BGer 6P.4/2006 | |||
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BGer 6P.4/2006 vom 31.10.2006 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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6P.4/2006
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6S.19/2006 /rod
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Arrêt du 31 octobre 2006
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Cour de cassation pénale
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Composition
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MM. et Mme les Juges Wiprächtiger, Juge présidant,
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Zünd et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
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Greffière: Mme Paquier-Boinay.
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Parties
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X.________,
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recourante, représentée par Me Olivier Constantin, avocat,
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contre
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Y.________,
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intimé, représenté par Me Jean-Claude Mathey, avocat,
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Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne,
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Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 1014 Lausanne.
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Objet
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6P.4/2006
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Art. 9 Cst. (procédure pénale); arbitraire
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6S.19/2006
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Abus de la détresse (art. 193 al. 1 CP),
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recours de droit public (6P.4/2006) et pourvoi en nullité (6S.19/2006) contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du
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26 septembre 2005.
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Faits:
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A.
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Au début de l'année 2003, pendant environ deux semaines, X.________ a eu pour ami intime Y.________. La jeune femme a quitté l'accusé après être tombée amoureuse du dénommé Z.________. Fâchée parce que ce dernier avait été placé en détention préventive, X.________ a consenti à entretenir à deux reprises au moins, une relation sexuelle avec Y.________. Lorsque Z.________ est sorti de prison, X.________ a poursuivi sa relation avec lui. Le 28 ou 29 août 2003, le jeune homme a toutefois annoncé à X.________ qu'il mettait fin à leur relation. Cette rupture a été ressentie très douloureusement par la jeune femme.
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Dans la journée du 30 août 2003, Y.________ et X.________ se sont contactés par SMS. Il a été convenu que X.________ se rendrait au domicile de Y.________ à partir de 23 heures 30 et qu'elle pourrait y passer la nuit. Les deux jeunes gens ont d'abord regardé la télévision avant de décider d'aller dormir. X.________ était vêtue d'un pyjama et Y.________ d'un T shirt et d'un slip. Une fois couché, Y.________ a commencé à passer sa main sous le pyjama de X.________ et à lui caresser les fesses. Cette dernière lui a dit clairement qu'elle ne voulait pas et qu'il devait arrêter. Malgré le désaccord de la jeune femme, Y.________ a néanmoins continué, a insisté et a ensuite cherché à pénétrer sa victime, mais n'y est pas parvenu réellement. C'est grâce à l'aide de X.________ qu'un rapport sexuel a finalement eu lieu. Après les faits, X.________ n'a pas cherché à partir. Le lendemain matin et contrairement à ce qu'il avait promis, Y.________ a refusé de raccompagner la jeune femme chez elle. De retour à son domicile dans l'après-midi, celle-ci s'est auto-mutilée. Le lendemain, elle s'est confiée à l'un de ses éducateurs en évoquant un rapport sexuel forcé.
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B.
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Par jugement du 20 avril 2005, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment libéré Y.________ des accusations de viol et d'infraction simple à la loi fédérale sur les stupéfiants, l'a condamné pour abus de la détresse et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et a alloué à X.________ ses conclusions civiles.
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C.
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Par arrêt du 26 septembre 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours formé par Y.________ contre ce jugement, qu'elle a réformé. Elle a libéré Y.________ de l'accusation d'abus de la détresse, l'a condamné à une amende de 500 fr. pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et a donné acte à X.________ de ses réserves civiles. Tout en admettant l'existence d'un état de détresse, la cour cantonale a, contairement aux premiers juges, nié que Y.________ ait exploité un tel état et que son intention soit établie, même sous la forme du dol éventuel.
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D.
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X.________, représentée par sa tutrice, forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Dans ses deux recours, elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué.
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E.
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L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt et n'a pas formulé d'observations.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 249 consid. 2, 65 consid. 1; 129 IV 216 consid. 1 et les arrêts cités).
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I. Recours de droit public
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2.
