VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 2P.79/2006  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 2P.79/2006 vom 13.09.2006
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
2P.79/2006 /viz
 
Arrêt du 13 septembre 2006
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
 
Wurzburger et Yersin.
 
Greffière: Mme Mabillard.
 
Parties
 
X.________ SA,
 
recourante, représentée par Me Rémy Wyler, avocat,
 
contre
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, Section immobilière et successorale,
 
route de Berne 46, 1014 Lausanne,
 
Justice de paix du district de Lausanne,
 
rue des Côtes-de-Montbenon 8, 1014 Lausanne,
 
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justice de l'Hermitage,
 
route du Signal 8, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
Impôt sur les successions (sûretés),
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
 
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud
 
du 7 février 2006.
 
Faits:
 
A.
 
Le 21 juin 2005, le Juge de paix du district de Lausanne (ci-après: le Juge de paix) a, sur réquisition de l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration des impôts), ordonné le blocage, auprès de X.________ SA à Lausanne, de tous les avoirs entrant dans la succession de feue B.________, décédée le 20 janvier 2005. Il s'est fondé sur l'art. 519 du code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966 (ci-après: le CPC/VD) et sur l'art. 60 de la loi vaudoise du 27 février 1963 concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l'impôt sur les successions et donations (ci-après: LMSD).
 
B.
 
Le 15 novembre 2005, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Chambre des recours) a "écarté" le recours interjeté par X.________ SA contre la décision du Juge de paix du 21 juin 2005. Elle a considéré que X.________ SA ne disposait pas d'un "intérêt juridique digne de protection" à voir la décision modifiée.
 
C.
 
X.________ SA a porté sa cause devant le Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt de la Chambre des recours du 15 novembre 2005 et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Elle requiert, à titre de mesure d'instruction, la production par la Chambre des recours du dossier complet d'une affaire similaire. La recourante reproche notamment à la Chambre des recours de lui avoir dénié la qualité pour recourir en se fondant sur une interprétation arbitraire de la notion d'intérêt au recours (art. 9 Cst.) et de s'être ainsi rendue coupable d'un déni de justice formel au sens de l'art. 29 al. 1 Cst.
 
Invités à se prononcer sur le recours, la Chambre des recours s'est référée aux considérants de l'arrêt attaqué, le Juge de paix a formellement renoncé à déposer une réponse et l'Administration des impôts a conclu à son rejet.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59 et les références).
 
Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public est de nature purement cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (cf. ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). Dans la mesure où la recourante demande autre chose que l'annulation de l'arrêt attaqué, soit le renvoi de la cause devant l'autorité intimée pour nouveau jugement dans le sens des considérants, ses conclusions sont d'emblée irrecevables.
 
2.
 
La recourante requiert la production par la Chambre des recours du dossier complet d'une autre affaire. Cette requête doit être écartée, le Tribunal fédéral étant suffisamment renseigné pour statuer.
 
3.
 
3.1 Aux termes de l'art. 88 OJ, la qualité pour former un recours de droit public est reconnue aux particuliers ou aux collectivités lésés par les arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou qui sont de portée générale. Il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 120 Ia 227 consid. 1 p. 229; 115 Ib 505 consid. 2 in fine p. 508), de telle sorte que le Tribunal fédéral puisse déterminer en quoi la décision attaquée porte une atteinte actuelle et personnelle à ses intérêts juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43 consid. 1a p. 44). Si le recourant se plaint de la violation d'une garantie de procédure qui équivaut à un déni de justice formel, l'intérêt juridiquement protégé exigé par l'art. 88 OJ peut alors résulter non pas du droit appliqué au fond, mais du droit de participer à la procédure. Un tel droit existe lorsque le recourant avait, comme en l'espèce, la qualité de partie en procédure cantonale: celui-ci peut ainsi se plaindre de la violation des droits formels que lui reconnaît le droit cantonal de procédure ou qui découlent directement de la constitution (ATF 129 I 232 consid. 3.3 p. 238; 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 123 I 25 consid. 1 p. 26/27 et la jurisprudence citée). Ce droit d'invoquer des garanties de procédure ne permet pas de mettre en cause, même de façon indirecte, la décision sur le fond; le recours ne peut donc pas porter sur des points indissociables de cette décision tels que, notamment, le refus d'administrer une preuve sur la base d'une appréciation anticipée de celle-ci, ou le devoir de l'autorité de motiver son prononcé de façon suffisamment détaillée (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222; 122 I 267 consid. 1b p. 270; 120 Ia 227 consid. 1 p. 229/230).
 
3.2 La recourante ne fait valoir, à l'appui de son grief de déni de justice formel, aucune garantie de la procédure cantonale vaudoise, concernant en particulier ses droits de partie, que l'autorité intimée aurait méconnue. Elle invoque en effet l'art. 489 CPC/VD, en vertu duquel, sauf disposition contraire de la loi, il y a recours au Tribunal cantonal contre toute décision d'une autorité judiciaire en matière non contentieuse. Cette disposition, très générale, ne fonde cependant aucun droit formel à recourir qui serait ouvert à toute personne qui s'estime concernée par une décision. Au demeurant, l'interprétation de la Chambre des recours, selon laquelle la qualité pour recourir au niveau cantonal en matière non contentieuse présuppose un intérêt digne de protection, n'est pas arbitraire; au surplus, la recourante n'a pas non plus établi avoir eu un intérêt de fait, sur le plan cantonal, à la modification de la décision attaquée.
 
