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Informationen zum Dokument  BGer 5C.118/2005  Materielle Begründung
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BGer 5C.118/2005 vom 16.02.2006
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5C.118/2005 /frs
 
Séance du 16 février 2006
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann,
 
Escher, Hohl et Marazzi.
 
Greffière: Mme Mairot.
 
Parties
 
X.________, (époux),
 
demandeur et recourant, représenté par Me Yves Bonard, avocat,
 
contre
 
Dame X.________, (épouse),
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Florence Prini, avocate,
 
Objet
 
effets accessoires du divorce (partage de la prévoyance professionnelle)
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 18 mars 2005.
 
Faits:
 
A.
 
A.a X.________, né en 1942, et dame X.________, née en 1946, se sont mariés à Genève le 24 octobre 1969, sans conclure de contrat de mariage. Ils ont eu deux enfants, l'un né en 1970 et l'autre en 1972.
 
Les époux vivent séparés depuis août 1992.
 
Des mesures protectrices de l'union conjugale ont été ordonnées le 11 mai 1993 par le Tribunal de première instance du canton de Genève.
 
Par assignation déposée le 11 juillet 2001 devant ce même tribunal, le mari a formé une demande en divorce. L'épouse s'est déclarée d'accord avec le principe de celui-ci.
 
Le Tribunal de première instance a rendu un jugement sur mesures provisoires le 5 décembre 2001.
 
Statuant sur le fond le 27 novembre 2003, cette juridiction a, notamment, prononcé le divorce, condamné l'épouse à verser au mari la somme de 16'553 fr.85 dans la liquidation du régime matrimonial, ordonné le partage des prestations de sortie de la prévoyance professionnelle des époux par moitié entre eux et transmis le jugement au Tribunal cantonal des assurances pour qu'il calcule le montant à transférer.
 
A.b Le 19 janvier 2004, l'épouse a appelé de ce jugement, concluant à son annulation partielle et à ce que le mari soit condamné à lui verser une soulte de 18'057 fr.55 au titre de la liquidation du régime matrimonial ainsi qu'une contribution d'entretien, indexée, d'un montant de 760 fr. par mois.
 
Par réponse du 10 mars 2004, le mari a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
 
A réception du dossier, en particulier des pièces nouvelles produites par les parties, la Cour de justice du canton de Genève a constaté qu'à partir du 1er avril 2004, le mari prendrait une retraite anticipée totale pour des raisons médicales et percevrait une rente d'invalidité de sa caisse de pension.
 
Par arrêt préparatoire du 10 juin 2004, l'autorité d'appel s'est dès lors saisie de la question du partage de la prévoyance professionnelle des époux, nonobstant l'absence de contestation du jugement de première instance à ce sujet, et a ordonné l'apport de pièces complémentaires.
 
Les parties ont déposé de nouvelles conclusions sur ce point, de même que sur une éventuelle indemnité au sens de l'art. 124 CC. Dans ses écritures du 2 novembre 2004, le demandeur a conclu, principalement, à ce qu'aucune indemnité de prévoyance ne soit allouée à la défenderesse; subsidiairement, à sa condamnation au versement d'une indemnité symbolique selon l'art. 124 CC et au partage par moitié des avoirs LPP accumulés par l'épouse durant le mariage. La défenderesse a quant à elle repris, à titre principal, ses conclusions de première instance tendant au partage par moitié des prestations de sortie respectives des époux acquises pendant le mariage; à titre subsidiaire, elle a sollicité le versement d'une indemnité équitable en capital correspondant à la moitié de la prestation de sortie acquise par le mari durant le mariage, sous déduction de la moitié de la prestation de sortie obtenue par elle pendant la même période.
 
B.
 
Par arrêt du 18 mars 2005, la Cour de justice a annulé le jugement de première instance relativement à la liquidation du régime matrimonial et, statuant à nouveau, a condamné le demandeur à payer à ce titre à la défenderesse la somme de 6'859 fr., avec intérêts à 5% dès l'entrée en force dudit arrêt. Les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions, de sorte que le jugement de première instance est resté inchangé s'agissant du partage de la prévoyance professionnelle des époux.
 
C.
 
Le demandeur requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 18 mars 2005, en ce sens qu'aucune indemnité fondée sur les art. 122 ou 124 CC n'est allouée à la défenderesse. A titre subsidiaire, il conclut à ce qu'il soit condamné à verser à celle-ci une indemnité symbolique selon l'art. 124 CC et demande le partage par moitié de la prestation de sortie acquise par l'épouse durant le mariage.
 
Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.
 
