BGer 2A.359/2005 | |||
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BGer 2A.359/2005 vom 14.11.2005 | |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 1/2}
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2A.359/2005 /fzc
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Arrêt du 14 novembre 2005
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Merkli, Président,
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Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Müller.
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Greffier: M. Dubey.
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Parties
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Association de la Transformation Laitière Française (ATLA), recourante,
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représentée par Mes Nicole Coutrelis et Séverine Henneresse, avocates, faisant élection de domicile
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en l'étude de Me Gregor Bühler, avocat,
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contre
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Fédération laitière valaisanne, intimée,
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représentée par Me Sébastien Fanti, avocat,
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Office fédéral de l'agriculture,
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Mattenhofstrasse 5, 3003 Berne,
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Commission de recours du Département fédéral de l'économie, 3202 Frauenkappelen.
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Objet
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appellation d'origine contrôlée AOC (qualité de partie),
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recours de droit administratif contre la décision de la Commission de recours du Département fédéral de l'économie du 20 avril 2005.
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Faits:
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A.
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Par décision du 9 novembre 2001, l'Office fédéral de l'agriculture (ci-après: l'Office fédéral ou l'OFAG) a admis une demande d'enregistrement de la Fédération laitière valaisanne visant à protéger à titre d'appellation d'origine contrôlée (AOC) "raclette du Valais AOC" (le terme raclette est protégé) ainsi que les spécifications "à la coupe" et "à rebibes".
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Selon ses Statuts (dans leur version datant du 8 février 1996), l'Association de la transformation laitière française (ci-après: l'Association ou l'ATLA) est une association de droit français au sens de la loi française du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dont le siège est à Paris, qui regroupe la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL) et la Fédération nationale de l'industrie laitière (FNIL) et, par leur intermédiaire, 400 entreprises de toute taille et de divers statuts juridiques, dont 34 fabriquent du fromage à raclette. Elle a notamment pour but d'étudier, d'organiser et de coordonner la défense en commun des intérêts de la transformation laitière française auprès de toutes les instances publiques et professionnelles, françaises, européennes ou internationales et d'engager, en tant que de besoin, toute action judiciaire à cette fin.
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Parmi de nombreux autres opposants, l'Association a formé opposition contre la décision du 9 novembre 2001. Par décision globale du 3 novembre 2003, l'OFAG a rejeté les oppositions.
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B.
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L'Association a interjeté recours contre la décision du 3 novembre 2003 auprès de la Commission fédérale de recours du Département fédéral de l'économie (ci-après: la Commission de recours DFE), qui l'a déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour recourir par décision du 20 avril 2005. A l'appui de sa décision, la Commission de recours DFE a considéré en substance que l'art. 48 let. a de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), dont la portée est identique à celle de l'art. 103 let. a de la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ; RS 173.110), autorisait quiconque à recourir qui remplissait ses conditions sans tenir compte de sa nationalité ou de son domicile. L'Association toutefois ne remplissait pas les conditions lui ouvrant la voie du recours de droit administratif. En particulier, elle ne défendait pas des intérêts communs à la majorité ou au moins à un grand nombre de ses membres. Il en allait de même à considérer le volume de production, puisque seule une très faible partie des membres de l'Association exportait du fromage à raclette vers la Suisse. Les autres membres de l'Association n'avaient qu'un intérêt virtuel à s'opposer à la protection des produits en cause, insuffisant pour leur conférer la qualité pour recourir.
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C.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Association demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision sur recours du 20 avril 2005 de la Commission fédérale de recours et de constater sa qualité pour recourir contre la décision sur opposition de l'Office fédéral de l'agriculture du 3 novembre 2003.
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La Commission fédérale de recours s'en remet aux considérants de sa décision. L'Office fédéral de l'agriculture conclut à l'admission du recours. La Fédération laitière valaisanne conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59).
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1.1 Dans une procédure administrative régie par le droit fédéral, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour agir est habilité à contester ce prononcé par la voie du recours de droit administratif (ATF 124 II 499 consid. 1b p. 502; 123 II 115 consid. 2b/aa p. 118) lorsque, comme en l'espèce, la décision de l'autorité intimée sur le fond peut faire l'objet d'un tel recours auprès du Tribunal fédéral (art. 98 lettre e OJ lu conjointement avec l'art. 166 al. 2 de la loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture, [LAgr, loi sur l'agriculture; RS 910.1]).
