz, président,
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Klett, Nyffeler, Favre et Kiss.
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Greffière: Mme Aubry Girardin.
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Parties
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La République X.________,
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recourante, représentée par Me Xavier Favre-Bulle et par Me Antoine Korkmaz, avocats,
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contre
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Y.________,
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et
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Z.________,
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intimées, toutes les deux représentées par
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Me Pierre-Yves Gunter et par Me Sébastien Besson, avocats,
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Tribunal arbitral CNUDCI,
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p.a. Professeur W.________.
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Objet
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arbitrage international; compétence; ordre public
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(recours de droit public contre la sentence du
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Tribunal arbitral du 31 janvier 2005).
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Faits:
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A.
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Au début de l'année 1993, la République X.________ a lancé un appel d'offres international, afin de mettre en place un réseau de téléphonie cellulaire "GSM".
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Deux opérateurs ont finalement été retenus, à savoir le groupe A.________ et le groupe B.________, par l'intermédiaire de la société Y.________ S.A. (ci-après : Y.________).
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Le 28 juin 1994, un accord intitulé "Contract for Build, Operating and Transfer Undertaking for Implementing Cellular GSM Services in X.________" (ci-après : contrat BOT) a été conclu entre la République X.________ et Y.________. Ce contrat prévoyait la mise en place d'un réseau GSM et son exploitation par l'investisseur durant 10 ans et 3 mois, période pouvant être étendue à 12 ans à la demande de l'opérateur. En contrepartie, Y.________ s'engageait à verser à l'État un pourcentage des revenus encaissés. L'une ou l'autre des parties pouvait mettre fin au contrat avant la date prévue, à des conditions précisées pour chacune (clause 22). En cas de litige, l'arbitrage devant la Chambre de Commerce Internationale (ci-après : CCI) était réservé (clause 30). Un contrat identique a été conclu avec l'opérateur A.________.
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En vue de l'exécution du contrat BOT, Y.________ a créé une filiale de droit X.________, Z.________ (ci-après: Z.________), dont elle était l'actionnaire majoritaire.
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Les opérations commerciales de Z.________ ont débuté en mai 1995. A la suite de difficultés techniques rencontrées lors de la mise en place du réseau au début de son exploitation, le terme du contrat a été reporté au 31 décembre 2004.
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Le téléphone cellulaire a connu un succès auprès du public dépassant tout ce qui avait été prévu au moment de la conclusion du contrat BOT. Ce développement inattendu a entraîné des problèmes techniques et contractuels. Les relations entre les parties se sont détériorées.
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Le 21 juin 1999, la Cour des comptes X.________ a émis un rapport critique sur la gestion des contrats BOT conclus avec chacun des opérateurs et a invité le gouvernement soit à mettre fin aux contrats, soit à négocier leur modification. C'est la seconde voie qui a été suivie, mais aucun accord n'a été trouvé avec les opérateurs.
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Le 19 avril 2000, le Conseil des ministres a décidé d'émettre un "mandat de recouvrement" portant sur la somme de 300 millions US$ à l'encontre de chacun des opérateurs, à titre de "première évaluation" du préjudice subi par l'État du fait des manquements contractuels ressortant du rapport de la Cour des comptes du 21 avril 1999.
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Le 22 avril et le 23 juin 2000 (pour remédier à un vice de forme), un mandat de recouvrement de 300 millions US$, payable dans un délai d'un mois sous peine de résiliation du contrat BOT, a été notifié à Z.________.
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Tout en demandant au juge compétent de suspendre l'exécution du mandat, Z.________ a déposé, le 19 mai 2000, une requête en arbitrage devant la Cour d'arbitrage de la CCI. Cette procédure a été remise en cause par la République X.________, qui a contesté la compétence de la Cour d'arbitrage en raison de la nature administrative du contrat BOT.
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L'exécution du contrat BOT s'est poursuivie. Le 12 juin 2001, Z.________ a indiqué qu'elle exerçait l'option découlant du contrat, qui lui permettait de le prolonger de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2006.
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Le 15 juin 2001, la République X.________ a usé de son droit de résiliation discrétionnaire prévu à la clause 22.1 let. e du contrat BOT, en respectant un préavis de 180 jours, ce qui entraînait la cessation du contrat BOT au 15 décembre 2001.