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2.1 La qualité pour former un recours de droit public s'apprécie en principe exclusivement sur la base de l'art. 88 OJ. De jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ contre une décision de classement, de non-lieu ou d'acquittement, car l'action pénale appartient exclusivement à l'Etat (ATF 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les références citées; 69 I 17). Cependant, cette qualité lui est offerte, sous certaines conditions, par la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5), qui renforce les droits de procédure des victimes au sens de l'art. 2 LAVI. La qualité d'une victime au sens de cette disposition pour former un recours de droit public se fonde alors directement sur l'art. 8 al. 1 let. c LAVI. Selon cet article, il est en particulier nécessaire que la victime ait été partie à la procédure auparavant et que la décision attaquée touche ses prétentions civiles ou puisse avoir des effets sur ces dernières. En l'espèce, il ressort suffisamment clairement de la procédure que les conditions posées par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI sont réalisées. En effet, il n'est pas contestable que la recourante a qualité de victime, qu'elle était partie à la procédure cantonale, où elle a retenu des conclusions civiles, qui ont même été allouées en première instance, et que le jugement attaqué a des effets sur ces dernières. Elle a dès lors la qualité pour recourir.
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2.2 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF). Un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).
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2.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. La recourante ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 26 consid. 2.1; 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).
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3.
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La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves.
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Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58).
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En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
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La recourante soutient qu'une appréciation correcte des preuves amenait immanquablement à la conclusion que l'intimé ne pouvait, contrairement à ce qu'il prétend, ignorer qu'elle n'était pas consentante lors du rapport sexuel litigieux. Elle relève toutefois également que l'art. 193 CP suppose le consentement de la victime, de sorte qu'il importe peu de savoir si la victime a participé à l'acte.
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La recourante reproche par ailleurs aux juges cantonaux d'avoir fait leurs les conclusions de l'expertise de crédibilité en retenant notamment la possibilité que le comportement de la victime ait été ambigu. Elle allègue que cela ne permettait pas d'avoir la certitude que ce comportement était effectivement ambigu et note par ailleurs que les experts ont admis qu'elle était crédible et ne présentait aucune inclinaison au mensonge.
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On peut d'emblée se demander si cette argumentation satisfait aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Elle est en effet largement de nature appellatoire, tendant simplement à opposer la version des faits de la recourante à celle retenue par l'autorité cantonale plutôt qu'à indiquer en quoi celle-ci serait insoutenable au point de fonder le grief d'arbitraire. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher cette question car ce grief est de toute manière mal fondé.
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La cour cantonale a admis, au bénéfice du doute, que l'intimé n'avait pas pu discerner une évidente entrave au libre arbitre de sa partenaire et, partant, qu'il n'avait pas exploité sa détresse en adoptant un comportement sensiblement différent de celui qui avait été le sien depuis le début de cette relation chaotique.
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L'intimé savait pertinemment que la recourante venait de vivre une rupture qui l'avait beaucoup affectée. Il n'ignorait pas non plus qu'elle était dépressive et perturbée. Les experts chargés d'examiner la crédibilité de la victime sont parvenus à la conclusion que le comportement de celle-ci avait pu être ambigu, notamment en raison de sa vulnérabilité psychique et du besoin de rapprochement affectif lié à la rupture qu'elle venait de vivre. Dans ces circonstances, l'autorité cantonale pouvait sans arbitraire admettre qu'il n'était pas possible d'exclure l'éventualité que l'intimé n'ait pas pris conscience du fait que c'est uniquement en raison de l'état de détresse dans lequel elle se trouvait, et qu'il connaissait au demeurant, que sa partenaire ne s'était pas opposée à la relation sexuelle qu'il sollicitait. Une telle hypothèse est d'autant plus difficile à éliminer totalement que le recourant avait déjà à plusieurs reprises obtenu des faveurs sexuelles de la part de sa partenaire après avoir un peu insisté et sans que celle-ci lui donne à entendre par la suite que son consentement avait été faussé. Dès lors qu'elle constatait, sans arbitraire, l'existence d'un doute, l'autorité cantonale devait en faire bénéficier l'accusé.
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Pour le surplus, en tant qu'elles ont trait aux conditions d'application de l'art. 193 CP, les critiques de la recourante ne sont pas recevables dans le cadre du présent recours de droit public, qui n'est pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral pouvant faire l'objet d'un pourvoi en nullité.
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Compte tenu de ce qui précède, le recours de droit public ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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II. Pourvoi en nullité
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4.
