BGer 5P.321/2005 | |||
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BGer 5P.321/2005 vom 27.01.2006 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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5P.321/2005 /frs
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Arrêt du 27 janvier 2006
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IIe Cour civile
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Composition
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MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Hohl et Marazzi.
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Greffière: Mme Michellod Bonard
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Parties
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X.________ SA,
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recourante, représentée par Me Michel Voirol, avocat,
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contre
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Y.________,
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intimée, représentée par Me Manuel Piquerez, avocat,
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Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, 2900 Porrentruy.
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Objet
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art. 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),
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recours de droit public contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura du 4 août 2005.
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Faits:
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A.
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Le 23 janvier 2004, X.________ SA, société active dans le courtage immobilier, a passé avec Y.________ un contrat de courtage exclusif pour la vente de l'immeuble de celle-ci. Le contrat a été conclu pour une durée initiale de neuf mois. Le prix de vente escompté devait être compris entre 260'000 fr. et 290'000 fr. et, en cas de conclusion de la vente, le courtier avait droit à une commission unique et forfaitaire fixée à 4% du prix de vente, mais dans tous les cas à 12'500 fr.
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Aux termes de l'art. 5 let. e des conditions générales du contrat, la commission est due en particulier si les mandants renoncent aux services du mandataire (courtier) pendant la durée du contrat et s'ils résilient prématurément le contrat ou s'ils violent celui-ci.
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Y.________ a résilié le contrat prématurément le 26 juin 2004. X.________ SA lui a réclamé l'indemnité prévue par l'art. 5 let. e des conditions générales.
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B.
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X.________ SA a fait notifier à Y.________ un commandement de payer de 12'500 fr. avec intérêts et frais. La poursuivie y a fait opposition.
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Par jugement du 9 mars 2005, le juge civil du Tribunal de première instance du canton du Jura a rejeté la requête de mainlevée provisoire formée par X.________ SA.
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Statuant le 4 août 2005 sur appel de X.________ SA, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura l'a rejeté et a confirmé le rejet de la mainlevée provisoire.
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C.
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Contre cet arrêt, X.________ SA interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à son annulation.
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L'intimée n'a pas été invitée à répondre au recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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1.1 Interjeté en temps utile contre une décision qui refuse en dernière instance cantonale la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 LP; ATF 120 la 256 consid. 1a p. 257; 93 II 436 consid. 2 p. 437/438 et les références), le présent recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ. Le recours est par ailleurs recevable au regard de l'art. 84 al. 1 let. a OJ, en tant que la recourante invoque la violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et l'application arbitraire (art. 9 Cst.) de l'art. 82 LP. Enfin, la recourante, dont la requête de mainlevée a été rejetée, est personnellement touchée par la décision attaquée et a ainsi qualité pour recourir (art. 88 OJ).
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1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit - sous peine d'irrecevabilité - contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés, et présentés de manière claire et détaillée. Le recourant ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel: il doit au contraire démontrer de façon circonstanciée en quoi la décision entreprise violerait le principe invoqué, ou, s'agissant de l'appréciation des preuves, en quoi cette dernière serait manifestement insoutenable, en grossière contradiction avec la situation de fait ou porterait une atteinte grave à une norme ou à un principe juridique indiscuté, ou encore heurterait de manière choquante le sentiment de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 s.).
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2.
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La cour cantonale a retenu que le montant de l'indemnité forfaitaire - de 12'500 fr. (4% d'un prix de vente de 312'500 fr.) - correspondait à celui qui serait dû en cas d'exécution régulière. Estimant qu'on pouvait dès lors se demander si cette clause n'avait pas pour effet de dissuader le mandant de résilier le contrat avant son terme et si elle n'était donc pas illicite, elle a considéré qu'il ne lui appartenait pas, en tant que juge de la mainlevée, de trancher définitivement la question; elle pouvait en revanche constater que la débitrice avait rendu vraisemblable la nullité de la clause invoquée et partant son moyen libératoire.
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La cour cantonale a complété cette motivation principale par deux motifs subsidiaires, le premier pour le cas où la clause pénale serait valable, le second pour le cas où la peine forfaitaire serait seulement trop élevée.
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3.
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La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir refusé à tort de trancher définitivement la question de la validité de la clause litigieuse, qui est une question de droit. Selon la recourante, la vraisemblance prévue à l'art. 82 al. 2 LP ne concerne que les faits et non le droit. Partant, c'est en appliquant arbitrairement cette disposition que la cour cantonale aurait refusé de se déterminer sur la validité ou la nullité de la clause litigieuse. La recourante se plaint ainsi d'une violation du principe "iura novit curia" et d'une application arbitraire de l'art. 82 LP.
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3.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation soit insoutenable, encore faut-il que la décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 p. 182; 124 V 137 consid. 2b p. 139). En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134).
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3.2 En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
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Selon la jurisprudence, la procédure de mainlevée provisoire, comme la procédure de mainlevée définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire: le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblables des exceptions (ATF 58 I 363 consid. 2 p. 369/370). Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et il lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires (arrêt du 7 octobre 2005 5P.171/05 consid. 4.1.2, destiné à publication).
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Le débiteur n'a donc pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement leur simple vraisemblance (Glaubhaftmachung; semplice verosimiglianza). Cela signifie que les faits pertinents doivent être simplement vraisemblables: le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des allégués de fait; il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3 p. 325).
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La question de savoir si le bien-fondé juridique des moyens libératoires s'examine également sous l'angle de la simple vraisemblance ou s'il doit faire l'objet d'un examen exhaustif est controversée en doctrine (cf. Daniel Staehelin, Die Beseitigung des Rechtsvorschlages, Bâle, Genève, Munich 1998, n. 88 ad art. 82 LP et Peter Stücheli, Die Rechtsöffnung, Zurich 2000, p. 348 s.) et fait l'objet de jurisprudences cantonales contradictoires (Panchaud/Caprez, op. cit., § 26).
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La décision par laquelle la cour cantonale a jugé qu'elle n'avait pas à trancher définitivement la question de la nullité de la clause pénale et qu'elle pouvait refuser la mainlevée puisque la débitrice avait rendu vraisemblable la nullité ne peut donc être qualifiée d'arbitraire, dès lors qu'elle est partagée par une partie de la doctrine et des tribunaux cantonaux. Le grief est partant rejeté.
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4.
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La recourante s'est limitée à cette critique théorique. Elle n'a ni prétendu ni démontré, conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que la cour cantonale aurait arbitrairement retenu que l'exception de nullité était vraisemblable en l'espèce. Le maintien de la motivation principale de la cour cantonale rend superflu l'examen des critiques que la recourante adresse aux motivations subsidiaires.
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5.
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Vu le sort du recours, les frais de la procédure doivent être mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée n'ayant pas été invitée à se déterminer sur le fond, il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge de la recourante.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.
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Lausanne, le 27 janvier 2006
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Au nom de la IIe Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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