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Le 17 juillet 2001, le Conseil d'État X.________, saisi par le Ministère de la justice, a déclaré nulle la clause compromissoire insérée dans le contrat BOT et jugé que le litige entre les parties relevait, si les conditions en étaient réunies, de l'arbitrage prévu par l'Accord entre le Gouvernement de la République R.________ et le Gouvernement de la République X.________ sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, signé à Paris le 28 novembre 1996 (ci-après : le Traité d'investissement). Ce traité prévoyait, à son article 6, une clause compromissoire permettant, à certaines conditions, de soumettre les différends entre les parties relatifs aux investissements de l'une envers l'autre à l'arbitrage d'un tribunal ad hoc, établi conformément aux règles d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI/UNCITRAL; ci-après : CNUDCI).
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A la suite d'une décision du Conseil des Ministres du 2 août 2001, Z.________ a été invitée, le 3 novembre 2001, à poursuivre l'exécution du contrat BOT jusqu'à l'attribution de deux licences. Le 12 novembre 2001, Z.________ a pris acte de cette mesure, tout en réservant l'intégralité de ses droits. Le contrat BOT a ainsi continué d'être exécuté en 2001 et en 2002.
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En janvier 2002, les parties ont convenu de suspendre la procédure d'arbitrage CCI jusqu'en mars, puis jusqu'à la mi-avril 2002.
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Le 1er juin 2002, le Parlement X.________ a adopté une loi autorisant la mise aux enchères des licences. Les personnes à qui les licences seraient attribuées devaient racheter les installations des réseaux existants ou conclure des contrats de gestion pour dix ans. Il était également prévu que, si les licences n'étaient pas attribuées à la date du 31 août 2002, les revenus de l'exploitation du réseau seraient transférés à l'État.
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Le 20 juin 2002, Z.________ s'est vu signifier une nouvelle fois la résiliation du contrat BOT pour le 31 août 2002.
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Le 20 juin 2002 également, Y.________ et Z.________, estimant que le comportement de la République X.________ constituait une violation du Traité d'investissement, lui ont notifié une seconde demande d'arbitrage, en application du règlement CNUDCI.
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Comme les licences n'ont pas été attribuées, la République X.________ a conclu avec les opérateurs, le 14 août 2002, un accord de gestion du réseau à court terme, pour une durée de six mois, renouvelable, moyennant le versement d'une rémunération forfaitaire.
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Le 31 août 2002, la résiliation du contrat BOT a été confirmée. En application de la clause 22.4, Z.________ a reçu 112'762'000 US$ au titre de la valeur comptable nette des actifs transférés en fin de contrat et 5'262'000 US$ pour les coûts incidents liés à la cessation du contrat, sans préjudice de son droit de réclamer compensation de sommes complémentaires que Z.________ ou Y.________ s'estimaient dues.
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Le 14 décembre 2002, les parties ont conclu un accord intitulé "Master Transfer Deed" (ci-après : accord MTD), complété par un addendum du 7 mars 2003, transférant le réseau et les actifs de l'opérateur à l'État. Dans cet accord, Y.________ et Z.________ d'une part et la République X.________ d'autre part ont consolidé les deux procédures d'arbitrage dont l'une portait sur les questions contractuelles et l'autre sur la protection de l'investissement, en mettant fin à l'arbitrage CCI. La clause 14.2. de l'accord MTD stipulait notamment que "The parties and Y.________ hereby undertake that they will not pursue or raise any contractual disputes before any court or tribunal other than the UNCITRAL Tribunal". Il était prévu que le siège du tribunal arbitral se situerait à Genève, la langue de l'arbitrage étant le français ou l'anglais. Par la clause 14.5, l'État suspendait l'exécution du mandat de recouvrement émis en avril-juin 2000. L'accord MTD a pris effet le 14 février 2003.
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B.
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Un Tribunal arbitral ad hoc, composé de trois membres, a été constitué et, le 6 janvier 2003, une audience s'est tenue lors de laquelle les parties ont confirmé la désignation des arbitres et ont pris acte de l'application du règlement CNUDCI à la procédure, conformément au Traité d'investissement.