La défenderesse propose principalement le rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Subsidiairement, elle conclut à ce que le demandeur soit condamné à lui verser une indemnité équitable en capital correspondant à la moitié de la prestation de sortie qu'il a acquise pendant le mariage, sous déduction de la moitié de la prestation de sortie obtenue par elle durant la même période.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les arrêts cités).
 
1.1 Déposé en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. a OJ - contre une décision finale prise en dernière instance par le tribunal suprême du canton, le recours est ouvert sous l'angle des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. La valeur litigieuse est atteinte, en sorte qu'il est aussi recevable de ce chef (art. 46 OJ).
 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de fait pertinents régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106). Hormis ces exceptions, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 129 III 320 consid. 6.3 p. 327) - ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
 
2.
 
Le demandeur reproche à l'autorité cantonale d'avoir appliqué l'art. 122 CC en lieu et place de l'art. 124 CC. Il soutient qu'un partage des prestations de sortie ne pouvait être ordonné puisqu'il a pris une retraite anticipée pour raisons de santé le 1er avril 2004, date à laquelle la question du partage de la prévoyance professionnelle des époux était encore pendante devant le tribunal des assurances. Compte tenu des circonstances, aucune indemnité ne serait par ailleurs due à la défenderesse.
 
2.1 Selon l'art. 122 al. 1 CC, lorsqu'un des époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du mariage selon les dispositions de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage (LFLP; RS 831.42). Une indemnité équitable est due quand un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux ou les deux, ou quand les prétentions en matière de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage ne peuvent être partagées pour d'autres motifs (art. 124 al. 1 CC).
 
Les dispositions légales applicables aux prétentions découlant de la prévoyance professionnelle opèrent ainsi une distinction selon qu'un cas de prévoyance (en matière de divorce, l'invalidité ou la retraite) est survenu ou non. Selon la jurisprudence, il faut se placer à la date (déterminante) de l'entrée en force du prononcé du divorce pour trancher ce point (ATF 130 III 297 consid. 3.3.1 p. 301). Dans la présente espèce, le cas de prévoyance est survenu après l'entrée en force du prononcé du divorce, mais à un moment où la procédure était encore pendante sur certains effets accessoires et où le partage n'avait pas encore été effectué par le juge des assurances. Il s'impose donc d'examiner si, dans ce cas, le moment déterminant pour décider si les prestations de sortie doivent être partagées conformément à l'art. 122 al. 1 CC ou s'il y a lieu de fixer une indemnité équitable au sens de l'art. 124 al. 1 CC est également l'entrée en force du prononcé du divorce.
 
Pour une partie de la doctrine, le moment déterminant est toujours celui de l'entrée en force du prononcé du divorce (cf. Baumann/Lauterburg, in I. Schwenzer [Hrsg.], FamKommentar Scheidung, 2005, n. 42 ad Vorbem. zu Art. 122-124 ZGB) lorsque le cas de prévoyance survient après le prononcé du divorce et que le règlement définitif des questions touchant à la prévoyance professionnelle n'a pas encore été effectué par le juge des assurances (Thomas Geiser, Zur Frage des massgeblichen Zeitpunkts beim Vorsorgeausgleich, in FamPra.ch 2/2004 p. 301 ss, 307, 308, 309, 311 et 312; Grütter/Summermatter, Erstinstanzliche Erfahrungen mit dem Vorsorgeausgleich bei Scheidung, insbesondere nach Art. 124 ZGB, in FamPra.ch 4/2002, p. 641 ss, 650; Ueli Kieser, Ehescheidung und Eintritt des Vorsorgefalles der beruflichen Vorsorge - Hinweise für die Praxis, in PJA 2001 p. 155 ss, 156).
 
D'autres auteurs soutiennent toutefois que lorsque le cas de prévoyance survient avant que la décision du juge des assurances ou du Tribunal fédéral des assurances ne soit exécutoire, la situation de fait se modifie totalement car, pour l'un des conjoints, la prestation de sortie est réduite à néant (en cas d'invalidité totale ou de retraite) ou de moitié (en cas d'invalidité partielle). Le juge des assurances ne saurait, selon eux, exécuter le partage, mais doit renvoyer l'affaire à la juridiction civile pour qu'elle statue d'office sur l'application de l'art. 124 CC dans une procédure soit de révision du jugement de divorce - si le cas de prévoyance est survenu avant le transfert de l'affaire à la juridiction des assurances -, soit de modification du jugement de divorce - si le cas de prévoyance est survenu pendant la procédure devant les juridictions des assurances (Schneider/Bruchez, La prévoyance professionnelle et le divorce, in Le nouveau droit du divorce, 2000, p. 193 ss, n. 4.6.5.3.2. p. 258-259; Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 11 ad art. 124 CC; Hermann Walser, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 8 ad art. 124 CC; cf. aussi la prise de position de l'OFAS, in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 66 du 17 janvier 2003, et Erika Schnyder, Le nouveau droit du divorce et la prévoyance professionnelle: aperçu des modifications légales, in Sécurité sociale, Revue de l'OFAS 1/1999 n° 6 p. 308 ss, 309 et 311, qui préconise que les jugements de divorce prévoient une clause transitoire pour les cas de décès et d'invalidité qui surviendraient après que le divorce est prononcé, mais avant que le juge des assurances sociales n'ait procédé au partage).
 