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4.1 En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, la victime d'une infraction au sens de l'art. 2 LAVI, si elle était déjà partie à la procédure cantonale, peut se pourvoir en nullité dans la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des incidences sur le jugement de celles-ci, ce qui est le cas en l'espèce.
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4.2 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter sous peine d'irrecevabilité (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 s.).
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5.
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La recourante invoque une violation de l'art. 193 CP.
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Aux termes de l'art. 193 al. 1 CP, celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte sexuel sera puni de l'emprisonnement. Cette disposition, qui correspond à l'art. 197 aCP (ATF 124 IV 13 consid. 2c/cc p. 16), protège la libre détermination en matière sexuelle. L'infraction implique que la victime se trouve dans une situation de détresse ou de dépendance. Il résulte de cette disposition que la victime doit être dans une situation de détresse ou de dépendance par rapport à l'auteur. S'agissant de la détresse, il n'existe pas, au contraire de la dépendance, de relation spécifique entre l'auteur et la victime, comme un rapport de force ou un lien de confiance. La détresse est un état de la victime que l'auteur constate et dont il se sert. L'infraction peut par exemple être réalisée dans le cas d'une prostituée toxicomane qui a d'urgence besoin d'argent pour se procurer de l'héroïne, de sorte que le client la force à accomplir des actes qu'elle n'accepterait d'ordinaire pas, comme un rapport non protégé (cf. Philipp Maier, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, art. 193 CP n. 7). En revanche, le client ne saurait être condamné sur la base de l'art. 193 CP du seul fait que la personne, compte tenu de sa situation financière, a choisi de s'adonner à la prostitution (cf. Jörg Rehberg/Niklaus Schmid, Andreas Donatsch, Strafrecht III, 8ème éd., p. 439; Günter Stratenwerth/Guido Jenny, Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, 6ème éd., § 7 n. 52).
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L'art. 193 CP est réservé aux cas où on discerne un consentement. Il faut que ce consentement apparaisse motivé par la situation de détresse ou de dépendance dans laquelle se trouve la victime. On doit pouvoir discerner une certaine entrave au libre arbitre. L'art. 193 CP envisage donc une situation qui se situe entre l'absence de consentement (art. 189 et 190 CP) et le libre consentement qui exclut toute infraction. On vise un consentement altéré par une situation de détresse ou de dépendance dont l'auteur profite. Les limites ne sont pas toujours faciles à tracer. L'infraction doit permettre de réprimer celui qui profite de façon éhontée d'une situation de détresse ou de dépendance, dans un cas où la victime n'aurait manifestement pas consenti sans cette situation patriculière (cf. Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, art. 193 CP n. 11).
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Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que la recourante se trouvait dans un état de détresse.
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L'abus de la détresse est un délit intentionnel, le dol éventuel étant suffisant pour que l'intention soit réalisée. Du point de vue subjectif, l'auteur doit notamment à tout le moins accepter l'éventualité que la victime ne cède qu'en raison de l'état de détresse dans lequel elle se trouvait et en profiter. Or, il ressort du considérant 3 ci-dessus que l'autorité cantonale a, sans arbitraire, considéré au bénéfice du doute que l'intimé n'avait pas pris conscience du fait que c'était en raison de l'état de détresse dans lequel elle se trouvait que la recourante avait accepté la relation sexuelle qu'il sollicitait.
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Déterminer ce que l'auteur a su, voulu, accepté ou ce dont il s'est accommodé relève de l'établissement des faits (ATF 126 IV 209 consid. 2d p. 215; 125 IV 49 consid. 2d p. 56; 123 IV 155 consid. 1a p. 156 et les arrêts cités) et les constatations de l'autorité cantonale à ce propos lient la Cour de cassation saisie d'un pourvoi en nullité (art. 277bis al. 1 PPF).
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6. Dans ces circonstances, c'est sans violer le droit fédéral que l'autorité cantonale a acquitté l'intimé de la présomption d'abus de la détresse, l'élément subjectif de l'infraction n'étant pas réalisé.
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Le pourvoi ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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La recourante, qui succombe, supportera les frais de la cause, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière et personnelle.
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Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé qui n'a pas eu à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Le pourvoi en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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3.
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Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge de la recourante.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et au Ministère public du canton de Vaud.
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Lausanne, le 31 octobre 2006
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Au nom de la Cour de cassation pénale
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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