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Dans leurs écritures, les sociétés Y.________ et Z.________ ont formé une demande portant sur le versement, par la République X.________, d'un montant total de 951'724'375 US$ soit au titre d'expropriation ou autres manquements aux règles de conduite envers les investisseurs étrangers, soit au titre de rupture du contrat BOT. La République X.________ a conclu au rejet des conclusions prises à son encontre et à ce que la contestation de Y.________ et Z.________ en relation avec l'ordre de recouvrement de 300'000 US$ soit déclarée irrecevable. Elle a par ailleurs formé des prétentions reconventionnelles.
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Par sentence du 31 janvier 2005, le Tribunal arbitral a déclaré que la contestation des sociétés demanderesses portant sur l'ordre de recouvrement du 23 juin 2000 était recevable. Admettant partiellement la demande principale et la demande reconventionnelle, il a jugé que la République X.________ était redevable, envers la société Z.________, au titre du contrat BOT ou de l'accord MTD, intérêts inclus à la date de la sentence, de 269'688'181 US$ au total. Statuant sur les prétentions reconventionnelles de la République X.________, le Tribunal arbitral a déclaré que Z.________ était redevable envers cet État, intérêts inclus à la date de la sentence, de 3'338'581 US$ au total. Après compensation, la République X.________ a été condamnée à verser 266'349'600 US$ à Z.________ à la date de la sentence, les autres demandes des parties étant rejetées.
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C.
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Contre la sentence du 31 janvier 2005, la République X.________ a interjeté, le 8 avril 2005, un recours de droit public au Tribunal fédéral, en concluant à l'annulation de la sentence attaquée, sous suite de dépens.
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Y.________ et Z.________ ont proposé que le recours de droit public formé par la République X.________ soit déclaré irrecevable, subsidiairement qu'il soit rejeté, avec suite de frais et dépens.
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Le Tribunal arbitral n'a pas formulé d'observations.
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La République X.________ a requis un second échange d'écritures. Y.________ et Z.________ s'y sont opposées.
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D.
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Parallèlement à son recours de droit public, la République X.________ a déposé une requête en rectification auprès du Tribunal arbitral. Par sentence rectificative du 7 avril 2005, celui-ci a indiqué que le dispositif de sa sentence du 31 janvier 2005 demeurait inchangé.
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Contre cette sentence, la République X.________ a également interjeté un recours de droit public au Tribunal fédéral (procédure 4P.154/2005).
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Dirigé contre une sentence arbitrale finale, rendue dans le cadre d'un arbitrage international dont le siège se trouve en Suisse et opposant des parties qui n'ont pas de domicile ou de résidence habituelle en Suisse (art. 176 ss LDIP), le présent recours de droit public au sens de l'art. 85 let. c OJ, dans lequel sont invoqués des griefs énoncés par l'art. 190 al. 2 LDIP, est recevable au regard de ces différentes exigences. Il a en outre été exercé dans la forme prescrite par la loi (art. 90 al. 1 OJ) et en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. a et 89 al. 1 OJ), même si l'on fait partir le délai dès la notification de la sentence auprès de l'avocat de la recourante. Il n'y a donc pas lieu de se demander si le délai de recours ne devait pas commencer à courir à partir de la notification ultérieure de la sentence au Ministre de la justice de la République concernée.
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La partie recourante est personnellement touchée par la sentence entreprise, qui la condamne à paiement. Elle a donc un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de l'art. 190 LDIP, de sorte que la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue.
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Le recours paraît donc recevable à la forme, ce qui ne signifie pas pour autant que les griefs soulevés le soient également d'un point de vue matériel.
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2.
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La Cour de céans a été saisie de deux recours de droit public, l'un contre la sentence de base, qui fait l'objet de la présente procédure, l'autre contre la sentence rectificative.
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La procédure de rectification n'a pas pour but d'offrir aux parties une autre possibilité d'attaquer la sentence d'origine (cf. ATF 131 III 164 consid. 1.2.3 et 1.2.4). C'est donc à juste titre que la recourante a fait valoir les griefs dirigés contre la sentence de base dans un recours de droit public distinct, déposé parallèlement à sa demande de rectification.
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Par ailleurs, la sentence rectificative a un caractère accessoire par rapport à la sentence de base; elle en fait partie intégrante et suit le régime juridique de la sentence originale (cf. ATF 131 III 164 consid. 1.1 p. 167 et 1.2.1). Il s'impose donc de commencer par examiner le recours de droit public dirigé contre cette dernière, car, si celui-ci devait être admis et la sentence de base annulée, la sentence rectificative deviendrait ipso facto caduque (cf. ATF 131 III 164 consid. 1.2.4 p. 170; 130 III 755 consid. 1.3 p. 763).
