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Informationen zum Dokument  BGer 2A.47/2006  Materielle Begründung
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BGer 2A.47/2006 vom 06.07.2006
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
2A.47/2006 /fzc
 
Arrêt du 6 juillet 2006
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
 
Wurzburger et Yersin.
 
Greffier: M. Dubey.
 
Parties
 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA),
 
3003 Berne,
 
recourante,
 
contre
 
X.________,
 
intimé, représenté par Me Alain Vuithier, avocat,
 
Commission fédérale de recours en matière de contributions, avenue Tissot 8, 1006 Lausanne.
 
Objet
 
Taxe sur la valeur ajoutée 1998 à 2000 et 2001 à 2002 (Assujettissement, indépendance),
 
recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale de recours en matière de contributions du 20 décembre 2005.
 
Faits:
 
A.
 
Au bénéfice d'une autorisation A délivrée par la Ville de Lausanne, X.________ exerce la profession de chauffeur de taxi à titre individuel. Il est détenteur de deux taxis, immatriculés à son nom. Y.________, sa fille, conduit le deuxième taxi.
 
A la suite d'un contrôle fiscal de la comptabilité de X.________ le 8 septembre 2003, l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: l'Administration fédérale des contributions), a décidé que Y.________ était employée de son père et non indépendante comme celui-ci le prétendait, et elle a reconstitué les chiffres d'affaires de l'intéressée. Après les avoir additionnés aux recettes de X.________, elle a constaté que les conditions d'assujettissement de ce dernier pour être immatriculé en qualité de contribuable obligatoire au sens de l'Ordonnance du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RO 1994, p. 1464) et de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA, Loi sur la TVA; RS 641.20) étaient remplies depuis le 1er janvier 1998. Les décomptes complémentaires établis à cette occasion, le 26 septembre 2003, font état d'un montant de 15'379 fr., plus intérêts moratoires, dû au titre de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 et d'un montant de 7'815 fr. plus intérêts moratoires pour la période du 1er janvier 2001 au 31 mai 2002. X.________ a été radié du registre des contribuables le 31 mai 2002, après que son autorisation a été transférée à sa fille.
 
X.________ ayant formé opposition contre les décomptes complémentaires, l'Administration fédérale des contributions lui a notifié deux décisions formelles le 26 janvier 2004, aux termes desquelles elle a confirmé les créances fiscales résultant des décomptes complémentaires du 26 septembre 2003.
 
Par décisions du 11 novembre 2004, elle a rejeté la réclamation interjetée par X.________ contre la décision formelle rendue en application de l'Ordonnance du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée tout en réduisant à 7'456 fr. 40 l'impôt dû pour la période du 1er janvier 2001 au 31 mai 2002. A son avis, Y.________ n'exerçait pas son activité à titre indépendant, notamment en raison du fait qu'elle bénéficiait de l'autorisation délivrée à son père.
 
B.
 
Saisie de deux recours dirigés contre les décisions précitées, la Commission fédérale de recours en matière de contributions (ci-après: la Commission fédérale de recours) les a joints et admis, par décision du 20 décembre 2005. Elle a retenu en substance que l'activité déployée par Y.________ présentait les caractéristiques d'une activité indépendante, dès lors qu'elle agissait en son propre nom lorsqu'elle transportait les clients; elle supportait le risque économique et organisait son travail à sa guise. Les recettes de Y.________ ne devaient par conséquent pas être additionnées à celles de X.________, qui ne remplissait ainsi pas les conditions de l'assujettissement obligatoire.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Administration fédérale des contributions demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision rendue le 20 décembre 2005 par la Commission fédérale de recours et de confirmer les décisions sur réclamation qu'elle a rendues le 11 novembre 2004. Elle se plaint d'une violation des art. 17 al. 1 OTVA et 21 al. 1 LTVA.
 
La Commission fédérale de recours renonce à présenter des observations et se réfère à sa décision. X.________ conclut implicitement au rejet du recours et dépose des pièces à l'appui de ses observations.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre une décision au sens de l'art. 5 PA, prise par une Commission fédérale de recours (art. 98 lettre e OJ) et fondée sur le droit public fédéral, le présent recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions mentionnées aux art. 99 à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ ainsi que de la règle particulière de l'art. 66 al. 1 LTVA. L'Administration fédérale des contributions est en outre habilitée à déposer le présent recours (art. 66 al. 2 LTVA).
 
2.
 
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est dès lors très restreinte. Seules sont admissibles les preuves que l'instance inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défaut d'administration constitue une violation de règles essentielles de procédure. En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).
 
L'intimé produit pour la première fois devant le Tribunal fédéral différentes pièces antérieures à la décision attaquée; il n'explique cependant pas avoir été dans l'impossibilité de les déposer devant l'autorité intimée. Ces pièces nouvelles ne sauraient être prises en considération au regard de l'art. 105 al. 2 OJ.
 
3.
 
La recourante fait valoir que l'intimé était l'employeur de sa fille, lorsqu'elle conduisait le taxi de son père.
 