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1.2 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites, le présent recours de droit administratif, est donc en principe recevable.
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1.3 La conclusion de la recourante visant à ce que la Commission de recours DFE suspende le prononcé de sa décision sur le fond jusqu'au droit connu sur le présent recours est sans objet puisque dite Commission en a décidé la suspension elle-même (cf. Observations sur recours du 28 juin 2005 déposées par la Commission de recours DFE).
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1.4 Selon l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen et le droit international (ATF 130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 129 II 183 consid. 3.4 p. 188). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par la recourante ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 130 III 707 consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 129 II 183 consid. 3.4 p. 188 et les arrêts cités). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 let. c OJ). De plus, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ).
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1.5 La seule question à trancher en l'espèce est de déterminer si la Commission de recours DFE a, ou non, correctement interprété et appliqué le droit fédéral en déniant à la recourante la qualité pour recourir.
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2.
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2.1 La désignation des produits se distinguant par leur origine ainsi que les appellations d'origine et les indications géographiques sont régies par les art. 14 al. 1 let. d et 16 LAGr. Se fondant sur ces articles ainsi que sur l'art. 177 al. 1 LAgr, le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques des produits agricoles et des produits agricoles transformés (Ordonnance sur les AOP et les IGP; RS 910.12).
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L'enregistrement d'une AOP ou d'une IGP par l'Office fédéral de l'agriculture est une décision, qui peut faire l'objet d'une opposition auprès de ce même Office par toute personne justifiant d'un intérêt digne de protection et par les cantons (art. 10 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP en relation avec l'art. 168 LAgr). La décision sur opposition peut faire l'objet d'un recours auprès de la Commission de recours DFE (art. 166 al. 2 LAgr, ainsi que Lorenz Hirt, Der Schutz schweizerischer Herkunftsangaben, Berne 2003, p. 146 s.; Andreas E. Flury, Grundprobleme des Rechts des geographischen Herkunftbezeichnungen, thèse St Gall 2003, p. 37).
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2.2 Nonobstant l'art. 10 al. 1 de l'Ordonnance sur les AOP et les IGP relatif à la qualité pour former opposition contre l'enregistrement, ni la loi sur l'agriculture ni ses ordonnances d'exécution ne définissent la qualité pour recourir auprès de la Commission de recours DFE contre une décision sur opposition rendue par l'Office fédéral de l'agriculture en matière d'AOP et d'IGP (art. 11 de l'Ordonnance sur les AOP et les IGP). Celle-ci est par conséquent réglée par l'art. 48 PA, selon lequel, a qualité pour recourir quiconque est touché par la décision et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. a); toute autre personne, organisation ou autorité que le droit fédéral autorise à recourir (let. b).
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Comme aucune norme spéciale du droit fédéral n'autorise la recourante à recourir auprès de la Commission de recours DFE, sa légitimation doit être examinée au regard de l'art. 48 let. a PA. La teneur de cette disposition étant à peu près identique à celle de l'art. 103 lettre a OJ, qui détermine la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif, ces deux dispositions légales s'interprètent de la même manière (ATF 127 II 32 consid. 2d p. 38; 124 II 499 consid. 3b p. 504; 123 II 376 consid. 2 p. 378; 121 II 176 consid. 2a p. 177 et les arrêts cités). En particulier, le Tribunal fédéral a jugé que la qualité pour recourir appartient à quiconque remplit les conditions de l'art. 103 let. a OJ sans considération de sa nationalité ou de son domicile (ATF 124 II 293 consid. 3a p. 304 et les références citées). Il en va par conséquent de même de la qualité pour recourir conférée par l'art. 48 PA, ce que l'autorité intimée a relevé à bon droit.