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Enfin, il n'y a pas lieu de se demander s'il faut tenir compte, lors de l'examen du présent recours, des modifications introduites dans le cadre de la procédure de rectification, dès lors qu'en l'espèce, la sentence rectificative du 7 avril 2005 n'a pas eu pour effet de modifier le dispositif de la sentence de base.
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3.
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A la suite de la réponse des intimées, la recourante a requis un nouvel échange d'écritures en application de l'art. 93 al. 3 OJ.
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Selon cette disposition, un échange ultérieur d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement. Le Tribunal fédéral s'en tient strictement à cette règle et n'ordonne une réplique et une duplique que si celles-ci lui paraissent vraiment indispensables pour résoudre le cas en respectant le droit d'être entendu (Corboz, Le recours au Tribunal fédéral en matière d'arbitrage international, in SJ 2002 II p. 1 ss, 15 let. H; consid. 1.4 non publié de l'ATF 130 III 755). Cette position est liée au fait que les griefs soulevés doivent être présentés au Tribunal fédéral dans le délai de 30 jours de l'art. 89 al. 1 OJ; un complément ultérieur au recours n'est ainsi admissible que si les observations du tribunal arbitral ou de la partie intimée le justifient (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.226/2004 du 9 mars 2005, consid. 1.1; ATF 122 I 70 consid. 1c p. 74).
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Il n'y a pas de raison de s'écarter de la règle en l'espèce. La recourante n'invoque aucun élément qui révélerait la nécessité d'ordonner un second échange d'écritures sous peine de violer son droit d'être entendu. Ainsi, la valeur litigieuse considérable ou l'importance politique de l'affaire du point de vue de la recourante ne sont pas pertinentes. Quant aux faits qui auraient été avancés dans le mémoire de réponse, la recourante se contente d'affirmer qu'ils seraient, sur plusieurs points, inexacts, mais sans autre précision, de sorte que l'on ne parvient pas à savoir si la recourante n'aurait pas pu elle-même se prononcer sur ces questions dans son recours. Enfin, la recourante fait état de faits nouveaux allégués par les intimées, ainsi que d'une pièce nouvelle. Cet élément ne justifie pas un second échange d'écritures, dès lors que, dans le cadre d'une procédure sur recours de droit public, les faits nouveaux ne sont en principe pas recevables (ATF 129 I 49 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4P.226/2004 précité consid. 1.2). Il ne sera donc pas donné suite à la requête de la recourante reposant sur l'art. 93 al. 3 OJ.
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4.
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Invoquant l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante reproche en premier lieu au Tribunal arbitral de s'être déclaré à tort compétent pour statuer sur les prétentions qu'elle avait émises en relation avec le mandat de recouvrement du 23 juin 2000.
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Les intimées considèrent ce grief comme irrecevable, car la recourante aurait valablement renoncé à tout recours portant sur la compétence du Tribunal arbitral à l'art. 14.4 de l'accord MTD. Cette objection mérite d'être examinée en premier lieu, puisque la recevabilité des griefs soulevés par la recourante en relation avec l'art. 190 al, 2 let. b LDIP en dépend.
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4.1 L'art. 192 al. 1 LDIP prévoit que, si deux parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral; elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP.
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Dans un arrêt récent, la Cour de céans a procédé à un survol de la jurisprudence fédérale sur la question de la renonciation du recours en matière d'arbitrage, auquel il peut être renvoyé (cf. ATF 131 III 173 consid. 4.2.1). Il en ressort en substance que la pratique n'admet que de manière restrictive les conventions d'exclusion, ce qu'approuve la doctrine (ATF 131 III 173 consid. 4.2.2 et les nombreux auteurs cités). Le Tribunal fédéral a précisé que l'art. 192 LDIP n'exige cependant pas que, pour être valable, la renonciation comporte la mention expresse, dans la clause d'arbitrage, de l'art. 190 LDIP et/ou de l'art. 192 LDIP. Une telle référence est cependant recommandable, puisqu'elle permet d'identifier à coup sûr le moyen de droit auquel il est renoncé (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1). La référence à la déclaration expresse dont il est question à l'art. 192 al. 1 LDIP doit faire ressortir de manière claire et nette la volonté commune des parties de renoncer à attaquer les sentences du tribunal arbitral par le moyen de droit prévu à l'art. 190 al. 2 LDIP. Or, il n'est pas indispensable, pour établir semblable volonté, que les parties aient cité telle ou telle disposition, ni qu'elles aient utilisé telle ou telle expression; il est nécessaire, mais suffisant, que la déclaration expresse des parties manifeste, sans conteste, leur commune volonté de renoncer à tout recours. Savoir si tel est bien le cas est affaire d'interprétation et le restera toujours, de sorte qu'il est exclu de poser à cet égard des règles applicables à toutes les situations envisageables (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1 p. 178 et les références citées).