2.2 Selon la volonté du législateur, chaque époux a droit à la moitié des expectatives de prévoyance acquises durant le mariage par son conjoint (Message du Conseil fédéral, FF 1996 I 1 ss, n. 233.41 p. 101/102; cf. aussi Schneider/Bruchez, op. cit., n. 4.1. p. 212). Le juge du divorce est toutefois autorisé, même si aucun cas de prévoyance n'est survenu, à décider s'il convient de procéder au partage, selon l'art. 122 CC, ou si celui-ci doit être refusé, conformément à l'art. 123 al. 2 CC. La question du partage dépend donc exclusivement des rapports entre époux, rapports qui sont dissous au moment du prononcé du divorce. Le temps anormalement long qui s'écoule entre la décision de partage et l'exécution de celui-ci par le juge des assurances ne saurait remettre en cause le système voulu par le législateur. En statuant sur le principe du partage, le juge fixe les proportions de celui-ci. Par cette décision, il confère à chaque époux - sous réserve d'un recours sur ce point - le droit au partage de la prestation de sortie de son conjoint selon un pourcentage précis. Une fois définitive, cette décision ne peut plus être remise en cause. Même s'il est vrai qu'elle ne concerne pas tous les aspects du partage, elle n'est pas une simple décision préjudicielle. Le tribunal compétent selon la LFLP doit uniquement exécuter le partage; il ne décide rien concernant l'existence du droit au partage.
 
En résumé, le moment déterminant pour décider si un cas de prévoyance est survenu est donc l'entrée en force du prononcé du divorce. Si, à ce moment-là, un cas de prévoyance futur est prévisible, le juge peut en tenir compte dans le cadre de l'art. 123 al. 2 CC. Mais la survenance d'un cas de prévoyance postérieurement à la décision de partage entrée en force ne peut entraîner une reconsidération de celle-ci. Il importe peu que l'institution de prévoyance - le cas échéant sans savoir que la prestation de sortie est soumise au partage selon l'art. 122 CC - ait déjà versé une rente calculée sur la base de la prestation de sortie non partagée.
 
En l'occurrence, à la date de l'entrée en force du prononcé du divorce, soit au jour du dépôt du mémoire de réponse sans appel incident du demandeur, le 10 mars 2004, celui-ci n'avait pas pris de retraite anticipée. Aucun cas de prévoyance n'était survenu ni pour l'un ni pour l'autre des époux. Le Tribunal de première instance a ordonné le partage et sa décision est entrée en force à la date précitée. Le fait que le demandeur, qui avait travaillé comme facteur depuis 1961, ait été mis à la retraite anticipée pour des raisons médicales à compter du 1er avril 2004 - date à laquelle le montant des avoirs LPP à transférer n'avait pas encore été fixé par le Tribunal cantonal des assurances - ne peut donc avoir une incidence sur la décision de partage entrée en force.
 
3.
 
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être rejeté, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ), dont la requête d'assistance judiciaire peut cependant être agréée (art. 152 OJ). Cela ne le dispense pas pour autant de payer des dépens à sa partie adverse, qui l'emporte (ATF 122 I 322 consid. 2c p. 324/325). Le demandeur supportera en outre les frais de la présente procédure (art. 156 al. 1 OJ), frais qui seront provisoirement pris en charge par la Caisse du Tribunal fédéral.
 
Cela étant, rien ne s'oppose désormais à ce que l'affaire soit transmise au juge des assurances du lieu du divorce (art. 142 al. 2 CC; 73 al. 1 LPP), qui est compétent pour exécuter le partage (art. 25a al. 1 LFLP).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La requête d'assistance judiciaire du demandeur est admise et Me Yves Bonard, avocat à Genève, lui est désigné comme conseil d'office.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du demandeur, mais il est provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.
 
4.
 
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
 
5.
 
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire du demandeur une indemnité de 2'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
 
6.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 16 février 2006
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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