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2.3 Une association n'a qualité pour recourir à titre personnel que lorsqu'elle remplit les conditions posées par les art. 48 let. a PA ou 103 let. a OJ. Toutefois, conformément à la jurisprudence, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par la voie du recours de droit administratif (nommé alors recours corporatif ou égoïste), a) pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, b) que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, c) que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel (ATF 121 II 39 consid. 2d/aa p. 46; 120 Ib 59 consid. 1a p. 61 et les arrêts cités; François Bellanger, La qualité de partie à la procédure administrative in: Les tiers dans la procédure administrative, Schulthess 2004, p. 33-55, p. 45; Pierre Moor, Droit administratif, 2ème éd., Berne 2002, vol. II, p. 643 s.; Häfelin/Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., Schulthess 2002, p. 372; Benoît Bovay, Procédure administrative. Berne 2000, p. 492; A. Kölz/I. Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, p. 202 s.; F. Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd., Berne 1983, p. 159 s. et les références citées).
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2.4 S'agissant du nombre de membres dont les intérêts dignes de protection sont touchés au sein de l'association, la jurisprudence a nié la qualité pour recourir du syndicat des travailleurs du commerce, des transports et de l'alimentation et de la société des employés de commerce contre les heures d'ouvertures des commerces en gare de Zurich, parce que celles-ci ne touchaient directement qu'un petit nombre (183 sur 25'000 respectivement 16'000) de leurs membres; un intérêt digne de protection virtuel, qui résulterait de ce que leurs membres pourraient tous être une fois personnel de vente, était au demeurant une construction étrangère aux art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ (ATF 119 Ib 374 consid. 2 a/cc p. 377 s.). De même, le Tribunal fédéral a nié la qualité pour recourir d'une association cantonale ou nationale contre la démolition d'un bâtiment, parce que seul un petit nombre de leurs membres étaient voisins directs du bâtiment en cause (ATF 104 Ib 381 consid. 3b p. 383 s. cf. également A. Kölz/I. Häner, op. cit., p. 203).
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2.5 S'agissant de l'atteinte, la jurisprudence considère que le recourant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération au regard du droit fédéral déterminant; il faut donc que l'admission du recours procure au recourant un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 123 II 376 consid. 4a p. 376, 115 consid. 2a p. 117). Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt de la loi ou d'un tiers est en revanche irrecevable (ATF 121 II 39 consid. 2c/aa p.43/44; 120 Ib 48 consid. 2a p. 51, 379 consid. 4b p. 386; 119 Ib 374 consid. 2a/aa p. 376). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l'"action populaire" dans le domaine de la juridiction administrative fédérale, quand un particulier conteste une autorisation donnée à un autre administré (ATF 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43, 171 consid. 2b p. 174).
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La jurisprudence a ainsi dénié aux consommateurs la qualité pour recourir contre une autorisation relative aux aliments à base de soja manipulé génétiquement, car ils n'étaient pas plus touchés que l'ensemble du public par la décision attaquée (ATF 123 II 376 consid. 4c p. 381). Un rapport étroit et digne d'être protégé a également été nié dans le cas de riverains d'une ligne de chemin de fer sur laquelle étaient transportés des déchets radioactifs (ATF 121 II 176 consid. 2b p. 178), contrairement à ce qui est en principe admis pour les riverains d'installations fixes comme les aéroports (ATF 104 Ib 307 consid. 3b p. 318) ou les stands de tirs (ATF 110 Ib 99 consid. 1b p. 102). La qualité pour recourir n'a pas non plus été reconnue à l'actionnaire d'une société anonyme touchée par une décision administrative, même s'il était actionnaire unique ou principal, considérant qu'il n'était qu'indirectement concerné par la décision incriminée (ATF 116 Ib 331 consid. 1c p. 335). De même, le recours de l'Association suisse des producteurs de films contre la dissolution de la Fondation Ciné-journal suisse a été déclaré irrecevable, les relations commerciales entretenues par certains membres de l'Association avec la Fondation ne constituant pas un lien suffisamment étroit avec l'objet de la décision attaquée (ATF 101 Ib 108 consid. 2a p. 110/111). Quant aux associations de concurrents, leur qualité pour recourir n'est pas non plus admise si elles ne se trouvent pas dans un rapport spécial et digne d'être protégé mais se sentent seulement visées par une concurrence accrue (ATF 113 Ib 363 ss; 109 Ib 198 ss; voir aussi Häfelin/Müller, op. cit., p. 370).
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La jurisprudence, comme la doctrine, exige donc de manière assez stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (Gygi, op. cit., p. 158-159; Häfelin/Müller, op. cit., p. 370; Kölz/Häner, op. cit., p. 196 ss).
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3.