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En revanche, si les parties ne souhaitent exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP - ce qui est possible (cf. art. 192 al. 1 in fine LDIP) -, on ne voit pas qu'elles puissent le faire sans mentionner expressément le ou les motifs exclus dans la clause arbitrale, que ce soit par l'indication de la ou des lettres correspondantes de l'art. 190 al. 2 LDIP, la reprise du texte légal ou toute autre formulation permettant d'identifier à coup sûr le motif exclu (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1 p. 178 s.).
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4.2 Il convient, à l'aune de ces principes, d'examiner si les parties ont ou non valablement renoncé à recourir au sujet de la compétence du Tribunal arbitral au sens de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
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L'art. 14.4 de l'accord MTD stipule que :
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"The Parties undertake that they will not challenge the jurisdiction of the UNCITRAL Tribunal whether before the UNCITRAL Tribunal itself or before any national courts. For the avoidance of doubt, the Parties and Y.________ do not hereby waive their right to challenge any award in the UNCITRAL Arbitration in the place where the award is made or to resist enforcement thereof in the country or countries where enforcement is sought on the grounds contained in the applicable arbitration laws of those countries, save that the Parties will not do so on the ground that the UNCITRAL Tribunal lacked jurisdiction to consider one or more of the issues before it."
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Il ressort de cette clause, en particulier des passages mis en italique par la Cour de céans, que les parties se sont engagées à ne pas contester la compétence du Tribunal arbitral devant les tribunaux étatiques. Afin de lever toute ambiguïté, il a encore été précisé que les parties ne renonçaient pas, de manière générale, à recourir contre une éventuelle sentence rendue dans le cadre de l'arbitrage CNUDCI, excepté s'agissant de la compétence. Le texte de l'art. 14.4 de l'accord MTD est donc parfaitement clair et rien ne permet d'en conclure qu'il ne correspondrait pas à la volonté des parties. Le fait que l'art. 190 al. 2 let. b LDIP ne soit pas mentionné n'est pas déterminant, dès lors que la clause exprime clairement la volonté des parties de renoncer à recourir pour le motif expressément désigné par cette disposition, à savoir la compétence (cf. supra consid. 4.1 in fine).
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L'argumentation de la recourante contestant la portée de l'art. 14.4 de l'accord MTD n'est pas convaincante. Elle commence par démontrer qu'un recours contre la sentence arbitrale n'a pas été exclu de manière générale, ce qui n'est pas contesté. Puis, elle s'en prend plus précisément à l'exclusion du recours portant sur la compétence du tribunal arbitral, en présentant une interprétation de l'art. 14.4 de l'accord MTD qui ne peut être suivie. Lorsqu'elle affirme que cette clause doit se limiter aux cas où une partie cherche à se soustraire à l'arbitrage ou à retarder l'issue de la procédure, elle s'écarte sans raison de son texte, qui indique clairement que les parties se sont engagées à ne pas contester la compétence du tribunal arbitral, quels qu'en soient les motifs. La recourante ne peut davantage être suivie lorsqu'elle soutient que les parties ne pouvaient imaginer que le tribunal arbitral se déclarerait compétent pour se prononcer sur les prétentions émises en relation avec le mandat de recouvrement, de sorte que l'exclusion du recours ne saurait porter sur cet aspect. En effet, en concluant l'accord MTD le 14 décembre 2002, les parties ont consolidé les deux procédures d'arbitrage et convenu de soumettre l'ensemble de leurs différends au tribunal arbitral CNUDCI, dont les 300 millions US$, objet du mandat de recouvrement, faisaient partie. Enfin, ni le Tribunal arbitral ni les intimées n'avaient de raison d'invoquer l'art. 14.4 de l'accord MTD dans le cadre de la procédure arbitrale, de sorte que la recourante ne peut rien tirer de l'absence de référence à cette disposition.