3.1 D'après l'art. 17 al. 1 OTVA, applicable en l'espèce à la période antérieure au 1er janvier 2001 (art. 93 et 94 LTVA) et l'art. 21 LTVA, applicable à la période ultérieure à cette date, est assujetti à l'impôt quiconque, même sans but lucratif, exerce de manière indépendante une activité commerciale ou professionnelle en vue de réaliser des recettes, à condition que les livraisons de biens, les prestations de services et les prestations à soi-même qu'il a effectuées sur le territoire suisse dépassent globalement la somme de 75'000 francs par an. Les conditions de l'assujettissement subjectif n'ont pas été modifiées par l'entrée en vigueur de l'art. 21 LTVA (arrêt 2A.304/2003 du 14 novembre 2003 consid. 3.3 in RF 59/2004 p. 232). Les personnes physiques qui exercent une activité lucrative dépendante ne sont pas assujetties.
 
3.2 S'inspirant de la pratique développée sous l'impôt sur le chiffre d'affaires, la jurisprudence a énoncé les critères permettant de retenir l'existence d'une activité indépendante: ainsi, en particulier, la responsabilité assumée pour la bonne exécution du travail confié, le fait d'agir en son propre nom, de participer au gain et de supporter les pertes ainsi que la liberté d'accepter ou de refuser une tâche et celle d'organiser son travail (arrêt 2A.520/2003 du 29 juin 2004 in Pra 2005 n° 26 p. 187, consid. 5; arrêt 2A.304/2003 du 14 novembre 2003 in RF 59/2004 p. 232, consid. 3.3; arrêt 2A.468/1999 du 27 octobre 2000 in Archives 71 p. 651). La notion d'indépendance doit être interprétée largement pour éviter de limiter l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée d'une façon qui contrarie le principe de la neutralité concurrentielle et de la généralité de l'imposition (arrêt 2A.304/2003 du 14 novembre 2003 in RF 59/2004 p. 232, consid. 3.3).
 
La doctrine mentionne encore d'autres critères, comme la mise en oeuvre d'investissements importants, l'usage de locaux commerciaux propres, le recours à du personnel propre ainsi que le régime retenu en matière d'impôt fédéral direct et d'assurances sociales (Gerhard Schafroth/Dominik Romang, in: mwst.com, Diego Clavadetscher/Pierre-Marie Glauser/Gerhard Schafroth éd., Bâle 2000, n° 29 ad Art. 21 LTVA; Camenzind/Honauer/Vallender, Handbuch zum Mehrwertsteuer-gesetz (MWSTG), 2ème éd., Haupt, Berne/Stuttgart/Vienne 2003, p. 346 s. n° 1009 et 1010; Schaller/Sudan/Scheuner/Huguenot (éd.), TVA annotée, Schulthess 2005, p. 134 s. ad art. 21 LTVA et les références citées).
 
D'après la jurisprudence, la nature de l'activité en cause au regard du droit des assurances sociales constitue un indice important, sans être déterminant à lui seul. Il en va de même des critères de l'activité indépendante développés en matière d'impôt fédéral direct (arrêt 2A.304/2003 du 14 novembre 2003 in RF 59/2004 p. 232, consid. 3.3.2; arrêt 2A.468/1999 du 27 octobre 2000 in Archives 71 p. 651; Archives 66 p. 162 consid. 2a et 2b p. 162-163 et les références citées, cf. sur ce sujet: Rapport du Conseil fédéral du 14 novembre 2001 sur un traitement uniforme et cohérent des activités lucratives dépendantes et indépendantes en droit fiscal et en droit des assurances sociales, FF 2002, p. 1076 ss). Inversement, la manière dont les parties définissent leur relation contractuelle est sans importance (arrêt 2A.304/2003 du 14 novembre 2003 in RF 59/2004 p. 232, consid. 3.3.2 ). Les conditions de droit civil peuvent fournir certains indices, sans que cela soit déterminant (arrêt 2A.502/2004 du 28 avril 2005 consid. 5.1 et les références citées).
 
La jurisprudence et la doctrine européennes retiennent une définition analogue (arrêt 2A.502/2004 du 28 avril 2005 consid. 5.1; arrêt 2A.468/1999 du 27 octobre 2000, consid. 4 et les références citées).
 
Il s'ensuit que, pour juger si une activité lucrative est dépendante ou indépendante, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances (arrêt 2A.502/2004 du 28 avril 2005 consid. 5.1; arrêt 2A.468/1999 du 27 octobre 2000, consid. 4 et les références citées).
 
4.
 