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Il suit de ce qui précède qu'en tant qu'association, la qualité pour recourir de la recourante peut résulter soit de la défense de ses intérêts propres soit de la défense des intérêts de ses membres. Il n'est pas contesté que la recourante ne produit ni n'exporte elle-même vers la Suisse de fromage à raclette. Elle-même ne le prétend pas non plus et ne demande pas à ce que sa qualité pour recourir soit reconnue parce qu'elle serait directement touchée dans ses propres intérêts dignes de protection. Elle ne peut donc prétendre à la qualité pour recourir que si elle remplit les conditions du recours corporatif.
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3.1 Aux termes de l'art. 2 de ses Statuts, la recourante a notamment pour but "d'étudier, d'organiser et de coordonner la défense en commun des intérêts de la transformation laitière française auprès de toutes les instances publiques et professionnelles françaises, européennes ou internationales et d'engager, en tant que de besoin, toute action judiciaire à cette fin". La recourante ayant pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, en particulier de ceux qui sont impliqués dans la production et le commerce de fromage à raclette, la première condition est remplie. Il reste par conséquent à examiner si les intérêts qu'elle entend défendre dans la procédure d'enregistrement litigieuse sont communs à la majorité ou au moins à un grand nombre de ses membres et si chacun de ceux-ci a qualité pour s'en prévaloir à titre individuel.
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3.2 Dans la décision litigieuse, l'autorité intimée a retenu que la recourante se compose de deux fédérations de transformateurs laitiers français qui regroupent, pour l'une, les entreprises de droit commun de la filière française de transformation et commercialisation de produits laitiers et, pour l'autre, les entreprises soumises au statut de coopératives. Sur les 400 entreprises membres, de toutes tailles, aux métiers les plus divers, implantées dans la France entière, seule 34 sont impliquées dans la fabrication du fromage à raclette et représentent 85% de la production française (41'947 tonnes en 2001). Au vu des principes rappelés ci-dessus, force est de constater avec l'autorité intimée que, nonobstant son statut d'association faîtière dont ne sont directement membres que deux associations, la recourante ne défend les intérêts que de 34 entreprises sur ses 400 membres affiliés indirectement. Elle ne défend donc les intérêts ni de la majorité ni d'un grand nombre de ses membres.
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La construction de la recourante selon laquelle l'autorité intimée aurait dû vérifier si les intérêts qu'elle défend avaient un caractère commun, non pas à la totalité de ses membres, mais à la totalité de ceux de ses membres qui produisent de la raclette, est contraire aux règles développées par la jurisprudence bien établie selon laquelle la qualité pour recourir d'une association qui ne défend pas ses propres intérêts doit défendre ceux de la majorité ou au moins d'un grand nombre de ses membres et non pas seulement d'une partie de ceux-ci. Il en va de même de l'opinion selon laquelle l'autorité intimée aurait dû prendre en compte le fait qu'elle représente 85% de la production de fromage de raclette en France. Ce mode de calcul est étranger aux dispositions des art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ.
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Pour ce motif déjà, le recours doit être rejeté. Il doit l'être également pour les raisons qui suivent.
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3.3 S'agissant de l'exigence selon laquelle chacun des membres formant la majorité ou au moins un grand nombre de l'association doit en outre avoir qualité pour se prévaloir à titre individuel d'une atteinte à ses intérêts dignes de protection, l'autorité intimée a constaté, au vu de la quantité de fromage à raclette exportée vers la Suisse en 2002, que seule une très faible partie des 34 entreprises affiliées à la recourante et impliquées dans la fabrication du fromage à raclette exportait effectivement du fromage en Suisse. Rappelant qu'il s'agissait d'un enregistrement en Suisse en application du droit suisse pour obtenir une protection en Suisse de l'appellation "raclette", elle a en outre écarté comme n'étant que virtuelle l'atteinte qui résulterait d'une éventuelle procédure d'enregistrement de l'appellation "raclette" devant les instances européennes, la recourante et ses membres pouvant faire valoir leurs arguments dans la cadre de la procédure d'opposition instituée par les art. 7 et 12 à 12quinquies du règlement (CE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO CE n° L 208 du 24/07/1992, p. 1-8). Au vu des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus (cf. consid. 2), nonobstant la constatation que ces 34 entreprises ne représentaient ni la majorité ni un grand nombre des membres de la recourante, c'est à bon droit que l'autorité intimée a jugé que, parmi celles-ci, toutes n'avaient pas qualité, à titre individuel, pour se prévaloir d'une atteinte à leurs intérêts dignes de protection.