En réalité, par son argumentation selon laquelle la motivation de la décision attaquée serait arbitraire, la recourante tente manifestement de faire vérifier plutôt le bien-fondé matériel de ladite décision que le respect de ses droits procéduraux, ce qui est précisément exclu.
 
Dès lors, dans la mesure où la recourante ne peut invoquer aucun droit de procédure, elle est dépourvue de la qualité pour agir sous l'angle du déni de justice formel.
 
4.
 
4.1 A supposer que la Chambre des recours soit entrée en matière sur le recours, X.________ SA aurait encore dû faire valoir un intérêt personnel et juridiquement protégé à l'examen au fond de son recours par le Tribunal fédéral.
 
Le recours de droit public est en effet ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés (art. 88 OJ; cf. consid. 3.1 ci-dessus; ATF 131 I 455 consid. 1.2 p. 458). Sont des intérêts personnels et juridiquement protégés ceux qui découlent d'une règle de droit fédéral ou cantonal ou directement d'une garantie constitutionnelle spécifique pour autant que les intérêts en cause relèvent du domaine que couvre ce droit fondamental (ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117).
 
4.2 En l'espèce, la décision de blocage du Juge de paix vise à préserver les avoirs de la succession en vue du paiement de l'impôt sur les successions. L'art. 60 LSMD, prévoit en effet que, si les droits de l'Etat sont en péril, l'autorité fiscale peut exiger des sûretés personnelles ou réelles même avant la fixation définitive du montant de l'impôt sur les successions. Le juge de paix prend les mesures prescrites par les lois fiscales conformément à l'art. 519 al. 3 CPD/VD.
 
Le rôle de la banque étant de gérer les avoirs déposés auprès d'elle pour le compte du client, cette mesure de sûreté ne l'empêche pas de remplir son mandat. La recourante fait cependant valoir qu'en sa qualité de dépositaire de biens, elle a une obligation contractuelle de restitution à l'égard de son client, respectivement de ses héritiers. Elle risquerait donc d'engager sa responsabilité contractuelle envers les héritiers de son client si elle n'exécute pas son obligation.
 
Il est vrai que la mesure prise par le Juge de paix a pour but de préserver les avoirs de la succession et de sauvegarder non seulement les droits de tous les héritiers, mais aussi ceux du fisc. Elle empêche provisoirement les héritiers, ainsi que tout ayant-droit, de disposer des avoirs de la succession. Comme toute mesure de sûreté, elle restreint le libre exercice des droits et obligations de particuliers. En l'espèce, les héritiers pourront disposer des biens de la succession une fois qu'ils seront connus et en possession du certificat d'héritier, le cas échéant après avoir demandé la levée du blocage au Juge de paix. La décision de blocage n'empêche donc pas, en l'état, la recourante de remplir ses obligations vis-à-vis des successeurs légitimes de sa cliente. La recourante ne prétend pas non plus que la décision de blocage la mettrait dans une situation délicate vis-à-vis de tiers au bénéfice, par exemple, d'une procuration post mortem. X.________ SA n'est dès lors pas directement atteinte dans ses intérêts juridiquement protégés par ladite décision.
 
4.3 C'est à juste titre que la Chambre des recours a constaté que la présente espèce différait de l'arrêt du 24 juin 2004 (5P.166/2004 publié in SJ 2005 I 57). Dans l'arrêt précité, la décision contestée obligeait une banque à autoriser l'accès au compartiment du coffre-fort au seul liquidateur officiel de la succession de son colocataire décédé, sous peine des sanctions de l'art. 292 CP, à l'exclusion de la colocataire de ce même compartiment, de sorte que la banque ne pouvait pas exécuter ses obligations contractuelles vis-à-vis de ladite colocataire. En l'espèce, non seulement la recourante ne peut pas faire valoir d'intérêt personnel juridiquement protégé, mais dans le cas où elle serait amenée à refuser de donner suite à une demande d'un héritier, elle devrait et pourrait lui opposer la décision de blocage du Juge de paix, ce qui la déchargerait de toute responsabilité.
 
4.4 La recourante allègue encore que l'exécution d'un ordre de blocage engendre des frais administratifs pour la banque et qu'elle serait dès lors touchée par la décision du Juge de paix. Or, elle n'a ni établi, ni prouvé l'existence d'un tel préjudice qui, au demeurant, serait de pur fait. Dès lors, elle n'est pas atteinte dans ses intérêts juridiquement protégés sous cet angle également.
 
5.
 
Vu ce qui précède, le recours est irrecevable. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est irrecevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 3'500 fr. est mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la Justice de paix du district de Lausanne, à l'Administration cantonale des impôts et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 13 septembre 2006
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).