4.1 En l'espèce, appliquant les critères retenus par la jurisprudence, la Commission fédérale de recours a constaté que, du moment que sa clientèle, destinataire de la prestation de transport, ignorait les liens qui unissaient père et fille, celle-ci assumait la responsabilité de la bonne exécution de son travail. C'était également en son nom, et non pas comme employée de l'intimé, qu'elle apparaissait envers ses clients et son garagiste. Il en allait de même en ce qui concernait les cotisations du Touring club suisse, les cotisations pour l'AVS et l'assurance accident. Les factures d'achat du véhicule et de son entretien étaient établies à son nom. Elle tenait en outre une comptabilité séparée de celle de son père, y comptabilisait les amortissements et assumait entièrement les risques liés à sa rémunération, même en cas de maladie, puisqu'elle ne recevait aucun salaire de l'intimé et ne transportait pas de client pour ce dernier, auquel elle ne reversait d'ailleurs rien des sommes encaissées. Comme l'intimé était seul titulaire de la concession, sa fille ne pouvait l'utiliser comme taxi qu'en dehors des heures où ce dernier circulait. Toutefois, sous cette réserve, elle était libre de travailler ou non hors de ces plages horaires, ce qui signifiait qu'il n'y avait pas de rapport de subordination entre les intéressés. Enfin, à ces éléments s'ajoutaient, à titre d'indice, le fait que les autorités fiscales cantonales et en matière d'assurances sociales l'avaient qualifiée d'indépendante.
 
4.2 La recourante ne se plaint pas de ce que les faits constatés par la Commission fédérale de recours seraient manifestement inexacts ou incomplets ou établis au mépris de règles essentielles de procédure (cf. art. 105 al. 2 OJ). Sous cet angle, elle se borne à rétorquer que rien ne permettrait de prouver que la fille de l'intimé était responsable de la bonne exécution du travail, qu'elle devait se procurer elle-même ses clients ou qu'elle agissait en son propre nom, ce qui est insuffisant dans la mesure où la recourante n'apporte aucun indice à l'appui de ses doutes.
 
4.3 Pour le surplus, elle se plaint de ce que la Commission fédérale de recours a indûment écarté l'application du Règlement intercommunal de 1964 sur le service des taxis, en vigueur dans les communes de l'arrondissement de Lausanne (RIS; dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1993), dont les dispositions conduiraient en l'espèce à des conclusions contraires. A son avis, l'intimé étant seul au bénéfice d'une autorisation A, inscrit à ce titre sur la liste officielle (art. 12 lettre a RIS) et seul membre de la coopérative qui exploite la centrale téléphonique "Taxi Services", sa fille ne pourrait être considérée que comme employée de l'intimé; c'était ainsi qu'elle apparaissait aux yeux de la coopérative, qui répartissait au surplus les appels des clients, les intéressés ne disposant pas d'un numéro de téléphone professionnel personnel. De l'avis de la recourante, les clients que conduisait la fille de l'intimé ne pouvaient par conséquent ignorer l'identité de l'intimé et savaient qu'ils contractaient avec lui. Enfin celle-ci n'apparaissait pas sous son nom auprès des compagnies d'assurance du véhicule qu'elle conduisait, qui n'était pas non plus immatriculé à son nom.
 
Il est vrai que l'art. 12 RIS interdit à quiconque d'exploiter un service de taxis sur le territoire de l'arrondissement sans en avoir obtenu l'autorisation. Il est vrai également que la fille de l'intimé ne bénéficiait d'aucune autorisation. Toutefois, il résulte de la jurisprudence rappelée ci-dessus que la question de savoir si une personne exerce une activité commerciale ou professionnelle de manière indépendante aux termes de l'art. 21 LTVA (respectivement de l'art. 17 al. 1 OTVA) ne dépend pas uniquement du respect des prescriptions de droit public qui régissent l'activité en cause, mais bien plutôt de l'ensemble des circonstances à la lumière des critères retenus par la jurisprudence. Quoi qu'en dise la recourante, on ne saurait par conséquent accorder un poids prépondérant au régime légal et écarter les circonstances concrètes dans lesquelles la fille de l'intimé exerçait son activité professionnelle pour lui imputer un statut certes conforme à la loi, mais purement théorique. Il s'ensuit que l'absence d'autorisation de l'intéressée apparaît secondaire par rapport aux circonstances que la Commission fédérale de recours a retenues en faveur du caractère indépendant de son activité. Le fait que le véhicule que conduisait l'intéressée était immatriculé et était assuré au nom de l'intimé apparaît comme une conséquence de l'absence d'autorisation, destiné à sauvegarder une apparence de légalité aux yeux des autorités instituées par le Règlement intercommunal des taxis et par conséquent ne change rien à cette constatation.
 
4.4 Par conséquent, en jugeant que la fille de l'intimé exerçait son activité professionnelle de chauffeur de taxi à titre indépendant, la Commission fédérale de recours n'a pas violé l'art. 21 al. 1 LTVA (ni l'art. 17 al. 1 OTVA). Dans ces conditions, comme les chiffres d'affaires de l'intimé et de sa fille doivent faire l'objet d'une imposition séparée et ne peuvent être additionnés, le chiffre d'affaires de l'intimé n'atteint pas la limite entraînant son assujettissement.
 
5.
 
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Les frais de justice, d'un montant de 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante, dont les intérêts pécuniaires sont en cause (art. 156 al. 2 OJ). L'intimé a droit à une indemnité de dépens (art. 159 al. 3 OJ), qu'il convient de mettre à la charge de la recourante.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La décision du 20 décembre 2005 est confirmée.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
 
4.
 
L'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), versera une indemnité de dépens de 2'000 fr. à l'intimé.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission fédérale de recours en matière de contributions.
 
Lausanne, le 6 juillet 2006
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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