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La recourante expose en vain les motifs pour lesquels, selon elle, les exportations vers la Suisse de fromages à raclette n'ont connu qu'un volume si faible. Tel n'est pas le problème. En effet à supposer qu'elle défende les intérêts communs de la majorité ou au moins d'un grand nombre de ses membres, elle devait encore démontrer que chacun de ceux-ci pouvait s'en prévaloir à titre individuel. Elle devait par conséquent établir que chacun de ceux-ci était directement et personnellement touché dans ses intérêts par la décision d'enregistrement litigieuse. En d'autres termes, cette décision n'ayant d'effet que sur le territoire suisse, il lui appartenait d'indiquer à l'autorité intimée qui de ses membres exportaient du fromage à raclette vers la Suisse. Ces indications n'ayant pas été fournies malgré une requête formelle du 26 janvier 2005, l'autorité intimée pouvait déduire des données dont elle disposait dans le dossier, c'est-à-dire du faible volume d'exportation de fromage à raclette - que seule une infime partie des membres de l'association était directement et personnellement touchée. Au demeurant, la recourante ne s'y méprend pas, puisqu'aux fins de pallier à cette carence d'indication, elle tente de construire un intérêt commun à tous ses membres, en affirmant que la décision de l'OFAG, dont les constatations pourraient être considérées comme acquises, car non contestées judiciairement, entraverait ses démarches de défense de ses membres dans une éventuelle procédure d'enregistrement de l'appellation "raclette" devant les instances européennes compétentes, chacun de ses membres ayant au surplus un intérêt à ne pas voir un terme générique réservé à la seule production définie d'un Etat. En vain, ces aléas n'étant que conjectures, ils ne constituent qu'une atteinte virtuelle, insuffisante à conférer la qualité pour recourir (cf. consid. 2.4 ci-dessus et ATF 119 Ib 374 consid. 2a/cc p. 378).
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3.4 Rappelant que la décision du 3 novembre 2003 de l'Office fédéral de l'agriculture a rejeté sur le fond l'opposition qu'elle avait déposée, la recourante reproche ensuite à l'autorité intimée de ne pas lui avoir reconnu la qualité pour recourir comme destinataire direct. Ce grief est mal fondé. La qualité de partie à la procédure d'opposition est certes une condition pour se voir reconnaître la qualité pour recourir dans la procédure de recours subséquente, mais n'est à elle seule pas suffisante. Elle dépend également de la réalisation des conditions spécifiques à la voie de droit envisagée. En l'espèce, la qualité pour recourir est reconnue à quiconque remplit les conditions de l'art. 48 let. a PA, dont le contenu, du moins littéral, semble plus restrictif que celui de l'art. 10 al. 1 let. a de l'Ordonnance sur les AOP et les IGP. Il y aurait de bons motifs de reconnaître plus largement la qualité de partie à la procédure d'opposition par rapport à celle pour recourir devant la Commission de recours DFE. Cette question souffre toutefois de rester indécise en l'espèce, puisque, quand bien même l'Office fédéral lui a reconnu qualité de partie à la procédure d'opposition, la recourante ne remplit pas les conditions de l'art. 48 let. a PA.
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4.
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La recourante estime encore que le refus de lui reconnaître la qualité pour recourir la prive de l'effectivité du recours prévu par l'art. 48 let. a PA et viole l'art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101).
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4.1 Selon l'art. 6 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. L'art. 13 CEDH prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
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D'après la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt dans la cause Zvolský Arnost c. République Tchèque du 12 novembre 2002, Recueil CourEDH 2002-IX p. 133 par. 47), le "droit à un tribunal", dont le droit d'accès constitue un aspect, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation (voir les arrêts de la CourEDH Garcia Manibardo c. Espagne,, Recueil CourEDH 2000-II par. 36, et Mortier c. France du 31 juillet 2001, par. 33, non publié). Néanmoins, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6 par. 1 que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir l'arrêt de la CourEDH Guérin c. France du 29 juillet 1998, Recueil CourEDH 1998-V, par. 37).