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Force est donc de constater que les parties ont valablement exclu de recourir contre la sentence du tribunal arbitral en ce qui concerne la compétence de cette autorité. Dans la mesure où la recourante, sous le couvert de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, conteste que le tribunal arbitral ait été compétent pour statuer sur les prétentions découlant de l'ordre de recouvrement, son recours est irrecevable.
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5.
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La recourante se plaint également d'une violation de l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
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5.1 Elle reproche premièrement au Tribunal arbitral d'avoir statué sans tenir compte de l'autorité de la chose jugée dont était dotée la décision relative à l'ordre de recouvrement.
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Il est vrai que le tribunal arbitral viole l'ordre public procédural s'il statue sans tenir compte de l'autorité de la chose jugée d'une décision antérieure (ATF 128 III 191 consid. 4a p. 194 et les références citées). Une décision judiciaire est dotée de l'autorité de la chose jugée lorsqu'elle est obligatoire, c'est-à-dire qu'elle ne peut plus être remise en discussion ni par les parties, ni par les tribunaux (Hohl, Procédure civile, Tome I, Berne 2001, p. 244 no 1289). L'autorité de la chose jugée ne concerne que le dispositif du jugement, mais ne s'étend pas aux motifs; ces derniers peuvent seulement servir à interpréter le dispositif, afin d'en saisir la nature et la portée exacte (cf. ATF 125 III 8 consid. 3b p. 13; 123 III 16 consid. 2a; 116 II 738 consid. 2a p. 743 s.).
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En l'espèce, on ne voit pas qu'en statuant sur la prétention qu'a fait valoir la recourante dans l'ordre de recouvrement du 22 juin 2000 le tribunal arbitral ait violé l'autorité de la chose jugée. Comme le relèvent les intimées, on peut se demander si l'ordre de recouvrement émis par les autorités administratives de la recourante est véritablement doté de l'autorité de la chose jugée ou décidée s'agissant apparemment d'une décision prise en première instance (cf. Moor, Droit administratif, volume II, 2e éd. Berne 2002, no 2.4.1 p. 323; Häfelin/Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd. Zurich 2002, no 994 p. 203 s.). Il n'y a cependant pas lieu d'entrer plus avant sur cette problématique. D'une part, la procédure arbitrale ne porte pas sur l'ordre de recouvrement lui-même, mais sur les prétentions de la recourante à l'origine de cet acte. Ce n'est pas parce que la recourante a fait émettre, le 23 juin 2000, un ordre de recouvrement portant sur 300 millions US$, correspondant à une "première évaluation" du préjudice qu'elle aurait subi en raison des manquements contractuels reprochés aux intimées, que l'on peut en déduire que le bien-fondé de cette prétention serait lui-même couvert par l'autorité de la chose jugée ou décidée que pourrait revêtir l'ordre de recouvrement. D'autre part et surtout, la défenderesse perd de vue qu'elle a elle-même admis de suspendre l'exécution du mandat de recouvrement, voire de modifier son montant en fonction de la sentence du tribunal arbitral, comme en atteste l'art. 14.5 de l'accord MTD. Cette disposition prévoit en effet que :"Without prejudice of its rights, the Republic of X.________ agrees to suspend the enforcement of the Collection Order until the Final Award is rendered. The amount of the Collection Order shall be adjusted or the Collection Order withdrawn on the basis of the Final Award". Dans cette mesure, la critique de la recourante confine même à la témérité, car elle revient, pour cette partie, à se prévaloir du bénéfice de l'autorité de la chose jugée d'une décision dont elle-même a réservé la modification en fonction du résultat de la procédure arbitrale.
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5.2 En second lieu et toujours sous le couvert de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, la recourante fait valoir une violation du principe pacta sunt servanda.
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5.2.1 Selon la jurisprudence, une sentence est contraire à l'ordre public, lorsqu'elle viole des principes juridiques fondamentaux au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeur déterminants. Au nombre de ces principes figure notamment la fidélité contractuelle ("pacta sunt servanda") (ATF 128 III 191 consid. 6b p. 198; 120 II 155 consid. 6a p. 166 et les références citées).