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4.2 En l'espèce, la question de savoir si la contestation porte sur des droits et obligations à caractère civil peut rester ouverte. En effet, en faisant dépendre la recevabilité du recours d'une association de ce qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, de ce que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, de ce que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel, le droit suisse ne limite pas l'accès de celle-ci à un tribunal à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Cette limitation est d'autant moins restrictive qu'elle n'exige pas la démonstration d'un intérêt juridiquement protégé, mais uniquement d'un intérêt digne de protection, dont la recourante ne saurait se prévaloir directement en l'espèce puisqu'elle ne fabrique ni n'exporte de fromage à raclette (cf. consid. 2 ci-dessus). Enfin, cette limitation a pour but légitime d'éviter l'action populaire, dont la recevabilité surchargerait les instances de la juridiction administrative. Elle est par conséquent conforme à l'art. 6 CEDH et à la jurisprudence y relative. Une éventuelle violation de l'art. 13 CEDH - absence de recours effectif - doit être rejetée pour les mêmes motifs, puisqu'avec la doctrine, il convient de constater que la démonstration d'une atteinte dans ses intérêts dignes de protection n'est pas une exigence trop élevée au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (cf. Yvo Hangartner, Das Recht auf eine wirksame Beschwerde gemäss Art. 13 EMRK und seine Durchsetzung in der Schweiz, AJP/PJA 1/1994, p. 3 ss, p. 4).
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Egalement mal fondé, ce grief doit être rejeté.
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4.3 Enfin, la recourante n'indique aucune disposition de droit international qui lui conférerait qualité pour recourir dans la procédure d'enregistrement en Suisse de l'appellation "raclette". Le Tribunal fédéral n'en voit aucune. Tel n'est en particulier pas le cas de l'art. 62 al. 4 de l'accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce formant l'annexe 1C de l'Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce (ADPIC; RS 0.632.20), qui fixe des critères minimaux que les pays membres doivent respecter notamment lorsqu'ils fixent les règles de procédure en matière d'acquisition des indications géographiques au sens des art. 22 à 24 de l'accord (Message du Conseil fédéral du 19 septembre 1994 relatif à l'approbation des accords du GATT/OMC (cycle Uruguay, Message I du GATT, FF 1997 IV 1 ss, p. 309). Ces exigences minimales n'obligent pas un état membre à prévoir une action populaire, ce que les art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ et la jurisprudence y relative tendent en définitive à empêcher. Enfin, la jurisprudence publiée reconnaissant la qualité pour recourir à quiconque remplit les conditions qui sont énoncées dans ces articles indépendamment de la nationalité ou du domicile, on ne saurait voir dans les conditions requises pour déposer un recours administratif ou de droit administratif en matière d'indication géographique une violation de l'art. 3 ADPIC. Tel n'est pas le cas non plus du Traité du 14 mai 1974 entre la Confédération suisse et la République française sur la protection des indications de provenance, des appellations d'origine et d'autres dénominations géographiques (RS 0.232.111.193.49), son art. 6 accordant la qualité pour introduire action pour violation du traité aux associations et groupements dans la mesure où la législation de l'Etat où l'action est envisagée le permet aux associations et groupements similaires de ce dernier état. Il s'agit là d'un renvoi aux art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ ainsi qu'à la jurisprudence y relative (cf. consid. 2 et 3 ci-dessus). Tel n'est pas non plus le cas de la Convention internationale du 1er juin 1951 sur l'emploi des appellations d'origine et dénominations de fromages (RS 0.817.142.1) qui ne contient aucune disposition relative à la procédure des parties contractantes. Enfin, l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81) ne contient en matière de protection des indications de protections géographiques qu'une déclaration commune visant à inclure ultérieurement dans l'accord agricole des dispositions en la matière.
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5.
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II résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté. Succombant, la recourante doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Cette dernière versera en outre une indemnité de dépens à la Fédération laitière valaisanne qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
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3.
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Une indemnité de partie de 2'000 fr. est allouée à la Fédération laitière valaisanne, à charge de la recourante.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à l'Office fédéral de l'agriculture et à la Commission de recours du Département fédéral de l'économie.
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Lausanne, le 14 novembre 2005
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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