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Pour qu'il y ait atteinte au principe de la fidélité contractuelle contraire à l'ordre public, il faut que l'arbitre refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, qu'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas (arrêt du Tribunal fédéral 4P.71/2002 du 22 octobre 2002, in Bulletin ASA 2003 p. 376 ss, consid. 3.2 et les références citées; cf. plus récemment, arrêt 4P.104/2004 du 18 octobre 2004 consid. 6.3). En d'autres termes, le tribunal arbitral doit appliquer ou refuser d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public (arrêts du Tribunal fédéral 4P.12/2000 du 14 juin 2000 consid. 4a/cc et 4P.62/1999 du 26 mai 1999 consid. 1a/bb et les arrêts cités). La Cour de céans, confirmant la position de Schweizer (cf. Schweizer, in Revue suisse de droit international et européen [RSDIE] 1998 p. 566), a souligné à plusieurs reprises qu'il découle de ces principes que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe de la fidélité contractuelle, envisagée sous l'angle de l'ordre public auquel se réfère l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (arrêts précités 4P.12/2000, consid. 4a/cc in fine, et 4P.62/1999 consid. 1a/bb in fine).
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Il convient encore de préciser que, dans le cadre de l'examen d'une violation de l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le Tribunal fédéral n'a pas à rechercher si l'arbitre a interprété correctement une clause contractuelle, qu'il s'agisse de déterminer la volonté réelle ou la volonté hypothétique des parties (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.12/2000 précité du 14 juin 2000, consid. 4a/bb; ATF 116 II 634 consid. 4b p. 638; arrêt 4P.52/1990 précité in SJ 1991 p. 12 consid. 2b;).
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5.2.2 La recourante considère en substance que la sentence attaquée est contraire au principe pacta sunt servanda dans la mesure où elle rejette ses prétentions reconventionnelles en paiement de redevances liées à l'exploitation du service GPRS par Z.________. Comme les arbitres, en interprétant le contrat BOT, ont considéré que l'on ne pouvait interdire à Z.________ de faire fonctionner le service GPRS, tout en réservant les éventuels droits de la recourante à percevoir une redevance, celle-ci en déduit qu'elle était fondée à réclamer des redevances relatives à ce service. En rejetant ses prétentions pour l'utilisation passée du service GPRS par Z.________, le tribunal arbitral aurait ainsi refusé d'ordonner l'exécution d'une obligation, après avoir admis les conditions nécessaires à son exécution.
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Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'y a pas de contradiction entre le fait d'admettre que Z.________ était en droit de faire fonctionner le service GPRS, tout en rejetant les prétentions en paiement des redevances passées. En effet, le tribunal arbitral a relevé que le versement d'une redevance était subordonné à la fixation d'un taux qui aurait dû être négocié entre la recourante et l'opérateur. Comme les parties n'étaient pas parvenues à trouver un accord sur le taux, il n'y avait pas lieu d'ordonner le versement d'une redevance pour la période pendant laquelle le GPRS avait été exploité. Ce raisonnement ne révèle pas l'existence d'un cas où le tribunal arbitral aurait admis l'existence d'une obligation, tout en refusant de l'appliquer. Le refus d'allouer une redevance à la recourante couvrant la période d'exploitation du GPRS découle seulement de l'interprétation du contrat retenue par les arbitres, pour lesquels l'absence d'accord entre les parties sur le taux de redevance faisait perdre tout droit à la recourante de réclamer un montant à ce titre. Or, comme il l'a été rappelé (cf. supra consid. 5.2.1 in fine), le point de savoir si une telle déduction est correcte, de même que la façon dont le tribunal arbitral a interprété ou appliqué le contrat BOT, ne peuvent être revus par le Tribunal fédéral dans le cadre de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
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Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable.
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6.
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En application de l'art. 156 al. 1 OJ, les frais de la procédure fédérale seront supportés par la recourante. Celle-ci devra également verser des dépens aux intimées, créancières solidaires (art. 159 al. 1 OJ). Les frais et dépens seront fixés en fonction de la valeur litigieuse considérable de la présente cause.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 100'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
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3.
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La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 150'000 fr. à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Président du Tribunal arbitral.
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Lausanne, le 10 novembre 2005
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Au nom de la Ire Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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